Tu vois, ce genre de fille ?

C'est le genre de fille qui m'étonnera toujours.
Et pour une fois, c'est pas parce qu'elle est folle : c'est parce qu'elle est adorable.
Enfin, adorable. Je sais pas. Elle est sympa. Elle est venue me parler, l'autre jour. Jamais j'aurais pensé lui parler. J'aurais jamais osé, et qu'une fille comme elle vienne vers moi, c'était inattendu. Mais elle m'a parlé. On a parlé. Et putain, quelle claque !
Elle est tout sauf ce que je pensais. Elle ne prend personne de haut. Quand elle te parle, tu as l'impression d'être la personne la plus importante à ses yeux. Elle a cette façon de t'absorber par ses paroles, cette façon qui te donne envie de rester avec elle encore pendant des heures, tu vois ce que je veux dire ?
Même si tu sais que tu ne la mérites pas. J'ai quoi de spécial, qui mérite son attention ? J'ai rien. Je suis le genre de gars sans histoire, celui qui ne laisse pas de trace derrière lui. Quand les gens se rappelleront de leurs années de lycée, je serais celui qu'ils oublieront. Je ne les aurais marqué ni en bien ni en mal. J'ai rien, rien de spécial, rien d'original, rien qui ne mérite une attention particulière. J'ai rien et elle elle a tout.
Mais c'est elle qui est venue me parler. Pourquoi ? J'en sais rien. Je le saurais sans doute jamais. Il planera sur cette question le même mystère que sur sa personne. Cette fille est une énigme. Je ne sais plus ce que je pense d'elle. J'ai l'impression que pour la définir, je n'ai pas le droit à un juste milieu : c'est un extrême ou l'autre... Tu vois ce que je veux dire ?
Je crois qu'on est amis. C'est bizarre. J'ai jamais été comme ça avec un ami. J'en ai pas eu beaucoup, mais j'en ai eu. Et c'était pas comme ça. C'était différent. Je saurais pas dire en quoi. Mais pour sûr, c'était pas ça.
C'est comme si elle était trop différente pour être mon amie, tu vois ce que je veux dire ?
Et puis y'a cette autre fille, là. Elle. Elle non plus, elle ne me ressemble pas du tout. Avec ses vêtements enfantins, sa fleur dans les cheveux, son optimisme maladif, elle est presque mon opposée. Mais elle, c'est mon amie. J'ai aucun problème à le dire. C'est normal, c'est logique : on traîne ensemble, on parle pas mal, et j'aime bien ça, alors oui, c'est mon amie. Mais je comprends pas.
Parce que c'est à l'autre que je préfère parler.
C'est avec elle que je me sens le mieux, le plus libre, le plus vrai. J'adore la voir. J'adore lui parler. J'adore être avec elle. Mais c'est si étrange. Je ne peux pas dire que je ne l'aime pas. Mais je suis pas sûr non plus de bien l'aimer... Tu vois ce que je veux dire ?
C'est trop bizarre, je sais. Mais j'arrive pas à me décider. Je me sens bien, avec elle. C'est mon amie.
Ouais.
Je crois que c'est vraiment mon amie. Mais c'est pas non plus pour ça que je l'aime bien. Putain c'que c'est chiant de pas comprendre ! J'aimerais savoir. Ne pas savoir ce que je pense, c'est chaud. Mais en même temps, je crois que ce flou, ça me plaît bien. En fait je crois que j'aime bien hésiter entre ce que j'aime et ce que je hais. Tu vois ce que je veux dire ?

Hein ? Tu vois ce que je veux dire ?

Ah bah non, tu peux pas voir.
Tu peux pas savoir.

T'es un téléphone.