Chapitre 8
Coucou à tous!
Désolée, désolée, désolée pour le temps que j'ai mis à publier ce chapitre...Les 3 derniers mois ont été particulièrement chargés.J'espère que ça vous plaira!BisesPoledra
***
Roselyne n'avait pas rappelé. Elle n'avait pas non plus cessé d'utiliser Alban et les enfants. Au fil des jours, d'autres parents avaient joint leurs voix à la sienne puis en avait fait leur porte-parole.
Alban devait reconnaître qu'elle faisait cela à la perfection. Sa prestance naturelle et l'assurance qui émanaient d'elle en faisaient la candidate idéale.
Elle savait très bien qu'elle mettait Alban un peu plus dans l'embarras à chaque fois qu'elle prenait la parole. Elle savait qu'elle n'aurait pas dû. Pourtant, elle n'arrivait pas à culpabiliser étant donné que l'opinion publique était plus attentive dès qu'on parlait de choses concrètes, de choses tristes de la vie.
La mort de sa fille l'avait laissée pendant de trop longs mois totalement impuissante. Elle venait de se trouver un nouveau but. Et était bien décidée à ne pas s'arrêter là. Elle ne savait pas encore comment mais elle trouverait. Certaines personnes l'avaient déjà approchée. Il était question de livre, d'association caritative, de rencontre avec le président.
Elle allait leur dire. Elle allait leur dire sa souffrance, celle des autres familles. Elle allait leur dire alors qu'elle savait pertinemment qu'Alban était contre.
Il ne le lui avait que trop dit et, comme cela n'avait pas fait cesser ses interventions, il avait envisagé une autre tactique. Il décida de faire comme si de rien n'était.
Ce fut malheureusement impossible. Presque quotidiennement, quelqu'un lui rappelait qu'elle ne s'était pas arrêtée. Il se levait le matin, les nerfs en pelote.
Les réveils d'Ernestine qui avaient repris de plus belle, le manque de sommeil, le stress de découvrir ce qui allait se dire dans les journaux l'empêchait de réfléchir correctement.
Il s'énervait de plus en plus pour un rien.
Et Marius qui traînait. Pour tout. Tout le temps. Alban avait bien essayé de le questionner mais son fils ne répondait pas. Restait dans le vague. Ce qui avait le don d'exaspérer un peu plus son père.
L'ambiance devenait un peu plus tendue chaque jour.
Et cela fit un an.
Alban essaya bien de faire comme si de rien n'était. De se comporter normalement. Mais le gouffre dans sa poitrine était plus profond que jamais. Il se leva en trainant des pieds. Il aurait voulu rester coucher. Et faire abstraction de sa fille qui papotait dans son lit en attendant qu'il vienne la chercher. Ou bien de Marius qu'il devait secouer un peu plus chaque matin.
Malheureusement, il ne pouvait pas. Il prit sur lui. Essaya de sourire. De rire un peu. Il n'y parvint qu'avec difficultés.
Comme il l'avait attendu, Marius ne voulut pas aller à l'école. Ernestine ne fit que pleurer.
Alban était perdu.
Rien n'allait. Rien. Il n'y arrivait plus. N'y arrivait pas.
Ils furent bientôt en retard. Trop en retard. Pour l'école, pour la crèche, pour être à l'heure au boulot.
Pour couronner le tout, le ciel s'était mis au diapason de cette triste journée. Il était bas, uniformément gris et menaçait d'exploser d'une minute à l'autre. Ce qu'il fit dans une énorme déflagration qui terrorisa les enfants alors qu'ils allaient sortir de la maison.
Il ne manquait plus que cela. Un orage en avril.
Si Margaux avait été là, elle aurait pesté contre les dirigeants du pays, les industriels et le monde ultra-libéral qui ne faisaient rien pour endiguer le réchauffement climatique.
Alban la voyait s'énerver, lui dire pour la millième fois le fond de sa pensée avec laquelle il était parfaitement d'accord.
Elle l'aurait en même temps aidé à calmer les enfants.
Mais elle n'était pas là. Elle ne serait plus jamais là. Et Alban ne savait plus quoi faire.
Alors, il céda. Abandonna. Il appela ses parents à la rescousse puis l'école, la crèche et enfin sa patronne. Pour dire poliment qu'ils séchaient. Cela ne surprit personne.
Ernestine hurla pendant que son père l'attachait dans la voiture, Marius pleurait en silence. Et Alban tremblait de rage tant il était impuissant face à la situation.
Les deux hommes de la maison n'osaient ni l'un ni l'autre prendre la parole. De toute manière qu'auraient-ils pu dire ?
Ils étaient presque chez les parents du jeune veuf quand Marius interpella son père.
— Papa, on peut aller voir maman s'il te plaît ?
Alban hésita, il n'allait pas au cimetière avec les enfants habituellement. Il ne voulait pas leur montrer toutes ces tombes alignées les unes à côté des autres. Il préférait de loin les amener dans ce petit coin qu'ils aimaient tant, Margaux et lui. Cet endroit qui lui rappelait des souvenirs joyeux. Les rires, l'amour, la beauté. Pas ce lieu triste et froid. Impersonnel.
Finalement, il accéda à la demande de son fils.
Il tourna à la première intersection. Soudain, il gara leur véhicule et en sortit.
— Je reviens dans deux minutes.
Il pénétra chez le fleuriste préféré de Margaux, acheta ses fleurs préférées. Il revint dans la voiture et ils reprirent aussitôt leur route.
— Tiens-les bien droites mon grand.
Ce n'était pas la peine de préciser. Le petit garçon s'y accrochait comme s'il n'avait pas de bien plus précieux. Elles étaient pour sa maman, ces fleurs. Pour sa maman.
Il avait un peu peur d'aller la voir. Mais les mots étaient sortis tous seuls de sa bouche. Quelque part, il sentait que c'était la chose à faire. Que ça leur ferait du bien à tous les trois. Il se disait que peut-être, Ernestine arrêterait de pleurer. Cela devenait pénible. Il essayait bien de lui caresser la main, de lui murmurer que tout allait bien, rien ne marchait.
Ils arrivèrent quelques minutes plus tard.
Le portail semblait plus grand que dans son souvenir. Plus imposant. Plus massif.
Il prit la main de son père pendant qu'ils le passaient et circulaient entre les allées. Bientôt, ils s'arrêtèrent.
Marius comprit qu'ils étaient arrivés.
Son père serra un peu plus sa main.
Ernestine arrêta instantanément de pleurer. Alban et Marius ne prononcèrent pas un mot. Et pourtant, ils emplirent le silence. Ils le brisèrent, le faisant éclater en millions de morceaux tous plus minuscules les uns que les autres. Pour le remplacer par un amour si inconditionnel qu'il était impossible de ne pas le voir.
Ils restaient là, immobiles. Bien droits sous la pluie qui ne semblait pas vouloir cesser.
Ils furent coupés dans leurs pensées par des pas sur les graviers de l'allée. Des pas qui se figèrent quand leurs propriétaires s'aperçurent qu'ils ne seraient pas seuls. Quand ils s'aperçurent que les trois personnes immobiles devant la tombe avaient tout autant le droit d'être là même s'ils ne pensaient pas les y voir.
Leur gendre n'amenait jamais les enfants ici.
Alban se tourna. Lentement. Comme si quitter des yeux la tombe de sa femme était la chose la plus difficile qu'il pouvait avoir à faire.
Son corps tout entier se mit à trembler de rage. Il tenta de la contenir. Il ne dirait rien devant les enfants. Il ne fallait pas.
— Alban, les enfants, que faites-vous là ?
Il soupesa chaque mot. Les tournant sept fois dans sa bouche avant qu'ils ne franchissent ses lèvres.
— La même chose que vous. Mais nous allions partir. Nous vous laissons tranquille. Passez une bonne journée.
Ça, c'était petit et il le savait. Mais il jouait la carte de la politesse. Une politesse qui instaurait une abominable distance entre eux. Ils l'avaient bien cherché.
La main de Marius dans la sienne, Ernestine toujours dans ses bras, Alban quitta les lieux. Trempés jusqu'aux os, ils remontèrent en voiture et sans plus aucun arrêt, se rendirent chez les parents du jeune veuf.
Les enfants avaient retrouvé toute leur énergie. Le bruit qui envahissait la maison enserrait le crâne d'Alban. Il n'en pouvait plus. Un besoin impérieux de silence l'envahit.
— Je peux vous les laisser ?
— Oui, bien sûr. Tu vas où ?
— Au calme.
Aucun de ses parents ne répliqua. Ils auraient tout donné pour que le sourire de leur fils refasse surface. Qu'il ne soit plus englouti sous cet océan d'amertume, de tristesse et de rage contenue.
Ils le regardèrent partir le dos courbé.
Alban roula sous les trombes d'eau qui continuaient de tomber. Il roula une heure puis une autre. Sans autre bruit que celui du moteur et de la pluie qui martelait le pare-brise et les fenêtres.
Bientôt, il fut obligé de s'arrêter sur le bord de la route. Les larmes qui obscurcissaient sa vision étaient bien trop présentes pour qu'il soit prudent de continuer à conduire.
Tout se mélangeait dans son esprit. Les images de l'attentat se superposaient à ses souvenirs de Margaux. Il la voyait danser. Son corps si expressif qui trahissait chacune de ses émotions. Il la voyait rire. Qu'est-ce qu'il l'avait aimé ce rire. Qu'est-ce qu'il s'en était moqué. Il était un peu trop haut perché. Trop vrai. Il la revoyait enceinte jusqu'aux yeux. De Marius d'abord, avec ses envies complètement saugrenues. Les sardines grillées en plein hiver. Les carottes toujours en bâtonnets et plus jamais râpées ou cuites. Puis d'Ernestine. Pour laquelle elle avait tant pleuré. Un rien déclenchait des torrents de larmes.
Il la voyait. Quand elle avait levé différemment les yeux vers lui pour la première fois. Il avait quinze ans et elle quatorze. Plus rien n'avait été pareil après. Plus rien. Tout était devenu plus fort. Plus contrasté. Plus net. Plus précis.
Tout était plus précis quand sa main était dans la sienne.
Il se souvint de ce poème qu'elle lui répétait en boucle. Ce poème qu'il était le premier à lui avoir fait connaître.
Parce qu'un vers, un seul, représentait à lui seul, tout ce qu'elle représentait pour lui.
« J'étais si près de toi que j'ai froid près des autres »
C'était encore plus vrai aujourd'hui. Encore plus vrai.
Là, seul dans sa voiture garée au milieu de nulle part, il récita ces mots qu'ils aimaient tant tous les deux.
Sa voix grave, éraillée par les sanglots, résonna dans l'habitacle.
— Dans mon chagrin rien n'est en mouvement
J'attends personne ne viendra
Ni de jour ni de nuit
Ni jamais plus de ce qui fut moi-même
Mes yeux se sont séparés de tes yeux
Ils perdent leur confiance ils perdent leur lumière
Ma bouche s'est séparée de ta bouche
Ma bouche s'est séparée du plaisir
Et du sens de l'amour et du sens de la vie
Mes mains se sont séparées de tes mains
Mes mains laissent tout échapper
Mes pieds se sont séparés de tes pieds
Ils n'avanceront plus il n'y a plus de routes
Ils ne connaîtront plus mon poids ni le repos
Il m'est donné de voir ma vie finir
Avec la tienne
Ma vie en ton pouvoir
Que j'ai crue infinie
Et l'avenir mon seul espoir c'est mon tombeau
Pareil en tien cerné d'un monde indifférent
J'étais si près de toi que j'ai froid près des autres.
Il essuya ses larmes. Se ressaisit. Et adressa à sa femme encore quelques mots.
— Tu n'avais pas le droit de partir si tôt. Ils n'avaient pas le droit de t'enlever à nous. Et même si j'en ai envie, si parfois j'en crève de te rejoindre, je continuerai. Toujours.
Il attrapa son téléphone et envoya un message à Damien.
« J'ai besoin d'aller grimper. Et j'ai aussi besoin que tu sois là. »
Il savait que son meilleur ami comprendrait.
Il remit le contact et roula jusqu'à sa destination.
De son côté, Damien se demandait quand son ami lui donnerait signe de vie. Il pensait que ça aurait été plus tôt. Il était, lui aussi, allé au cimetière. Il avait, lui aussi, croisé Jean-Paul et Roselyne. Il avait ainsi appris qu'il avait manqué Alban et les enfants de peu.
Les mots qu'ils avaient échangés étaient marqués par la peine et l'incompréhension. Par l'absence et le manque. Ils ne s'étaient pas compris. Et Damien le regrettait.
En lisant le message de son ami, il avait immédiatement abandonné ce qu'il était en train de faire. Le post traitement de ses photos attendrait. Il devait jouer son rôle. Devait assumer leur amitié.
Il attrapa en hâte ses affaires d'escalade – elles étaient toujours prêtes – et se mit en route.
Il avisa la voiture d'Alban sur le parking, se gara à côté. Le bruit de sa portière qui claqua sortit l'homme esseulé de ses pensées.
Il tourna vers Damien un regard absent. Empli de tout ce vide qui l'avait envahi il y a un an.
— Allez, viens.
Il n'y avait pas besoin de mots. Sa présence suffisait. Elle sembla redonner un brin d'assurance et de volonté à Alban.
Ils passèrent les portes de la salle, se changèrent et apprécièrent d'être quasiment seuls.
Aucun des présents ne les dérangea. Les yeux de Damien les en dissuadèrent.
Ils s'échauffèrent d'abord loin des prises qui les appelaient. Sans parler. Comme s'ils étaient dans un sas de décompression. Les postures de yoga qu'ils enchaînèrent ensuite leur firent oublier le monde autour afin qu'ils puissent se reconnecter à leur monde intérieur. Au calme. À cet endroit où les pensées, la douleur et toutes les émotions passaient juste en glissant. Ne s'attardant jamais. Disparaissant aussi vite qu'elles étaient arrivées.
Ils sortirent de leur état méditatif ensemble.
Ils enfilèrent leurs chaussons et s'approchèrent enfin des prises. Ils firent quelques voies faciles. Seulement quelques-unes. Puis s'élancèrent dans leurs projets en cours, sortant ainsi de leur bulle. Enfin, ils grimpèrent avec les autres. Partageant leur passion pour ce sport les poussant dans leurs retranchements.
Ils s'encourageaient, se félicitaient. Claquant leurs mains pleines de magnésie qui formait des petits nuages de poussière. À chaque fois, ils plaisantaient et se disaient qu'ils ne mourraient pas à cause de la cigarette mais de cette maudite poudre blanche.
Avec une facilité déconcertante, Alban réussit le bloc dans lequel il avait foncé tête baissée à peine dix jours plus tôt. Cette voie qu'il n'avait pas osé réessayer.
— Je t'avais dit que tu le passerais.
Il se tourna vers cette voix qui lui disait vaguement quelque chose. Et reconnut cette fille qui l'avait abordé à son dernier essai. Il ne sut pas vraiment quoi lui répondre et fut sauvé par Damien.
— Oh bordel, Anne... Mais qu'est-ce que tu fais là ?
— Bonjour à toi aussi.
— Euh... Ouais, salut. Alors ?
— J'ai dû dépanner une collègue hier et du coup, je suis en repos. Tu ne nous présentes pas ?
— Si bien sûr. Voici Anne, une nouvelle collègue de boulot de Caro. Et voici Alban.
Elle se tourna vers ce dernier.
— Enchantée, Alban tout court. Je connais pas grand monde ici alors c'est sympa de rencontrer de nouvelles têtes.
Elle n'avait l'air d'être au courant de rien et pour la première fois dans cette journée pourrie, Alban se détendit un peu. Pas que la grimpe ne l'avait pas fait mais il savait que chacune des personnes présentes et qui le connaissait un peu se retenait de lui parler franchement. Bien sûr, il appréciait leur geste et les efforts qu'ils faisaient. Sauf qu'ils n'étaient pas naturels et que ça se voyait un peu trop.
Cette fille au moins ne jouait pas.
— Enchanté également, Anne la collègue de Caro. Alors comme ça tu es puéricultrice ?
— Oui.
— Chapeau bas.
— Merci.
Ils n'avaient rien de plus à se dire. Ils ne se connaissaient pas et n'avaient comme lien que le boulot de Caro dont elle ne parlait que rarement. La souffrance des prématurés, celle de leurs familles restait à la porte de l'hôpital. Bien sûr, c'était difficile, bien sûr, elle s'attachait à certains enfants. À leurs parents. Mais déroger à la règle qu'elle s'était établie aurait été beaucoup plus difficile à supporter.
Anne s'engagea dans un bloc. Ses mouvements manquaient un peu de précision. D'un peu de technique. Mais comme le souligna Damien, la jeune femme avait du potentiel.
Les heures défilèrent, les voyant alterner les séquences d'effort et les pauses. Lors de l'une d'elles, Damien se confia.
— On part chercher Maya début août.
— C'est génial.
— Ouais. Mais ça me fout les jetons aussi. Avant ce n'était pas réel. Maintenant, ça l'est. Et bordel, comment tu as fait ?
— J'étais comme toi. Je crois que tant qu'elle ne sera pas dans tes bras, tu vas mourir de peur. Ça ira mieux après.
— Vraiment ?
— Non. Mais tu flipperas pour autre chose. Et tu sais quoi, c'est ça qui fera de toi un bon père.
— Mouais. Si tu le dis...
Pour la première fois de la journée, Alban rit de bon cœur. Lorsqu'il s'en rendit compte, ce dernier s'éteignit dans sa gorge. Un bref sentiment de honte le saisit. Puis, sa raison reprit le dessus. Il avait le droit de sourire, de rire, d'être heureux pour ses amis.
— Tout est prêt de toute façon, non ?
— Presque. Il nous manque deux ou trois petites choses... Caro se demandait si tu pourrais nous les prêter...
— Elle a fait une liste ?
— Évidemment.
Caro faisait toujours des listes. Toujours. Elle en avait des tonnes depuis toujours. De toutes les sortes. De la liste de course à celle des anniversaires. De celles de chansons qu'elle entendait à la radio et dont elle voulait regarder les paroles sur le net à celle incroyablement longue de livres qu'elle voulait lire à tout prix. Celle-ci ne diminuait jamais. Elle s'endormait systématiquement après avoir lu trois pages.
Au début de leur relation, Damien fulminait. Il s'était vite fait à l'idée qu'il ne la changerait pas et puis, il l'aimait. Pas grand chose n'aurait pu modifier cela.
— Tu voudras bien nous amener à l'aéroport et revenir nous chercher ?
— Quelle question...
— Les horaires sont tous pourris.
— Je ne te dirai pas non pour autant.
— Merci.
Ils se lancèrent dans un nouveau circuit. Dans lequel ils échouèrent lamentablement. Ils n'avaient plus aucune énergie. Arrêter était leur seule option.
Ils retournèrent aux vestiaires. Une fois devant leurs voitures, tout ce qu'Alban avait réussi à mettre de côté en grimpant revint en force.
Il se voûta sous la douleur qui se répandait à nouveau dans sa poitrine. Son souffle devint plus court. Presque saccadé.
— Les enfants sont chez tes parents ?
— Oui.
— Je t'y retrouve dans une heure.
— Mais pourquoi ?
— Alban, discute pas.
Il essaya quand même et ne réussit qu'à récolter le regard le plus sombre qu'il ait vu sur le visage de son ami. En s'engouffrant dans sa voiture, il se demanda ce que ce dernier comptait faire.
Il prit son temps pour rentrer. La pluie avait cessé, le soleil pointait timidement. Tout à coup, un arc-en-ciel s'invita sur l'horizon.
Par réflexe, Alban chercha ses extrémités. Il savait bien sûr qu'il n'y avait pas de trésor. Que ce n'était que de la lumière décomposée. Et pourtant, ses yeux étaient attirés sans qu'il puisse y changer quelque chose. Peut-être la magie était-elle là. Dans l'âme d'enfant que les adultes retrouvaient en les scrutant.
Une fois chez ses parents, il trouva les traits de son fils beaucoup moins tirés que le matin. Un sourire effleurait même ses lèvres pendant qu'il jouait aux cartes avec son grand-père. Ernestine dansait au milieu du salon sur la musique qui sortait du tourne-disque. Petite silhouette haute comme trois pommes au rythme décalé.
Quand ils l'aperçurent, ils se ruèrent sur lui. Leur étreinte le rasséréna. Lui apporta chaleur. Réconfort. Et tout l'amour qu'ils lui portaient. Il se dit qu'il donnerait sa vie pour eux. Qu'il n'aurait pas dû les laisser aujourd'hui. Pas aujourd'hui. Que penser à lui était secondaire. Qu'ils étaient les plus importants.
Il se trompait. Il se voilait la face. Mais aujourd'hui ne serait pas le jour où il s'en rendrait compte. Aujourd'hui ne serait pas le jour où il regarderait la vérité en face.
Il verrouilla sa peine, sa douleur bien au fond de son cœur. Les refoula au loin.
Il greffa un sourire sur son visage. La voix de Marius brisa le silence.
— Ça va papa ?
— Oui. Maintenant que je suis avec vous, ça va.
Ce n'était pas totalement vrai et personne n'en fut dupe.
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