Chapitre 1-2 : Galilée

( Région Centre 1er septembre 9h45)

Tandis que Chloé déménage chez sa mamie, Galilée se voit enfin confiée sa première mission en solo...

J'ai été conçue pour tuer. On a introduit un Code en moi. Comme Harry l'a fait pour son fils Dexter. Sauf que je n'ai jamais donné la mort. Sauf que je ne sais pas qui m'a façonnée. Sauf que ce Code ne me parle pas. (1)

On m'a de nouveau envoyée en mission. Bien sûr, j'ai râlé pour la forme.

— Y a pas boulot plus emmerdant ! On me cantonne à des tâches de fonctionnaire !

— Mais au moins, s'est amusé Vince, tu seras dehors...

Tout en imaginant les chatouilles du soleil sur ma peau, les odeurs enivrantes, les mille bruits de la vie, je n'ai pu m'empêcher de demander pleine d'espoir :

— Y aura quelqu'un à tuer ?

Il a frissonné. J'adore quand j'arrive à le perturber !

C'est pourquoi maintenant, je me balade, le nez en l'air dans des rues quasi-désertes. Telle une passante anonyme, une fille inoffensive. Vêtue d'un short en jean et d'un ample tee-shirt arborant un gros cœur rouge – je me suis fait la promesse de saigner à mort un jour prochain, l'enfoiré du Complexe qui m'a choisi cet accoutrement – je me dirige en éclaireur vers la maison de la cible.

Celle de Chloé ? Celle de Thibaut ? Celle d'un autre Mutant anonyme ou d'un terroriste coupeur d'électricité ? Personne n'a jugé bon de me renseigner. De m'armer non plus, d'ailleurs.

Qu'est-ce que je pourrais risquer, habillée en lolita, seule, loin de mes repères ?

Je sais que les légionnaires sont planqués dans le coin mais qu'ils ne peuvent pas s'approcher. C'est sûr ! Avec leur berline à quatre roues motrices et leur uniforme photochromique, ils n'ont aucune chance de passer inaperçus.

J'épie les alentours. Pas de sniper embusqué, pas de violeur caché dans un coin. Suis-je agoraphobe ? Il ne manquerait plus que ça. Mais ces grands espaces, ces rues en proie à des courants d'air brûlants, ces voitures aux formes vieillies qui les bordent et qui prennent la poussière, ces trottoirs quasi-déserts sur lesquels se hâtent quelques rares passants qui ne me regardent même pas, provoquent en moi un malaise diffus.

Bref, pour tout vous avouer, je trouve que ça craint.

J'ai juste le temps de parvenir à destination, une bicoque grisâtre, paumée entre deux autres cubes du même acabit, avant de virer parano. Tout en me faisant le serment d'étriper celui qui m'avait ainsi envoyée au casse-pipe, j'inspecte les lieux.

Je sais déjà que l'ambassade va virer au fiasco.

La bâtisse semble avoir attrapé la lèpre ; les volets aux charnières rouillées sont fermés, la peinture blanche s'écaille ; mon ouïe attentive ne perçoit aucun mouvement à l'intérieur. J'enjambe le petit portillon, me faufile dans l'espace étroit qui sépare la maison du bâtiment voisin pour faire irruption dans la cour qui s'étend derrière la baraque abandonnée. Un vieux barbecue. Un vélo d'enfant. Un salon de jardin. Tout dans ce joyeux désordre signale un départ précipité.

Sûrement qu'un nez humain ne l'aurait pas détectée ! Mais cette odeur, elle restera à jamais gravée en moi. Un parfum de vanille et de miel, la fragrance de l'innocence, celle de Chloé. Mêlée à autre chose de plus subtil, d'inconnu et d'intrigant.

J'avise un volet dont le gond est plus fragile que les autres. Il pourrait être sur le point de tomber. Je m'en empare, tire, bande mes muscles en faisant appel à mes forces surhumaines. L'objet restant dans mes mains, je n'ai plus qu'à ramasser un caillou, le jeter sur la fenêtre, dégager rapidement les débris et m'immiscer à l'intérieur.

J'étudie les odeurs. Même un humain grippé aurait pu en percevoir certaines. Le plus dur pour moi, c'est de faire le tri sans avoir la nausée. La pièce empeste la cigarette, le shit, et je ne parle pas des relents de sexe, de sang, d'urine et de mauvais alcool.

Mais ce qui me trouble au plus haut point, c'est cette odeur de cramé associée à une mystérieuse puanteur que je sais avoir déjà rencontrée. À quelques nuances près, et en bien plus infime quantité.

J'éternue puis me rue vers l'extérieur, prise de haut-le-cœur.

Ça schlingue grave là-dedans. Une odeur étrangère, occulte.

Je viens de respirer ma première taffe de magie !

Par acquis de conscience – peut-être aussi pour prolonger un peu ma virée au grand air – je refais le tour de l'habitation et frappe de toutes mes forces – humaines cette fois ! – à la porte close.

Mon allergie au surnaturel est telle que je vacille encore.

Évidemment BMI ne m'a pas tout dit. Comme d'habitude, on me prend pour la cruche de service qu'on réserve pour les jobs les plus pourris. Lesquels se révèlent encore plus faisandés que prévu.

Dire que je suis furieuse serait un euphémisme. Déchaînée, je lance mon poing contre le bois en y mettant toute ma force, je tape du pied. Comme enragée, j'éructe, je crache, j'appelle.

Que savent mes employeurs ? Le fait d'être incapable malgré mes nombreux atouts de décrypter les rouages de leurs cerveaux me confronte encore une fois à mes déficiences.

— C'est pas fini, ce raffut ! Qu'est-ce qui vous prend ? Vous allez ameuter tout le quartier !

Une femme au blond platine défraîchi passe la tête par une fenêtre du premier étage de la maison voisine et m'apostrophe :

— Fermez-la ou j'appelle la police !

Pur réflexe du temps d'avant. Mon rire cynique la désoriente totalement.

— Je cherche vos voisins. Ils ont une petite fille blonde. Chloé.

J'ai marché vers sa maison pour mieux la dévisager. Ce prénom suscite en elle un tel cocktail d'émotions que j'ai un mouvement de recul.

— Vous voyez bien qu'elles sont plus là ! Alors tirez-vous !

— Vous sauriez pas où elles ont pu aller ?

Je n'obtiens aucune réponse et contemple, interdite, le volet que la riveraine vient de refermer violemment. Mes sens affûtés me permettent toutefois de constater sa présence : deux yeux curieux suivent le moindre de mes gestes par un interstice.

Je frappe à sa porte ; le temps presse. Je veux savoir avant que la cavalerie et ses méthodes plus que contestables ne rappliquent.

Je fais appel à tous mes programmes de patience. C'est que je n'en ai pas des masses en stock !

— Je vous en prie. Ce sont des amies à moi. Je ne vous veux aucun mal. Pourquoi vous enfermez-vous ainsi ?

À l'étage, les volets s'entrebâillent.

— Si je vous aide, vous allez me foutre la paix ?

Je lui adresse mon sourire le plus persuasif.

— C'est très important que je les retrouve. Son père est mourant...

— J'savais pas que cette sorcière avait un père, s'étonne la vieille femme. Elles m'ont pas dit où elles allaient. D'ailleurs, elles sont parties comme des voleuses sans dire au revoir à personne. Mais faut pas s'étonner, avec des dégénérées de ce type... et la réputation qu'elles se traînent...

— Quelle réputation ? Pourquoi la traitez-vous de sorcière ?

La femme acariâtre lève un sourcil.

— Si c'était une amie à vous, vous seriez au courant.

Ces réticences commencent à m'excéder. Je souffre encore des relents de magie que je perçois dans l'atmosphère. Mon épiderme se couvre de chair de poule, je dirige sur elle des yeux luminescents, deux points ardents en direct de l'au-delà. Quelque chose de l'ordre de la panique enfle alors dans sa poitrine. Et c'est presque malgré elle que les mots sortent de sa bouche.

— La petite, elle a toujours été bizarre, depuis la Nuit des Étoiles Filantes, en fait. Elle a failli tuer son beau-père. Le feu que vous avez dans les yeux, elle, elle l'a dans ses mains. C'est du moins ce que Dylan prétend. Mais c'est un sacré soûlot ... Alors ?

Intérieurement, j'explose. Pourtant, je prends mon air le plus décontracté pour demander :

— Et ce Dylan, vous sauriez pas où je pourrais le trouver ?

Je relève le menton, vrillant sur elle mon regard dur et impatient. Elle éclate d'un rire âcre.

— Ben, dans le seul bar encore ouvert de cette fichue ville. Au Rendez-Vous des Amis.

À son grand étonnement, je ne la calcine pas sur place mais me contente de fermer les yeux, de prendre une longue inspiration par le nez puis de la relâcher par la bouche. Quand je soulève les paupières, mon regard est à nouveau supportable. Normal mais glacé. Chargé d'un tel dégoût pour cette femme et pour tous ceux de son espèce qui condamnent les gens sans chercher à mieux les connaître que je ne regrette pas à cet instant d'appartenir aux forces de BMI !

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(1) Le Code : Ayant découvert les pulsions meurtrières de son fils adoptif, le policier Harry Morgan a l'idée de les utiliser à bon escient et lui fait assassiner des criminels qui ont échappé à la justice. Il l'entraîne dans ce but et lui inculque un code à respecter absolument pour éviter de se faire prendre. ( série Dexter)  

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Aïe ! J'ai bien l'impression que ce pauvre Dylan va faire la connaissance de notre prétorienne préférée...

Je me demande bien comment cela va se passer...

En attendant que 3.0 retrouve le beau-père de Chloé, nous irons samedi faire un petit tour au Tuc-Haut. Vous vous rappelez, Samuel est maintenant célibataire...

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Et si malgré son semi-échec, la première mission de Galilée, vous a plu, n'hésitez pas à voter!

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