Chapitre 16-4 (d)

(Limousin 5 septembre 16h 02)

Après avoir réussi à faire parler le légionnaire capturé par Thibaut, Liam s'éloigne du groupe, discute quelques instants avec Galilée. Mais comme le jeune patricien s'avance vers eux, Galilée fuit vers le VW. 

Liam

J'ai une migraine plus grosse que l'Alaska, mon visage déchiré me fait un mal de chien et mon épaule luxée pulse comme si on me lacérait les muscles de l'intérieur. Pourtant, je ne peux m'empêcher de savourer le spectacle de ce beau gosse qui marche vers moi, de ses cheveux d'ange en désordre, de ses joues noircies par une barbe de plusieurs jours et de son regard trop bleu.

Brad Pitt.

Sans ses rides ni ses pattes d'oie. Sans Jennifer ou Angelina au bras.

Mais pourquoi me fixe-t-il avec ce regard mouillé qui vous flingue à la fois les jambes et le moral ?

— Ça va ? On dirait que tu as vu un fantôme.

À peine mon petit patricien a-t-il prononcé ces mots que des taches noires se mettent à danser devant mes yeux telle une nuée de moucherons. Incapable de répondre, je me laisse glisser à terre.

Aussitôt, Sampa se tapit contre moi, la langue pendante et l'air soucieux.

Terrifiés par ses crocs impressionnants et son haleine de carnivore, mes Oiseaux ne pipent plus mot et le silence règne enfin en moi, immense et réparateur.

Reconnaissant, je pose ma main sur le crâne de ma bienfaitrice, qui lève sur-le-champ son regard vers moi. Les ombres qui le hantent me rappellent celles qui s'allongent dans mes yeux, en plus pâles et en plus dentelées.

— Liam, tu as fait ta part, dit Thibaut. Repose-toi. On s'occupe d'Olivier.

Mes paupières s'abaissent d'un coup et je sombre. Le temps fuit sans retour alors que j'erre entre deux rêves. Je suis tombé amoureux comme on dégringole dans un trou.

Mais soudain, je sens une présence et rouvre les yeux. Mon petit patricien se tient à nouveau devant moi, le corps raide comme un piquet, ses yeux emplis de gravité.

— Mission accomplie, m'informe-t-il. Le gosse est enterré. Et j'ai bien repéré l'endroit, juste au cas où...

Je fixe son visage impassible. Bordel. Son attitude n'offre aucun angle d'attaque. C'est un miroir qui se borne à réfléchir ma propre détresse.

— J'ai pensé, reprend-il, toi qui sembles croire en des puissances supérieures, peut-être que tu aimerais dire une prière sur sa tombe pour le repos de son âme ?

Cette demande est si inattendue, surtout venue de sa part, qu'un hoquet m'échappe. Toutefois, j'ai encore tant d'images terribles incrustées dans mes rétines que je secoue la tête.

— Je refuse, décrété-je, d'invoquer un Dieu capable de laisser commettre des crimes aussi horribles.

Compréhensif, Thibaut acquiesce. Il s'assied face à moi et telles des ombres d'eux-mêmes, nos compagnons de route – Rémy, Nicolas, Claire, Maeva et Galilée – viennent nous rejoindre.

Nous sommes sept. Comme les sept jours de la semaine, les sept nains ou les sept péchés capitaux.

Un chiffre magique pour un dernier briefing.

Et si c'était un signe des cieux ? Thibaut s'éclaircit la gorge.

— Galilée et moi, on s'occupe de libérer nos sœurs. Mais vous, ce ne sont plus vos affaires. Nos routes devraient se séparer ici. Il y a de fortes chances pour qu'on ne s'en tire pas vivants, et je ne veux pas que vous risquiez une fois de plus la mort à cause de moi...

— À deux, le coupé-je, tout compétents que vos soyez, vous ne pouvez pas vous en sortir. J'ai compris la leçon tout à l'heure. Et j'ai un compte à régler. Alors, j'en suis.

— Je viens également, renchérit Rémy. J'ai cru que cet enfoiré de Domitien allait me tuer. Et vous aurez besoin d'un chauffeur.

— OK pour moi aussi, ajoute Nicolas. Mais pas les filles. Elles garderont les Harley, avec Sampa.

— Bon, on fait comme ça, conclut Thibaut, visiblement soulagé. Mettons le plan au point.

Quelques minutes plus tard, tandis que Maxime explique le fonctionnement du Glisseur aux autres, je redescends vers le VW. La douleur s'est répandue dans tout mon corps et je sais qu'à moins d'être vite soigné par Chloé, je risque de souffrir ainsi toute ma vie.

Pourtant un excès de coquetterie me pousse à vouloir constater de visu l'ampleur des dégâts.

Je me penche au-dessus du rétroviseur rescapé, frotte la terre et contemple mon reflet. Mes yeux ont doublé de volume et l'un d'eux ressemble à un paquet d'algues échouées. Jamais la plaie boursouflée qui me traverse la joue droite ne pourra disparaître ! Juste s'atténuer, peut-être ?

J'enlève mon tee-shirt. Mon épaule me paraît atrocement gonflée, ronde et phosphorescente. Pas du tout belle à voir.

Abattu, je me laisse glisser à terre, fouille ma poche et m'allume une clope dont j'inhale lentement une bouffée. Quelle sensation extraordinaire !

Comme quoi, un petit nuage de fumée peut faire disparaître de grosses nébulosités !

— T'inquiète, ton épaule est tout à fait assortie à ta tête !

Je bondis ; sauf que je suis si faible que je manque m'étaler.

— Et le tout s'accorde parfaitement à ton allure générale, continue Thibaut, imperturbable. Une démarche totalement assurée. Des jambes bien coordonnées... Le parfait héros du 21ème siècle !

Il me rejoint et s'installe à côté de moi.

— Merci, reprend-il, pour ton soutien dans ce combat qui n'est pas le tien.

Je plante mes yeux dans les siens. Tellement bleus. Tellement brillants.

— Là tu te trompes ! l'informé-je, en tâchant de dissimuler l'intense souffrance que me cause chacun de mes mouvements. Quand j'ai vu Domitien abattre de sang-froid ses propres hommes parce que je les avais blessés, ta mission est devenue ma mission. Je ne pourrais retrouver la sérénité que lorsqu'il sera mort.

— J'ai quelque chose, me propose-t-il en remarquant ma grimace de douleur, qui pourrait te soulager en attendant qu'on ait récupéré Chloé...

Il m'adresse un sourire plein de promesses. Je le regarde ouvrir son poing. Quelle n'est pas ma surprise quand j'y découvre un petit caillou noir et cabossé, mais brillant d'un éclat singulier !

— C'est la météorite dont je t'ai parlé. Sa chaleur me donne du courage et m'apaise. D'ordinaire, elle ne veut avoir affaire qu'à moi ; mais depuis que je te l'ai prêtée tout à l'heure, elle a envie de te rejoindre. C'est sûrement un signe de ce destin auquel tu crois tant. Prends-la et serre-la fort...

Sentant déjà son énergie, j'éteins ma clope et presse l'artefact dans mon poing crispé. Aussitôt, ma douleur s'atténue et d'étonnantes images apparaissent dans ma tête.

Je flotte. Il n'y a que du noir autour de moi. Et des étoiles. Beaucoup d'étoiles... Un éclair fulgurant... Mon pouls s'accélère ; ma tête explose...

Quand je lâche la pierre dans la paume de Thibaut, mes doigts effleurent sa peau.

Ma joue a cessé de m'élancer et dans mon épaule, la douleur s'atténue. Mais pourquoi ce picotement dans les phalanges remonte-t-il en un léger frisson le long de ma colonne vertébrale ?

Si cette ordure de Domitien a réussi à rendre mon âme aussi noire que la sienne, s'il est parvenu à faire de moi un homme capable de semer la mort sans remords, il s'est, malgré tout, révélé incapable de juguler les émotions que je ressens en présence de Thibaut.

Je rallume ma cigarette et absorbe une bouffée de fumée que je recrache en une succession de petits ronds.

Léo : Souviens-toi de Jesse !

Tex : Thibaut n'a rien à voir avec lui !

Léo : Bien sûr ! Jesse n'était qu'un mirage, une illusion...

Moi : Avec qui j'ai quand même couché !

Tex : Tandis que Thibaut, c'est un roc, une certitude ! Il est réel, tout ce qu'il y a de plus réel !

Léo : Ouais ! Il est encore plus arrogant, lunatique, hautain, versatile...

Tex : Tout à fait notre genre !

Moi : Arrêtez de me mettre le cerveau à l'envers ! Thibaut n'est qu'un trouble. Vague et passager.

Submergé par un flot d'émotions – ça fait un moment que je n'ai plus pensé à mon amant du Tuc-Haut – j'aspire une nouvelle bouffée de fumée, me tourne vers mon Einstein bien à moi et la lui souffle au visage.

Pour me prouver quoi ? Rien. Je veux juste l'énerver. Peut-être même l'éloigner.

Les sentiments ambivalents que j'ai éprouvés pour Jesse me semblent maintenant bien tièdes en comparaison de cet émoi qui me brûle la poitrine dès que je sens ce foutu patricien à proximité.

— Fais gaffe, le plébéien ! sourit-il. Le tabac, c'est du poison ! Tu vas t'intoxiquer à petit feu.

— Je crois bien qu'une balle me tuera avant que le cancer ne me trouve...

Son rire communicatif se prolonge dans la grisaille du jour. Je voudrais que cet instant dure toujours.

Je lève la tête vers le ciel.

— Tu sais, lui confié-je, le Voyageur me manque, lui et les ombres qu'ils projetaient sur la Terre.

Il darde vers moi son regard acéré.

— Ses ombres sont toujours là !

Nous nous murons un instant dans le silence comme pour méditer sa réponse.

— Alors, c'était comment ? l'interrogé-je.

Il comprend instantanément de quoi je veux parler.

— Pas trop mal sur le moment. Au moins, je l'aurais fait avant...

Je ne peux pas en écouter plus et lui prends la tête à deux mains. Il ferme les yeux. Je pose tendrement ma bouche sur la sienne et ressens au plus profond de moi le tremblement de ses lèvres et l'intensité de sa peur.

Ce baiser n'est pas un de ceux que l'on échange, perdus de désir. Non, ce baiser est un de ceux qui scelle deux destins.

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En espérant que cette fin vous plaise, je vous souhaite un Joyeux Noël ! 

Si vous avez la chance d'être en famille ou avec des amis, profitez bien !💗💗

Il ne reste plus que deux arcs avant la conclusion du livre III : l'attaque du manoir pour délivrer Charlotte et Chloé, et... et... Je ne spoilerai pas. 😍

Mais je ne sais pas quand je republierai à nouveau. Je pars en vacances la semaine prochaine et je n'ai même pas relu les chapitres qui suivent. Je me doute quand même qu'il va y avoir du travail de réécriture.

Je vous présente donc tous mes vœux pour la nouvelle année : santé, réussite, bonheur et amour. 💜💚💛💗

Bisous et n'oubliez pas la petite étoile.  ⭐



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