✦ Chapitre 6 : Isadora House ✦
Quelques jours plus tard
Point de vue de Zara :
Nous nous rejoignons avec Iván à l'Isadora House ce soir. Il avait besoin de sortir et moi aussi. Un moment de détente nous attend après une journée de cours épuisante. J'ai hâte d'y être.
Pour l'occasion, je suis vêtue d'une jupe à volants libertie et d'un haut en dentelle noir moulant. Et afin de compléter mon look, j'ai mis un peu de mascara, souligné mes yeux d'un trait de khôl noir, coloré mes lèvres d'une teinte bordeaux mat et me suis parfumée. Les températures ayant baissé, j'enfile ma veste en cuir après avoir lissé mes cheveux.
Ils sont si raides qu'ils viennent toucher la chaîne en or du collier que je porte. J'adore. Le style un tantinet rock. Comme j'aime. Je vais passer une merveilleuse soirée habillée et apprêtée de cette façon. C'est certain.
La sonnette qui retentit dans tout le hall et se répercute sur les différents murs me fait sursauter et me tire, d'une pierre deux coups, de mes pensées positives.
Ce doit être Iván. Pour éviter un aller-retour à mon frère, il a proposé qu'on s'y rende ensemble. Je dévale les escaliers, mon sac à clous argentés sur l'épaule et mes boots à talons entre les doigts.
Álvaro a été plus rapide que moi. C'est lui qui ouvre et dévoile le Brésilien sur son trente et un. Il a une veste en jean et un t-shirt gris chiné ample qui laisse tout de même entrevoir ses pectoraux si bien dessinés. Lorsqu'il m'aperçoit, son sourire franc s'élargit. Ses yeux semblent pétiller.
Je me sens importante. Et surtout, belle.
Pour ne pas trop nous retarder, je me chausse à la vitesse de l'éclair, je jette un dernier œil dans le miroir de l'entrée pour m'assurer que l'image renvoyée est parfaite puis, je laisse claquer un bisou sur la joue d'Ál en guise de salutation.
— Dis-moi, j'ai toujours eu un doute depuis la première fois. Le club dans lequel on va, c'est celui d'Isadora qui est au lycée avec nous ? m'enquiers-je, en m'installant dans sa voiture.
— Tout à fait. Ses parents sont dans l'immobilier. Ils ont plusieurs bâtiments ici, à Ibiza et Buenos Aires. Elle a hérité de ce lieu branché et il y a même une suite où elle vit seule à l'étage.
Un ciel étoilé scintille de mille feux au-dessus de nous tandis que son moteur puissant vrombit au moment où je m'attache. Iván démarre en douceur puis roule à allure modérée en pleine nuit.
Je me sens plus en sécurité que quand je conduisais son bolide. J'étais tellement nerveuse. Et là, je suis détendue. Mes jambes sont étendues droit devant moi et mes mains reposent sur mon sac en cuir. Durant le trajet, les conversations vont bon train, nous apprenons à nous connaître. J'ai le droit à de nombreuses questions de sa part sur mes goûts, sur les voyages que j'ai pu faire et par intérêt, je lui retourne à chaque fois ses interrogations.
Je ne vois pas le temps passer en son agréable compagnie. Si bien que nous finissons par arriver devant l'Isadora House bien plus rapidement que je ne l'aurais imaginé.
Nous nous extirpons de son véhicule. Alors qu'Iván tend ses clés à un employé, je me dirige vers le rideau épais en velours rouge où des vigiles barrent le passage et contrôlent les entrées avec la plus grande méticulosité qui soit.
— Zara, Iván, venez donc ! s'exclame Isadora en nous voyant rappliquer.
Stupéfaite, je m'arrête. Je ne m'attendais pas à ce qu'elle passe sa tête et nous repère.
— Je lui ai envoyé un message pour qu'on passe sans avoir à attendre, m'explique Iván. Allez, on y va, poursuit-il en me saisissant par le bras.
Sans résistance aucune, je le laisse m'entraîner à l'intérieur sous les regards envieux des gens qui espèrent avoir le loisir de nous suivre d'ici quelques minutes.
— Ça me fait trop plaisir que vous soyez là. Je vais demander au barman de vous offrir vos verres dès que vous avez soif et si vous avez un petit creux, n'hésitez pas non plus. C'est gratuit. Enfin, uniquement pour vous, parce que je vous aime mes bébés. Amusez-vous. Je monte aux platines !
Aussitôt dit, aussitôt fait. Elle transmet sa requête au niveau du comptoir, se retourne vers nous et nous adresse un clin d'œil complice pour signifier que tout est réglé.
Après nous avoir pris dans ses bras, elle se fraye ensuite un chemin dans la foule et positionne un casque personnalisé sur ses oreilles pour isoler le brouhaha ambiant et mieux mixer.
Elle est incroyable. Une vraie reine de la nuit. Si douée. Si dévouée. Si généreuse.
— On commande un plateau de charcuterie et de tapas avec un cocktail ? propose Iván.
— Ça me va. Et il y a une table libre là-bas, je vais la réserver.
Sans attendre qu'il me donne son avis, je traverse à mon tour cette marée humaine, prends place sur un des fauteuils et me languis de me jeter sur les douceurs que le serveur va nous amener.
Une poignée de secondes plus tard, Iván m'y rejoint et s'installe face à moi.
Comme toujours lorsque nous sommes ensemble, les conversations vont bon train. Nous parlons de sujets divers et variés, et, bien souvent, nous sommes du même avis. C'est à peine si je vois le barman nous apporter nos douceurs.
En revanche, j'aperçois Rosa au loin, perchée sur ses talons. Lorsqu'elle nous aperçoit à son tour, elle rapplique aussitôt et vient nous saluer. Elle est habillée en bombe ce soir. Ses cheveux longs châtains tombent en cascade sur son dos nu. Sa robe argentée à manches longues met en valeur sa silhouette fine. Le tissu luxueux suit chacun de ses mouvements.
— Ce soir, je passe à l'attaque. me dit-elle. J'ai repéré Dídac près du comptoir. Je vais lui sortir le grand jeu.
— Mais, et votre discussion avec Isadora ? Tu ne penses pas qu'elle apprécierait plutôt que vous restiez amies et que vous gardiez vos distances toutes les deux par rapport à lui ?
— Elle se remettra. Je suis déterminée à le faire tomber dans mes filets. Rien ni personne ne sera en capacité de m'arrêter. Admire, je vais de ce pas le draguer.
Avec souplesse, elle se redresse et s'étire. Puis, elle m'adresse un clin d'œil avant de se diriger là où Dídac se tient. Je le sens mal. Les yeux bleus d'Isadora la suivent et la foudroient sur place. Je me lève pour intervenir quand Rosa fait mine de trébucher et se rattrape au bras de l'Espagnol qui fait battre son cœur. Iván semble comprendre ce que je veux faire. Il me plaque contre son torse, il est prêt à me serrer bien plus fort si je bouge, je le sens.
Tandis que Rosa rigole à gorge déployée avec Dídac, Iván me conseille de ne pas agir. Il m'assure que tout risque de me retomber dessus et me convainc que cette histoire les concerne elles. Moi, je ne dois surtout pas m'en mêler. Il n'a pas tort...
Et si je les perdais toutes les deux en voulant bien faire ? Ma scolarité deviendrait compliquée...
Motivée comme jamais, Rosa l'entraîne alors sans plus tarder sur la piste de danse, commence à se déhancher au rythme d'une musique sensuelle et se rapproche de plus en plus de sorte qu'ils finissent l'un contre l'autre. Les yeux embués, Isadora change aussitôt la musique et tend le casque pailleté qu'elle portait à un employé pour qu'il prenne la relève. C'en est trop pour elle.
Elle quitte les platines précipitamment, pousse violemment Rosa, hors d'elle, avant de se précipiter dans les escaliers et monter en quatrième vitesse à l'étage se réfugier, j'imagine, dans sa suite.
Quelle n'est pas ma surprise lorsque c'est Iván qui prend les commandes et me fait monter une à une les marches pour que nous soyons auprès d'Isadora en ce moment difficile. Il frappe et entre.
Peu sûre de moi, j'avance comme sur des œufs et découvre Isadora, allongée sur le ventre sur un lit haut de gamme recouvert d'une couette en satin rose poudré.
— Isa, c'est Zara et Iván, l'informé-je d'une voix douce qui ne me ressemble pas.
Secouée par les sanglots, elle se retourne légèrement dans notre direction puis nous fait signe de venir. Remarquant que je ne bouge pas d'un pouce, Iván m'entraîne dans son sillage. Il m'oblige à prendre place à ses côtés et place une main sur ma cuisse pour s'assurer que je ne me relève pas pour fuir cette ambiance pesante et d'une tristesse inouïe. Je ressens la peine de mon amie. Et, je crains qu'elle ne se prépare à m'annoncer quelque chose de bien plus grave, qu'elle se livre et me raconte certains épisodes de sa vie qui parait pourtant facile.
Les minutes défilent sans qu'elle ne parvienne à faire taire son chagrin. Me sentant désemparée, il me faut plusieurs instants avant de poser ma paume, que je veux rassurante, sur son épaule. J'ai mal pour elle. C'est comme si je souffrais moi aussi. Mon cœur semble peser une tonne tant il me donne le sentiment d'être lourd.
Elle sursaute puis s'appuie sur ses coudes et roule sur le côté pour me faire face. Son mascara a coulé sans grande surprise. Elle prend un mouchoir entre ses doigts fins, se mouche bruyamment et avale sa salive avec difficulté.
— Zara, il faut que je te dise un truc... commence-t-elle. Pour que tu comprennes mieux.
— Oui ? Je t'écoute.
Les battements de mon cœur battent si fort que je crois assister à un spectacle de percussions. Il faut que je prenne sur moi, que je fasse comme si je ne paniquais pas.
Je dois bien faire la comédie puisqu'Isadora me sourit tristement et finit par se confier.
— Il y a quelques mois, j'ai été violée par plusieurs garçons au cours d'une soirée.
La mâchoire m'en tombe. J'entrouvre mes lèvres, choquées.
— Je ne vais pas rentrer dans les détails, ils ont été arrêtés par la police après de nombreux mois à essayer d'être crue. J'en veux à Rosa parce que, juste quand je me sens prête à fréquenter un garçon qui me plaît et que je lui en parle, elle passe à l'action pour me le piquer. Je sais que Dídac est loin d'être une propriété privée mais c'est avec lui que je suis en confiance. Elle le savait, Zara. J'ai été transparente avec elle. Je lui ai dit que je voulais sortir avec lui et que, s'il ne la rendait pas insensible non plus, j'étais prête à tirer une croix dessus à condition qu'elle le soit aussi. On s'était promis qu'on ne ferait rien dans ce cas. Elle m'a menti. Elle m'a trahie. Je lui en veux tellement. Je suis super blessée. Jamais je n'aurais pensé qu'elle serait capable de briser notre amitié.
Mue par l'émotion, je tremble. Ce qu'a vécu Isa est terrible. Elle n'avait vraiment pas besoin de ça en plus.
— Je suis tellement désolée, murmuré-je d'un timbre plein de trémolos.
Je ne veux pas paraître faible mais là, je ne peux plus garder tout ce qui menace de surgir en moi. C'en est trop. Je pleure à chaudes larmes suite à ces révélations. Alors qu'Iván pose son menton sur mon épaule et me serre contre lui, Isa enroule ses bras à son tour autour de moi. Tendrement, Iván dépose ses lèvres douces sur ma joue mouillée pour m'exprimer tout son soutien.
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