Chapitre 24-2

Nord Quercy - Camp de Gourdon 6 septembre 00h56)

Avertie de l'exécution prochaine d'une centaine de détenus, Galilée décide d'intervenir. Tandis que Jesse et David l'attendent dans le Glisseur, elle prend en otage le préteur et réussit à éloigner les trois prétoriens qui surveillent l'entrepôt où ont été enfermées les futures victimes. Alors qu'elle se rapproche du hangar, son prisonnier l'attaque. Elle réussit à l'assommer, mais leur bagarre a attiré l'attention de l'un des artificiers qui la menace de son arme.

Pendant ce temps, Sam, posté en sniper sur la colline en face, a réussi à éliminer tous les Impériaux encore présents dans le bâtiment d'accueil pour permettre à Jo et à Thibaut de rejoindre la porte d'entrée menant au sous-sol. Avant de quitter les lieux, le jeune homme effectue un dernier balayage de la zone.  

Galilée

Je bondis pour récupérer mon Beretta, mais une balle siffle à quelques centimètres de ma tête, suivie d'un ordre aboyé dans la nuit.

— Pas un geste ! Sinon je vous descends...

Je regarde mon flingue qui gît dans la poussière tel un oiseau blessé, puis l'hélicoptère qui passe au-dessus des entrepôts voisins. Certes son décollage a fait un sacré raffut, mais je n'ai aucune excuse. Mon ouïe est surdéveloppée et j'aurais dû entendre ce prétorien approcher. Dark Rufus avait raison. Je ne suis pas bonne à rien, je suis mauvaise à tout. 

Préférant affronter la mort en face, je me redresse lentement. Devant moi, très près, trop près, la voix retentit à nouveau.

— J'ai dit : pas un geste !

Je lève la tête et rive mes yeux dans ceux de mon futur meurtrier. Je suis coincée, je le sais. Et vu le corps étiré à quelques pas de moi, impossible de convaincre mon ennemi de ma bonne foi. Non, il n'y a pas grand chose à faire, à part rester tranquille...

— C'est bon, grincé-je, j'ai compris.

Je baisse le menton comme si je fuyais le regard du prétorien, terrifiant d'implacabilité. L'armicustos (1) qui m'a mise en joue est un soldat de métier. Toutefois, hormis sa fibule jaune et les quelques cheveux filasses encore arrimés à son crâne telles des herbes mortes, il ressemble à Monsieur Tout-le-monde. Un simple quidam qui s'apprête à mettre à mort une centaine de ses concitoyens sans manifester aucun état d'âme.

— Vous... Vous avez tué votre père ? 

Un léger espoir prend naissance au creux de ma poitrine. Si ce légionnaire croit encore aux salades inventées par le préteur pour sauver sa peau, c'est qu'il n'est clairement pas la chips la plus croustillante du paquet.

— N'importe quoi ! protesté-je. Je sais bien que l'époque est à la paranoïa, mais quand même ! Il a trébuché, sa tête a heurté le mur et il est tombé. Je m'apprêtais à lui porter secours quand vous m'avez tiré dessus...

Désarçonné, le vieil empaffé tressaille. Malgré le vacarme ambiant, je peux presque entendre les rouages de son cerveau s'activer.

— Au lieu de me menacer, m'entêté-je, vous devriez vous dépêcher de vous occuper de lui. Si jamais votre dirigeant décède à cause de votre incompétence, c'en est fini de votre carrière. 

Main sur la crosse de son HK418, Futé (2) avance d'un pas, prêt à faire feu. Visiblement, je ne l'ai pas convaincu. 

— Et ce pistolet alors ? persifle-t-il. Qu'est-ce qu'il fait là ? Qui a tiré ? Pourquoi chercher à le ramasser ?

Soufflée par cette avalanche de questions, je prends une longue inspiration. L'air est brûlant dans mes poumons. 

— Mon père, insisté-je, respire toujours et il dépend de vous qu'il le fasse encore longtemps... 

Tout en parlant, j'ai réglé ma vision nocturne et zoomé sur le Super Frelon qui zigzague vers les collines. Si Sam ne s'est pas mis à l'abri, il est comme moi, complètement fichu...

— Débarrassez-vous doucement de votre couteau et levez les mains en l'air.  

— Faudrait savoir ! riposté-je, la voix pleine de fiel. Je fais comment puisque vous m'avez interdit de bouger ?

D'instinct, mon regard dévie vers mon Beretta qui m'attire tel le fruit défendu. Bien que je sois très rapide, mes chances de le ramasser avant que cet enfoiré de néonazi ne fasse feu équivalent à un zéro pointé.

— Arrêtez de faire la maligne et obéissez. 

À l'horizon, le mécanicien de l'hélicoptère a mis en marche un puissant projecteur dont le faisceau blafard balaie la zone d'où Sam a tiré. Sans doute le canon 20 mm du Super Frelon est-il prêt à cracher ses munitions au moindre mouvement suspect...

— Ça va, dis-je comme si une tierce personne avait pris possession de ma bouche. Je me rends. 

Doucement, je fais glisser la sangle de mon étui le long de mon épaule, puis laisse tomber mon Ka-bar à terre. Affinée au maximum, mon ouïe me permet de percevoir tous les sons qui m'entourent, les plus lointains comme le ronflement des turbines du Super Frelon, les grondement du tonnerre ou le crépitement des flammes, et les plus proches, ceux émis par l'enfoiré qui m'a intercepté, son cœur qui bat un peu trop vite et sa respiration saccadée. Mais le bruit qui m'inquiète particulièrement provient de l'arrière du bâtiment piégé. Un martèlement rythmique, comme des bottes, quatre paires de bottes, qui courent vers nous. 

Si je veux agir, je dois le faire au plus vite. 

— Les mains, recommence le néo-nazi. Levez les mains !

Fort à propos, mon faux père émet une plainte diffuse. Désarçonné, Futé ne peut s'empêcher de tourner les yeux vers le blessé. Profitant de cette distraction, je me rue sur le Beretta. Je sais bien que ma tentative est vouée à l'échec et qu'un sort funeste m'attend. Mais je l'accepte car je l'ai amplement mérité. Ces derniers jours, je me suis laissé aller et même si c'était plus que bon, je dois en payer le prix. L'humaine en moi, cette étrange créature qui déborde de sentiments et d'émotions, ne peut survivre. Elle et moi, nous sommes deux entités indissociables et opposées. La folie nous guette.

Ou la mort...

Une détonation claque dans la nuit comme un coup de fouet. Sauf que ce n'est pas un HK418 qui vient de faire feu et que ce n'est pas ma tête qui a explosé, mais celle du Caméléon.

Tandis que l'Impérial s'effondre à terre avec une grâce touchante, tel un second couteau de série B qui en a terminé avec son petit rôle de méchant, le Super Frelon se met à canarder la cime de la colline. 

Bien décidée à tirer avantage du délai que Sam vient de m'octroyer au risque d'y perdre la vie, je ramasse le Beretta. Sans prendre le temps de me relever, à genoux sur l'esplanade, je le pointe droit devant moi, vise et tire.

Quatre coups.

Pour les quatre prétoriens qui accouraient au secours de leur collègue et qui s'écroulent comme quatre sacs d'os. 

Je me fige. L'espace d'une seconde, je ne sens que la froideur de l'arme dans ma paume et ne vois que les quatre crânes éclatés, maculant l'asphalte de sang, de débris et de matières cervicales. Visiblement, mes doutes étaient vains, je n'ai pas perdu la main !

Requinquée à bloc, je me tourne vers le préteur, toujours allongé, et lui balance mes deux dernières balles dans la tête. Je sais que ça ne se fait pas d'achever un homme déjà à terre, mais tuer me fait du bien, ça me détend. Et puis, prudence est mère de sûreté. Ce sale baratineur me préparait peut-être un nouveau coup bas... 

Légèrement apaisée, je ramasse mon Ka-bar, me relève et glisse un chargeur neuf dans mon Beretta. D'accord, tirer avec un pistolet, ça attire l'attention. Mais c'est quand même moins salissant et plus efficace qu'une bagarre !

Sur le qui-vive, je radarise les alentours. Délaissant la position de Sam, le Super Frelon s'est élevé loin au-dessus des collines. L'espace d'un instant, je le regarde foncer vers le sud, ses feux de position clignotant sur l'horizon, leur éclat atténué par les cendres qui obscurcissent l'atmosphère. On pourrait croire que ses occupants fuient le Complexe, sauf que j'en suis sûre, ce n'est qu'un leurre destiné à tromper notre sniper. 

Mais comme je sais que ses neurones d'humain fonctionnent presque aussi bien que les miens, je ne m'attends pas à ce qu'il commette l'erreur de relâcher sa garde. Tous mes sens en alerte et la main droite crispée sur la crosse de mon pistolet, je longe lentement le mur jusqu'à l'entrée de l'entrepôt. À l'intérieur, les appels à l'aide ont repris, assortis de coups de poings et de pieds dans le portail.

Mes récepteurs auditifs saturés, je me fige.

— J'arrive, hurlé-je. Mais fermez-la, que je trouve le moyen d'ouvrir.

Si les jérémiades cessent aussitôt, le tonnerre, lui, tempête toujours. L'orage encercle le Complexe sans jamais éclater. Mais en est-ce vraiment un ? Ou s'agit-il de quelque chose de plus mystérieux ? Le Voyageur qui se rapproche ? La fin du monde qui se profile ?

J'examine le portail, énorme et massif, puis étudie la serrure, un gros verrou en acier. Comme des idiots, Jim Hopper, Jack Bauer ou Jax Teller (3) auraient illico fait parler la poudre. Sauf que dans la réalité, cette solution n'a guère de chance de fonctionner et qu'en plus, le tireur risque de se prendre un ricochet dans le crâne. 

Non, les bonnes vieilles méthodes sont souvent les meilleures.

En moins de temps qu'il ne faut pour le dire, j'ai extrait de mon Wikipédia mental le fichier concernant les serrures et leur crochetage. Cinq secondes me suffisent pour le consulter, identifier le type de fermeture auquel j'ai affaire et déterminer la nature des accessoires dont j'aurai besoin pour en venir à bout. Un tenseur pour bloquer les goupilles, une aiguille five-mountain à glisser dans le cylindre et peut-être même un "serpent double vague"...

— Je reviens, crié-je aux prisonniers, j'ai tout ce qu'il faut pour vous délivrer dans la voiture.

Je cours vers le Glisseur devant lequel David et Jesse se tiennent debout, deux grandes silhouettes noires, aussi lugubres que des croque-morts. Ainsi que je l'avais pressenti, le Super Frelon a fait demi-tour pour recommencer à inspecter les côteaux. Et si le bruit de ses turbines ne permet plus une conversation directe, il ne couvre pas le ronronnement du 4X4 qui roule dans notre direction.

Vite ! Je lance mon sac à dos au jeune médecin, remonte ma capuche sur ma tête pour cacher mes cheveux blonds et reviens sur l'esplanade à la rencontre de Gladiator et de ses hommes. Une partie de moi veut tuer. Tuer encore. Tuer n'importe qui, n'importe comment, n'importe où... Et ces trois prétoriens qui reviennent sur le lieu de leurs crimes tombent vraiment à pic !

Me coulant dans l'ombre, je me fige au coin nord de l'entrepôt. Les pieds écartés et les jambes fléchies, mes deux mains crispées sur mon Beretta, j'attends mes futures victimes.

Arrivé en vue, le véhicule ralentit. À peine le faisceau de ses phares a-t-il atteint le mur que je tire deux balles dans le pare-brise, l'une, côté conducteur et l'autre, côté passager. Tandis que le tout-terrain s'immobilise, sa portière arrière droite s'ouvre. Le dernier occupant fait feu dans ma direction, sauf que je ne suis déjà plus là, mais à plat ventre par terre. Je riposte et l'atteins du premier coup. Projeté en arrière par la violence de la décharge, il s'écroule contre l'habitacle. Vite ! En mode machine de guerre, je me relève et l'achève comme un chien, d'une balle en pleine tête.   

Sûre à cent pour cent d'avoir enfin réussi à nettoyer la zone, je m'étire sous les nuages et respire à grands traits. Aussitôt, je sens un bourdonnement naître dans ma poitrine, quelque chose, comme une sombre exaltation qui gonfle mon cœur. Et ce n'est pas seulement la joie de la victoire ou la satisfaction du travail bien fait, non. Je nage dans le bonheur de m'être retrouvée.  

Tuer, j'aime ça. J'aime vraiment ça. J'aime la sensation familière et réconfortante que ce geste me procure, comme enfiler son vieux jean préféré ou se glisser dans un bon bain chaud. C'est inscrit dans mes gènes et je ne peux pas lutter contre. Mais comme Dexter, je peux utiliser cette abominable pulsion pour faire le bien, combattre les nuisibles, éliminer les méchants et anéantir les partisans de César.

Forte de ce nouveau projet de vie, je reviens vers l'esplanade. Le brouhaha qui monte soudain vers moi m'indiquant que les prisonniers ont été libérés sans mon accord, j'accélère le pas. Pour ma part, jamais je ne les aurais autorisés à sortir avant que le secteur entier soit sécurisé. Si le Super Frelon qui a repris son ballet au-dessus de la forêt repère toute cette agitation, ils sont foutus.

Je n'ai pas passé l'angle du mur que David se précipite vers moi, Jesse traînant les pieds derrière lui, les yeux rougis.

— Les nôtres étaient bien là, m'apprend-il, mais on est arrivés trop tard. Ils ont été transférées vers un autre Centre.

Son chéri ouvre à son tour la bouche pour me parler, mais obnubilée par le manège de l'hélicoptère sur l'horizon, je ne l'écoute pas. Pourquoi le pilote a-t-il cessé sa ronde infernale au-dessus des côteaux ? Pourquoi vole-t-il maintenant tous feux éteints ? Pourquoi ai-je l'impression que le vrombissement des turbines augmentent en intensité ?  

L'évidence se faisant jour dans mon esprit, je me rue vers les anciens otages.

— Vite ! hurlé-je. À l'abri... 

Sam

Après avoir éteint mon module high-tech, je colle mon œil au viseur et balaie l'horizon à la recherche de ma nouvelle cible...

La scène que je découvre soudain dans la zone des hangars manque de me faire tomber sur le cul. 

Galilée.

Et un salopard de Caméléon.

Face à face sous la lumière trépidante des éclairs.

Cela aurait pu être jouissif de voir l'ex-Impériale abattre l'un de ses anciens collègues, sauf que c'est lui, le putain de prétorien, qui tient l'arme dans ses mains. 

La confirmation que même les plus douées des femmes ne sont pas faites pour la guerre.

Je zoome sur la silhouette étendue à deux pas de mon alliée, sur le pistolet au sol et enfin sur l'Impérial. Dois-je tirer ? Il ne me reste que deux balles. Et puis, il y a l'hélicoptère. Après avoir survolé le Complexe, je l'entends se diriger vers les collines, telle une énorme mouche bourdonnante. Bien que je sois tout habillé de noir et en partie dissimulé par les buissons, ma cachette est loin d'être idéale et le moindre geste risque de trahir ma position.

Un léger mouvement à l'orée de mon champ visuel fait dévier mon regard. Quatre légionnaires appararaissent derrière l'entrepôt. Savent-ils que leur collègue vient de surprendre un intrus ? Je les vois se mettre à courir pour le rejoindre... 

Face à ces cinq hommes, Galilée n'a aucune chance et les otages sont condamnés.

Derrière moi, la rumeur sourde des turbines du Super Frelon s'est muée en un grondement menaçant. Je bloque ma respiration. Mes doigts se resserrent autour de la crosse de mon AWN. Je pose mon index sur la queue de détente. 

Sous mon œil attentif, l'ex-prétorienne fait lentement glisser la bandoulière de son étui à couteau au-dessus de son épaule. Je sais que même si sa tentative est vouée à l'échec, elle va essayer de ramasser le Beretta. En tout cas, c'est ce que moi, je ferai à sa place !

Dans mon dos, les vrombissements envahissent maintenant le paysage tout entier. Revenu sur zone, le Super Frelon semble bien décidé à en découdre. La preuve, la nuit perd peu à peu sa densité, puis s'illumine d'une lumière grandiose. Dans une seconde, deux tout au plus, le faisceau de son projecteur balaiera le promontoire sur lequel je me suis établi...

Dans ma lunette de tir, Galilée plonge vers son pistolet. Vite ! J'accroche la sale tronche toute déplumée de son adversaire dans ma ligne de mire et presse la détente. Le temps de la voir exploser comme une pastèque trop mûre et j'ai bondi à mon tour. Je ramasse mon sac à dos et mon propre Beretta. Puis, mon AWN toujours à la main, je me précipite sous l'affleurement pierreux que j'avais repéré en montant.

La zone s'éclaire d'une intense nitescence ; un arc lumineux s'arrondit dans ma direction.

D'instinct, je ferme les yeux, ébloui. 

Le canonnier fait feu et l'engin envoie une première salve sur le promontoire. Tandis que les déflagrations répétées hurlent plus fort qu'une dizaine de mitrailleuses, les projectiles frappent le rocher qui éclate en projetant en l'air des milliers de fragments létaux. 

Statufié, j'ose à peine respirer. 

Mais soudain, les tirs cessent. Prudemment, j'ouvre les paupières.  

L'hélicoptère s'est immobilisé en vol stationnaire, loin au-dessus de mon abri. Ses occupants attendent-ils des renforts ou ne s'accordent-ils pas sur la suite des événements ? Toujours-est-il que je vois là une occasion unique de descendre ce démon mécanique. Sauf que de ma position, il m'est impossible de pointer mon fusil sur lui.

Si je veux l'avoir, je dois sortir. 

Oui, je dois sortir !

Ne le niez pas, bande de froussards, je vous entends d'ici m'agonir d'injures, me traiter de fou, de malade, d'irresponsable. Je vous le concède, pour le tout-venant, mon idée semble suicidaire. Mais j'assume, j'aime le danger, j'aime flirter avec la mort. Je préfère risquer ma peau à affronter l'ennemi, plutôt que d'attendre qu'il se trouve une nouvelle cible. Si je ne relève pas ce défi, je le regretterai toute ma vie. 

Et de toute façon, je ne vois pas pourquoi l'on parle de ça, puisque je vais abattre cet engin. Je suis quand même le tireur le plus rapide de l'Empire, le meilleur sniper qui soit. 

Je m'apprête à me relever, quand brusquement, les turbines de l'appareil pivotent à l'oblique. Un instant, le Super Frelon avance de travers, puis il effectue un large virage au-dessus de la forêt et disparaît dans la nuit.

J'avale une grande goulée d'air. 

J'attends.

Le grondement des rotors n'est plus qu'un simple écho qui décroît, faiblit et meurt.

Je connais par cœur les stratégies des militaires BMI et je sais qu'il s'agit d'une ruse. Les Impériaux font semblant de battre en retraite. Ils espèrent que je vais relâcher ma garde, sortir de mon abri et qu'ainsi, ils pourront venger leurs collègues.

Sauf que je suis  prévenu.

Je vais me montrer. Mais ce sont eux qui vont en baver !

L'espace d'un instant, je me demande si je ne vais pas changer mon chargeur, puis je renonce. Certes, il ne me reste qu'une balle, néanmoins, elle sera toujours plus performante qu'un projectile classique. Et de toute façon, si jamais je rate mon coup, cela m'étonnerait que le Super Frelon me laisse une seconde chance de le descendre.

Je ramasse mon fusil et sors de mon abri. Plié en deux, je m'agenouille derrière le rocher, cette fois face au sud et à la forêt. La canonnade ayant creusé un trou dans la pierre, j'y coince le canon de mon AWN. J'essuie la sueur qui coule sur mon visage et sur mes mains, puis entame mes exercices de respiration. Malgré la moiteur ambiante et mes nerfs à vif, je garde la tête froide et les idées claires. Les réflexes acquis grâce à mon père reprennent le dessus.

J'attends. 

Une seconde.

Deux.

Trois.

Et puis, soudain, au loin, je l'entends. D'abord, un léger tremblement dans l'air, ensuite, le bourdonnement sourd des rotors.

Je raffermis ma prise sur mon arme, cale la crosse contre mon épaule et me penche pour aligner mon œil au viseur. 

Une lumière puissante transperce ma rétine tel un coup de couteau. 

Dans un mouvement instinctif, je recule la tête. Le projecteur de l'hélicoptère vient de se rallumer, illuminant la forêt d'un éclat impitoyable. 

Le pilote pense-t-il que j'ai trouvé refuge dans les sous-bois ? Le Super Frelon tourne en rond, montant et descendant au-dessus des cimes. Je ne m'inquiète pas pour Florian et Medhi. Cela fait sûrement des plombes qu'ils ne sont plus là...

Je happe l'air visqueux, le coinçant un instant dans ma poitrine, puis expire longuement. Mon souffle brûlant s'enroule autour de mon visage avant de se dissiper.

J'attends. J'observe. 

Tout à coup, à ma grande surprise, le projecteur s'éteint. L'hélicoptère vire à gauche et décrit une boucle serrée pour se tourner face au Complexe. 

Le temps d'une seconde, je le fixe, sa sinistre silhouette se découpant dans la lueur des éclairs. Bordel ! Ma cible me paraît vraiment énorme au milieu du ciel nocturne, sombre et menaçante, tel un dragon d'acier.

Mais comme je ne suis pas du genre à me laisser impressionner, je me dépêche de coller à nouveau mon œil au viseur. 

Quelqu'un à bord m'aurait-il remarqué et le pilote a-t-il soudain décidé de m'affronter ? Les phares s'éteignent à leur tour, les turbines vrombissent à en faire trembler le sol et le Super Frelon fonce dans ma direction.

Vite ! Mon index glisse sur le pontet, puis se pose sur la queue de détente.   

Si ces salopards d'Impériaux cherchent la confrontation, pas de problème, je suis leur homme. Depuis la mort de William, j'ai un compte à régler avec les engins de la Firme et cet hélicoptère tombe à pic. 

Il ne me faut pas une seconde pour calculer la vitesse du monstre de métal et je m'apprête à viser le rotor principal quand l'appareil dévie à nouveau. Comprenant brusquement que son objectif, ce n'est pas moi, mais le Complexe ou plutôt les otages que Galilée vient de délivrer, je me redresse, épaule, vise et tire. 

La balle frappe le moteur de la turbine. Tandis que de la fumée commence à s'en échapper, l'hélicoptère s'éloigne en crabe, son gros mufle tourné vers les collines. Puis comme le rotor de queue est toujours actif, la cabine part en toupie et l'engin se met à vriller.

Il plonge derrière les côteaux.

J'entends une espèce de crépitement, suivi d'un grand choc sourd. Le Super Frelon s'est écrasé. 

Tout redevient silencieux. 

Voilà ce coin du Causse à nouveau tranquille, rendu à la nature, le paradis des oiseaux et des insectes nocturnes, le domaine des sangliers, des chevreuils, des biches et des lièvres, le royaume du vent et de l'orage. 

Un monde totalement, terriblement, merveilleusement en paix.

L'espace d'un instant, je reste là, immobile sous la voûte céleste. Je regarde l'obscurité, j'écoute les petits bruits de la nuit, je hume les senteurs qu'exhale la terre. Un inexplicable sentiment de sérénité imprègne tout mon être.

J'ai à nouveau treize ans et j'ai pris le maquis avec mon père.

Je ne pensais pas qu'il était possible d'éprouver une sensation pareille. Pas en ce moment. Pas sur ces collines. Alors que ma mère a été enlevée et que Jo est descendue dans l'antre du diable.

Jo !

Montant du Complexe bien à propos, une bourrasque m'apporte des odeurs âcres de fumée, de plastique brûlé et de métal fondu.

Mes amis n'en ont pas fini, eux !

Je récupère mon sac à dos, change le chargeur de mon AWN, passe mon fusil en bandoulière et lance mon cri de hibou. Aussitôt, deux chouettes effraies me répondent. Rassuré sur le sort de mes vigiles, je m'élance dans le sentier pour les rejoindre.

Si là, en bas, des Impériaux ont survécu, ils ont du souci à se faire. 

J'arrive...

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(1) L'armicustos : Spécialiste en armes et en équipements. 

(2) Futé : Le beau gosse de la série Agence Tous Risques. Ici bien entendu le surnom est ironique. 

(3)Jim Hopper, Jack Bauer et Jax Teller : Protagonistes des séries Stranger Things, 24 heures Chrono et Sons of Anarchy

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Ouf ! Nos guerriers s'en tirent sans trop de dommages physiques et semblent avoir repris du poil de la bête.💪Tant mieux ! Entre les cendres qui obscurcissent l'atmosphère, les changements climatiques, les adultes pris en otages et les prétoriens à l'affut, l'avenir s'annonce très sombre. 😰😨

Je sais, il manque les retrouvailles avec Liam, mais la réécriture de ces deux points de vue m'a pris plus de temps que prévu. Difficile de faire coïncider toutes les actions. Je n'ai donc pas fini la réécriture du chapitre Thibaut. J'espère ne pas trop vous faire attendre... 🙏🙏

À bientôt. Bisous. 💖😘

Bon week-end, bonne semaine, bonnes vacances. 🤗

Si le chapitre vous a plu, n'oubliez pas la petite étoile. ⭐








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