✦ Chapitre 1 : La rentrée ✦
Aujourd'hui est un grand jour. J'intègre le lycée réputé, Las Encinas. Je stresse un peu à l'idée de tout recommencer à zéro mais je suis également confiante quant à ce qui m'attend. Depuis que je suis née, la vie m'a toujours souri.
Je n'ai jamais eu de problèmes d'argent, j'ai toujours été entourée par des personnes en or et les ruptures amoureuses n'ont jamais été insurmontables.
Pour essayer de me démarquer malgré l'uniforme de l'école, je décide de me lisser les cheveux et de me maquiller légèrement. Après avoir fardé mes paupières d'une teinte rose gold, j'applique du mascara sur mes cils et recouvre mes lèvres d'un prune mat. Aujourd'hui, plus que n'importe quel jour, je me dois de faire bonne impression. Mon intégration dépendra de ces facteurs superficiels. Je n'ai donc pas le droit à l'erreur.
Heureusement pour moi, je suis motivée à mettre toutes les chances de mon côté !
Une fois prête, je dévale les escaliers de notre villa et débarque, telle une tornade, dans la cuisine. Tandis que papa lit le journal, maman finit de préparer le petit déjeuner, vêtue d'une nuisette ivoire épousant ses courbes généreuses. Ses longs cheveux bruns tombent en cascade sur son dos. Sa tête pivote dans ma direction lorsqu'elle remarque ma présence.
Malgré sa mine fatiguée, elle m'accueille chaleureusement.
— Installe-toi, ma chérie. Ton frère va bientôt nous rejoindre. Nous allons pouvoir commencer, dit-elle d'une voix chantante. J'espère que tu as faim ?
En guise de réponse, mon estomac se met à gronder. Gênée, je porte une main à mon ventre à la vitesse de l'éclair. Comme si le fait de le couvrir de ma paume réduirait le bruit... J'ai des réflexes particuliers, vraiment bizarres même, des fois. Je préfère ne pas me poser de questions.
— Salut, p'tit monstre, me hèle Álvaro, d'excellente humeur. Prête à faire des ravages ?
Mon aîné s'apprête à me décoiffer mais maman se montre plus rapide et intervient, convaincante.
— Ál, n'embête pas ta sœur. Tu ne voudrais pas t'attirer ses foudres. Allez, assieds-toi plutôt.
Sans plus de cérémonie, il s'exécute tandis que je lui adresse un grand sourire. Moi, le provoquer, le narguer gentiment dès le matin ? Pas du tout. Ce n'est pas mon genre !
Sa réaction ne se fait pas attendre, il lève les yeux au ciel, amusé. Puis, il me tire la langue.
Maman dispose devant moi une assiette remplie de churros et de toasts à l'huile d'olive. Un petit ramequin avec du chocolat chaud épais fait maison accompagne le tout ainsi qu'un bol contenant des tomates coupées en rondelles. Pour compléter le repas, j'ai le droit à un verre de jus d'orange pour faire le plein de vitamines.
Pas de doute, je vais me régaler.
— Zara, mon ange, dépêche-toi. Il ne faudrait pas te mettre en retard pour ton premier jour.
J'attaque aussitôt sans me faire prier. Je mange tellement vite qu'Ál peine à me rattraper. Malgré tout, je prends garde à ne pas laisser de traces de chocolat sur mes joues ou me tacher. Le stock diminue mais je suis incapable de tout finir. Je me relève alors une fois calée, cours chercher mon sac à l'étage et manque de dévaler les marches sur les fesses en revenant au rez-de-chaussée.
Hilare, Álvaro assiste à cette presque chute. Je me rattrape in extremis à la rampe, m'étire comme un chat puis retombe sur mes pieds dans un vacarme monstre.
Pour mon plus grand bonheur, il s'abstient de faire un quelconque commentaire et s'empresse de venir à ma rescousse, au cas où je perdrais l'équilibre.
Alertés par le bruit, Papa et Maman déboulent dans l'immense hall de notre villa.
— Tout va bien, m'empressé-je de les rassurer avant de filer à toute allure vers la porte d'entrée.
— Bonne journée et n'oublie pas de nous envoyer des messages si tu as le temps !
— Promis ! Je vous aime !
— Nous aussi !
Et sur ces paroles réconfortantes, je trottine jusqu'à la voiture de mon frère. La chaleur étouffante, suffocante du matin me liquéfierait sur place si je n'avais pas l'habitude.
Le mois de septembre est censé afficher des températures plus basses qu'en juillet et août mais il n'en fait qu'à sa tête apparemment. Enfin, ce n'est pas pour me déplaire... Le soleil brille de mille feux et ses rayons se réverbèrent dans les vitres teintées de la Lamborghini d'Álvaro. Pour ne pas perdre de temps, il la déverrouille à distance, me permettant de m'y engouffrer et de m'attacher. Il passe, pour sa part, devant les phares éteints, contourne son bolide puissant, prend place à côté de moi.
Le trajet jusqu'au lycée se passe sans encombre.
Nous mettons la radio et chantons à tue-tête tout du long. La circulation dense ne nous arrête pas tant nous nageons en plein bonheur. En parfait maître de son véhicule, Ál zigzague entre les vélos et motos arrêtés puis fait vrombir son moteur avant d'accélérer quand la voie est libre.
Les musiques latino s'enchaînent, nous donnant une folle envie de nous déhancher, de danser. Et, comme toutes les bonnes choses ont une fin, il se gare devant Las Encinas. Les élèves admiratifs se retournent vers nous et prennent le loisir de nous dévisager. Mon arrivée est remarquée, mais se retrouve vite éclipsée, à mon grand désespoir, par celle d'un jeune homme dans une Ferrari qui débarque juste devant nous, lunettes de soleil vissées sur le nez. Le châtain m'offre un sourire qui rendrait toutes les filles chèvres. Je ne le prends pas de cette façon. Je bous intérieurement. Pour la peine, je lui adresse un magnifique doigt d'honneur et m'extirpe de la Lamborghini, en rogne.
— Zara, calme-toi, me conseille Álvaro. Tu risques de te faire des ennemis. Ce n'est pas le but !
Les lèvres pincées, je hoche la tête et lui promets que je me suis juste un peu emportée mais que ça ne se reproduira plus. Puis, je le remercie de m'avoir emmenée et claque la portière en tentant un sourire qui doit être aussi faux que les seins de certaines étudiantes à la botte de ce goujat qui m'a volé mon heure de gloire.
Je n'ai pas encore pénétré dans les locaux que me voilà déjà d'humeur exécrable. J'espère que la journée ne va pas aller de mal en pis...
C'est la première fois que quelque chose va de travers pour moi. Je suis si frustrée ! Et vexée ! Et en colère ! Tant de sentiments à la fois m'étreignent. Je risque d'exploser aussi fort qu'une bombe si je ne parviens pas à prendre sur moi. La mine renfrognée, les doigts agrippés autour de l'anse de mon sac, je franchis le détecteur de métaux sans souci. Une banque d'accueil, légèrement en retrait, me tend ses bras réconfortants. Ce doit être ici que je peux avoir accès aux informations dont j'ai besoin pour débuter ma scolarité en toute sérénité.
D'abord hésitante, je me lance finalement et me dirige, d'une démarche déterminée vers la femme d'une trentaine d'années qui m'adresse un sourire radieux.
— Bonjour, je peux vous aider ? s'enquiert-elle. Vous êtes nouvelle, non ?
— Bonjour, Madame. réponds-je poliment. Vous avez vu juste. Je m'appelle Zara Campbell. Peut-être y a-t-il des documents à récupérer ?
Derrière sa monture à écailles Chanel, elle me dévisage avec curiosité. Ses yeux verts emplis de bienveillance me rassurent aussitôt. Je remonte mes épaules affaissées et me redresse. Je suis à nouveau confiante.
— Bienvenue, Zara. J'espère de tout cœur que tu te plairas ici. Nous t'avons préparé un dossier. Il ne faut pas que tu hésites si tu as la moindre question. Je suis là pour ça.
— Merci beaucoup. C'est très gentil.
Tout en m'expliquant les règles de l'établissement, elle cherche ce qu'ils m'ont préparé. Puis, elle hèle deux lycéennes qui passent les portiques au moment où ses doigts agrippent une pochette.
— Isadora, Rosa, pourriez-vous faire visiter nos locaux à votre nouvelle camarade, Zara ? Zara, tu trouveras ton emploi du temps, le numéro de ton casier, une autorisation de droit à l'image à nous retourner signée ainsi que le règlement intérieur.
Isadora et Rosa sont magnifiques. Leur uniforme leur sied à merveille. J'en ai le souffle coupé. J'ai vraiment de la chance d'être escortée par elles. Blonde aux yeux bleus, Isadora est très menue et très maquillée. Son visage fin et ses magnifiques cheveux doivent en faire rêver plus d'un.
Quant à Rosa, c'est une brune aux yeux marron. Sa silhouette fine et ses longues jambes sont mises en valeur par sa jupe, son chemisier et son blazer.
Elles me regardent elles aussi de la tête aux pieds durant ce qui me paraît être une éternité. Je ne peux qu'attendre patiemment qu'elles finissent leur examen minutieux.
En tous les cas, si je me réfère à leurs expressions, je ne dois pas leur être antipathique.
— Ne traînez pas trop les filles, les cours ne vont pas tarder à commencer.
Sans nous faire prier, nous prenons la poudre d'escampette en riant de bon cœur. Elles paraissent vraiment cool.
— Tu t'appelles Zara, c'est ça ? me demande Isadora pour briser la glace.
— Oui, c'est ça. Et vous, Isadora et Rosa ? les questionné-je en les désignant de mon index.
— Exactement. Tu viens d'où ? s'enquiert Rosa.
— De la Trinité, c'est une île dans les Caraïbes.
— Wow, la classe.
Ravie que mes origines ne les fassent pas fuir, je leur adresse un sourire franc et sincère, qu'elles s'empressent de me rendre.
Avant d'aller plus loin, nous nous arrêtons à mon casier pour que j'y dépose quelques affaires. Je vais me sentir plus légère sans tous ces bouquins qui pesaient une tonne.
Cette bonne action faite, je masse mon épaule ankylosée sans piper mot et suis les filles. Elles me montrent les salles de cours aux différents étages, me présentent la cafétéria, la salle de pause et les vestiaires dans lesquels nous nous changerons pour le sport. Nous croisons les lycéens qui déambulent dans les allées. J'ai le sentiment non seulement d'être une bête de foire à la vue de tous ces regards qui convergent vers moi mais aussi de me perdre dans un vrai labyrinthe.
Si je n'étais pas accompagnée, je n'ose imaginer comment je ferais pour retrouver mon chemin ! Il doit être tellement facile de se paumer au détour d'un couloir...
— On te montrera l'extérieur tout à l'heure, là il faut qu'on aille en classe. Tu as quoi comme cours ?
— Euh...
D'une main fébrile, j'ouvre en quatrième vitesse la pochette qui m'a été remise.
— J'ai espagnol, claironné-je, fière d'avoir trouvé aussi rapidement mon emploi du temps.
— Génial, on est ensemble. Viens !
Isadora et Rosa pressent le pas pour ne pas arriver en retard. Je ne me pose pas de questions, je reste sur leurs talons et pénètre dans une immense salle. De nombreuses tables sont alignées. La plupart, déjà prises. Mes deux camarades s'installent dans le fond tandis que je m'assois devant, telle une élève studieuse.
La place vide à côté de moi ne restent cependant pas libre bien longtemps. Une jeune fille, typée africaine, y élit domicile. Elle me salue chaleureusement et me parle pendant qu'elle sort un stylo.
— Hey, je m'appelle Rocio. Et toi ?
— Zara pour ma part. Enchantée !
— Enchantée aussi, bienvenue à Las Encinas !
C'est en la voyant poser un cahier à spirales que je réalise. Je suis venue en touriste !
J'ai complètement oublié de prendre de quoi noter !
L'estomac tiraillé par l'angoisse, je me retourne, désespérée, à la recherche de feuilles volantes. Il fallait bien évidemment que ça me tombe dessus... Quelle tête en l'air !
Soudain, je me fige. Je croise le regard de celui qui m'a volé la vedette en arrivant. Il me fixe et me sourit. Mon cœur rate un bond.
Quelle était la probabilité que je me retrouve en cours avec lui ?
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