Chapitre 5-2 : Galilée

( Région Centre 15 juillet 19h 02)

 Galilée s'est échappée de sa cellule et rejoint la salle d'armes. Elle y est surprise par le Prétorien Copernic. Ils font l'amour mais ce dernier la trahit en lui injectant un produit mystérieux. Elle se réveille trois jours plus tard mais a perdu la mémoire. Conduite devant César, elle apprend pourquoi on l'a sortie du coma.  Le Black-Out a engendré d'importants bouleversements et les Opposants à la politique de l'Empire en ont profité. Le Princeps a besoin de tous ses éléments, même des plus défectueux...

— Waouh, admiré-je, en découvrant au gré d'un virage, ma nouvelle Base. J'ai droit au top du top.

Le toit du grand bâtiment gris n'est qu'une verrière en forme de dôme sur lequel se reflètent les rayons aveuglants du soleil. Tout le coin s'en trouve comme assujetti.

— Alors, continué-je, il se passe quoi ici ? Les gens oseraient se rebeller contre BMI ?

Aucun de mes gardiens ne daigne me répondre. Notre voiture fonce vers sa destination.

Vexée, je me rencogne dans mon siège. Ces salauds, ils m'ont placée au milieu, entre deux brutes épaisses, sans doute pour protéger le reste du monde de ma forte personnalité !

Et pourtant ! Si je le voulais ! D'un geste imperceptible pour le commun des mortels, je pourrais m'emparer d'une arme et les flinguer sur place ! Je pourrais leur briser la nuque ou faire exploser leurs viscères ! Personne ne connaît l'étendue de mes capacités ! Pas même moi !

Je préfère étudier le paysage. La nature semble libérée. Immuable et éternelle, elle resplendit sous les rayons du soleil. Comme si les hommes avaient disparu.

J'aimerai bien apercevoir des gens. Des vrais. Des normaux. Des humains, qui ne soient ni des soldats, ni des scientifiques, ou qui n'ont pas vu leurs gènes trafiquer.

Moi qui ai grandi sous terre, dans un dédale de fer et de béton, j'en prends plein les yeux. Du bleu, du vert, du jaune, du rouge. La vie, c'est la couleur.

Je la connaissais seulement grâce à mes écrans. Et j'en suis privée depuis le Black-Out.

Il me faut m'en imprégner, l'absorber, la respirer, l'assimiler. Pour mieux me rappeler.

Je louche sur mes compagnons de voyage. Quatre parfaits abrutis. Quatre caricatures. Le conducteur. Son copilote. Les deux armoires à glace qui m'encadrent. Tous de noir vêtus. Des pieds à la tête. Un uniforme impeccable, sans un pli. Seule, une fibule fermant leur col me nargue : orange pour mes deux compagnons, vert et indigo pour les deux autres. Leur visage reste fermé, imperturbable. Aucune émotion ne transparaît. Seuls leurs yeux révèlent leur vigilance. Constamment sur le qui-vive, on dirait des caméras de surveillance. Ils se posent sur moi, sur la route, sur le rétroviseur, sur les bas-côtés, sur le lointain.

La voiture quitte la départementale, emprunte un chemin sinueux. Je scrute les alentours.

Nous nous arrêtons devant l'étrange bâtiment. Envahi de lierre et de ronces. De curieux silos. Des poutrelles métalliques. Je soupçonne le sous-sol de ressembler à du gruyère.

Une voix atone, dans laquelle je devine cependant une infinité de menaces, annonce :

— Tu descends. Lentement. Un pas devant l'autre. Toujours entre nous deux.

Geôlier de gauche.

— Et pas d'entourloupes ! renchérit une voix identique. Sinon, c'est le pays des rêves !

Geôlier de droite.

Je n'ai pas du tout l'intention de désobéir. Mais suis soulagée de découvrir qu'ils savent parler.

Je descends, trop curieuse de vivre mon avenir. Encadrée par mes gardes du corps. Précédée par le conducteur. Suivie par le copilote.

Si j'avais plus de poitrine et un peu moins de QI, je pourrais jouer à la starlette s'attaquant aux mythiques marches du Festival de Cannes.

Je m'ébroue. Le soleil joue avec ma peau ; il l'effleure, la caresse, la câline. Je lève les yeux. Ses rayons heurtent mon pâle visage. Ils me donnent leurs forces, leur vigueur, leur éternité. C'est tellement bon. Le soleil me donne la vie.

Il me rend mon humanité.

Ce qui ne devrait pas pouvoir arriver. Un petit quelque chose s'agite au fond de moi, qui ne demande qu'à être libéré. Mais ce n'est pas l'heure.

Je ne veux pas qu'on me désactive.

Je ne veux pas qu'il y ait de Galilée 4.0. ou quoi que ce soit d'autre.

Je ne veux pas qu'on m'efface à nouveau la mémoire.

Car il est hors de question qu'on s'en prenne à moi à nouveau. Je ne le supporterai plus. Savoir que l'on a un passé, qu'on s'est forgé un caractère, une identité, une personnalité, et voir ça réduit à néant.

Non !

Le conducteur qui me précède fait un pas sur le côté. Sur les marches qui montent au corps principal du bâtiment, deux femmes m'attendent. Des jumelles mais à des stades différents de leur vie. Trop raides dans le strict uniforme gris-bleu que se doivent d'arborer les dignitaires de la boîte...

Une jeune. Une plus âgée. Dont la voix glaciale vient couper ma progression.

— Bienvenue, G 3.0 ! Nous sommes ravies de t'accueillir ici !

Tout dans son intonation contredit cette affirmation.

Je me sens toute molle. Comme si j'avançais dans de la ouate.

— Nous avons tant entendu parler de toi !

Je tressaille à sa voix d'outre-tombe. Je me crois en liaison directe avec les Enfers. Ceux de la mythologie grecque. Le froid royaume des ombres d'Hadès. Est-ce une Harpie ?

Ne pas se laisser faire. Continuer à mettre un pied devant l'autre. Par quel étonnant pouvoir réussit-elle à saper ainsi mon énergie ?

— Je suis tellement heureuse d'enfin faire ta connaissance !

Je redresse brusquement la tête. Mes yeux croisent les siens. Fugitivement. Je fixe mon attention sur sa bouche. Ses lèvres si fines qu'elles en deviennent transparentes s'étirent en un drôle de rictus, se voulant sans doute un sourire. Sardonique.

Senior s'amuse. À mon détriment.

Elle fait un pas en avant, descend d'une marche, puis reprend sa posture de marbre antique.

Je m'entête à lever les yeux sur elle. Elle a dû être vraiment belle. Dans le temps. Sans doute la cinquantaine. Bien conservée tout de même. Ses cheveux d'un noir corbeau coiffés à la garçonne encadrent un mince visage au maquillage discret mais soigné.

Persuadée de l'avoir déjà côtoyée, j'active ma base de donnée.

Mes molosses, comme aimantés par l'incroyable charisme de la Directrice de ce Complexe, me laissent avancer, solitaire, en point de mire, et forment derrière moi un étrange cortège, telles des demoiselles d'honneur du troisième type me menant à mon mariage... ou à mon enterrement.

— Tu es ici pour achever ta formation. Tu n'as guère plus de huit jours pour faire tes preuves. Le contexte a changé et nous avons dû revoir nos priorités.

Je jette des coups d'œil curieux aux alentours, histoire de vérifier si des nuages n'ont pas brusquement apparu. Cette voix vous congèlerait un mammouth !

— À toi de te révéler utile, de justifier les sommes dépensées à ta conception et à tes améliorations. Les Opposants tentent de profiter de notre faiblesse passagère.

Je ne dis rien. Je me concentre sur les influx nerveux de mon cerveau à mes jambes. J'atteins le bas des marches.

— Tu peux être notre meilleur élément... ou le pire. À toi de décider.

J'ai la sensation d'avoir franchi la Porte des Étoiles (1). Qui nous a ramenés à l'Âge de Glace.

Je frissonne. J'ordonne à mon pied droit de se lever, de se poser sur la première marche.

J'ai identifié mon adversaire. Les sourcils parfaitement épilés. Les ongles d'un bleu sombre assorti à son ombre à paupières. Altière, raffinée, aristocratique, brillante, novatrice... Mais plus froide que la pierre, l'acier et la vengeance réunis. Me voilà enfin confrontée à la célèbre bio-technologiste Nathalie Anderton. Est-elle ma Conceptrice ?

Cette dernière exécute un quart de tour et me désigne la jeune femme à ses côtés.

— Je te présente ma fille, Sarah, qui va te guider dans ton apprentissage.

Junior me toise. Facile quand on a dix marches d'avance ! J'ordonne à mon pied gauche d'exécuter la même manœuvre que le droit et examine mon nouveau mentor.

Sarah doit avoir dans les vingt-trois ans. Sur son joli visage ovale se dessine un sourire qui se veut avenant ; ses cheveux s'écoulent librement sur ses épaules. Mais je reconnais ses yeux froids et hautains. Voilà une demoiselle trop sûre d'elle et fort consciente de sa supériorité. Je déteste. Notre association risque de faire des étincelles !

Soudain, je distingue dans son regard un pétillement qui ne devrait pas s'y trouver. Est-ce de l'ironie ? Du détachement ? Ou un don de son père?

Qui a su être assez audacieux pour se lancer à l'assaut de la forteresse majestueuse qu'est sa mère ? Quel homme a pu se montrer assez présomptueux pour croire en ses chances de séduire une des figures les plus charismatiques de la Firme ? Bref, quel est l'imprudent qui a réussi à engrosser la Reine des Glaçons ?

Mon encyclopédie mentale ne tarde pas à satisfaire ma curiosité maladive. Il s'agit de l'un des Fondateurs de BMI. Du plus impudent des compagnons de Dark Rufus ! De son meilleur ennemi !

Cet inconscient de Philippe Hébrard a osé larguer la biologiste quelques années après leur mariage. Depuis, sous ses airs hautains et indifférents, Nathalie lui voue une haine acharnée et fomente des projets de vengeance. Espérons- pour lui qu'elle soit moins douée en ce domaine qu'en sciences !

Et tandis que les détails les plus croustillants de la vie de ma nouvelle boss défile dans mon cerveau, imitant mes quatre accompagnateurs, je garde une attitude impassible.

Sarah tient d'une façon quasi-religieuse un étrange paquet. Est-ce vraiment ce à quoi je pense ? Je ne peux pas encore en être digne ! Pourtant, je dois me l'avouer, une partie de moi, celle qui n'a pas encore réussi à échapper à BMI, trouve que porter ces vêtements intelligents qui collent au corps me rendrait rudement sexy ! Telle une justicière masquée, Catwoman ou Sara Lance (2)...

— Si tu passes les épreuves avec succès, cet uniforme sera le tien.

Je déteste l'excès de confiance que je note dans sa voix. Ainsi que la nuance de compassion et le soupçon d'inquiétude que mon ouïe ultra-sensible a décelés. Se méfierait-elle ? Ou craint-elle de ne pas être à la hauteur de sa nouvelle fonction ?

Elle déplie la veste de l'uniforme. J'avise une tache colorée. Une fibule. Rouge. Puis elle prend à nouveau la parole sur un ton monocorde, récitant une leçon bien apprise. Une leçon à laquelle je suis sûre qu'elle n'adhère plus vraiment.

— Une légion est composée de dix cohortes, elles-mêmes regroupant six centuries, qui comportent chacune de quatre-vingts à cent individus.

Elle s'interrompt. Sur la fin, la voix est devenue plus rauque, semblant marquer un recul infime par rapport à ses propos. La conclusion, assenée sur un ton trop guilleret pour être honnête, je l'ai déjà devinée. La légion prétorienne de BMI doit avoisiner les six mille soldats.

Je suis impressionnée. Bien malgré moi. Cela n'échappe pas à Sarah qui savoure son petit effet.

Six mille malabars, dopés au mieux à la testostérone, au pire aux gènes trafiqués, jetés dans la nature, mêlés à une population déboussolée.

Super!

Sara s'est tue. Elle m'a laissé le temps nécessaire pour que je puisse digérer la nouvelle, puis reprend son cours, d'une voix plus chantante.

— Nous y avons cependant ajouté une petite touche personnelle.

Je stoppe ma montée des marches. Mère et fille doivent croire que je suis fascinée et admirative. En fait, je joue la montre. Je jouis de mes derniers instants à l'air libre avant d'être de nouveau recluse sous terre. Je lève les yeux et admire les couleurs du crépuscule. Des rayons retardataires me caressent la peau, je savoure leur tiède chaleur.

Fille du soleil.

C'est la lumière, la vraie, c'est ça qui m'a toujours manqué. Le blanc neutre des halogènes, les néons fluorescents, les pâles ampoules, ont accompagné ma croissance et éclairé artificiellement mon éducation. J'ai toujours connu ma peau couleur PQ ! Ça et les teintes hôpital ! Écœurant ! Rien que pour cette absence de sens esthétique, j'en voudrais toute ma vie à BMI.

Je dresse à nouveau l'oreille. Sarah a dû lire mes pensées.

— L'évolution des galons suit les gradations des couleurs de l'arc-en-ciel.

Ses prunelles s'attardent sur la fibule fermant le col de mon futur uniforme.

— Le premier niveau, c'est le rouge.

Waouh ! Une petite fantaisie de notre Imperator ! Nous sommes dirigés par un taré.

Devant mon manque de réaction, elle perd pied. À quoi s'attendait-elle ? À ce que j'applaudisse ?

Elle se reprend, sous le regard intransigeant de Senior.

— Tu as les aptitudes pour atteindre le bleu, voire l'indigo, peut-être même le violet très rapidement.

Son ton se fait plus sourd, plus vibrant.

— Nous savons faire table rase du passé. Sache que lors de ton Dernier Sommeil, quelques ajouts ont été faits à ta personnalité. L'obéissance. La déférence. La reconnaissance.

Sous mon visage impassible, mes émotions exécutent des sauts périlleux. Où s'arrête ma liberté ? Pourrais-je un jour faire mes propres choix ?

Et si ce n'était que du bluff ?

Ils ne savent pas. Ce que je sens au fond de moi. Des bribes de souvenirs. Des messages que je me suis envoyés à moi-même.

Ils ne savent pas. C'est ma force.

Très bas sur l'horizon, le Voyageur se prépare à son inspection nocturne. Je ne l'avais encore jamais vu. C'est donc lui le coupable ? Il me paraît pourtant bien inoffensif, témoin objectif des passions humaines. Il m'attire irrésistiblement.

Sa lueur étrange. Une sorte d'électricité dans l'air.

Je suis comme hypnotisée. Le temps s'arrête. Un contact infime. Une chaleur surprenante dans mon cœur. Un frisson insoutenable. Le calme plat.

Fille de la Comète. Enfant de l'Univers.

Le temps reprend son cours. Personne ne s'est aperçu de rien.

Absolument ragaillardie, je baisse pourtant les yeux avec humilité.

— Je ne désire que deux choses, apprendre et réparer mes erreurs.

Sarah paraît satisfaite... et rassurée. En revanche, Senior, sûrement forte de l'expérience que lui confère son grand âge, n'est pas dupe.

— Je te trouve un air bien sournois !

Je me compose aussitôt un visage impassible mais ne peux m'empêcher de répondre :

— Peut-être est-ce un nouveau programme de mimétisme ?

La Directrice se renfrogne puis m'examine longuement d'un regard froid et calculateur.

Je regrette déjà ma répartie. Ce n'était pas bien malin de la pousser à bout.

Sarah, elle aussi, a senti venir l'orage. Elle descend à nouveau une marche et reprend la parole. Sa voix chantante ne réussit pas à masquer son malaise :

— Prête pour la visite ?

Je monte un degré de plus. Je ne me sens plus maîtresse de moi. Mon corps est un volcan et ce n'est plus du sang qui circule dans mes veines mais de la lave en fusion. Je ferme les yeux et active un programme zen. Mais je ne peux éviter que mon mauvais caractère se manifeste.

— Quand vous en aurez fini des mondanités, vous m'expliquerez ce que vous attendez de moi !

— Emmène-la ! commande la Professeure, exaspérée.

— J'ai compris, vous voulez un troc ; vous m'apprenez l'art d'être une machine et moi, je vous indique comment vous faire passer pour une humaine.

Sarah me foudroie du regard. Elle n'a pas le sens de l'humour. Je sais, je m'étais promis de ne pas la ramener, mais c'est vraiment trop bon. Je suis même prête à en payer le prix.

Quoique... je commence à m'en rendre compte... je ne crois pas risquer grand-chose... ils sont aux abois... ils ont trop besoin de mes services...

Je plaque un masque impénétrable sur mon visage. Facile ! Je n'ai qu'à imiter le glaçon que j'ai en face de moi. J'ai trouvé une adversaire à ma mesure. Qu'est-ce qu'on va s'amuser !

— Désolée, marmonné-je, vous avez dû y aller trop fort dans la dose d'hormones adolescentes.

— En effet, acquiesce Nathalie, tu as un comportement parfaitement exaspérant.

— C'est l'effet voulu, approuvé-je, un vrai caméléon. Pouvoir passer inaperçue, même au sein d'une école de filles.

Mais voilà qu'une jeune recrue apparaît sur le seuil de l'immense porte et se rue vers nous, un papier à la main, interrompant cette passionnante joute verbale.

— Aaron vient de rentrer, glapit-elle, survoltée. Avec de drôles de nouvelles, et une photo étonnante...

Sous le regard assassin et réprobateur de la Professeure, elle suspend sa tirade, rougit, bafouille puis se reprend, d'une voix plus servile :

— Elle laisse à penser qu'Hébrard Junior serait de ceux que l'on recherche...

— Quoi ! Le fils de mon ex-mari !

La surprise semble de taille bien que je n'en comprenne ni le sens, ni les implications. Le Glaçon réussit à mobiliser toutes ses aptitudes pour se recomposer son visage de marbre.

Trop tard ; mes yeux affûtés ont déjà radarisé le cliché ; et j'ai deviné qu'une femme vulnérable se cache sous cette armure ; je connais son point faible.

Tiro (3), fulmine-t-elle en prenant une voix autoritaire. Apprenez à ne parler que lorsque l'on vous en donne la permission !

La phrase claque plus fort qu'une gifle. La jeune fille, toute confuse, tourne les talons pour échapper à la vindicte de la Directrice.

— Conduisez 3.0 chez elle ! ordonne-t-elle à mes compagnons de voyage, tout en faisant signe à Sarah et à la nouvelle venue de la suivre.

Nous pénétrons dans la Base. Intriguée par ce mystérieux échange que je devine encore plus passionnant que Dallas (4), tout en faisant mine de suivre passivement mes guides, j'ai activé mon ouïe surdéveloppée et capte la suite de la conversation. Les deux femmes, complètement déstabilisées par la nouvelle, ont dû en oublier mes aptitudes.

— Comment en êtes-vous venus à cette étonnante conclusion ? s'enquiert Nathalie.

— Aaron dit avoir observé une lueur étrange et soudaine dans ses yeux. Comme ceux d'un prédateur réfléchissant la lumière. Et on en a la confirmation sur l'argentique !

La Directrice donne un violent coup de pied à une porte métallique, trahissant ainsi son exaspération. Sa réponse dure et cynique signale qu'elle a atteint le point de rupture.

— Ne prévenez pas encore César. En revanche, convoquez Domitien. On aura sans doute besoin de lui pour l'emmener ici.

Domitien. L'empereur romain qui a fomenté un coup d'état contre son père. Le cruel tyran qui se plaisait à arracher leurs pattes et leurs ailes à des mouches attrapées en plein vol. Seul le meilleur des tueurs à gages, l'homme qui passe la serpillière de BMI, a pu oser un pareil nom de guerre. Décidément, plus aucun boss de la Firme ne semble pouvoir se passer de ce légat.

La voix inquiète de Sarah achève d'agacer la Directrice.

— Tu ne veux tout de même pas étudier Thibaut comme un rat de laboratoire !

L'espace d'un instant, je crois que la mère va protester mais elle reste silencieuse, en proie à un dilemme qu'elle seule pourra trancher.

Les trois femmes s'éloignent. J'atteins, songeuse, mes propres appartements.

Thibaut. Thibaud des Croisades (5), le chevalier blanc. Charmantes, délicieuses, harmonieuses, les deux syllabes de ce prénom venu tout droit du Moyen-Age chantent désormais dans mon oreille. Je n'ai pu l'apercevoir qu'un quart de seconde mais mon cerveau surpuissant a enregistré les moindres détails de sa silhouette et de son visage. Ses yeux brûlaient d'une magnifique couleur aigue-marine qu'un de mes programmes identifie comme identique au regard de cet acteur Brad Pitt qui affolait les femmes du siècle dernier. Ils ressemblaient à deux flammes dorées, hypnotiques et dangereuses.

Non ! Non ! Ne vous moquez pas ! Cela n'a rien à voir avec ces histoires débiles de coups de foudre que j'ai matées à longueur de journée dans mes séries préférées ! Non ! C'est bien plus profond. Comme si quelque chose nous liait ; je le sens de ma race.

Fascinant, fiévreux, furieux, foudroyant.

Je me réveille plantée devant le miroir de ma salle de bains. Dans la lumière des spots, mes prunelles m'observent avec un étrange éclat, si semblable à celui de la photo...

Je divague, j'hallucine, je me scinde en deux ; je suis moi, pourtant je suis différente, plus puissante, plus perspicace, et paradoxalement plus humaine.

Lucide, je comprends qu'une autre créature vit en moi.

Taquine, je lui adresse un clin d'œil.

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(1) La Porte des Étoiles : Dans la série Stargate, une Porte des Étoiles permet de voyager d'une planète à l'autre.

(2) Sara Lance : Ex-petite amie et complice du justicier masqué dans la série The Arrow saison 2.

(3) Tiro : Jeune soldat, novice, fraîchement enrôlé, qui ne devient miles qu'après 4 mois de classe.

(4) Dallas : Série à succès des années 80 racontant la vie de la richissime famille Ewing.

(5) Thibaud des Croisades : Série télévisée française diffusée en 1968-1969 contant les aventures, en Palestine, au 12ème siècle, de Thibaud, fils d'un baron chrétien et d'une mère chrétienne d'Orient.

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Aujourd'hui, beaucoup de révélations et de nouveaux liens établis. 

J'ai hâte de découvrir vos réactions !

Et n'oubliez pas de voter pour Galilée ! Peut-être cela lui permettra-t-il d'éviter un nouveau voyage au Pays des Rêves ?  

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