Wedding day
Sinclair
J’aurais pu te rendre heureux…
Bien sûr qu’elle aurait pu. Nous aurions pu être nous aussi, devant cet hôtel un jour.
C’est drôle d’y penser. Mais la démangeaison sur mon côté fait bien vite de me rappeler que c’est aussi stupide. Surtout à cet instant, alors que j’ai moi-même écrasé les dernières lueurs d’espoirs qu’il restait dans ses yeux gourmands il y a trois mois. Mais c’est que j’ai vu sa colère, sa peine. Pour la première fois, j’ai oublié les miennes en scrutant ses prunelles. Elle n’a pas eu à parler, j’ai compris… Elle avait besoin de me haïr. Pour préserver sa dignité, son orgueil et sa famille. Et même si ça m’a tué, j’ai dû l’accepter et tourner le dos.
Sauf que, plus le temps s’épaissit, et moins j’en suis convaincu. Plus je vois ses doigts coincées dans celle de ce Balkan, moins je supporte celles de Danich en train de frôler les miennes. Plus elle passe des nuits sous les draps de type, plus les miennes sont froides. Devant chaque sourire qu’ils échangent, chaque baiser au lever, lorsqu’elle quitte son appartement, je me sens devenir un fantôme… Et ça me tue… Du moins, le peu de vie qu’il me reste encore.
Mais peut-être lui rends-je service de cette façon. En tout cas ce jour-là, j’y croyais… Bordel, qui est-ce que j’essaie de tromper ? Je me rendais surtout service à moi. C’est si difficile de risquer sans garantie. Ça fout une peur bleue d’engager le jeu, sans savoir si on va gagner. Pire encore, c’est impossible de consentir à jouer quand on se sait perdant au préalable.
Moi face à Holy, je sais que j’ai déjà perdu.
–– Promettez-vous de l’aimer, de la chérir et de la respecter, jusqu’à ce que la mort vous sépare ?
Jusqu’à ce que la mort nous sépare…
Loyauté, humilité, éternité.
Voilà ce qu’incombent ces paroles selon Mark. Hier encore il me faisait une de ses crises mélancoliques. Qu’est-ce qu’il peut être poétique quand il s’y met ! Sa chanteuse lui manque. Et ça aussi, c’est de ma faute. Et puis non, il s’est jeté tout seul dans ses emmerdes. Même si j’ai une part de responsabilité, il a tout fait seul, comme un grand. Toutefois, souvent il m’arrive d’avoir envie de lui demander pardon. À Holy aussi d’ailleurs, mais je suis Sinclair. Un Delano, et quoique je fasse, ce n’est jamais bien grave. Parole de papa et de maman. Alors je m’accroche à ces excuses. Et quand il s’agit de la fille à l’autre bout de la salle, à la juste colère qu’elle a déversé sur moi, je n'oppose que ce déni. Je n’arrive pas à lui pardonner. C’est tellement plus simple ainsi.
–– Vous pouvez embrasser la mariée.
Et les cris s’élèvent dans la salle. Standing ovation, les fleurs se mettent à pleuvoir. Les femmes qui m’encadrent ne mégotent par sur leurs émotions. Maman coule quelques larmes et ma fiancée martyrise presque les paumes dans un bruit déchirant. On croirait facilement qu’elles sont parvenues à passer en sourdine le fait que ce soit un de nos ennemis qui soit devant cet autel. Ce n’est pourtant pas le cas, cependant, s’y trouve également Maelys. Elle a été une fille pour ma mère. C’est surtout un médecin de renom et l’héritière d’une des fortunes les plus vertigineuses de la 5th Avenue.
Dans le clan Tiger, en dehors du père et la musicienne qui restent mesurés dans leurs expressions, c’est l’explosion de joie. Exubérante de nature, Holy étouffe quasiment la petite jamaïcaine qu’elle considère comme une petite sœur. Dove, si je me souviens bien.
Les mariés sortent de la bâtisse quelques minutes plus tard, accompagnés par l’avalanche de fleurs et de confettis que répandent abondamment Holy et ses amies, des sourires et le gospel très dansant de la chorale. Les demoiselles d’honneur improvisent d’ailleurs des pas de danse caricaturaux calqués sur ces voix tonitruantes mais agréables, destinés à amuser la galerie. Le moins que je puis dire, est que la tigresse est dans son élément. Non seulement c’est une fan du brouhaha, mais elle adore aussi être le centre des attentions ––un détail qui nous rapproche comme il nous éloigne. Je suis presque aussi solitaire que je suis attentif.
–– Il y en a qui ne savent définitivement pas se tenir.
Il y en a qui savent s’amuser, ai-je envie de répondre à ma mère mais m’en garde. Ce serait de toute façon un débat stérile. Dans ma famille, c’est une tradition de ne voir que ce qui nous arrange, ce qui va dans notre sens et qui maintient les apparences au beau fixe. À une époque je restais passif face à tout cela, perdu moi-même dans ce monde où il n’y avait que moi, mes démons et cette éducation que je redoutais sans toutefois m’en plaindre. Privilégié, même face à la culpabilité.
–– C’est une aguicheuse, ponctue Danich, qui lui destine une rancœur qu’elle ne se résout pas diriger contre le vrai fautif, moi bien évidement. Sa longue liste d’amant parle pour elle.
Dans les poches de mon pantalon, je serre les poings à cette mention des plus vraies. Holy est une fichue séductrice dont les idylles ne se comptent plus sur les deux mains. Cependant je ne sais pas bien contre qui je suis le plus en colère à cet instant, malgré mon calme apparent. Contre celles qui la critiquent alors qu’elles ne valent pas mieux, ou contre elle dont les actions me meurtrissent de plus en plus le cœur dernièrement. Plus encore, je me dégoute à la préférer se les échanger qu’à conserver un seul.
Qu’est-ce qu’elle lui trouve, merde ? Pourquoi l’embrasse-t-elle en public ? Est-ce aussi sérieux entre eux pour qu’elle l’ait invité au mariage de son frère ?
–– Vous ne trouvez pas que vous en faîtes un peu trop là ? s’agace enfin Neil. C’est ridicule d’accorder autant d’importance à des gens qui n’en ont plus rien à faire de vous. L’eau a coulé sous les ponts, passez à autre chose.
–– C’est ce que tu crois, renchérit de suite la blonde aux yeux pervenches. Cette fille n’en manque jamais une pour m’attaquer, à chaque fois que nous avons le malheur de nous rencontrer. C’est une peste.
Ça je ne lui fais pas dire. C’est la reine des peaux de vache, mais je doute qu’elle lui consacre autant de temps une fois qu’elle est seule avec les siens.
–– Moi, on pourrait les pendre sur la place publique que je n’en aurais rien à faire. Jamais je n’oublierai la barbarie dont a fait preuve ce timbré que Maelys a choisi comme époux.
Et il fallait qu’Archie en rajoute une couche. Pas étonnant de sa part de toute façon. Il cherche constamment l’approbation des parents alors, ce n’est pas tous les jours qu’on va le voir aller à contre-courant.
–– La pauvre, soupire la fille du sénateur avec une pointe de dédain dans la voix.
–– Moi je ne la plains pas du tout. Je lui souhaite même de se brûler les doigts, comme ça elle regrettera d’avoir quitté mon fils pour ce moins que rien.
Neil pouffe de rire, partagé entre l’exaspération et la tendresse qu’il a pour sa mère.
–– Vous n’êtes pas croyable. Mais je crois qu’il est temps d’aller saluer les mariés. Ce n’est pas à moi de vous rappeler qu’on a un accord avec ces « gens » comme vous dites.
–– De la racaille, je préfère, s’incruste enfin mon père en resserrant sa cravate grise. Rien que de penser que je vais les toucher mes donne l’urticaire. Mais bon, il faut bien assumer ses erreurs. N’est-ce pas Sinclair.
Son sourire pue la sournoiserie à plein nez. Personne ne dit, le montre encore moins, mais tous m’en veulent. Ils sont juste trop partiaux, et noyés dans les eaux nocives du déni.
–– Allez-y sans moi, préféré-je ignorer sa pique. Toutes ces mondanités, c’est très peu pour moi. Je verrai Maelys tout à l’heure à la soirée, loin des caméras.
–– Comme tu veux fiston, sourit Jelissa, de toute façon, je te préfère loin de cette fille. Allé, c’est l’heure de se mélanger à la foule.
Tous s’avancent à sa suite sauf mon père qui visiblement, n’en a fini avec moi.
–– Je demande… Non, j’exige que tu montres un peu plus de respect à ta future épouse Sinclair.
–– Je ne vois pas de quoi tu parles, m’essayé-je à le pousser à bout. Elle a emménagé dans mon appart comme tu l’as suggéré. Je vais me marier avec elle, lorsque le moment te semblera opportun, qu’est-ce que tu veux d’autre ?
Papa a beau avoir la maîtrise de son tempo et de son ton, je sais qu’il boue de l’intérieur. Je tiens ce self-control de lui, bien avant que la vie le renforce. Malgré tout il y a ce bref reniflement qui, lorsqu’on le connait suffisamment, fait état de cette humeur destructrice sur laquelle j’ai comme lui réussit à avoir une certaine victoire.
–– Que tu revois ta façon de regarder cette fille par exemple. Dire que tu la déshabilles du regard serait en tout point un euphémisme. Respecte ta fiancée.
–– Et c’est toi qui me balance ça ?
Oups, j’ai vite parlé ! Je commence moi aussi à perdre patience, et il y a longtemps que cela dure.
–– Je ne sais pas quand est-ce que tu es devenu insolent, me réprimande Hamilton d’une voix presque guillerette, après un long silence d’apaisement, mais il est clair que cette moins que rien a déteint sur toi. Ne me provoque pas Sinclair, se fait-il plus glacial tout à coup, la tête baissé vers ses bas qu’il agite l’air de rien. Nous avons un accord, ne l’oublie pas. Et à la seconde où t’amusera à le briser, il y en aura qui pleureront. Et je n’en ferai certainement pas partie. Reste loin de cette fille, je te le répète. Tu as des engagements, tiens-toi à ceux-ci.
Je préfère sourire et garder ma rébellion bien enfouie. La parole est vaine s’il n’y a pas d’acte concret à sa suite. Hors les promesses, je n’aime pas beaucoup. Moi j’agis, avant de parler. Et le moment venu, je lui présenterai les faits, pour mieux l’envoyer paitre.
Excédé, je m’éloigne vers l’arbre sous lequel Holy et moi avons échangé pour la première fois, plantant mon père comme le guignol que je vois désormais en lui. Je n’ai plus que ça dorénavant, les souvenirs. En me concentrant bien, je peux encore entendre nous gueuler dessus. Je peux tout aussi ressentir toutes les sensations invisibles qui m’ont étreint à chaque fois que mon corps s’est rapproché du sien. Je peux encore sentir ses lèvres sur les miennes et sa langue en combat contre la mienne…
Holy…
Je comprends mieux pourquoi elle adore le bleu, la couleur lui va à merveille et fait ressortir la couleur de ses yeux. Elle a ce sourire de gamine lorsqu’elle appui sa mâchoire contre son épaule. Je n’ai jamais su y résister. Pas plus que je n’arrive à me retenir de rire devant toutes les grimaces loufoques dont elle seule a le secret. Mais ma préférée demeure celle qu’elle esquisse en ce moment en regardant son basketteur de frère comme s’il avait perdu la raison. Celle qui lui creuse les bords du nez tout en lui faisant une moue adorable et drôle, lorsqu’elle ne croit ni n’apprécie ce qu’elle entend.
Le temps me donne vite raison, Holy s’éloigne de son frère après avoir méchamment toisé celle qui il me semble, l’accompagne à ce mariage. Mon sourire se mue rapidement en un rictus mauvais lorsque son nouveau « sac à main » (c’est ainsi je nomme son… amant, parce que son seul petit ami, c’est moi), l’enlace par derrière et lui claque une bise sur la joue, avant de lui susurrer des trucs à l’oreille. Le sang me monte de suite à la tête et c’est au bout d’une pléthore d’exercices respiratoires que je me retiens de foncer sur eux tel un fou furieux.
–– Je ne l’ai pas perdu, opposé-je à ma conscience railleuse affirmant le contraire.
Sur le point de d’attraper mon téléphone pour lui faire passer à Holy l’envie de poser ses lèvres sur n’importe qu’elle autre bouche, le gadget se met à sonner.
–– Tu as intérêt à avoir une bonne raison, sinon je te jure que je bute la prochaine fois que je te vois.
Mark rigole au bout du fil.
–– Il faudra bien que je dise un jour à cette meuf que je l’adore, ricane-t-il, faisant référence à Holy qu’il sait responsable de mon humeur.
Je lui craché d’aller se faire voir, mais mon cœur retrouve son rythme cardiaque normal au moment où s’écarte enfin de son petit ami pour accueillir son neveu dans ses bras. L’explosion de chaleur qui se produit en moi est telle qu’il me passe toute envie de bougonner.
–– Quoi de neuf ?
–– Rien de beau. Je me fais suivre, enchaîne-t-il aussitôt, sachant pertinemment que j’ai horreur qu’on tourne en rond.
Mon cœur rate en battement. Pour le coup, je ne sais pas si à cause de la nouvelle ou de mes yeux qui interceptent le même tracé visuel ou encore le fait qu’elle réponde favorablement au petit sourire qui se dessine sur mes lèvres à cet instant. Il n’en demeure pas moins qu’une nouvelle censée m’affoler réussisse à passer comme une lettre à la poste, quoiqu’ayant conscience du danger.
–– Par qui ?
–– Aucune idée pour le moment, mais j’y travaille.
–– Tu crois que ça dure déjà longtemps. Tu sais que Diego ne peut pas s’approcher de sa famille. Pas avant que toutes les preuves nous incriminant ne soient totalement détruites.
–– Ouais, je sais.
–– Tu vas renforcer la sécurité autour de la maison et je ne sais pas, changer d’appartement, de voiture… je ne sais pas. Effacer dix années de méfaits, ça prend du temps mon gars. Et avec tous les autres soucis que j’ai en ce moment, j’ai au moins besoin d’être rassuré sur ce côté-là. Règle ça Mark. Je suis certain que Diego essaie de revenir à la charge.
Les tripes tièdes, partagés entre inquiétude et la tendresse qui me gagne à chaque coup d’œil que je lance en direction de ma tigresse qui s’essaye à jouer les mamans attentionnées avec son neveu, je fronce les sourcils. Cet impair arrive vraiment au moment. Et même si je m’y attendais, il n’en reste pas moins stressant. J’ai besoin de plus de temps pour me débarrasser définitivement de Diego. Menacer sa famille n’était que la corde par laquelle je comptais le retenir pour avoir le temps d’effectuer le vrai boulot, celui de remettre les compteurs de mon passif de criminel à zéro. Ceci incombant la destruction de certains dossiers et négociation du silence des quelques individus ayant connaissance de mon identité, quand ils ne m’obligent pas à les supprimer définitivement.
Tu peux être fière de toi Holy Tige, c’est de ta faute si j’ai pris du retard. Petite peste !
Et voilà revenue mon aversion ! Sans même m’en rendre compte, je me détourne d’elle pour faire face à l’arbre, rempli soudain de colère… Ma pseudo liberté est en jeu, putain.
–– Je mets des gars sur le coup. Ne t’en fais pas, je vais régler la question.
–– Il y a plutôt intérêt. Nos vies en dépendent. Je n’ai pas besoin de te le rappeler, tu sais ce qui va arriver si jamais Diego parvient à nous retirer ses couilles de nos mains.
Il acquiesce par un grognement imperceptible, puis je raccroche.
Une fois de plus, les lourds et douloureux battements de mon cœur retombent d’un coup sec, lorsqu’après l’avoir cherchée du regard, entre l’attroupement de noceurs agglutinés pour attendre le bouquet de la mariée, je retrouve assise seule sur la troisième marche, le bébé contre sa poitrine, un air pensif sur le visage souriant. Qu’on ne me demande pas comment, mais je sais exactement à quoi elle pense à cet instant. Heureuse et mélancolique, je sais qu’elle réalise la chance qu’elle a d’avoir les siens près d’elle, tout en regrettant ceux qu’elle a perdu et qu’elle aurait pu avoir. Parce que c’est tout ça Holy, avançant avec ses peines et ses joies, comme deux facettes de la même pièce. Aimant et haïssant dans la plus grande normalité. Elle sait faire autrement, c’est ainsi qu’elle aime le mieux. C’est ainsi que je me suis frayé un chemin jusqu’à son cœur… avant d’y être chassé comme un malpropre.
Je ne peux pas rester loin de Holy. Même lorsque toutes les particules de mon corps la repoussent, une force continue de m’attirer vers cette dernière. Je voudrais tellement être assis à ses côtés et passer mes doigts dans ses cheveux coiffés en couronne solaire. Contempler de près sa beauté de reine, rehaussée par le trop-plein de bijoux dorés dont elle s’est parée. Lui prendre la main, la questionner au sujet des dessins blancs qui les recouvrent.
Je ne peux… Je ne veux pas l’oublier. C’est juste impossible. Ce serait comme oublier que j’ai moi-même exister. Ou ignorer cette partie de moi qui semble ne plus m’appartenir.
Cette femme a été créé pour moi. Et moi, pour elle… Fin de la discussion.
Hey, de retour parmi vous avec ce petit chapitre du point de vue de Sinclair.
Dites moi ce que vous en avez pensé et surtout, donnez moi vos pronostics...
Qui suit Mark selon vous?
Quel est cet accord dont parle son père ?
Je vous reviens bientôt. Prenez soin de vous...
Prenez soin de vous, surtout ceux qui sortent du confinement aujourd'hui.
Allé ciao.
Love guys 😜❤️
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