Chapitre 6
Rey se rend à la faculté en traînant les pieds. Elle a passé la nuit à cogiter, à lire la presse en ligne à la recherche du moindre petit élément qui pourrait lui permettre de mettre un mot, un adjectif sur la personne qui a tué cette pauvre fille. Avoir envie de tuer quelqu'un, de voir une personne souffrir le martyre, ça arrive à tout le monde. Mais peu de gens ont le cran et assez de folie en eux pour passer à l'acte, et franchir la mince frontière entre ce qui est autorisé, et ce qui peut nous envoyer droit en prison.
En arrivant tout juste à l'heure dans son amphithéâtre, elle remarque qu'il est plein. Rey remarque même quelques visages qu'elle n'avait jamais vu auparavant, sûrement des étudiants d'autres promotions, convaincus par leurs amis de venir jeter un œil à ce que Rey Palpatine avait préparé pour leur cours.
Elle est d'autant plus surprise de voir Poe Dameron au premier rang, ses lunettes bien nettoyées et en place sur l'arête de son nez. La jeune femme esquisse un sourire. D'ordinaire, elle aurait secoué la tête, exaspérée qu'il tente de bien se faire voir, une fois de plus, se servant de sa grande monture carrée façon eighties pour draguer les demoiselles du fond. Là, elle sait qu'il n'est pas ici pour ça. Le premier rang est rempli d'hommes, Poe n'a aucune autre raison d'être là que le cours que Rey s'apprête à dispenser.
Elle sort son ordinateur portable et le branche au rétroprojecteur. Sans un regard pour ses étudiants, pleine de prestance et d'assurance, elle affiche les titres des derniers journaux qui parlent de Madelaine Lanval, jeune lycéenne de dix-huit ans, décédée il y a quelques jours.
- Pour aujourd'hui, vous deviez me dresser un premier portrait psychologique de la personne qui est à l'origine de cette mort. On commence par Monsieur Dameron.
L'appelé se lève, plusieurs feuilles en main, et Rey assiste, satisfaite, au cours le plus intéressant de tout le semestre.
C'est avec beaucoup de déception venant de ses étudiants que le cours de Rey se termine, trois heures plus tard. Beaucoup prennent le temps de s'arrêter devant son bureau pour la remercier d'avoir fait un cours aussi captivant, d'autres lui offrent un simple sourire, et enfin, contre toute attente, Poe Dameron vient se planter devant le bureau, alors qu'elle s'affaire à ranger son matériel dans sa sacoche.
- Il y a un point que je n'ai pas très bien compris dans les explications que vous avez donnés tout à l'heure. Quand vous avez parlé du fanatisme, je crois...
- Possible, répond Rey, à deux doigts de prendre sa température pour vérifier que Poe n'est pas une hallucination. Attendez, continue-t-elle, je vais reprendre mes notes...
Elle laisse sa phrase en suspens, et se rassoit devant son ordinateur, qu'elle déverrouille. Poe la regarde avec insistance, stylo en main, prêt à prendre des notes. Ils passent un quart d'heure à reprendre certains points énoncés pendant le cours, Poe observant le sourire de Rey quand elle le regarde, faisant de grands gestes avec ses mains quand elle s'emballe. L'étudiant est certain que Palpatine est de loin sa professeure préférée.
Elle lui glisse même, avant de partir, qu'elle est obligée de se rendre à la messe de Noël (ce qu'elle ne comprend pas, puisqu'on est bien dix jours avant la date fatidique), tout ça pour faire bonne figure et détendre la presse par rapport au scandale autour de sa famille. Rey ne sait pas trop quoi penser lorsque son étudiant lui rétorque qu'elle a eu raison de les traîner dans la boue, héritage ou pas, et que son action va être très profitable pour les personnes comme sa famille, qui ont très peu de moyens et se privent bien souvent de soins. Devant le bâtiment, Poe lui offre un sourire que Rey ne parvient pas à décrypter, et tous deux se séparent.
Quand elle regarde l'heure, elle se rend compte qu'elle aura tout juste le temps de prendre le métro pour arriver à temps à la messe. Pourquoi ses parents choisissent toujours la petite chapelle de Brooklyn pour assister à la prière, elle ne le comprendra jamais. De toute façon, Rey n'est plus bien sûre de croire encore en Dieu.
Un vent d'air frais lui glace les joues quand elle sort de la bouche de métro. Elle trouve qu'il y a beaucoup de monde par ici, que tout le monde a l'air un peu trop excité sans aucune raison, mais hausse les épaules avant de chasser cette pensée absurde de sa tête. Les gens sont toujours trop excités d'être à New-York, et elle ne s'étonnerait même pas que les trois quarts des personnes dont elle croise le regard dans la rue soient des touristes, surtout en cette période de l'année.
Mais quand elle arrive à la chapelle, prête à affronter les remarques acerbes de sa famille, elle ne les voit pas. Les passants agglutinés devant les grandes portes de la bâtisse ne sont pas focalisés sur Sheev Palpatine, ou son père, ou sa mère. Ils sont serrés autour d'un grand ruban jaune en plastique, surveillé de prêt par des agents de police en uniforme. Képi bien vissé sur leur tête, ils toisent la foule, refoulant chaque personne qui se croit assez maligne pour essayer de franchir la bande et s'approcher du corps.
Parce que Rey s'en rend compte, en s'approchant, que c'est encore de ça qu'il s'agit. Au centre de la place, en haut des marches, juste devant les deux grandes portes de bois, ce qui semble être une jeune fille, à en croire les longs cheveux noirs qui traînent sur les dalles, est allongée au sol, recouverte d'un linceul. Tout autour du corps sans vie, des hommes en combinaison blanche et sur-chaussures bleues s'affairent à prendre toute la zone en photo, à récupérer des choses qu'elle n'arrive pas bien à voir avec des petites pinces à épiler.
Un homme en blouson d'aviateur s'approche des policiers en uniforme, et Rey saisit sa chance, sans vraiment réfléchir. Elle tend le bras vers l'homme avant qu'il ne lui échappe, aussitôt repoussée par un des agents.
- Vous êtes l'inspecteur de police chargé de l'enquête ? s'écrie-t-elle.
L'homme ne répond pas, mais elle constate à son œillade, qu'il est quand même attentif à ce qu'elle va lui dire.
- Vues les mutilations, c'est peut-être un crime religieux, vous avez pensé à regarder du côté des prêtres, des enfants de chœur, des croyants ?
- Madame, vous n'avez rien à faire ici, lui rétorque le policier en uniforme, se plaçant juste devant elle pour la faire reculer.
- Mais il faut qu'ils cherchent ! Vu les mutilations ils ont affaire à un fanatique ! braille-t-elle en se débattant. Ce type ne les frappe pas, il les coud et les habille en blanc. Ça rappelle la Sainte Vierge et il veut juste
Elle est interrompue par le policier, de plus en plus véhément, qui dépasse la bande jaune pour la repousser encore plus loin.
- Il veut juste préserver leur pureté. Ce type n'est pas ordinaire, si vous
- Madame, veuillez cesser tout de suite ou je vous fais arrêter pour entrave à enquête.
Rey se tait immédiatement, dégage son bras en fusillant l'agent du regard. Si elle n'entendait pas les gens autours d'elle murmurer son nom, elle aurait allumé ce pauvre monsieur et lui aurait dit sa façon de penser sans aucun filtre. En reculant, elle heurte le torse d'un homme qui lui paraît massif, est troublée une brève seconde par son eau de Cologne.
- Si vous cherchez au bon endroit, finit-elle sur un ton calme, et à peine audible, vous retrouverez ce type. Avant qu'il en ait buté une troisième.
Le policier fait mine de ne pas l'avoir entendu. Rey se retourne, lève les yeux vers l'homme qu'elle a bousculé. Elle ouvre la bouche, mais les excuses qu'elle veut lui présenter meurent en un murmure. Elle baisse les yeux, cache son visage dans ses cheveux en désordre, et le contourne pour retourner au métro en vitesse.
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J'espère que ce chapitre vous a plu :)
Bisous bisous !
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