Chapitre 1-3 : Samuel
( Sud Quercy 1er septembre 20h 53)
Les propos misogynes de Samuel, son comportement d'homme des cavernes et ses cachotteries délibérées ont tellement énervé Jo qu'elle a fini par le larguer.
Les premiers balbutiements de leur Pouvoir respectif ( la télékinésie pour notre survivaliste et la manipulation mentale pour notre jeune guerrière ) ont dû jouer sur cette décision...
Un son étouffé. Des pleurs intarissables.
Je dresse l'oreille. Les épais murs sombres de la forteresse répercutent jusqu'à mon ouïe déployée les moindres bruits de la nuit. Pas loin de moi, quelqu'un verse des larmes désespérées.
Quelle poisse ! Ça tombait vraiment mal ! J'avais passé une super journée, la meilleure depuis longtemps.
Je traîne mon corps harassé dans le hall désert, je hisse ma carcasse courbatue dans l'antique escalier, je propulse mes muscles ankylosés en direction de ma chambre.
Le murmure devient vacarme.
Je me bouche les oreilles. Je me vide l'esprit. Rester sourd et indifférent. La clé de mon équilibre mental.
Tchao, les sentiments ! Bye, bye, les émotions ! Adieu, l'amour et ses souffrances !
Je me suis fait larguer. J'ai cru en crever. Mais j'ai intégré les troupes de Clément Adler. Et je me suis retrouvé. J'existe comme jamais. Libre et utile à la fois.
Pourquoi faut-il que Daphné vienne troubler ma paix précaire avec ces couinements sonores ?
Mes sens et mon cerveau s'affrontent en une bataille homérique. Mes hormones étouffées cherchent à se libérer et se livrent dans mon corps à une hasardeuse chorégraphie.
— Non, non, n'y va pas !
Trop tard. Malgré la résistance de mon cerveau, mes jambes me conduisent devant la porte de sa chambre. Je frappe et j'ouvre sans en attendre l'autorisation. À la lueur orangée du soleil couchant, Daphné, assise sur son lit, me fixe de ses yeux mouillées. Elle les frotte vigoureusement.
— Fous le camp ! m'apostrophe-t-elle. Laisse-moi tranquille !
Comme si elle ne me connaissait pas ! Un, je déteste les ordres. Deux, je ne peux pas résister au charme du sexe opposé. Surtout quand les seins de la fille en question pointe sous le tissu fragile de son débardeur. Une véritable provocation !
Me sentant prêt à faire face à ce stimulant challenge, je prends ma voix la plus suave. Je ne m'estime pas trop mauvais à ce jeu-là.
— Impossible de passer mon chemin si je peux soulager une demoiselle en détresse.
Elle lève les yeux au ciel mais j'ai perçu la fugitive lueur d'amusement qui vient de passer dans son regard. Bingo ! Une saine distraction la détournera nécessairement de son chagrin. Me voilà prêt à me sacrifier pour son bien. D'autant plus que mon corps douloureux ne serait pas non plus contre un peu de réconfort physique. Sachant pertinemment que son copain monte la garde pour la nuit, je m'enquiers, l'air étonné :
— Jesse est pas là ? Tu t'es disputée avec lui ?
Elle laisse retomber ses épaules. Je m'acharne, augurant que ma soirée va prendre un tour inattendu et pas des plus déplaisants.
— Tu peux te confier à moi, tu sais. En ce moment pour moi aussi, côté sentiment, ça va pas fort.
— T'es plus avec Jo ?
C'est à mon tour de jouer les indifférents.
— Ouais... tu vois... elle a décidé qu'on devrait faire un break. Ça veut tout dire.
Elle réprime un rire cynique.
— C'est l'excuse bidon par excellence. Elle te prend pour un imbécile.
Elle baisse les yeux, semblant contempler son sublime décolleté, entortille nerveusement une mèche de cheveux roux autour de son index puis se décide :
— De toute façon, vous étiez pas assortis. Il te faut quelqu'un de moins cérébral...
Elle m'a bien cerné. Je suis un mec simple, moi. Avec des goûts sommaires, faciles à satisfaire. Du sport, des filles plutôt bien roulées, une bonne bagarre de temps en temps...
Mon pouls s'accélère. Jusqu'à présent, j'avais toujours été persuadé que la vie n'était qu'une terrible succession de coups durs qu'il fallait savoir encaisser pour se forger le caractère et continuer à avancer. Je réalise soudain qu'elle m'a également gardé en réserve de charmantes et excitantes surprises. Je darde sur elle des pupilles métamorphosées en cœurs de dessins animés.
— Tu veux vraiment pas me dire ce qui te tracasse ? Ça fait du bien, tu sais, de se confier.
Elle m'oppose un mutisme farouche. Soupçonnant une déception sentimentale ou des déconvenues sexuelles – pas étonnant vu la tapette avec qui elle sort – je m'assieds auprès d'elle.
— T'es vénère à cause de Jesse ? Ce type, il est pas digne de toi.
Ma question la fige sur place. Elle me regarde, stupéfaite. Je suis totalement à côté de la plaque. Elle s'étrangle d'un rire grinçant et me rabroue, amère :
— Jesse. J'en ai rien à foutre. C'est qu'un minable et un dégonflé. Mais c'est le fils du patron. Alors j'ai pu rester ici, en sécurité.
Elle s'interrompt, baisse les yeux, cherchant sans doute à remettre de l'ordre dans ses pensées et réfléchissant à ce qu'elle pouvait me confier.
— Mais j'ai plus de nouvelles de ma famille... et avec toutes ces histoires d'épidémies, ces morts qui s'accumulent dans les villages voisins, je m'inquiète.
Elle ravale des sanglots convulsifs.
Vous est-il arrivé un jour de vous sentir minable ? N'avez-vous jamais eu l'envie de disparaître six pieds sous terre ou d'appuyer sur un bouton miraculeux pour revenir une minute en arrière ?
Et bien, c'est tout ça que j'ai éprouvé et mille autres impressions à la fois.
Nous n'étions pas sur la même longueur d'onde. Comme un peu trop souvent actuellement, ce n'était pas mon cerveau qui me poussait à agir.
— Je serais bien allée les voir mais Clément interdit toute communication avec l'extérieur. Et Jesse peut pas m'aider. Toujours à s'écraser devant son paternel ! Putain, j'aurais jamais cru que les portables pourraient autant me manquer !
Je compatis même si moi, je n'ai personne pour qui m'alarmer. Je passe mon bras autour de ses frêles épaules encore secouées de spasmes nerveux.
— Désolé, j'suis vraiment pitoyable, j'aurais pu comprendre plus tôt.
Elle laisse aller sa tête dans mon cou. Je pose ma main sur son genou et caresse doucement sa peau nue. Elle soupire, je baisse les yeux et manque avoir une crise cardiaque à la vue imprenable de ses seins qui ne demande qu'à échapper au carcan de son soutien-gorge. Ma main se crispe, elle sursaute, réalisant l'ambiguïté de la situation. Ses yeux larmoyants deviennent soudain espiègles ; elle se penche vers moi et dépose un rapide baiser sur ma joue.
— Finalement, dit-elle, tu gagnes à être connu. T'es moins brute que t'en as l'air. Et les conversations avec toi, c'est pas la prise de tête !
À la fois stupéfait et fasciné par ce brusque changement d'attitude – un revirement typiquement féminin, vous en conviendrez – je resserre mon étreinte, excité comme c'est pas permis. Je sens l'accélération de sa respiration. Je l'attire, toujours plus près et l'enlace de mes bras et de mes jambes. Nous avons le souffle court. Nous nous allongeons. Elle caresse les muscles durs de mon abdomen. Je lui embrasse le visage et goûte la saveur salée de ses larmes.
J'ai un mouvement de recul.
— Daphné, attends ... tu es sûre ?
Elle se colle encore plus à moi. J'ai dû mal à ne pas la laisser faire.
— J'ai pas envie que nous nous arrêtions, gémit-elle. Au moins, au pieu, j'existe, j'oublie mon existence de merde.
Je tends le bras pour lui enlever son débardeur.
— Tu as un préservatif ?
Ma nervosité la fait rire. Mais, ne vous moquez pas, j'ai encore quelques scrupules.
— Tu sais, commencé-je, je sors d'une relation douloureuse et...
Elle ne me laisse pas continuer et me ferme la bouche d'un baiser prolongé. Je me dégage, j'éprouve le besoin compulsif que les choses soient claires entre nous dès le départ et j'achève ma phrase interrompue.
— Je n'ai pas du tout l'intention de m'impliquer émotionnellement.
— Alors, conclut-elle en libérant sa fantastique poitrine, on est d'accord... On va juste joindre nos solitudes et oublier notre désespoir !
********************
Un dernier petit plaisir pour Samuel avant que l'enfer ne s'abatte sur lui. Je ne sais pas si vous vous en souvenez mais Domitien a repéré le Tuc-Haut et prépare une attaque en règle du château.
En attendant, nous irons mercredi prendre des nouvelles de Thibaut.
Et si ce chapitre vous a plu, n'oubliez pas d'appuyer sur la petite étoile...
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top