Harry est venu.
Pas ce soir, ni celui d'après, mais Harry est revenu. Il est là, comme avant, comme si de rien n'était. Comme s'il pouvait juste disparaître parmi les ombres, comme s'il n'était rien de plus. Comme si les fantômes qui rôdaient avaient pris jusqu'à son ombre même. Il est venu, et il s'est assis, comme d'habitude. Comme si de rien n'était. La lampe a frissonné. Ce soir, il ne neige plus, toute la neige a fondu. Elle s'étend en petits lacs froids et limpides qui brillent, pâles, sous les reflets du croissant de lune.

Mais Harry se cache de la lumière. Il regarde Louis. Louis qui l'a attendu. Il regarde Louis qui est assis sur le banc, juste en dessous de la lune, diaphane. Il est si pâle qu'Harry a peur qu'il se dissipe, tout-à coup, dans la lumière blanche. Il serre les dents. Ils sont là, pâles, brillants, le fantôme dans la lumière et l'ombre dans les ténèbres, fragiles. Ils ne le savent que trop. Et ils ont peur, alors.

Louis reste silencieux, muet, comme une statue. Un instant, Harry se demande s'il est mort, comme ça, juste à force d'attendre. Mais ses yeux brûlent de rage, une rage bleue, froide et triste, fous de ressentiment. Il dit:
"Où étais-tu?
-Tu sais très bien où j'étais, répond Harry d'une voix douce.
-Mais... Pourquoi? Pourquoi tu y retournes? Pourquoi on ne peut pas juste s'enfuir, partir loin, très loin? Fais moi confiance. Je nous trouverai un endroit pour dormir. Je pourrais travailler, toi aussi, tu trouverais un emploi. Tu pourrais guérir. Fais moi confiance..."

Mais Harry a agrippé le bras de Louis. Il serre fort, et Louis grimace, parce que ça lui fait mal. Il a mal au bras et mal au coeur, et le regard de Harry brûle. Il n'est plus lui-même. Ses beaux yeux verts sont cernés, fous, et injectés de sang. Et soudain, Louis a peur.
"Ne dis pas ça.
-Harry, j'ai peur... Harry, lâche-moi, tu me fais mal."

Le jeune homme le lâcha, passa son visage dans ses mains, et soupira.

"Qu'est-ce qu'on va faire?
-On ne va rien faire Harry. Tu vas y retourner. Parce que tu les aimes, plus que tu ne m'aimes moi. Moi je vais continuer à t'attendre, et toi tu vas disparaître, et revenir, comme si j'étais à toi, parce que je t'aime et que je suis idiot. Et toi tu auras mal, et je ne pourrais rien faire, et un jour tu vas me faire du mal aussi, parce que c'est ce que les gens font, toujours, parce qu'ils sont comme ça.
-Nous sommes différents.
-Non.
-Comment peux-tu en être sûr?
-Si nous étions différents, je pourrais faire quelque chose. Je ne serais pas impuissant. Et toi, tu partirais avec moi."

Accusant le coup, Harry baisse la tête. Il sait que Louis a raison, et il s'en veut. Mais ce n'est pas sa faute...

Alors, déçu, Louis lui jette un regard blessé et s'en va. Son écharpe trop grande flotte derrière lui comme deux ailes trop grandes. Harry sera là demain, enfin, peut-être, et il ne le trouvera que plus abîmé. Mais Louis sera là aussi, à l'attendre.
Parce que Louis est idiot, après tout.