Chapitre 19-2(b)
(Nord Quercy 5 septembre 18h56)
Liam a enfin retrouvé Chloé. Alors qu'elle converse avec ses Oiseaux et que ce dernier monte dans les étages, il repère les auras du légat (brun-citrouille) et de son garde du corps (rouge-brique), les prétoriens que la petite fille avait suivis. Leurs ennemis possédant un fusil à lunette thermique, Tex arrête provisoirement le cœur de Liam, créant ainsi une espèce de bouclier qui lui évitera de se faire repérer.
Liam
Je glisse le canon de mon pistolet dans l'ouverture et fais feu à six reprises. Vif comme un vétéran, l'Impérial a quand même le temps de tirer une salve avant de s'écrouler. Heureusement, cette fois, j'ai de la chance. Ses balles ricochant contre le battant ou s'enfonçant dans le bois, aucune ne m'atteint.
Au bout d'une trentaine de secondes, le fusil-mitrailleur se tait enfin.
— Attends ! me souffle Léo.
Une minute passe, lourde de menaces. Mon pouls bat fort dans mes tempes et la sueur coule le long de mon échine. Mon ennemi me tendrait-il un piège ?
— Mais pourquoi tu es toujours aussi négatif ? s'énerve Tex.
Ainsi ramené à la raison, je me concentre sur le prétorien dont le halo a pris une inquiétante couleur sépia. Sûr que je ne risque plus rien, mon pic libère mon cœur qui recommence à battre. Je fais passer mon HK418 devant moi, ouvre la porte d'un coup de pied et rafale en aveugle, autant pour empêcher mon agresseur de se relever que pour interdire à son collègue de venir à sa rescousse.
J'ai bien joué le coup. Brun-Citrouille se replie. Toujours en vision éthérique, je suis sa fuite vers le premier étage, mais ne le poursuis pas. Au rez-de-chaussée, il y a Galilée qui, elle, ne laissera jamais passer l'occasion d'abattre l'un de ces enfoirés...
Rassuré, je cligne des paupières pour me reconnecter à la réalité. Écroulé à mes pieds, les bras déployés, ma victime ressemble au Christ sur sa croix. Je pointe mon pistolet sur son cou, mais pris de remords, renonce à l'achever. Assommé comme il est, il ne se relèvera pas de sitôt.
— Il y a tant de psychopathes sur Terre, maronne Léo. Pourquoi diable a-t-il fallu que ce bâtard de Voyageur m'incarne dans un militant de la LDH(1) ?
— Cette pourriture cosmique, acquiescé-je, a un sens de l'humour très particulier.
Je récupère le fusil à lunette thermique et regagne le palier où Sampa salue mon retour d'un mouvement de queue enthousiaste. Tandis que d'instinct, mes deux piafs pusillanimes se rabougrissent, je lève les yeux vers l'escalier menant aux combles. Sombre et abrupt, il me nargue, l'air convaincu que jamais je ne tenterai son ascension.
La langue pendante, mon associée canine passe devant moi, gravit en sautillant gaiement une dizaine de marches, puis se retourne, la gueule ouverte dans un sourire impénétrable
Au moins, il y en a une ici qui s'amuse bien...
— Putain de bordel de merde ! râlé-je à mi-voix. C'est bon, je te suis...
Tandis que je me remets à grimper, un souffle léger m'effleure la joue, puis un petit son cristallin tinte à mon oreille comme une clochette. Chloé. Malgré ses fanfaronnades, la gosse s'était cachée durant l'escarmouche, mais elle est maintenant de retour...
— Si tu continues à dire des gros mots, annonce-t-elle, t'auras un gage très très dur à faire !
— Parce que tu trouves que venir te chercher dans une maison infestée de prétoriens, c'est simple comme bonjour ?
Saisie par ma véhémence, la fillette ne me répond pas. Sans que cela soit vraiment conscient, je propulse mon esprit hors de mon enveloppe corporelle et descends jusqu'au rez-de-chaussée, où je ne tarde pas à retrouver mes amis, tous groupés et tous vivants. Certes, Maxime n'est plus avec eux et le halo de Rémy me paraît bien pâlichon, mais la porte qui claque à l'étage au-dessus de moi ne me laisse pas le temps de m'inquiéter de ces détails. En alerte maximale, je bondis dare-dare jusque sous les combles. Si les prisonniers n'ont pas bougé, l'aura de leur gardien, verdâtre et tachetée, se rapproche dangereusement de leurs cellules.
— Qu'est-ce que tu espérais, pauvre cruche ? remarque Léo. Vu tout le bruit que tu as fait, ce n'est pas étonnant qu'on nous prépare un petit comité de réception...
Paniqué, je rouvre les yeux. Mon cœur bat si vite qu'il me semble vociférer dans le silence
— Chloé, dis-je, aide-moi, s'il te plaît. Ce n'est pas le moment de bouder.
Aussitôt, mon corps s'embrase, le pouvoir court dans mes veines et mes jambes se désengourdissent. Mes deux fusils en bandoulière et mon pistolet au poing, je gravis la volée de marches aussi vite que si j'étais poursuivi par ce vieux démon de Domitien. Tant pis si le maton m'entend. Il sait déjà que j'arrive. Mais sait-il que je sais qu'il est là ?
Le souffle lourd, je débouche dans un immense grenier poussiéreux, chichement éclairé par le rai de lumière pâle tombant d'un haut vasistas. Immobile sur le seuil, j'ai tellement l'impression d'être parvenu au septième ciel que je laisse échapper un soupir de soulagement. Plus d'escalier à monter ! Mon chemin de croix est enfin terminé. Le reste, les prétoriens, leurs armes sophistiquées et les fillettes spectrales, ce n'est que de la gnognotte. Rien que je ne puisse gérer, en tout cas !
— Et tes chevilles, me demande Léo, elles vont bien ?
— On ne peut mieux, lui réponds-je sur le même ton. Et elles te passent le bonjour !
Tandis que Tex salue ma répartie d'un claquement de bec, Sampa s'assoit sur mes pieds, les oreilles dressées et les yeux rivés droit devant elle, ses pupilles d'ambre luisant dans l'obscurité. À mon tour, j'embrasse les lieux du regard. Mis à part quelques caisses pleines à ras bords de livres surannés et toute une collection d'objets hétéroclites, la pièce est presque vide, ce qui serait plutôt une bonne nouvelle, si la porte desservant la salle voisine ne se trouvait pas pile à l'autre bout.
— Eh ben, Papa Liam, s'énerve Chloé, qu'est-ce que t'attends pour courviter jusque là-bas ?
Gagné par l'angoisse, je scrute le sol, le plancher disjoint aux lattes vermoulues, la poussière qui le recouvre et qui s'est faufilée dans le moindre interstice... Cela ne me dit vraiment rien qui vaille !
— Figure-toi, petite, explique Léo, que de nous quatre, ce baltringue est le seul infoutu de voler !
— Bref, renchérit Tex, il a peur, au mieux d'attirer l'attention, au pire de passer à travers.
Le problème lui apparaissant dans toute sa complexité, la fillette laisse échapper un gémissement sourd. Un peu plus loin, à l'étage, une clé cliquette dans une serrure et une porte grince en tournant sur ses gonds.
Un beuglement s'ensuit, surprise et effroi mêlés.
— Ça y est ! commente Chloé d'un ton curieusement détaché. Le vilain-affreux, y vient de découvrir mon corps et y croit que je suis morte...
Un éclair illumine le grenier comme une plaie douloureuse, puis le tonnerre éclate. Dans les chambres de bonne, les voix enflent, l'une hystérique, l'autre rauque et impérieuse. Une petite onde électrique me parcourt de la tête aux pieds.
Chloé (serviable) : Si tu veux, Papa Liam, je vais voir là-bas ce qui se passe...
Tex (dont la patience atteint ses limites) : Et on peut savoir comment tu t'y prendrais ?
Chloé : Facile ! Je fais zou jusqu'en face, je me riquiquine, je trouve un trou et...
Léo (lui coupant la parole) : Si j'ai risqué mes plumes à jouer les Saint Bernard, ce n'est pas pour que tu restes coincée dans la première serrure venue.
Vexée, la gamine se tait. Toutefois, le silence ne retombe pas pour autant. Entre deux grondements de tonnerre, j'entends Charlotte crier, puis le prétorien lui aboyer ses injonctions. Malheureusement, elles ne m'arrivent que par bribes, diluées et incompréhensibles.
Une nouvelle décharge d'électricité me traverse de part en part.
— Papa Liam, recommence Chloé, ça sert à rien que je reste ici à me terrorrifier.
Avant que j'aie le temps de réagir, la brise légère qui me tenait compagnie depuis notre rencontre dans l'escalier mollit et disparaît. Aussitôt, l'impression d'un vide immense m'envahit.
Tex (écumant de rage) : Non, mais quelle tête de mule ! À vous dégoûter d'avoir des enfants...
Léo (narquois) : De toute façon, c'est pas comme si la question se posait pour toi !
Alors que je retiens un gloussement, mon pauvre pic meurtri se ratatine sur lui-même. Au loin, à l'étage, des pas s'avancent dans ma direction, de lourdes chaussures militaires qui écrasent le vieux plancher fatigué et des petites sandales qui essaient de trottiner en rythme.
Mais soudain, j'entends un NON retentissant, un fracas comme un meuble renversé, quelqu'un qui se débat, puis le bruit sourd d'un coup assené sur une tête et un gémissement douloureux.
Eh oui ! Le destin est à l'image des collégiens, il harcèle toujours les plus faibles.
Léo : On peut trouver bien des adjectifs pour qualifier Charlotte, mais celui que tu viens d'employer ne me serait jamais venu à l'esprit.
Moi : Arrête de jouer les imbéciles ! Tu sais parfaitement que c'est de nous dont je parlais...
Tex (la bécasse de service) : Mais pourquoi le prétorien, il a sorti sa prisonnière de sa cellule ?
Léo (plus incriminateur tu meurs) : Parce qu'en lambinant tel un vieillard cacochyme, l'abruti qui nous héberge a laissé le temps à notre adversaire d'élaborer une stratégie défensive. Il se prépare à utiliser la gamine comme otage.
À la recherche d'une solution appropriée, j'ouvre ma vision éthérique. Alors que le halo trop noir de Charlotte demeure immobile, celui de son bourreau se rapproche peu à peu. Atrocement fluorescent, il ressemble à un citron vert radioactif.
Cet Incroyable Hulk (2) se préparerait-il à m'attaquer ?
D'instinct, je m'aplatis contre Sampa qui vient aussitôt frotter sa tête ébouriffée contre moi et cela me fait me sentir mieux. Toutefois, l'instant de grâce ne dure pas. Lasse de jouer au gentil toutou, la chienne bondit en avant, saute par-dessus un coffre et vient se planter devant la porte aménagée dans le mur d'en face.
De l'autre côté, sa maîtresse adorée est en grand danger, elle le sent du plus profond de son être.
— Ça me brise les nougats de le reconnaître, intervient Léo, mais ce clebs a de sacrées burnes. Tu devrais prendre exemple...
Les éclairs tout proches illuminent maintenant le grenier comme un décor stroboscopique et le tonnerre roule autour du manoir avec un fracas épouvantable. Ses ronflements se succédant sans interruption, j'y vois un signe que les cieux viennent enfin à mon aide. Même si le plancher craque sous mes pieds, personne ne m'entendra approcher.
Je me lance à mon tour, en zigzaguant le plus discrètement possible entre les différents objets au rebus et les toiles d'araignées patibulaires. Parvenu à destination, je me colle contre le mur, mon Browning tenu à deux mains. Comme je sens à nouveau l'air se rafraîchir autour de moi, je lance une radarisation de l'étage.
Son aura lumineuse flottant au-dessus du halo limpide de Sampa, Chloé semble avoir renoncé pour l'instant à jouer les Dora l'exploratrice. (3)
— Désolée, mon Papa Liam, gémit-elle à mon oreille, mais j'suis pas arrivée à passer.
N'ayant pas le cœur à la gronder, je tends mes sens au-delà de la salle. S'il se trouve encore à une distance appréciable de ma position, l'Impérial continue à s'avancer vers moi, son halo torturé flottant dans le brouillard de cet entre-deux-mondes.
Aussitôt, je cligne des yeux pour revenir à l'instant présent. Bien campée sur ses pattes, la chienne s'acharne à fixer le battant de bois comme si elle pouvait l'ouvrir par la seule force de sa pensée.
Sans trop y croire, je tends la main vers la poignée.
Miracle ! Elle tourne...
J'inspire un bon coup, tire doucement la porte vers moi, puis avance la tête pour jeter un coup d'œil par l'ouverture.
Et là, les catastrophes s'enchaînent avec leur logique infernale.
Impatiente de revoir sa maîtresse, Sampa se faufile dans l'entrebâillement et disparaît à ma vue. Charlotte a-t-elle aperçu sa chienne ? Un nouveau cri lui échappe, aigu et angoissé. Vite ! Je pousse le battant d'un coup de pied pour le refermer, mais la rafale qui s'écrase dessus le rouvre à la volée.
Tandis qu'il se rabat bruyamment contre le mur, les tirs se poursuivent encore quelques secondes, puis font place à un silence angoissant.
Je reste là, immobile, mes pensées virevoltant tel un essaim de moustiques.
Puis une nouvelle salve poinçonne les murs et le sol, faisant voler devant ma visière une gerbe de poussière et d'esquilles de bois. Aussitôt, le souffle se bloque dans ma poitrine. Contrairement à Galilée, je ne suis pas un guerrier et ne sais absolument pas comment réagir...
Le HK418 se tait.
L'index sur la détente de mon pistolet, je prends une longue inspiration. Dans ma tête, chacun réfléchit, cherchant à élaborer une solution qui n'entraîne ni massacre ni reddition. Mais pourquoi le prétorien a-t-il cessé de tirer ? Pourrait-il être à court de munitions ?
La brise légère qui tourbillonne autour de moi s'intensifie. Le froid se glisse sur ma peau telle une nouvelle combinaison. Ma pauvre Chloé qui commence à bouillir d'inaction...
— Le vilain-affreux, constate-t-elle, il a tout démoli la porte...
— Et alors ? réponds-je. Ces malades enlèvent des petites filles et assassinent à tout-va. Ce n'est pas un monument historique qui va les arrêter !
Derrière moi, les ténèbres grondent, cinglées de lueurs sanglantes, et bien que l'atmosphère soit étouffante, je recommence à frissonner.
Une voix stridente me déchire le tympan droit, telle une aiguille plantée dans mon oreille.
— Qu'est-ce que tu peux être bête, des fois ! Maintenant que c'est tout bousillée, j'ai qu'à me dégrandir, rentrer et visier à côté comment c'est...
Tandis que mon cœur s'affole bêtement, le manoir craque, semblant se déchirer de part en part. Ma philosophie a toujours été de ne jamais avoir d'enfants. Pourtant, à peine m'avait-elle vu que la petite Chloé me choisissait comme papa d'adoption et que je me retrouvais à devoir vivre avec ça sans pouvoir en parler à personne.
— C'est très gentil de ta part, ma puce, mais moi aussi, j'ai des super-pouvoirs et suis capable de me débrouiller. Si tu veux vraiment m'aider, le mieux que tu pourrais faire, c'est de voleviter jusqu'à ton corps et d'essayer d'y revenir à l'intérieur...
Enthousiasmée par mon idée, l'enfant-brise s'enroule autour de moi comme une pieuvre amoureuse, puis dépose un souffle glacé sur ma nuque tel un gros bisou d'au revoir.
La sensation de froid qui m'imprégnait me quitte enfin. Mais pas d'emballement, mon karma pourri reprend illico le dessus. Une brève rafale résonne dans les profondeurs du manoir, un roulement de tambour dans le grondement de l'orage.
Un unique tir lui répond, le claquement sec de la mort.
À la pensée que l'un des miens ait pu être touché, mon cœur s'emballe. J'active aussitôt mes perceptions extra-sensorielles, mais dans la pièce à côté, le plancher qui recommence soudain à craquer ne me laisse pas le temps d'aller vérifier les auras de mes amis.
Je propulse ma magie à travers la porte.
Ainsi que je le subodorais, l'Impérial est allé récupérer Charlotte qu'il avait dû attacher à un meuble quelconque. Son aura et celle de sa prisonnière flottent maintenant si près l'une de l'autre qu'elles s'enchevêtrent par moments dans un horrible vert caca d'oie.
J'esquisse un pas vers la porte quand Hulk tire à nouveau, déclenchant un feu d'enfer. Alors que les balles se perdent dans l'obscurité, je me fige, tétanisé et le souffle coupé. Le HK418 cesse ses aboiements et le silence retombe dans les combles pour mugir dans mes oreilles tel un torrent noir.
— Toi là-bas ! Tu te rends, ou je tue l'otage.
La voix de l'Impérial roule vers moi dans un grondement menaçant. Aussitôt, mon poing se crispe autour de la crosse de mon pistolet.
— Mais ça va pas de défourailler ainsi ! hurle Charlotte. Il n'y a personne à côté. Ce n'était qu'un chien...
Je rouvre les yeux. Au-dessus du toit, les éclairs craquent comme si des dizaines de petites Chloé bombardaient les nuages de leurs mains invisibles.
— Un chien, bien sûr, reprend le prétorien d'une voix mauvaise. Et c'est lui aussi qui a tiré y a pas cinq minutes. Il est même si doué qu'il a été capable de faire exploser le rez-de-chaussée.
Un éclair plus violent que ses collègues cisaille soudain le ciel noir. L'espace d'un instant, sa lueur aveuglante étire sur le sol mon ombre géante.
Je me recule, mais trop tard. Le prétorien l'a aperçue.
— Vous ! crie-t-il. Jetez vos armes et avancez, les mains en l'air. Lentement...
L'ordre a claqué tel un coup de pistolet. La sueur perle sur mon front, à la racine des cheveux. Je passe ma langue sur mes lèvres fiévreuses.
— Vous n'oseriez quand même pas descendre la fille du Magister Hébrard !
Ma voix a déraillé comme si elle était rouillée. Hulk explose d'un rire cynique. Charlotte étouffe un cri grinçant.
— Je le dirai à mon père, que vous m'avez malmenée et menacée. Il vous fera jeter en prison.
Le prétorien s'esclaffe à nouveau et ma gorge se noue. Pour sauver sa peau, il n'hésitera pas à tuer son otage.
— Vous ne lui raconterez rien du tout puisque vous serez morte. Et de toute façon, là où il est, ce sale serpent est inoffensif.
Sa captive laisse échapper un gémissement, que suit un instant de silence tortueux. Le sang pulse tellement dans mes veines que mes paupières sont agitées de tics nerveux.
— Vous avez trois secondes.
Désemparé, je laisse mes yeux errer devant moi. L'orage a-t-il lui aussi été pris de peur ? Les éclairs ont pâli et le crépuscule a envahi le grenier, peignant les lattes du plancher en bleu et violet.
— Un...
Mes neurones s'activent en surmultiplié. Le fils de pute que j'affronte blufferait-il ?
— Moi non plus, crié-je, je n'en ai rien à foutre de cette fille.
— Bien sûr, crache le prétorien. Celle qui vous intéresse, c'est la gosse dans la cellule. Mais si je descends celle-ci, il n'y aura plus aucun rempart entre elle et moi.
Mon cœur s'affole. Le temps est une drôle de chose. Quand on doit rendre un devoir sur table, il passe très vite, mais quand on essaie de sauver une petite patricienne prétentiarde, une seconde semble une éternité.
— Deux...
Dans mon esprit enfiévré, Léo s'ébouriffe.
— Tu vas en avaler ta chique, mais je ne peux que donner raison à cet enfoiré. Charlotte n'a aucune importance. Seule compte Chloé.
Il n'a pas achevé sa phrase que mes muscles se figent. Aussitôt, mon corps devient dur comme si j'étais fait de pierre. Ce sale bâtard de rapace cherche à prendre le contrôle de mon corps !
— C'est la sœur de Thibaut, protesté-je Jamais je ne laisserai lui arriver quoi que ce soit.
Vite ! Je rassemble mes dernières forces. Venant immédiatement à mon aide, Tex invoque sa magie et la propulse dans mes veines. Déjà, mon sang circule plus vite...
— Trois...
— Je suis là, m'exclamé-je.
M'arrachant à l'emprise de Léo, je jette mes deux fusils sur le sol.
— Entrez que je puisse vous voir. Et gardez les mains en l'air.
Je lance le plus loin possible mon Browning dans la pièce d'à côté, puis franchis le seuil.
Léo (trompetant) : Quel abruti tu fais !
Tex (solennel) : Moi vivant, il ne basculera jamais du Côté Obscur.
Le silence retombe dans ma tête et je m'avance doucement.
— Stop ! Ne bougez plus.
Bien que la magie de mes Oiseaux me titillent, je m'immobilise. Le souffle court, je détaille mon ennemi. Il a enroulé son bras autour du cou de son otage et tend son pistolet en direction de son crâne.
Ses grands yeux ronds brillant comme deux mini-Voyageurs accrochant la pâle lumière du crépuscule, Charlotte me fixe. M'a-t-elle reconnu ? Rien dans son attitude ne paraît l'indiquer.
— Je vous en prie, dis-je. Ne la tuez pas. Je me rends...
Le prétorien frémit. Son uniforme rutilant semble de bonne qualité. Mais il est tête nue.
Il est tête nue !
— Putain de bordel ! jure Léo. Tu as capitulé pour rien. On aurait pu l'avoir.
Le soir s'épaississant, l'obscurité roule sur le sol, les parois et le plafond. Dans le dos de l'Impérial, les ombres se creusent et deviennent traîtres. Elles ne m'empêchent toutefois pas de voir la porte menant aux chambres de bonne s'ouvrir silencieusement. Sampa s'encadre sur le seuil.
Le preneur d'otage me lance un regard glacial.
— Enlevez votre casque, m'ordonne-t-il. Que je vois à qui j'ai à faire !
Léo m'a-t-il dépossédé de mon libre-arbitre à mon insu ? Incapable de bouger, je ne peux que dévisager mon ennemi. Pendant un instant, je n'entends plus que le tam-tam de mon cœur.
Et puis Charlotte prend la parole.
— Putain, Rufus ! laisse-t-elle tomber de la voix dédaigneuse qui la caractérise. Qu'est-ce que vous attendez pour obéir ? Vous voulez me faire tuer ou quoi ?
Tandis que l'une de mes mains descend d'elle-même, le prétorien se raidit. Il est clair qu'il a de plus en plus de mal à garder son sang-froid.
— Vous le connaissez ? demande-t-il à son otage.
— Hélas ! répond cette dernière avec tout le mépris dont elle est capable. C'est l'un des hommes de mon père. Un véritable abruti, soit dit en passant.
L'incroyable patricienne pense-t-elle pouvoir longtemps endormir la vigilance de son geôlier ? Autant entrer dans son jeu...
— À vos ordres, puella ! dis-je.
Charlotte m'adresse le sourire le plus doux qu'elle ait en rayon. Puisque j'ai toujours paru plus vieux que mon âge et que ma cicatrice me donne maintenant un air de gros dur, peut-être le prétorien me prendra-t-il pour l'un des siens et hésitera-t-il à tirer ?
J'active l'ouverture du casque, l'enlève et le laisse tomber.
— À genoux, mains derrière la tête ! m'ordonne-t-il.
Charlotte mijote-t-elle un tour à sa façon ? Mes yeux rivés droit devant moi, j'obtempère illico. Mais à peine me suis-je incliné que des bruits inquiétants viennent fêler le silence qui règne maintenant à l'extérieur du manoir. Le ronronnement discret d'un moteur modifié et les grincements sinistres d'un portail rouillé...
Tandis que je tressaille, le visage du prétorien s'illumine. Ça y est, les renforts sont là !
— Eh bien, commente Léo, on est pas dans la merde.
Dehors des portières claquent. Un ordre fuse, aboyé par une voix impérieuse que je reconnaîtrai entre mille. Un long frisson remonte le long de mon échine.
— Si vous tenez à la vie, déclare Charlotte, vous avez tout intérêt à me ramener dare-dare dans ma cellule. Et en un seul morceau de préférence...
L'Impérial pâlit. La tension est palpable. C'est le moment pour moi d'enfoncer le clou.
— Vous devriez écouter la demoiselle, décrété-je en regardant Sampa s'avancer à pas de loup. Juste au cas où votre chef travaillerait pour le mien...
Son regard hanté vissé sur moi, le prétorien resserre son bras autour du cou de son otage, puis commence à reculer.
Droit vers la haute silhouette du grand black balèze qui s'est encadrée dans la porte du fond.
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(1) LDH : Ligue des Droits de l'Homme
(2) L'Incroyable Hulk : Au cours d'une opération scientifique qui a mal tourné, le docteur Bruce Banner est exposé à une surdose de radiations nucléaires. Miraculeusement indemne, il sort néanmoins affecté de cette douloureuse expérience et développe le pouvoir de se transformer en Hulk, un monstre vert à la force surhumaine et à la rage incontrôlable.
(3) Dora l'Exploratrice : Série d'animation américaine pour la jeunesse.
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Merci pour votre patience !💗💗
S'il reste sûrement des retouches à faire, j'espère que le chapitre vous a plu tout de même. 🙏🙏
Dans le prochain épisode, vous retrouverez la seconde équipe. Vous vous rappelez ? Chargé de couvrir Galilée, Thibaut s'est laissé distraire par l'échange de coup de feu entre Rouge-Brique et Liam. Résultat, Galilée a pris une salve de fusil-mitrailleur dans sa combinaison, sans doute tirée par le légat Brun-Citrouille...
Elle ne va pas être contente ! 😂
Je vous souhaite une très bonne semaine !
Bisous. 🥰😘🤗
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