Chapitre 20-2 (c)

(Nord Quercy 5 septembre 20h30)

Pendant que Galilée l'attend près du mur d'enceinte et que Liam est torturé par Domitien, Thibaut se fait surprendre par Newton. 

Thibaut

— Comment tu préfères crever ? continue la voix dépourvue de tout sentiment. Une balle dans la nuque ou en fixant la mort droit dans les yeux ?

Bizarrement, le choix que me laisse le prétorien m'apporte un soulagement immédiat. Je suis tellement fatigué que je ne crains plus la mort. C'est fini. J'ai fait tout ce que j'ai pu, mais j'ai échoué lors du dernier round. 

— Je veux voir mon meurtrier en face ! décrété-je.

Averti du tempérament de mon adversaire, j'ai adopté mon ton le plus ferme. L'apprenti de Domitien apprécie d'un petit claquement de langue.

— Dans ce cas, tu enlèves ton casque, lentement, sans geste brusque...

Le contact froid du pistolet s'éloigne de ma nuque, puis j'entends mon agresseur reculer. Comme si je m'en servais pour la première fois, mes mains montent d'elles-mêmes jusqu'à mon casque que j'entreprends posément de détacher.

Dès que nous naissons, nous en avons conscience : la vie a une fin. Nous nous voilons simplement la face. Nous avançons, nous nous divertissons, nous faisons des études, nous trouvons un travail, nous fondons un foyer. Puis nous plongeons à notre tour d'autres petits êtres humains qui n'ont rien demandé à personne dans ce tourbillon absurde. Peut-être pour nous sentir moins seuls ? L'issue est la même pour tous. Sauf qu'en ce qui me concerne, elle vient juste bien plus tôt.

Une fois tête nue, je pivote lentement, puis plante mes yeux dans ceux de mon futur assassin. 

Tandis qu'il étouffe un feulement, j'esquisse un mouvement de recul.

D'instinct, mes paupières retombent. Non, non, impossible. Absolument impossible !

La fatigue, le stress, l'imminence de ma mort. Je dois être victime d'une hallucination ou d'un truc du genre. Ce ne peut pas être ça. Ce ne peut pas être lui !

Et pourtant...

J'ai bougé et je suis toujours en vie. J'ai bougé et cette machine à tuer n'a pas tiré.

Bien décidé à affronter la vérité en face, je relève les paupières. Ses doigts serrés sur la crosse de son gros calibre et la dernière phalange de son index pile à la hauteur de la gâchette, Newton me fixe toujours. Quand mes iris rencontrent les siens, je sens une bile acide remonter jusque dans ma gorge. Ces yeux d'un bleu saisissant, étroits et froids, je connais par cœur leur expression arrogante et leur pâleur si peu ordinaire. Ce sont ceux de mon père.

— Thibaut ! ricane-t-il. Toi ici ! Et en si mauvaise compagnie. Le mythe du gentil fi-fils à son papa en prend un sacré coup.

Toujours sous le choc de cette révélation aussi aberrante qu'inattendue, je me contente de le dévisager, muet d'horreur. Mon demi-frère est debout devant moi. Mon demi-frère est un putain de monstre. Mon demi-frère s'apprête à me descendre à bout portant.

— Surprise, surprise ! s'amuse ce dernier, un sourire goguenard aux lèvres.

Mon cœur s'affole tellement au son acerbe de sa voix que ma respiration s'emballe. Incapable de mettre de l'ordre dans mes pensées, je fixe les terribles tatouages qui le défigurent, une tête de mort au milieu de sa joue droite, un doigt d'honneur pointé sur la gauche et la dizaine de mini-larmes le long de l'arête de son nez.

— Je comprends maintenant, remarqué-je, pourquoi tu portais des verres teintés lors de notre rencontre au siège de BMI.

Mon nouveau frater secoue la tête.

— Putain ! riposte-t-il. T'es archi-dur à la détente pour un petit génie ! Tu t'es foutrement fait entuber, oui.

En moi, la terreur se transforme en une autre sensation, âpre et farouche, une fureur indescriptible, prête à exploser. Ce psychopathe a raison. Tous autant qu'ils sont, mon père, ma mère, Domitien, ils se sont sacrément fichus de moi ! Toutefois, laisser libre cours à ma colère n'est pas une option envisageable. Ce serait me rabaisser au niveau de mon ennemi, et de cela, il n'en est pas question. Si je n'ai plus mon Glock, je dispose encore de mon cerveau et il serait temps pour moi de l'utiliser à sa pleine capacité. 

Mettant à profit les techniques mentales que mon père m'a enseignées, je bloque mes émotions comme on verrouille une porte. 

Nous nous sommes fait avoir, dis-je en insistant bien sur les pronoms. Tous les deux.

À quoi pensé-je ? Même si lui et moi partageons environ 25 % de notre ADN, cela ne signifie pas que nos réactions et notre intelligence sont identiques. Insensible à ce genre de subtilités, Newton se contente, pour toute réponse, d'un grommellement nébuleux.

J'allume une flamme dans mon regard.

— Je savais que mon père avait eu un fils avec sa première femme, mais on m'a toujours dit qu'il était mort avant ma naissance d'une maladie orpheline.

Tandis que les phalanges de mon interlocuteur blanchissent autour de la crosse de son gros calibre, un long frisson s'enfonce dans mon cou tel un collier d'épines.

— Et tu y as cru ? rétorque-t-il.

J'étudie son visage. Par-delà la colère et la frustration, il me semble y lire une sorte de désespoir. Me serait-il possible d'utiliser ce sentiment pour retourner la situation à mon avantage ?

— Pourquoi en aurait-il été autrement ? Un gamin accorde sa confiance à ses parents, point barre. Mais toi, tu es l'aîné, tu aurais dû savoir !

Je vois les pupilles de Newton se réduire à deux fentes. Partagé entre son devoir de réserve et son besoin de s'épancher, il hésite visiblement à se dévoiler. Toutefois, la tentation de faire étalage de sa perspicacité dans l'espoir de m'impressionner est trop grande.

— Domitien a toujours prétendu que ma mère avait clamsé en couches et qu'elle ne savait même pas qui était mon géniteur. Quant à mon enfance, je ne me rappelle pratiquement de rien. Juste quelques souvenirs d'hôpitaux et de médecins...

— Comme si on t'avait effacé la mémoire, le coupé-je en pensant à Galilée.

Irrité par mon audace, l'Impérial lâche un long grognement en agitant son pistolet devant mon visage. Aussitôt, mon estomac se serre. Si mon demi-frère semble avoir oublié son envie de me descendre séance tenante, il me paraît loin d'être le gars le plus équilibré qui soit et j'ai peur que son arme fasse feu toute seule...

— C'est exactement ça, approuve-t-il. Au début, j'avais une foi aveugle en mon mentor. Normal, j'étais tout le temps avec lui, je ne parlais qu'à lui, il était mon professeur, ma famille, ma lumière, ma force. Puis peu à peu, je me suis mis à douter. J'avais des flashes d'autres lieux, d'autres visages, un grand type coincé, une espèce de mégère et surtout une mômichonne qui me chantait des berceuses en chialant comme si j'avais déjà passé l'arme à gauche.

— Sarah, soufflé-je, sûr qu'il s'agissait de notre sœur.

— J'ai fini par interroger Domitien, reprend-il. Il m'a ri au nez en me traitant de tarlouze. Il m'a dit que si je commençais à m'inventer une famille de femmelette, c'était que mon traitement ne faisait plus effet, que mon esprit recommençait à battre la campagne et qu'il me faudrait sans doute repasser par la case hôpital.

Bien qu'il tienne toujours son flingue braqué sur moi, Newton a les yeux perdus dans le vague. Mais en a-t-il pour autant relâché son attention ? Je me décale tout doucement vers un buisson au-dessus duquel pend une grosse branche morte.

Si le prétorien remarque quoi que ce soit, il ne laisse rien paraître.

— Alors, bien sûr, je n'ai pas posé davantage de questions. Pourtant, plus j'essayais d'oublier, plus les images se renforçaient. Comme si quelqu'un avait cherché à reparamétrer ma carte mère en en effaçant un certain nombre de fichiers, mais qu'il n'ait réussi qu'à les fragmenter. Et il y avait ces lunettes de soleil que mon mentor me forçait à porter dès que je voyais du monde. Soi-disant que j'avais les rétines fragiles et que je risquais de devenir aveugle ! Un tissu de conneries, oui...

Comme s'il voulait appuyer la gravité de cette révélation, le tonnerre éclate au-dessus de nos têtes, tellement fort que l'univers entier semble sursauter. Seul Newton reste impassible. Serait-il possible qu'il soit si absorbé par son passé qu'il en oublie le présent ?

— Un jour, continue-t-il, je ne sais pas pourquoi, le Black-Out sans doute, ça a fait tilt. Ce n'était pas moi qui perdais la boule, mais tous les autres, ce salopard de Domitien en tête, qui se foutaient de ma gueule. Quelques recherches m'ont suffi pour comprendre...

Au grognement de dépit qui conclut son explication, un cri d'agonie répond au loin, si terrible que cette fois-ci, l'Impérial ne peut s'empêcher de détourner ses yeux vers le manoir. Motivé par la certitude que c'est Liam qui hurle à la mort, j'agrippe la branche que j'ai repérée, puis tire dessus de toutes mes forces. Parvenu à l'arracher, je l'abats brutalement sur le poignet de mon ennemi et le pistolet tombe au sol avec un bruit sourd. Vite ! Newton se penche pour le ramasser, mais avec une vélocité qui m'étonne moi-même, je brise mon espèce de gourdin sur son crâne et me jette dans les fourrés tout proches.

Hélas ! Je n'ai pas fait trois pas que mon adversaire m'a déjà rattrapé. Le coup qu'il m'allonge dans le dos me projette en avant, tête la première au milieu des ronces et de leurs épines redoutables. Bien décidé à ne pas en rester là, il me relève d'une poigne solide et me cogne brutalement l'échine contre un arbre. La douleur est fulgurante, mon dos agonise, mon crâne explose et mes paupières ont une soudaine envie de se fermer comme si c'était l'heure de faire la sieste.

— Tu dégustes, hein ? exulte Newton. Ça t'apprendra à te rebeller.

Je suis encore à moitié groggy, mais ces mots me font l'effet d'un électrochoc. Réintégrant la réalité, je cligne sur la gueule noire du canon qui me fixe cruellement dans les yeux.

— Quitte à mourir, riposté-je, autant partir avec panache.

Seul un grommellement indistinct vient saluer ma réplique. Pourtant, je jurerais avoir vu flotter une lueur amusée dans le regard de mon adversaire. En essayant de m'échapper, je suis monté d'un cran dans son estime. Peut-être même de deux...

— D'ailleurs, ajouté-je, je ne t'ai pas raté non plus !

D'instinct, il porte sa main gauche à son crâne et grimace lorsque ses doigts rencontrent la bosse qui a poussé sous ses cheveux trempés de sang.

— C'est vrai, remarque-t-il sans acrimonie, tu n'y es pas allé avec le dos de la cuiller.

Il reprend son arme à deux mains et les secondes ralentissent. Si le ciel n'est plus qu'un vaste éclair, aucun roulement de tonnerre ne résonne et les bruits ténus de la forêt paraissent s'assourdir davantage, comme par respect pour notre duel au sommet.

Mon cœur ralentit. Mon cerveau lui-même semble gagner par l'apathie.

Je fixe le pistolet, je regarde ma mort. Je sais que je n'aurai même pas le temps de souffrir.

J'attends.

Rien ne se passe.

D'un coup, les éclairs se font moins nombreux. De courtes périodes d'ombres alternent avec des moments d'intense luminosité. Mes pensées obnubilées par Liam, je baisse les yeux sur ma montre. Il me reste à peine plus de dix minutes avant que Galilée ne mette définitivement les voiles...

Je relève la tête. M'ayant vu bouger, Newton a crispé son index sur la détente. Ne suis-je plus qu'à quelques secondes de l'éternité ? Non, cet enfoiré reprend la parole.

— Si c'est pour ton pote que tu te biles, sache que t'as raison de t'en faire. Il s'est foutu de la gueule de Domitien, et ça, mon mentor a pas aimé. Le margoulin va en baver tellement qu'il appellera la mort de tous ses vœux...

Ces infos me sont délivrées avec une joie si cruelle que j'ai pâli. Ravi, Newton se fend d'un sourire. Il s'amuse, il joue avec moi. Tel un chat avec une souris. Ou plutôt comme un serpent qui veut hypnotiser sa proie.

— Je sais très bien ce que tu es en train de faire, lâché-je. Tu cherches à m'effrayer !

Un coup de tonnerre éclate ; un éclair fulgure au-dessus du manoir ; une drôle d'odeur d'ozone et de brûlé chatouille mes narines dilatées. Le sourire de Newton change imperceptiblement. Sa lèvre supérieure révèle ses dents, comme un loup tournant autour de sa proie.

— Moi aussi, j'ai éventé ta stratégie. T'essayes d'établir un lien entre nous, mais ça ne marchera pas.

Le clin d'œil qu'il me lance me fait comprendre que je me suis totalement planté sur lui. Je le voyais tel un des premiers dinosaures, un prédateur dangereux, mais au cerveau peu développé. Or mon demi-frère est en train de me prouver qu'il est sans doute aussi malin que tous les autres membres de la gens Hébrard. Ayant grandi au milieu de vautours et de requins, il a juste appris à faire comme eux pour survivre.

— Je n'avais rien à perdre à essayer, dis-je. Mais tu as raison, ça ne peut pas fonctionner. Toi et moi, c'est le jour et la nuit.

Je vois son index desserrer légèrement sa pression sur la queue de détente du pistolet.

J'ai gagné un sursis.

— T'as quand même de sacrées couilles pour un gamin élevé dans de la soie !

Je lui réponds avec une voix que j'espère vaguement blasée.

— C'est pour ça que ce serait dommage de me descendre, non ?

Le sourire qui persiste sur ses lèvres forme un contraste criant avec les larmes noires qui ruissellent pour l'éternité le long de son visage.

— Ouais, ricane-t-il, une vraie perte pour l'humanité !

Les éclairs reprennent leur danse obscène et le tonnerre éclate de tous les côtés à la fois, dans un tumulte étourdissant. On dirait un deuxième tremblement de terre ou une nouvelle attaque des Hommes-Caméléons.

— Avant de tirer, explique-moi pourquoi je dois mourir !

— Parce que tu crois qu'il me faut un motif pour appuyer sur la détente ? J'aime ça, c'est tout. J'aime faire souffrir. J'aime voir les yeux de ma victime lentement s'obscurcir lorsque les ombres s'apprêtent à l'emporter.

Je sens tout espoir m'abandonner. Pour mon nouveau frère, tuer est un véritable hobby.

— Domitien m'a appris à ôter la vie. C'est aussi évident pour moi que de marcher ou de parler. Et j'ai été un élève particulièrement appliqué.

— Justement ! Ton mentor me veut vivant. Tu es en train de lui désobéir !

Sur son visage, son sourire s'élargit, rendu encore plus cruel par ses nombreux tatouages.

— Je ne veux pas partager Domitien avec toi !

— Jamais je ne travaillerai pour Domitien. Tu vois, on est au moins d'accord sur un point !

Dans son regard braqué sur moi, ne brille plus aucune étincelle de vie. Comme si Newton était déjà mort depuis longtemps.

— Conneries ! T'es comme notre daron ! T'essaies de m'embrouiller...

— Papa est un cachottier, il m'a jamais parlé de toi...

— Un sale enfoiré, oui. Un traître, un lâche, un hypocrite... Regarde ce qu'il a fait de moi !

L'index de Newton recommence à se rapprocher inexorablement de la détente.

— Si je comprends bien, décrété-je d'un air si dédaigneux que mon père lui-même en aurait été impressionné, c'est lui que tu veux tuer à travers moi ! Ça ne te délivrera en rien de ta haine. Au contraire ! Tu vois, tu hésites... Tu te demandes si je ne te serai pas plus utile vivant que mort... Laisse-moi m'en aller. Je disparaîtrai, tu ne me verras plus jamais !

J'entends le grondement constant du tonnerre. L'air crépite de rage et de fureur. Mais dissimulé par ce fracas assourdissant, mon ouïe capte un autre bruit, un bruissement lointain, des craquements étouffés... Comme si quelqu'un se rapprochait...

L'Impérial se fige, tous ses sens en alerte.

— T'inquiète, lui dis-je. Ce n'est qu'un animal. Ça fait longtemps que les miens ont dû se barrer.

Le rire de mon demi-frère claque dans la nuit, lourd et méprisant. Sacrément flippant...

— Toi, t'es vraiment un Hébrard, toujours à te croire supérieur, et vaniteux à souhait !

Piqué au vif, je regarde son gros calibre tressauter au rythme de ses gloussements. Si c'est l'apparence que je donne, je trompe bien mon monde.

— Quand notre paternel sera mis au courant de tes exploits, il en crèvera de honte. Tu te rends compte ? Lui, le roi des stratèges, savoir que son fiston chéri a élaboré un plan si pourri !

Je fixe le bout de mes chaussures, muet et dépité. À quoi bon contredire mon interlocuteur ?

— Tu croyais quoi ? Rentrer au bercail, des salades plein ta bouche en cœur, et puis basta ! Papa passerait l'éponge et César écraserait le coup ? On est plus au pays des Bisounous, frérot...

La mâchoire de Newton se contracte nerveusement. À l'image de l'orage qui cogne au-dessus de nous, sa colère ne désenfle pas. Et une fois qu'il aura vidé toute sa haine sur moi, il m'exécutera, c'est aussi simple que ça.

— Et 3.0, tu l'as rencontrée comment ? Si tu crois que c'est le hasard, tu te fourres le doigt dans l'œil ! Cette salope d'Anderton avait tout arrangé d'avance.

— Qui ? m'alarmé-je.

— La jolie pépée dont tu t'es entichée, la chauffarde qui pilote ton celerrimum...

— Galilée ? m'enquiers-je, incapable de cacher ma surprise.

Newton acquiesce. Ses yeux bleus brûlent avec autant d'intensité qu'une flamme de gaz.

— La bombe à retardement conçue par ma mère biologique. Elle est totalement partie en vrille, mais finalement les retombées de son explosion seront pires que prévu...

Si mon cœur gît dans ma poitrine comme une vieille chose toute rouillée, mes neurones excités par ces nouvelles données carburent à mille à l'heure. Certes, la théorie de Newton est séduisante, mais elle laisse trop de place à l'improvisation pour me convaincre vraiment.

Se méprenant sur mes sourcils froncés, Newton se rengorge. 

— T'inquiète, frangin. Depuis que cette grognasse s'est retournée contre BMI, il y a écrit « wanted » sur son front. Elle ne tardera pas à te rejoindre en Enfer.

Un éclair déchire l'obscurité au-dessus des frondaisons. Une pensée traverse semblablement mon esprit, blafarde et lumineuse, aussi effrayante que la foudre. Et une idée en amenant une autre, toutes les pièces du puzzle s'assemblent. L'explication me saute à la figure, aveuglante de clarté.

Je sais ce qu'est Galilée et j'ai compris la nature de mon Altération.

— Domitien la veut ? m'enquiers-je. 

Mes yeux braqués droit devant moi, j'ai finalisé mon plan avant même que ma question ne soit parvenue jusqu'au cerveau du pauvre abruti qui me menace. Pourrais-je à la fois sauver ma peau, le garçon qui n'a pas voulu de moi et la fille que j'ai jetée ? Rien n'est moins sûr. Mais dans la vie, il faut savoir faire des choix.

— Il y a deux jours, reprend Newton, je la tenais au bout de mon canon, cette salope qui a descendu une dizaine des nôtres. Et puis, j'ai pensé à Anderton, à son histoire de reprogrammation, et je l'ai laissé filer.

Arrivée en catimini dans son dos, Sampa se tapit au sol. Tout à son récit, mon demi-frère ne s'est rendu compte de rien.

— La vie de Galilée contre la mienne, dis-je brusquement. Non. Contre celle du prisonnier.

Mon ennemi est bien moins terrifiant la mâchoire pendante et les yeux ronds en boules de billard.

— Cette fille, continué-je, constitue un véritable danger pour l'Empire, tandis que le garçon ne s'est trouvé là que par hasard. Plus personne n'entendra jamais parler de lui.

Newton fronce les narines.

— Ton idée, ça pue à plein nez !

— Réfléchis, insisté-je. De quoi te racheter auprès de ton mentor. Ça ne peut que l'intéresser...

Newton se trouble. Une réaction nerveuse quasi imperceptible, une paupière qui saute, un regard fuyant une fraction de seconde. Serais-je parvenu à le convaincre ?

Non, dans son visage torturé, ses yeux deviennent soudain aussi noirs que les voiles de la Mort.

— Mais tu me prends vraiment pour une brèle, explose-t-il. Comme si j'allais tomber dans ton piège débile ! De toute façon, jamais 3.0 n'accepterait un truc aussi tordu et ton pote doit déjà être en route pour le Castrum de Gourdon...

Rangeant l'info dans un coin de ma tête, je lève lentement les mains en signe de soumission. Bien cachée contre ma peau, entre la manche de ma combinaison et mon gant, ma Météorite se réchauffe, pulsant sereinement au rythme régulier de mon cœur.

— C'est bien, grogne-t-il, mais ça ne suffira pas. Je vais te buter, sale bâtard !

Les lèvres serrées, je soutiens son regard furieux. L'Impérial n'a pas cligné des paupières depuis plus de quinze secondes, ce qui est très mauvais signe. Les émotions extrêmes dont il est la proie brouillent son jugement et altèrent sa lucidité.

— Mais d'abord, à genoux ! C'est en position de suppliant que tu mourras.

Obéissant, je m'exécute et il se rapproche. Sans doute a-t-il l'intention d'appuyer le canon de son pistolet sur mon front pour me faire sauter la cervelle ?

Il est temps de passer à l'action.

Non ! dis-je en injectant le plus d'autorité possible dans ma voix. Tu ne me tueras pas.

Troublé, Newton s'immobilise et je vois son doigt hésiter. Oh, juste un quart de seconde ! Mais cela nous suffit, à Sampa et à moi, pour attaquer. Tandis qu'elle bondit sur mon demi-frère, je dévie le poignet du tueur.

Le coup part. La balle me frôle le crâne, puis s'écrase contre le sol.

Vite ! J'essaie de lui arracher son arme, ou au moins de la faire tomber, mais l'enfoiré est bien plus costaud que moi et je me sens plier. S'il reprend le contrôle, je finis le crâne explosé.

Donne, articulé-je avec ma voix de pouvoir, donne-moi ce pistolet.

Une fois de plus, mon injonction semble faire son petit effet. Tandis que les pupilles de mon adversaire se dilatent, sa détermination faiblit. Mettant à profit son hébétude, je m'empare de son flingue et lui tire à bout portant dans le ventre. Mais pris par l'intensité du moment, j'ai oublié que j'avais affaire à un plus gros calibre que le mien. Surpris par le recul de la crosse au moment de la déflagration, je tombe en arrière et l'arme me glisse des mains.

Ayant compris qu'elle n'est pas pour moi, je récupère mon Glock et prends mes jambes à mon cou...

********************

Je ne suis pas du tout satisfaite de ce chapitre, je ne le trouve pas à la hauteur de l'enjeu. Trop de jeux de regards, trop de bavardages... Et la fin un peu bancale... Je l'ai récrite plusieurs fois... 😭

J'ai même envisagé de supprimer la confession de Newton. Elle n'existait pas dans une version précédente.🤔

Toujours est-il qu'on en sait plus sur les aptitudes de Thibaut. Flippant, non ? 😨

Bisous. Bon week-end ! 💗💗💗

 

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