✦ Chapitre 7 : Drôle d'amitié ✦
Quelques jours plus tard
Point de vue de Zara :
Ça y est ! C'est le week-end ! Et pas n'importe lequel !
Excitée comme une puce, je peine à trouver la tenue idéale. Iván m'a invitée au cinéma. Il faut que je sois parfaite !
Sans parvenir à me décider, je passe d'un cintre à l'autre, reviens sur un haut, hésite, reprends ma recherche finalement peu convaincue.
Et, alors que je n'y crois plus, une sublime robe florale finit par se détacher du lot. Vite, je rattrape mon retard en filant me préparer dans la salle de bain.
Vingt minutes plus tard, je ressors cheveux lissés, maquillée, habillée et parfumée. Je dévale alors les escaliers, sac en main, et enfile mes sandales compensées dorées.
De là où je mets mes chaussures, je distingue Álvaro et Eric. Ils sont affalés sur le canapé et, à ma grande surprise, regardent une telenovela. Je ne peux m'empêcher de pouffer face à cette scène, qui me paraît cocasse.
Cependant, le sourire carnassier que m'adresse mon frère m'oblige à m'arrêter. Méfiante, je le fixe et attends ce qu'il a à dire, prête à riposter à la première attaque.
— Alors, petite sœur ? On sort choper le Brésilien garé devant la maison ?
— Alors, frérot, on regarde des programmes à l'eau de rose ? lancé-je du tac au tac.
Faussement agacé, il me tire la langue alors que je fais exactement la même chose en miroir.
— Rappelez-moi, vous avez quel âge tous les deux ? s'esclaffe Eric qui a assisté à tout cela.
— Zara doit approcher des deux ans... commence Ál.
— Et Ál, des un an et demi, complété-je, malicieuse. Bon, allez je me tire, les romantiques. Je vais faire attendre Iván autrement. Ça serait bête qu'il reparte !
J'arrange mon sac à main, jette un dernier coup d'œil à mon reflet dans le miroir et file à la vitesse de l'éclair sans demander mon reste. Dehors, la température avoisine déjà les 30°C.
¡Que calor! (En espagnol : Quelle chaleur !)
Je me presse de rejoindre sa Ferrari. Iván a retiré la capote de son cabriolet et m'observe avancer, un sourire radieux plaqué sur le visage. Pour notre sortie, il a une jolie chemise blanche sur le dos, et au fur et à mesure que je me rapproche, je distingue un short en toile bleu marine. Je m'installe sur le siège en cuir bouillant côté passager en serrant les dents pour ne pas hurler de douleur puis m'attache comme si de rien n'était.
— Salut, ça roule ? m'enquiers-je pour détourner son attention.
Mes yeux me piquent derrière mes lunettes de soleil. Mon visage va ruisseler de larmes d'ici peu.
Tout en discrétion, je relève un peu mes cuisses afin qu'elles ne soient pas en contact direct avec la matière luxueuse. Je n'ose pas imaginer si j'avais mis un short... C'est déjà mieux.
— Salut Zara, super et toi ?
— Pareil. Bon, on y va ?
Mon impatience lui arrache un rire. C'est vrai que c'était peut-être un peu violent. Cependant, il ne semble pas m'en tenir rigueur. Son regard noisette descend jusqu'à mes jambes presque nues. Il doit avoir remarqué qu'elles vivaient un véritable supplice. Ses doigts restent en suspend l'espace de quelques secondes au-dessus d'elles puis s'agrippent autour du volant quand il démarre.
Ses jointures blanchissent à vue d'œil tant son emprise devient puissante. Je n'ose pas parler, me demandant ce que j'ai bien pu faire pour l'énerver de la sorte.
L'est-il vraiment ou est-ce autre chose ? Toujours est-il que je parais avoir avalé ma langue. C'est très perturbant. Et surtout, inhabituel chez moi. Je ne me reconnais pas.
C'est lui qui brise finalement la glace dans l'habitacle au bout d'une poignée de minutes.
— Tu souhaites voir un film en particulier ?
Sa voix est calme, posée. Si bien que je crois avoir rêvé l'incident qui a eu lieu juste avant.
— Euh... J'ai vu sur leur site qu'ils rediffusaient L'orphelinat*, sinon je n'ai pas de préférence.
— Ça marche. Je crois qu'il m'avait bien plu aussi. On est arrivé, allons-y.
Surprise, j'ouvre la bouche puis la referme. Avec toute cette histoire, je n'avais pas remarqué qu'il s'était garé et avait coupé le contact. Je suis vraiment dans la lune, aujourd'hui ! Vite, je m'extirpe de son bolide, referme la portière et reste à côté de lui, telle une petite fille modèle.
— Zara, pardon de te dire ça comme ça, mais t'es bizarre. Il y a un problème ? s'enquiert soudain Iván, tracassé. Si tu préfères que l'on fasse autre chose, il n'y a aucun souci.
— Non, non, m'empressé-je de le rassurer. Je n'ai juste pas beaucoup dormi cette nuit.
— Sûre ?
— Promis.
Une fois entrés dans le cinéma et après avoir entrelacé nos doigts de la façon la plus naturelle qui soit, Iván m'entraîne jusqu'à la caisse.
— Bonjour, deux places pour la rediffusion de L'orphelinat, s'il vous plaît.
— Bonjour, vous êtes chanceux, elles partent comme des petits pains. Vous payez par carte ?
— Tout à fait, pour nous deux.
— Non, pesté-je.
La vendeuse et Iván pivotent dans ma direction, stupéfaits.
Cette journée est décidément très étrange. Je ne sais plus où me mettre, baisse le nez et regarde mes sandales dorées avec attention. Où est le mal de refuser qu'un garçon règle pour nous ?
— Zara, soupire Iván en redressant mon menton à l'aide de son pouce, je t'ai invitée au cinéma. Il y a un réel sens dans le mot inviter. Je ne veux pas que tu débourses quoi que ce soit aujourd'hui, une prochaine fois si tu veux me rendre la pareille, tu pourras avec grand plaisir.
— Tu me promets ? demandé-je.
— Je te le promets, me certifie-t-il, en ancrant son regard dans le mien.
— Alors je veux bien que tu payes cette fois-ci.
Ravi, il laisse claquer un bisou sur ma joue et insère sans tarder sa carte bancaire dans le terminal de paiement. Pendant ce temps, la vendeuse récupère nos billets dans la machine automatique.
— Tenez, bonne séance. conclut-elle en remettant nos laisser-passer à Iván.
— Merci beaucoup, au revoir.
À peine avons-nous fait quelques pas qu'Iván se précipite au stand de nourriture pour y acheter du popcorn à partager, un paquet de bonbons ainsi qu'un verre de soda pour chacun de nous.
Il n'est vraiment pas possible. Amusée, je lève les yeux au ciel puis le rejoins pour l'aider à porter.
Lorsque nous pénétrons dans la salle, les lumières sont déjà éteintes et une bande annonce défile sur l'immense écran. Le son est très fort et couvre le bruit de la climatisation qui tourne pour ainsi dire à plein régime.
Iván m'entraîne vers le fond, me prend la main quand nous montons une à une les marches. Il est vraiment délicat et plein de sollicitude.
Nous nous installons sur deux sièges puis retenons notre respiration quand L'orphelinat débute.
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Le film terminé, je renifle bruyamment. Des perles salées inondent mes joues. J'attrape mon sac à la volée, me mettant volontairement dos à Iván, et ressors un paquet de mouchoirs. J'ai beau voir et revoir ce chef d'œuvre, je sursaute toujours aux mêmes passages et n'arrive pas à me retenir de pleurer toutes les larmes de mon corps.
Derrière mes grands airs de jeune fille que rien n'atteint, je suis en réalité très sensible.
— Ça va, Zara ? s'inquiète Iván.
— Oui, oui. J'ai juste une poussière dans l'œil, lui mens-je effrontément. J'essaie de la retirer pour ne pas ruiner mon maquillage et je suis toute à toi.
Loin d'être dupe, Iván enroule ses bras autour de moi et pose sa tête contre mon épaule.
— Ce n'est pas une honte d'être touchée par cette histoire, tu sais. Je ne te jugerai pas.
— Je ne suis pas touchée par l'histoire, nié-je tout en bloc.
— Alors pourquoi tu renifles ? Pourquoi tu sembles sangloter ?
— C'est dans ta tête. J'ai envie d'éternuer mais je ne peux pas vu que tu m'écrases. Foutue clim.
— Oui, bien sûr. Et moi, je suis le roi d'Espagne.
— C'est un honneur d'être à vos côtés, votre Majesté, plaisanté-je.
Sans doute épuisé par mes enfantillages, je l'entends soupirer... Puis, rigoler !
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Cette journée mouvementée m'a laissée sur les rotules.
Après avoir quitté le cinéma, j'ai réussi à entraîner Iván dans un centre commercial pour y faire les boutiques. Pour mon plus grand bonheur, il s'est prêté au jeu et a même acheté des vêtements et autres accessoires pour lui. La carte bleue a chauffé cet après-midi. Maman m'a toujours dit qu'il n'y avait pas meilleur remède que le shopping pour se changer les idées. Je confirme ! J'ai passé un moment incroyable avec le Brésilien.
Les pieds dans l'eau de sa piscine extérieure, nous finissons notre McFlurry nappé chocolat. Il est vingt-trois heures passés mais aucun de nous ne souhaite mettre un terme à cette soirée. Maman est prévenue. Je lui ai dit que je ne rentrais pas tout de suite.
Un léger vent commence à souffler. C'est agréable. La température baisse grâce à lui. Des étoiles brillent dans le ciel, apparaissent une à une, dévoilant un spectacle époustouflant. Iván pense à la même chose que moi assurément.
Nous nous allongeons d'un commun accord sur la surface tiède et dure. Je vis un rêve éveillée, je suis au Paradis. Une étoile filante traverse la voûte céleste entièrement dégagée et disparaît.
J'ai eu le temps de faire un vœu. Pourvu qu'il se réalise.
Dans mon champ de vision, j'aperçois Iván tourner sa tête vers moi et me dévisager sans un mot de longues minutes. Mon cœur bat de plus en plus vite dans ma cage thoracique.
A-t-il entendu mon souhait ?
Piquée par la curiosité, je tourne la tête à mon tour vers lui, les bras sous la poitrine. Nos regards noisette se rencontrent. Le temps semble s'être arrêté.
Je retiens ma respiration alors qu'il s'approche lentement et m'enlace. Mes joues rosissent sous le coup de l'émotion. J'ai à nouveau perdu ma langue. Pour une toute autre raison cette fois-ci.
— Tu sais, murmure-t-il sur le ton de la confidence, tout à l'heure, dans la voiture, j'avais du mal à me contrôler parce que j'avais très envie de t'embrasser. Je crois que tu as pris peur car tu as pris ça pour de la colère mais ce n'était pas ça.
— Rassure-moi, cette envie ne t'est pas passée ?
— Non, du tout. Je me demande si ce n'est pas encore pire maintenant.
— Alors qu'est-ce-que tu attends pour me le prouver ? lâché-je dans un souffle.
Un sourire en coin se dessine sur son visage. Il se rapproche encore de moi, les yeux brillants de désir puis pose ses lèvres délicatement sur les miennes.
Mes doigts remontent le long de son bras, y laissant une traînée de frissons.
Avec tendresse, je caresse sa peau tout en répondant à son baiser.
*L'orphelinat : film espagnol de 2008. Drame, fantastique, épouvante-horreur.
Résumé du film : Laura a passé son enfance dans un orphelinat entourée d'autres enfants qu'elle aimait comme ses frères et soeurs. Adulte, elle retourne sur les lieux avec son mari et son fils de sept ans, Simon, avec l'intention de restaurer la vieille maison. La demeure réveille l'imagination de Simon, qui commence à se livrer à d'étranges jeux avec "ses amis"... Troublée, Laura se laisse alors aspirer dans l'univers de Simon, convaincue qu'un mystère longtemps refoulé est tapi dans l'orphelinat...
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