Chapitre 23

Hello !
Je m'y prend à l'heure cette fois-ci 😂
Je tiens encore une fois à remercier toutes les personnes qui commentent et votent à chaque fois, ça me fait tellement plaisir ! Ça me motive à mieux m'organiser, et à finir rapidement le prochain chapitre. Parce que sinon je serai obligée soit de faire une petite pause le temps d'avoir de nouveau de l'avance, soit de publier le chapitre, mais en retard (donc pas samedi). Je vais voir, j'espère que j'arriverai à tenir mes délais !
Bonne lecture 😘
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Ben n'a pas reparlé du baiser. Des baisers. Il n'en a pas dit un mot, mais il y repense chaque jour. De bonne grâce, il a prêté son lit à Rey, lui a fait une place dans le placard mal rangé, et dort sur le canapé.

Rey a eu peur les trois jours qui ont suivis le procès. Ben comprend : quand on a une famille comme la sienne, on peut s'attendre à tout, et surtout à n'être en sécurité nulle part. Il a fait installer des caméras infrarouges chez elle, en omettant seulement la salle de bain, pour qu'elle puisse avoir son intimité. De toute façon, elle ne reste presque plus chez elle. Ben la voit fatiguée, ailleurs,  mais elle n'a de cesse que de trouver le meurtrier de ces deux jeunes filles. La brune pense toujours que Ben dort quand elle se faufile dans le salon pour gagner la cuisine. Elle croit dur comme fer qu'il est au pays des rêves quand elle nettoie la table du salon, fait la vaisselle en laissant couler le moins d'eau possible, essaye d'ettouffer le bruit de la cafetière et l'odeur amère du café quand elle le fait couler. Ben fait semblant d'émerger chaque fois qu'elle vient lui secouer doucement l'épaule en murmurant son prénom.

Mais Ben est réveillé à chaque fois. A force, son horloge biologique le réveille exprès une demi-heure avant qu'elle ne se glisse hors de la chambre. Il l'attend, la suit du regard. Ses yeux épient les plis de son pantalon de pyjama qui se coincent sous ses fesses lorsqu'elle marche. A chaque fois, il ne peut s'en empêcher. A chaque fois, il regrette.

Ce matin ne déroge pas à la règle. Elle s'avance à pas feutrés, récupère sa tasse vide sur la table du salon, et part faire la vaisselle. Il l'entend d'abord jeter le filtre à café utilisé, le remplacer, le remplir, et mettre la machine en route. Elle jète un torchon dessus, comme si ça pouvait empêcher la cafetière de faire son boucan, et Ben sourit. Elle est si mignonne, à vouloir à tout prix éviter de le déranger. Ben la regarde faire de loin. Il aperçoit son visage pâle, ses trais tirés, mais sereins. Elle s'active derrière le bar qui sépare la cuisine du salon. Il a l'impression d'être en train d'observer une poupée, toute menue dans ses vêtements de nuit froissés, qui fait la grimace lorsque la vaisselle fait un bruit trop fort à son goût. Il devine sa grimace angoissée quand elle jète un oeil vers lui pour s'assurer qu'il ne s'est pas réveillé.

Ben la regarde encore. C'est devenu son rituel du matin. Admirer ces courbes, ce visage concentré, ces moues. Il a envie de promener ses mains sur son corps, d'aggriper ses hanches comme il l'a fait sous la neige, de frotter sa peau rêche à celle de Rey, soyeuse, douce comme du cashemire. Mais Rey est une poupée de porcelaine innocente. Dans l'euphorie, il n'en a pas eu l'impression, mais maintenant, il a cette sensation gênante que s'il ose reposer la main sur elle, même sur invitation, il ne ferait que souiller la jeune femme.

Une larme s'échappe et saute par-dessus son grand nez. Couché sur le côté, Ben serre les dents. À Rey se superpose le visage de Lila, ses longs cheveux noirs qui ondulent sur sa taille, son sourire innocent.  La psychologue est comme elle : une réincarnation de la Madonne, la personnification de l'amour, celle qu'on admire, qu'on croit, et qui ne peut rien offrir d'autre que le pardon et la tendresse. Lila disparaît, il ne reste plus que Rey, qui essuie les deux mêmes tasses, et les remplit ensuite de café. Un petit sourire étire ses lèvres, et Ben sent son nez se mouiller encore plus. Il retire le mélange d'eau et de morve qui lui coule des narines, et continue de la regarder en pleurant.

Quand elle fait demi-tour en silence pour aller poser le breuvage sur la table basse, les yeux embués de Ben croisent ceux de Rey. Le sourire de la jeune femme fâne, et son regard se change pour de l'inquiétude. Elle se précipite pour poser les tasses et se penche vers lui, posant une main délicate sur sa joue.

- Ben, miaulle-t-elle. Qu'est-ce qu'il y a ?

Comment Ben peut-il répondre à ça ? Qu'est-ce qu'il y a ? Il a peur de la perdre, elle aussi. Il ne comprend pas pourquoi, mais quand il la perd de vue, il panique. Tout peut lui arriver, et ça l'angoisse profondément. Alors il ne répond pas. Il n'a pas les mots. Rey a les mains qui tremblent d'incertitude, pourtant, le jeune homme sent ses doigts se glisser dans ses cheveux. Ses grands bras d'homme se faufilent autour de la taille menue de Rey, et elle attire sa tête en larmes contre son ventre. Redevenu un bébé, Ben reste là, lové au creux d'un ventre plat, mais pourtant maternel. Sa mère lui manque soudainement. Tout se mélange. Il sanglotte, s'agrippe encore plus à elle, comme si elle pouvait lui échapper, à la manière de Lila, à la manière de Leia.

Quand les larmes commencent à sécher, le grand jeune homme se risque un regard vers le haut. La joue collée au ventre de Rey, il détaille la forme de ses petits seins, et de son visage rempli d'inquiétude et de tendresse qui le scrute. Ben a terriblement honte de se montrer ainsi faible, et pourtant, il ne se sent pas jugé. Elle le couve des yeux, lui sourit, lui fait savoir que tout va bien. Ses petits doigts de femme lui caressent les cheveux, la peau, sa barbe qui repousse tout doucement. Ben la regarde toujours. La lumière perce à travers les volets, et vient se poser sur la peau diaphane de Rey. Les larmes tombent à nouveau, le jeune homme est bouleversé. Sa certitude, alors que les rayons du Soleil viennent se refletter dans ses cheveux, c'est qu'il est en présence de la Sainte Vierge, devant la réincarnation de Marie. Il repose son esprit au creux d'un ventre béni, chaud, aimant.

Ses larment sèchent aussitôt qu'il entend la sonnette stridente de la porte d'entrée. Rey tressaille, fronce les sourcils, l'air de dire : "Tu attends quelqu'un ?". Mais Ben n'attend personne. Les mains de la jeune psychologue se dénouent et lâchent ses cheveux emmêlés. Il se lève, se râcle la gorge, et se dirige vers la porte pour l'ouvrir. Ben trouve Poe, l'air penaud et fatigué, qui lui offre un sourire désolant. Le jeune homme devine que Rey, toujours debout près du canapé, n'ose pas s'approcher et poser des questions. Ben sait que Poe a besoin de parler. Il a la tête des mauvais jours, alors il l'invite silencieusement à entrer. 

- Je voulais savoir si t'avais besoin d'un coup de main pour quelque chose, murmure Poe, la voix éteinte.

Rey le salue de la main, ne sachant où se mettre, et Ben lui sourit, gêné.

- Non, on avance, répond Ben. J'irais pas jusqu'à dire qu'on a des pistes ultra solides parce qu'on a pas grand chose pour confirmer nos soupçons, mais on sait que c'est une amie commune de Mary et Madeleine qui leur a filé l'adresse du gynéco. D'après le journal de Mary, le gynéco était au scout une bonne vingtaine d'années avant elles, et il connaît le pasteur qui s'occupe des groupes. Du coup c'était un tuyau facile. Maintenant, reste à le trouver et prouver que c'est lui, et ça c'est pas gagné.

Les yeux de Poe partent dans le vide. Ben se tait, l'observe se laisser tomber dans le canapé.

- Mec, reprend-t-il. T'es sûr que ça va ?

Poe hausse les épaules.

- J'ai rencontré une fille à la fac.
- Où est le mal ? répond Ben du tac au tac.
- J'me sens coupable. Ça fait que trois ans...
- Et alors ? T'as le droit de vouloir t'en remettre, Poe. T'as le droit de vouloir passer à autre chose. C'est pas de ta faute. Et c'est peut-être pas de la mienne non plus.

Rey reste silencieuse. Elle observe, se fond dans le décor. Elle essaye de comprendre quel drame peut lier les deux hommes, comment ils ont pu se connaître. Elle se retient de poser des questions. La jeune femme sait que ce n'est pas la solution. Poe n'y répondra pas, et Ben se renfermera. Ils ne sont pas prêts.

- T'es allé à une séance récemment ? demande Poe subitement.
- Non. Peut-être qu'il faudrait que j'y aille. C'est la période où j'ai intérêt à rester droit dans mes bottes, et où ça sera le plus difficile.
- Je t'accompagne quand tu veux, t'as qu'un mot à dire.

Ben sourit tristement, lui tapote l'épaule alors que l'étudiant ravale ses larmes pour ne pas craquer. Rey les regarde tour à tour, puis s'attarde sur le regard de Ben, qui l'observe. Elle y décèle quelque chose, une lueur à la fois dévastée et déterminée.

Rey se noit dans ces prunelles sombres. Plus elle avance dans ces abysses, plus une sensation étrange la prend au ventre. Elle y entrevoit quelque chose, une vérité qui soulève son coeur : Rey a un lien avec ce drame, et elle a un lien avec l'enquête. Tous les trois sont liés au tueur, elle en est certaine.

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