Chapitre 15-1(a)
(Limousin 5 septembre 10h40)
Si la nuit dans la ferme de Jacques fut assez calme, le réveil est plutôt rude. Un épais nuage de poussière volcanique cache le soleil.
Nos amis décident malgré tout de poursuivre leur voyage. Ils n'ont guère parcouru de kilomètres quand un puissant séisme coupe la route en deux. Liam est blessé à l'épaule. Chloé commence à le soigner, mais doit s'interrompre pour sauver Rémy, enseveli.
Ayant trop donné de sa personne, la petite fille tombe évanouie.
Galilée
Avons-nous emprunté sans nous en rendre compte un Portail pour déboucher dans le Monde à l'Envers ? Un Demogorgon se prépare-t-il à nous sauter dessus au détour du prochain virage ? (1)
Je sais, je sais. J'adore me faire des films.
N'empêche ! Les territoires que Thibaut et moi nous traversons, juchés sur notre moto, ressemblent trop à une zone d'Après la Fin des Temps pour que l'on puisse me reprocher cette comparaison avec l'Upside Down. (1)
De la poussière, partout.
Il n'y a plus de bleu dans le ciel puisque les particules volcaniques ont éteint le soleil et occulté le Voyageur. Il n'y a plus de couleurs sur le paysage puisque la végétation rescapée est recouverte d'une substance fine et cendreuse, comme du sable. Il n'y a même plus vraiment de relief puisqu'à l'horizon tout se confond, les arbres squelettiques qui tordent leurs troncs noueux et les rares bâtiments encore debout qui plissent leurs façades difformes.
La désolation absolue.
Plus rien ne brille, plus rien ne brillera jamais, sur notre pauvre Terre en deuil.
Et pourtant, ma Harley continue à suivre majestueusement la départementale chaotique. Même si la lumière de ses phares, un vacillement jaunâtre, salit plus qu'elle n'éclaire la route qu'elle est censée révéler. Même si de chaque côté, les buissons et les arbustes agitent leurs branches, comme des antennes d'insectes géants dans la brise tiède. Même si l'atmosphère est aussi tourmentée que les pensées qui vont et viennent sous mon crâne fiévreux.
Le VW était mort et déjà quasi enterré. Choqué autant par l'horrible trépas de son van que par son propre accident, Rémy avait l'air d'un zombi, un Walking Dead immobile et muet. Charlotte ne valait pas mieux : sans même songer à râler contre son frère, elle se contentait de suivre Sampa partout tel un petit chien. Vidée de toute énergie après son remarquable exploit, Chloé était tombée en léthargie à la manière d'un foutu amphibien. Quant à Liam, même s'il ne l'aurait avoué pour rien au monde, il souffrait le martyre à cause de son épaule meurtrie.
Les ambiances pourries, non merci !
J'avais peut-être perdu la mémoire, mais je me savais au plus profond de moi incapable de longtemps broyer du noir.
Autant commencer à exécuter le plan que nous venions d'improviser, à savoir nous rendre à pieds jusqu'à chez Liam et trouver là-bas, au Tuc-Haut, un autre véhicule pour rallier Carcassonne.
— Bon, me suis-je exclamée, puisqu'il faut bien que quelqu'un se décide à agir, je me porte volontaire comme explorator (2). Sur ma moto, j'aurais vite fait de voir si la route reste praticable.
La plupart des regards ont convergé vers moi, consternés ou admiratifs. Thibaut, lui, s'est figé, tel un putain de robot en pause.
— Tu crois que c'est prudent ? m'a-t-il demandé.
J'ai craché un peu de poussière, tapoté mon jean dont s'est élevé un nuage de fumée, puis ai passé la bretelle de mon HK418 en bandoulière dans mon dos.
— Je suis tout à fait capable de me défendre.
Est-ce mon charme sauvage qui agit enfin ? Ou sa fonction de leader qui l'incite à aller de l'avant ? Toujours est-il qu'à ma grande surprise – et à ma grande joie, car je n'osais l'espérer – Thibaut choisit de me suivre.
— Je viens avec toi ! décrète-t-il. Liam, je te confie le groupe.
Une ombre furtive passe sur le visage de son optio. Toutefois, comme l'heure n'est pas aux gamineries, Roméo se ressaisit sur-le-champ et lui montre son Sig-Sauer.
— Tu peux partir tranquille. Quiconque nous attaquera aura à faire à moi.
Sa posture était ferme, sa main nonchalamment posée sur son pistolet, et la voix avec laquelle il a rassuré son décurion se voulait aussi dure qu'une poutre en acier. Toutefois, je ne suis pas dupe.
Et mon crush non plus.
Un soupir tremblant lui secoue le corps. Atterrée, je le regarde peser le pour et le contre. Mon gros bêta ne sait plus sur quel pied danser.
L'aventure ou ses obligations ? L'insaisissable inconnue ou son beau brun ténébreux ?
Ça ne fait pas vingt-quatre heures que j'ai rencontré mon nouveau principal (3), et pourtant je suis sûre de l'avoir déjà parfaitement cerné. Je sais très bien quelle option il va retenir. Cet âne bâté a le sens du devoir et de la responsabilité gravé dans son ADN.
Et si je pouvais influer sur sa décision ?
Je prends un petit air hyper concentré et scanne consciencieusement les alentours.
En vain.
Je ne perçois rien parce que dans ce paysage lunaire, il n'y a rien à percevoir.
À part la poussière, bien entendu.
Celle qui salit le ciel et floute le paysage ; celle qui monte du sol pareille à une fumée grise.
— Je ne vois vraiment pas, décrété-je, ce que les nôtres pourraient risquer, réfugiés en haut de cette butte. Le bosquet d'acacias sous lequel on a établi notre campement est plutôt fourni. Personne ne les remarquera...
Mes paroles restent suspendues dans l'air et le défi suinte de chacun de mes pores. Furax, il se tourne vers Claire et Nicolas qui remontent vers nous, les bras chargés d'affaires qu'ils ont réussi à récupérer dans le VW. Puis il étudie à nouveau notre bivouac improvisé. Rémy assis par terre, ses mains se tenant le crâne. Maeva en larmes qu'Olivier essaie de réconforter. Charlotte, la tête enfouie dans la douceur des poils de sa chienne.
Ses amis. Sa famille.
Ces baltringues ont une personnalité tellement fade, insipide et quelconque ! Ils me font penser à de pauvres lapins sans défense dans la mire de méchants chasseurs...
Je me demande vraiment ce que mon dux peut leur trouver.
— De toute façon, rajouté-je, on est complètement seuls. Il n'y a pas âme qui vive à la ronde. Si vous voulez mon avis, les derniers autochtones ont tous péri dans le tremblement de terre.
Alors qu'une onde de panique se propage dans l'assemblée, le patricien pivote vers moi et son regard s'ancre dans le mien, réprobateur. Allez savoir pourquoi, j'éprouve aussitôt la sensation fort désagréable de ne rien pouvoir lui cacher.
Cet enfoiré a un instinct de malade.
— N'importe quoi ! tonne-t-il. La zone était déjà déserte avant le séisme...
Avalant péniblement sa salive, il se détourne pour balayer son groupe des yeux. Et là, comme par magie, je sens tout le monde se détendre, souffle régulier et esprit apaisé.
— Mais Galilée a quand même raison sur un point. On ne peut pas rester ici ad vitam aeternam. Le temps que vous vous reposiez, je vais avec elle étudier l'étendue des dégâts.
Ravie d'avoir eu gain de cause, je m'élance sans attendre vers la route où j'ai laissé ma Harley.
— T'inquiète, entends-je Nicolas le rassurer. Tu peux partir tranquille.
Je ralentis, histoire de laisser à Thibaut le temps de me rattraper. Mais voilà qu'après avoir à son tour dévalé la pente, il m'agrippe le bras.
— Tu fais toujours dans la dentelle, hein ? râle-t-il. Si tu veux rester avec nous, tu vas devoir développer ton empathie.
Piquée au vif, je me dégage d'une bourrade autoritaire et reprends mes distances.
— Quoi ? grogné-je. Y a aucun mal à dire qu'un mort est mort. La mort fait partie de la vie. Je ne comprends vraiment pas pourquoi ce sujet est tabou. Tous vos euphémismes et vos circonlocutions pour en parler, ça me débecte !
Mon dux me fixe. Ses yeux ressemblent à ceux de Ragnar Lothbrok (4), féroces et froids. Mon petit génie vient de piger que je ne suis pas humaine.
— Et puis, rajouté-je avec la pire des mauvaises fois possibles, c'est mieux de savoir la vérité.
Je rejoins ma moto et l'enfourche. Thibaut s'est rapproché, mais reste planté à côté, tel un échalas. Par le Voyageur ! Pourquoi ce crétin n'est-il pas encore monté derrière moi ?
— Alors l'aristo, l'interpellé-je. Qu'est-ce que tu attends ? Les pompiers ?
Je me penche vers lui. Fumasse, il me lance son fameux regard. Celui dont il me gratifie quand je menace de descendre des bikers désarmés ou que je lance des couteaux sur des gamins qui m'ont poussée à bout.
— Pas eux, non ! siffle-t-il. Mais je suis toujours en train de me demander si tes anciens collègues ne vont pas finir par pointer le bout de leur nez.
Une horrible sensation me noue aussitôt l'estomac et ma respiration s'emballe. Lorsque je béquille la Harley, je ne suis plus qu'une loque parano. Qu'est-ce que cet enfoiré sait sur moi que j'ignore ?
— Je ne peux pas être une prétorienne, craché-je. Je déteste tout ce que ces salopards représentent. Je hais l'Empire. J'abhorre César...
Mes efforts misérables pour nier l'évidence le faisant pouffer, je m'interromps. Ce qui ne l'empêche pas d'énumérer ses preuves, histoire d'enfoncer le clou plus profond.
— Tu sais te battre, tu sais viser, tu as des réflexes de commando et ce n'est pas la compassion qui t'étouffe...
— Je parle comme un légionnaire, le coupé-je, la grossièreté fait partie intégrante de mon existence et mon fusil est un HK418, l'arme officielle de la Garde Impériale.
Je me tais. Le silence nous enveloppe, lourd et mystérieux, tandis que de prudentes bourrasques rôdent autour des éboulis.
Je n'ai jamais vécu de matinée aussi molle.
Pourtant, soudain, le visage de Thibaut s'éclaircit et son rire éclate parmi les décombres, tel un big-bang, le début de tout.
Le début de nous ?
— Je t'ai déjà vue avant, m'explique-t-il, une fois. Tu portais encore l'uniforme photochromique, mais tu n'étais déjà plus vraiment une prétorienne. Alors qu'un avis de recherche court sur moi dans tout l'Empire, tu m'as laissé m'échapper.
Je regarde dans le vague, essayant de ne pas montrer le soulagement que j'éprouve. Toutefois, comme s'il possédait la même perception extrasensorielle que moi, Thibaut est absolument impossible à duper.
Il capte mon désarroi et me saisit doucement le bras. Le frémissement qui me parcourt la peau étant loin d'être désagréable, je me retourne vers lui.
La satisfaction perverse qui lui ombre le visage m'échauffe illico l'utérus.
— Espèce d'ordure, ragé-je. Pourquoi tu m'en as pas parlé avant ?
— Parce que j'ignorais quelle serait ta réaction ! Tu aurais très bien pu décider de descendre tous les miens pour me livrer à BMI, histoire de te refaire une virginité.
Vexée, je lui montre mon majeur favori, mais me dépêche de le replier quand je m'aperçois qu'il tremblote. Bon prince, mon interlocuteur se contente de me dévisager, un vague sourire aux lèvres.
Ma main à couper que ce prétentiard a pitié de moi !
— Et je peux savoir ce qui t'a fait changer d'avis ? demandé-je avec un peu trop d'empressement.
Il passe sa main dans ses cheveux en bataille. J'appréhende tellement sa réponse que ma gorge se noue. Étais-je déjà ainsi – froussarde et larmoyante – avant mon amnésie ? Je n'en ai pas l'impression puisque j'ai vraiment honte de mon comportement. Depuis que j'ai rencontré ce patricien, je n'arrête pas de le supplier, tel un malfrat moribond qui a trouvé Dieu et qui lui réclame le pardon de ses péchés.
— Difficile à dire, hésite-t-il. Ton dévouement. Ta candeur. Ta loyauté. Plus un je-ne-sais-quoi d'indéfinissable qui m'affirme que toi et moi, on est de la même race...
Prise de court par cette si soudaine sincérité agrémentée d'une bonne dose de mièvrerie, je hausse un sourcil étonné. Toutefois, je sais qu'il joue cartes sur table avec moi parce que je ressens exactement la même chose.
Néanmoins, je n'en conviendrais pour rien au monde.
— Des craques, oui ! protesté-je. Du bourre-crâne et de l'enfumage. Tu me prends pour une cheerleader ?
Je m'attendais à ce qu'il m'honore une fois de plus de son foutu regard c'est-moi-le-plus-intelligent, voire à me recevoir une beigne, il se borne à hausser les épaules.
— Que ça soit clair, m'entêté-je, je refuse d'avoir quoi que ce soit en commun avec toi ou tes débris à peine humains qui flottent dans leurs vêtements de bourges.
Pour lui signifier que le débat est clos, je me retourne et mets la Harley en marche. Alors que je ressens les premiers picotements d'excitation dans le bout de mes doigts, les ronflements du moteur me caressent les tympans. Putain ! Toute cette puissance...
Je pensais que ça allait être du gâteau, que j'allais m'en tirer pépère, les doigts dans le nez.
Sauf que ça ne s'est pas passé ainsi.
Mais alors pas du tout.
Comme s'il était subitement devenu sourd et n'avait rien entendu des saloperies que je venais de lui débiter, Thibaut grimpe dans mon dos et s'accroche aux poignées à l'arrière de l'engin.
Allez savoir pourquoi, je ressens une espèce de déception, un vide, tel un manque au fond de moi.
— Je serais toi, ris-je, je me cramponnerais !
Je fais gronder le moteur qui rugit comme vingt lions déchaînés. D'instinct, mon passager m'agrippe la taille et son torse se retrouve plaqué contre mon échine.
Je suis une fan de motos, de vitesse et d'action. Je n'avais qu'une hâte, filer les cheveux au vent sur ma bécane vintage. Et pourtant je ne démarre pas.
Je ne démarre pas !
Les petits frissons qui viennent d'exploser dans mon ventre ne me sont pas inconnus. J'en ai déjà éprouvé de semblables.
Mais quand, quand, quand ? Et quel pouvait bien être l'enfoiré qui a réussi à éveiller la femme sommeillant en moi ?
Un regard vairon, bleu et vert, se plante dans les miens. Une voix chaude et envoûtante me murmure des mots tendres dans l'oreille.
Un long tremblement me secoue, une drôle de sensation, un mélange de plaisir et de haine.
— Je te fais autant d'effet que ça ? se moque Thibaut.
Ce n'était qu'une taquinerie ordinaire, sans la moindre once de méchanceté. Impossible de m'expliquer l'étrange douleur sourde qui m'étreint soudain la poitrine.
— Connard, riposté-je en passant la première, dans tes rêves !
La moto part dans un vrombissement poussiéreux. Surpris et déstabilisé, mon passager se cramponne à moi, me serrant encore plus fort.
— Tu voulais de l'action, crié-je, tu vas en avoir.
Mon objectif était de foncer sur le bitume pour montrer à ce Monsieur Je-Sais-Tout qui j'étais vraiment et ce que j'avais dans les tripes. Je voulais lui causer la peur de sa vie, je voulais le faire sortir de ses gonds, je voulais qu'il me supplie – oh oui ! je voulais qu'il me supplie...
Sauf que la vraie vie n'a rien à voir avec le streaming. Certes, l'héroïne y est tout aussi badasse, mais son prince charmant a un caractère de merde, son fier destrier n'est qu'une vieille pétoire grabataire sur le point de tomber en panne d'essence, et la route qu'elle doit emprunter est jonchée de débris.
Contrainte à ne pas dépasser les trente à l'heure, je passe en mode automatique. Absorbée dans mes pensées, je vis une espèce de dédoublement. Je suis la pilote qui fait corps avec son engin pour habilement se faufiler entre les nids-de-poule et les gravats, mais je suis aussi une autre, la fugitive d'aujourd'hui en quête de la prétorienne d'hier.
Tout en conduisant, je fouille mon cerveau comme si je creusais un grand trou dans la terre. Je veux y découvrir Chloé. Je veux me rappeler ma rencontre avec Thibaut.
Sauf que la seule image qui remonte à la surface, c'est une fois de plus le même regard troublant.
Ces yeux vairons qui me fascinent.
Ces yeux vairons qui m'affolent.
Ces yeux vairons qui m'ont tant blessée et que je hais, que j'abomine, que j'exècre plus que tout au monde.
Tellement d'émotions contradictoires me submergent d'un coup que je sens mon cœur s'emballer et mon cerveau s'enflammer. Tout ce bonheur. Toute cette douleur, cette désespérance et cette honte.
L'odeur de la trahison...
Persuadée d'enfin tenir le bon bout, je m'accroche farouchement à ce fragment furtif de réminiscence, aspirant à y trouver un sens. Je suis sur le point d'appréhender l'événement à l'origine de ce flux d'affects quand le souvenir m'échappe une nouvelle fois. Je m'élance après lui, mais il me fuit, reculant dans les ténèbres, hors de portée.
Déçue, je m'intéresse à nouveau au paysage que nous traversons. Bien qu'il pleuve toujours des poussières comme si l'enfer descendait du ciel, la route me semble davantage praticable et l'atmosphère moins cataclysmique.
Bien décidée à profiter de ce que la vie me donne, je me penche vers l'arrière et accélère.
La Harley file sur le bitume, ronflant adorablement. Mes yeux scrutent l'horizon, mon pied taquine le sélecteur de vitesse, ma main gauche maintient le levier d'embrayage tandis que la droite se tient prête à freiner.
À peine commencé-je à me décontracter que je sens des fourmis me courir sur la nuque.
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(1) Le Monde à l'Envers, le Demogorgon, l'Upside Down : Le Monde à l'Envers (The Upside Down) est une dimension spatiale parallèle coexistant avec notre propre monde. Il s'agit d'une copie ténébreuse et hostile de notre univers. Il est faiblement éclairé et entièrement recouvert de racines visqueuses qui poussent à sa surface. L'air est empli de particules cotonneuses, des spores. Le demogorgon est une créature humanoïde prédatrice échappée de ce monde.
(2) Explorator: éclaireur dans l'armée romaine.
(3) Principal : Sous-officier dans l'armée romaine.
(4) Ragnar Lothbrok : Personnage de la série Vikings.
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Merci beaucoup d'avoir lu !
A votre avis, qu'a senti Galilée ?
Réponse samedi prochain...
Si le chapitre vous a plu, n'oubliez pas la petite étoile.
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