partie 21

Light of the seven - Ramin Djawadi

Crazy in love - Sofia Karlberg

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Le ciel se teinte de rose tirant de plus en plus vers le rouge sang.

Daryl roule comme un forcené. Il sait qu'il a encore désobéi à Rick en partant sans vraiment prévenir et en prenant la première berline venue. Tara est montée côté passager, lui jetant juste un regard sans appel, et il a démarré.

Negan est toujours vivant, quelque part.

Ils risquent de passer un sale quart d'heure avec le shérif lorsqu'il les rejoindra à Alexandria. Parce qu'ils ne leur auront pas prêté main forte pour choper le Sauveur. Mais pour l'instant, cela n'a aucune importance.

Tara est assise sur la banquette, un genou replié sous elle, tournant à moitié dos à la route, faisant face au chasseur, pour pouvoir tourner complètement la tête vers leur passagère qui s'est assoupie à l'arrière.

La jeune femme ne résiste pas aux secousses brusques du véhicule alors que Daryl file sur l'asphalte abîmé, évitant parfois sans ménagement un ou deux corps ambulants.

Tara ne fixe qu'Emma, que son corps étendu là, les genoux à peine repliés, pouvant tenir de tout son mètre soixante sur la seule longueur de la banquette. Les membres nus sont d'une crasse impensable et blessés à de multiples endroits.
Le menton posé sur ses mains, elles mêmes posées sur le dossier de son siège, Tara veut croire que ce ne sont que de légères blessures, des coupures pour la plupart... même si les plaies qu'elle aperçoit là, sur ses mollets, ressemblent méchamment à des morsures, mais ne sont pas des marques de mâchoires, comme elle en a vues tant et tant sur ses amis morts. Non, là ça ressemble davantage à...

"Des crocs ? dit la jeune femme tout haut, continuant d'observer le corps de leur amie étendue.
-De quoi ?! demande plus fort le chauffeur par dessus le vrombissement du moteur lancé à son maximum.
-Rien... rien... répète Tara, songeuse.

Elle ne veut pas inquiéter le chauffeur, surtout pas le distraire de sa conduite déjà bien inconsciente.

La tête brune tangue doucement, les mèches longues tombent jusque sur le sol sale de l'auto, le visage est blafard, encore tuméfié par endroits, cerné de noir sombre sous les yeux qui restent clos. Tara ne peut se pencher, ne peut tendre le bras, à peine trop loin pour effleurer son amie. Alors elle se contente de la fixer, rongeant l'ongle de son pouce frénétiquement.

Elle revoit Emma, un peu moins pâle, souriante, debout, avant qu'ils ne partent tous pour le Sanctuaire... avant qu'elle ne cède à l'envie qui lui tient au ventre depuis des semaines. Elle ne sait pas trop ce qui lui a pris non plus. Elle s'est juste approchée de ces lèvres qu'elle avait déjà eu envie d'embrasser, déjà eu envie de retenir, quand Emma était venue dîner avec elle. Elle n'avait rien osé tenter alors. Et vu comment la nuit s'était terminée, vu dans l'état qu'Emma avait été sur cette table, Tara avait regretté. Même en voyant la détresse de Daryl sur le perron, elle n'avait pu refouler ses propres regrets de ne pas avoir gardé Emma vers elle. Ses sentiments pour la brune s'étaient même déchaînés, exacerbés par l'inquiétude de la perdre définitivement sur cette table, dans cette pièce rougie de tout son sang.

Alors de la retrouver là, debout, pâle mais visiblement rétablie, elle n'a pu retenir ce baiser. Un simple baiser. Pour lui dire au revoir. Pour lui exprimer tout ce qu'elle avait eu la bêtise de taire à Denise. Pour lui dire qu'elle était là. Pour lui dire qu'elle existait, elle, Tara. Pour lui dire qu'elle pouvait l'attendre, elle, Emma. Qu'elle n'avait plus peur, ni honte, de ses sentiments.

"Grouille toi Daryl... intime Tara, prise d'une angoisse, essuyant vivement la larme qui lui brouille la vue fixée sur la brune inconsciente.

-Je fais que ça... grogne l'homme qui a déjà le pied au plancher.

Il reste concentré sur la route, le plus souvent déserte, mais où un ou deux rôdeurs égarés peuvent surgir subitement à leur approche, attirés sans doute par le bruit ronflant du moteur déjà essoufflé. Il sait que s'il les percutent un peu fort il peut perdre le contrôle et les envoyer tous les trois direct en enfer... même s'il considére qu'ils y sont déjà bien englués jusqu'à la taille.

Il se concentre fort pour ne pas céder au besoin de se retourner sur sa passagère arrière. Il a bien abaissé le rétro intérieur mais ne la voit pas comme il voudrait. Il ne distingue qu'une partie de son visage mangé par ses mèches sombres qui lui recouvrent les yeux et la bouche.
Il ne veut pas non plus regarder sa voisine. Il sait qu'elle la dévore des yeux, juste là. Il veut se convaincre que Tara est toute aussi inquiète qu'il l'est pour leur amie. Mais il admet qu'en son for intérieur, il n'y a que la jalousie qui le ronge de l'avoir là, assise à côté de lui, à veiller sur Emma. Comme s'il en était incapable sans doute.
Daryl prend une nouvelle inspiration et se focalise encore d'un cran sur la route. Il doit les ramener à Alexandria le plus vite possible et prendre soin d'Emma.

Le plus vite possible.

La voiture avance à toute vitesse, à peine le portail passé, le faisant s'ouvrir en klaxonnant frénétiquement cinquante mètres avant, faisant lever les bras de surprise du guet qui n'a jamais vu de véhicule circuler à l'intérieur d'Alexandria, encore moins à cette allure. Puis elle freine à faire crisser les pneus un peu après la maison 101.

le chasseur sort du véhicule en courant, arrachant quasiment la portière arrière, pour finalement poser délicatement une main ouverte sur la tête d'Emma, restant toujours inerte.

"Em'... s'accroupissant. Emma... souffle-t-il doucement à l'oreille qu'il dégage de ses cheveux avec précaution, découvrant, en fonçant les sourcils, son crâne à nouveau ras, comme abîmé, pelé par zones entières. On est arrivés, Muskogee... parlant de la voix la plus douce qu'il peut malgré la tension qui lui serre encore un peu plus le ventre, le souffle trop court de nervosité, mais ne voulant l'effrayer davantage.

Emma soupire en ouvrant les yeux d'un coup. Elle se redresse sur un coude, regardant autour d'elle, perdue.

"Tout va bien... répète-t-il alors qu'elle le fixe, leurs regards à la même hauteur. Viens..."

Elle sort lentement du véhicule, posant les pieds avec précaution sur le goudron lisse. Ses plantes de pieds la piquent à nouveau, mais le sommeil les a un peu engourdies. Elle redresse la tête pour apercevoir son portillon, sa maison, à quelques mètres. Alors elle sort et tient debout toute seule. Ses bras pendent le long de son corps, lourds des deux armes qu'elle tient toujours. Ses prunelles fixent la façade de la maison blanche alors qu'elle fait des pas lents puis de plus en plus décidés vers sa maison. Elle sursaute à la portière que Daryl claque derrière elle avant de lui emboîter le pas.

"Je vais chercher de quoi soigner ses blessures, lâche Tara en prenant le volant pour aller garer la voiture à l'entrée de la ville, la faisant rouler au pas.

Daryl ne réagit pas, et elle n'est même pas certaine qu'il l'ait vraiment comprise ni même entendue.

Emma entre dans sa maison. Elle marque un temps dans l'entrée. Daryl la voit tourner légèrement la tête vers l'escalier avant qu'elle n'avance à nouveau vers la droite, le salon, puis la cuisine.

Avançant lentement, elle lâche une des armes qui tombe dans un claquement lourd et sec sur le plancher de bois, son autre main ne tarde pas à lâcher elle aussi le poing américain dans un second claquement bruyant, plus léger mais aussi plus ensanglanté.

Daryl passe la lanière de son arbalète par dessus sa tête et pose l'arme sans un bruit sur la table, avançant toujours dans le dos de la femme, à un ou deux pas maximum de distance.

Emma ouvre son frigo, y trouvant des bouteilles d'eau, avant de refermer la porte de l'appareil bien plus haut qu'elle. Elle pivote sur elle même pour faire face au chasseur planté à moins d'un mètre, ne semblant pas surprise de le trouver là. Ne levant pas la tête vers lui non plus.

Elle lui tend une des bouteilles, avant de boire à la sienne, portant sa tête en arrière, fermant les yeux, et buvant sans plus s'arrêter, sans plus respirer, jusqu'à ce que le récipient soit vide.

Daryl boit quelques gorgées plus lentes, fixant la femme en silence, un demi sourire en coin, content de la voir simplement boire. N'a-t-elle pas bu depuis des jours sans doute. L'idée lui fait ravaler son sourire alors qu'il pose sa bouteille sur le plan de travail contre le frigo.

Emma baisse la tête en soupirant sans bruit et lâche la bouteille vide négligemment qui rebondit une ou deux fois au sol avant de rouler et s'immobiliser quelque part. Les mèches longues, humides et sales tombent, camouflant presque totalement son visage, alourdissant sa tristesse, sa détresse palpable, son âme dévastée. Il ne l'entend même pas respirer.

Elle attrape l'index de l'homme qu'elle tient tout entier dans sa petite main gauche, pour l'attirer doucement à elle, l'obligeant à faire le pas qui les sépare. Quand il est enfin là, elle pose le haut de son crâne contre son torse, ne poussant qu'un nouveau soupir, à peine sonore celui là. Enfin, ça ressemble plutôt à une ultime expiration.

N'y tenant plus, Daryl lui prend le visage de ses deux mains, l'obligeant à relever la tête vers lui, glissant ses doigts le long de sa mâchoire tendue, se perdant dans l'épaisseur de ses cheveux couvrant sa nuque fiévreuse, la poussant contre le frigo qui résonne d'un son sourd quand le corps de la femme le rencontre. Il se penche vers ce regard ocre qui semble le regarder sans le voir vraiment, comme si elle ne savait plus qui il est. Ne serait ce que ce qu'il représente pour elle. Il plisse les yeux une seconde sous ce regard étrange qu'il n'avait encore pas prévu, bien décidé cette fois, à sentir son souffle se mélanger au sien.

Mais Emma tourne subitement la tête quand les yeux bleus sont trop proches, effleurant le coin de la bouche de l'homme avant d'aller poser ses lèvres fraîches et humides d'eau contre sa carotide.

"Pourquoi ?!... murmure Daryl incrédule.

Blessé. Tellement meurtri par ce simple refus.
Et Tara ressurgit soudain à sa conscience. La Bleue se dresse, fière et souriante entre elle et lui. Daryl serre les dents, l'acidité d'une nausée subite lui remontant au fond de la gorge.

"J'te répugne à ce point là ?

Emma gémit en se hissant sur la pointe de ses pieds, ignorant leurs multiples petites plaies qui se rappellent à elle, collant son corps encore plus étroitement contre lui.

A ce seul son de sa part, Daryl la soulève d'un geste, la tenant contre le frigo, la faisant monter à sa hauteur, alors qu'elle agrippe le cou de l'homme de ses deux bras, les pieds hors du sol, sentant les bras puissants de l'homme contre la cambrure de son dos.

.

Tara pénètre dans la maison, trouvant la porte d'entrée restée grande ouverte. Les mains chargées de gazes, de désinfectant et de pansements, elle va pour prévenir de sa présence quand elle aperçoit la carrure large de Daryl contre le frigo, au fond de la cuisine, sur sa droite, qui lui tourne le dos, la tête baissée.

Même si elle sait que Daryl lui en veut toujours de leur dernière altercation, elle va pour lui balancer une vanne salace, pour essayer de détendre la tension tenace qui persiste entre eux. En plaisantant avec le chasseur comme ils en ont toujours eu l'habitude, elle espère parvenir à briser la glace afin qu'ils finissent par parler, par se réconcilier à un moment. Surtout maintenant qu'ils ont réussi à récupérer l'objet de leur mésentente. Et qu'ils l'ont fait tous les deux. Ensemble.
Mais son coeur se serre une seconde plus fort quand elle aperçoit deux petits bras blancs qui viennent enserrer le cou du chasseur, par dessus les cheveux trop longs.

Tara recule, soudain gênée de surprendre quelque chose qui ne la regarde plus. Elle pose son matériel sur la première marche de l'escalier et ferme la porte d'entrée derrière elle sans un bruit.

Finalement, c'est de bonne guerre...

.

Si la situation est totalement différente, Daryl a du mal à croire qu'il est en train de prononcer les mots de son dernier rêve, même si elle n'y a pas vraiment répondu.

Alors il se contente de rester là, contre elle, sentant son souffle faible et si silencieux contre son cou. Puis Emma prend une inspiration pour ouvrir enfin la bouche.

"J'ai pas envie... chuchote-t-elle hésitante, l'entendant à peine.

Daryl se penche à son tour, son nez contre le creux de son épaule à elle, son oreille collée contre sa tête pour tenter de saisir et comprendre les mots timides... Ces mots qui lui font un mal de chien. Qui confirment la répulsion qu'elle pose contre l'attraction qu'il vient de lui exposer au plein jour.
Peut être même que Tara s'est déclarée bien avant lui, avant leur première attaque contre le Sanctuaire, avant... la 74...
Il retient son souffle quand il comprend qu'elle n'a pas terminé.

"J'ai pas envie... que tu aies le goût que j'ai encore de lui dans la bouche... retenant un sanglot de dégoût et de honte d'elle même.

Elle sert encore un peu plus ses bras autour de lui, posant un baiser appuyé contre son cou, sentant la pulsation cardiaque de l'homme de plus en plus marquée.

"Pardon, pardon pardon pardon... continue elle, ponctuant ses mots inaudibles et sanglotants de ses lèvres contre sa peau.

Ses baisers lui déclenchent autant de décharges électriques dévalant son échine jusqu'au bas de son dos. Il la serre encore une seconde plus fort, au risque de la briser. Mais elle ne bronche pas.

Avant de lâcher son étreinte, la laissant glisser doucement jusqu'à ce que ses pieds touchent le sol. Sans la regarder.

Cette fois c'est bien terminé.

Il s'écarte en silence, le regard au sol, alors qu'elle le fixe voulant le regarder, en vrai. Mais il ne bronche pas, ne cille pas, ne bouge pas, inaccessible. Alors elle ne retient pas sa lèvre inférieure qui tremble encore d'un sanglot et s'éloigne de lui.

"Je suis désolée... avant de grimper les escaliers sans un bruit.

Daryl reste planté là, face au frigo, comme un con alors que la maison replonge dans un silence lourd. Il redresse enfin la tête quand il entend les canalisations s'activer de la douche qui coule. Il regarde le plafond insensible.

Ce connard a recommencé.

Ce salaud l'a encore forcée.

Ce bâtard n'est même pas encore mort.

Daryl ne sent pas la douleur sur son poing qui s'enfonce dans la porte du frigo.

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Voilà un chapitre que j'ai écrit depuis plus d'une année maintenant ! J'en reviens pas de le publier enfin ! Evidemment ma propre émotion est un peu décantée mais en même temps il me tient terriblement à coeur.

J'espère que ça vous a plu et suis du coup curieuse et inquiète de votre avis à vous.... dites moi dites moi...


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