Chapitre 11
Ben est au bout du couloir. Il attend, écoute. Rey est à l'intérieur de son appartement, la porte est ouverte, il entend tout. Les policiers passent tout au peigne fin, lui posent cinquante fois les mêmes questions. Plusieurs fois, certains agents sortent de l'appartement, essayent de sonner aux différentes portes de l'étage, sans succès. C'est comme si personne n'était là. En même temps, se dit Ben, si j'étais un cambrioleur, j'attendrais aussi que l'étage soit vide de tout témoin pour sévir, surtout quand la victime est une justicière qui tente de faire couler sa famille.
Un des agents entre en trombe dans l'appartement, visiblement agacé par les pleurs de Rey, qui reprennent de plus belle, après qu'elle ait répondu pour la cinquième fois à la même question. Ben s'approche, prudent, et s'arrête près de la porte d'entrée, ouverte. Il se garde de toucher quoi que ce soit, bien qu'il se doute que ses empreintes allaient être retrouvées dans le salon, peut-être même dans la chambre.
Un des hommes se retourne finalement vers lui, se rendant compte de sa présence, et lui demande :
- Vous êtes ?
- Oh, euh, Ben, répond-il en tendant la main au policier, par réflexe.
L'homme ne la saisit pas, et Rey se retourne vers lui, intriguée. Elle semble soulagée de le voir ici, et frotte ses joues mouillées du dos de la main.
- Je suis un ami de Rey, ajoute-t-il. Elle était paniquée tout à l'heure, c'est moi qui lui ai conseillé de vous appeler.
La vérité n'est pas exactement celle-ci, mais l'agent n'est pas obligé de le savoir. Quand il voit Rey abattue, stressée, les yeux allant et venant un peu partout autour d'elle, Ben s'en veut un peu de s'être moqué de son appel à l'aide.
Quand la police part dix minutes plus tard, promettant à la jeune femme de lui donner rapidement des nouvelles, celle-ci lance à Ben un regard fatigué.
- Ils ne feront rien, murmure-t-elle.
- C'est la police... ils arrivent à peine à déployer des moyens pour retrouver des tueurs en série, alors un cambriolage...
- Il ne m'a rien pris, en plus, je ne comprends pas.
- Il cherchait quelque chose en particulier, tu crois ?
Rey leva les yeux au ciel.
- Toi qui me connais sûrement mieux que je te connais, dit-elle, tu dois savoir que l'appel au procès de ma famille contre moi arrive dans quelques jours. Ce type cherchait n'importe quoi qui pourrait me faire tomber, et s'il a pu me faire peur, par la même occasion, alors c'était tout bénef'...
Un silence se fait. Ben le sait. S'il lui disait tout ce qu'il savait, elle ne l'aurait jamais appelé. Elle le détesterait, et il ne serait pas la seule personne sur qui elle compte.
- Prend quelques affaires et vient crécher chez moi pendant quelques jours.
- Pardon ? demande Rey, interloquée.
- Le temps que les choses s'apaisent, renchérit Ben. On attend que le serrurier répare la porte, tu fermes tout tel quel, et on reviendra plus tard.
- Tu crois ?
Ben acquiesce.
- Tu n'es pas en état de rester ici toute seule. Donc tu prends tes bouquins, ta thèse, ton ordinateur et un stock de culottes et tu viens dormir chez moi quelques jours. Tu pourras travailler sereinement.
Rey hausse les épaules. Elle semble hésiter, puis se lève et regarde autour d'elle, cherchant quelles affaires emporter. Ben l'observe, ne bougeant pas pour autant. C'est son appartement, il ne va pas commencer à tout déplacer à son tour.
Deux heures plus tard, dont une bonne demi-heure de métro pour atteindre le Bronx, Rey est installée dans un canapé en tissu rêche, vieilli par le temps. Elle observe à la lumière de l'ampoule à bout de souffle le salon à la tapisserie tachée, curieuse.
- Tu me rends curieuse, souffle Rey, les yeux toujours baladeurs.
- Ah oui ? répond-il nonchalamment, partant dans sa chambre allumer son ordinateur.
- Oui... la première chose qu'on apprend quand on fait de la psychologie, c'est que bien souvent, le silence en dit long.
- C'est-à-dire ?
- Il me suffit de regarder ton appartement et ton comportement pour comprendre à quel point tu es blessé.
Ben laisse échapper un rire sarcastique.
- Bien sûr, je suis un petit lapin à moitié mort au bord de la route.
- C'est vrai... tu es en colère contre quelque chose, pour une raison particulière... et je parierai que ça a à voir avec la raison pour laquelle tu es entré en contact avec moi. Tu ne m'as pas approché juste parce que tu penses que je peux avoir la clé de cette affaire, mais parce que je peux t'aider pour autre chose.
Un silence se fait durant lequel Ben serre les poings. L'envie de balancer sa chaise dans le mur, ou sur elle. D'un coup, il se demande si c'était vraiment une bonne idée. Il voulait qu'elle l'aide à trouver l'assassin de Lila, pas lui envoyer ses propres démons en plein visage. C'est déjà difficile de vivre avec alors si elle en rajoute et qu'elle les déterre, un par un...
- Pas vrai ? renchérit-elle, le rejoignant dans la chambre.
Ben lui lance un regard plein de rage. Il ne veut pas en parler. Et si elle insiste, alors elle est la pire psychologue qu'il ait connu, et il va la renvoyer chez elle fissa, au milieu de son bordel. L'envie de taper là où ça fait mal, de lui parler de sa famille, se fait sentir.
Elle le regarde, il la fusille du regard. Il aimerait la voir souffrir autant qu'il souffre au fond de lui. Rey baisse les yeux, et fait volte-face pour retourner dans le salon, haussant les épaules et tentant de faire comme si rien ne s'était passé.
- En tout cas, tu devrais ranger un peu. C'est le foutoir ici.
Ben lève les yeux au ciel. Rey l'exaspère. Mais elle a raison : il a besoin d'elle plus que quiconque, parce qu'elle est réputée pour être une des docteurs en psychologie la plus prometteuse. Il a l'impression qu'elle seule est capable de l'aider à trouver les réponses à ses questions. Alors il va se taire, il va encaisser, comme il l'a fait ces dernières années, et il va chercher avec elle.
Deux heures plus tard, Ben et Rey sont assis en tailleur au milieu du salon, des feuilles éparpillées tout autour d'eux. Rey les lit attentivement, Ben la regarde.
- Tu peux me faire un résumé s'il te plait ? demande-t-elle.
- Un "résumé" ?
- Oui, de ce que tu comprends. Ce qui est important pour toi.
Ben souffle et rassemble ses pensées.
- Les deux demoiselles sont "préparées" de la même manière : le nombril cousu, la bouche, et les lèvres. D'après les deux rapports du médecin légiste, leur vagin a été nettoyé à l'intérieur avec du désinfectant gynécologique type Bétadine, et ce, post-mortem, puisqu'il n'a retrouvé aucune trace de flore vaginale. Pas de trace de sperme, bien évidemment, mais des lésions sur les parois du vagin, donc on peut supposer un ou plusieurs viols dans les deux cas, pré-mortem à chaque fois.
Il voit Rey faire la grimace, pâlir. Elle ne semble pas à l'aise avec l'idée, et dans un sens, Ben peut comprendre. Il n'a aucune idée de ce que ça peut faire d'être forcé à faire des choses qu'il n'a pas envie de faire. Surtout des choses sexuelles. Même dans sa tête, il n'arrive pas à expliquer ça avec des mots, mais l'imaginer lui donne envie de faire la grimace, lui aussi.
- Donc, reprend-elle, on est certain que c'est la même personne qui est responsable de ces deux meurtres.
- La question c'est : pourquoi ? renchérit Ben.
- Absolument : si on trouve pourquoi, on aura peut-être une idée de qui peut être à l'origine de tout ça.
- Mais comment on va faire ?
Rey semble réfléchir, lève les yeux au ciel. Ben prend ce temps pour la détailler du regard, une fois de plus. La jeune fille a tout pour elle. Elle est belle, elle est talentueuse, intelligente. Peut-être que son seul défaut, c'est son nom de famille, mais ça, elle ne l'a pas choisi.
- Il faudrait contacter leur famille... peut-être qu'elles n'étaient pas si blanches comme neige...
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Bon, qui avait hâte ici ? (A part moi...)
Vraiment, je prend tellement plaisir à travailler et partager cette histoire, j'espère que ça sera le cas jusqu'à la fin ! D'ailleurs pour l'info, j'ai terminé le plan de mes chapitres, en comptant l'épilogue, ça devrait faire dans les 38 (je suis pas à l'abris de rajouter quelques petits chapitres imprévus entre, me connaissant...). Autant dire que vous allez les voir un moment, ces deux-là !
J'en profite pour faire un appel à celles et ceux qui ont Twitter : je parle très souvent d'écriture et parfois de ma progression. Si ça vous tente, voici mon pseudo : @_AlicePan
N'hésitez pas à me suivre (je suis gentille)
Bisous et à samedi prochain :)
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