Summer and Winter

                                                                                  Holy









J’émerge assez péniblement du sommeil de momie dans lequel j’ai l ’impression d’avoir été plongée. Molle et faible, j’ai des difficultés à ouvrir ne serait-ce que l’œil. Pourtant très vite cet effluve oriental s’empresse de stimuler la sécrétion d’une belle dose d’adrénaline en moi. Aussi doux que brutal, caractéristique du dernier être que je m’attends à trouver à mon chevet ––le drame et le grand amour de ma vie en somme.

Mes membres ragaillardis comme par enchantement s’activent aussitôt que l’air que Sinclair s’est approprié par son odeur fait son chemin jusqu’à mon cœur et mes entrailles. Une délicieuse douleur, un revivifiant brasier, voilà qui s’allument en moi à la seconde. Mon cœur bat à en tout rompre, se refusant de croire en cette réalité surréaliste.
Tout est peut-être encore trouble dans ma tête, mais je sais que je ne l’aimais pas beaucoup avant de tomber dans le monde de Morphée, celui de l’oubli. Alors comment se fait-il qu’il soit là ? Et ma famille, est-ce que…

Pas le temps de m’en demander plus, mes gestes l’ont réveillé. Sous mon regard brumeux, ses muscles saillants, tatoués pour le plaisir des yeux se contractent. Sa main que je n’avais pas remarqué à côté de la mienne farfouille et me trouve en deux tapotements. Il me serre très fort la main, tête contre le mince bord de mon matelas, et je l’entends inspirer de tout son être. C’est du soulagement… mais c’est aussi une profonde souffrance, réalisé-je au moment où nos regards se croisent enfin. Un moment qui me vaut mille morts et autant de renaissances, toutes aussi douloureuses que gorgées de grâce.

Il est là, avec sa légère barbe qui n’a toujours pas sautée comme je le voudrais ––même s’il demeure irrésistible. Il est là, avec ce regard bleu étrécit de tant de choses que je ne sais déchiffrer sur le moment, mais qui me bouleversent plus que je ne me l’avouerai jamais. Il est là et je crois qu’une fois de plus, le monde s’est arrêté de tourner. Qu’il n’y a plus ni passé, ni présent, ni futur. Il est là et je sens que je peux de nouveau respirer.

Dans un silence lourd de mots et de maux qui restent non apprivoisés, nous nous regardons. Immobiles de l’extérieur, c’est pourtant la tempête à l’intérieur de chacun de nous. Je le vis, ce sont mes chairs. Et lui, c’est cette énigme qui occupe mes pensées depuis si longtemps que j’ai tant bien que mal réussi à démêler certains nœuds avec le temps. Il me dit tant de chose que je ne peux entendre… peut-être bien que je ne veux les entendre, tant mes peurs se sont davantage resserrées autour de mon cœur.

Ça brûle… ça cogne si fort qu’au bout d’un moment, je cède.




–– Tu es là.




J’aurais voulu qu’ils soient plus rogues, un tantinet acres… au lieu de ça, ils puent l’essence de mon cœur. Le désespoir d’un amour par lequel j’ai connu autant d’amertumes que de guérisons. Mais n’est-ce pas l’histoire de ma vie en fin de compte ?

Peut-être pas, s’essaie-t-il inconsciemment à me consoler, par ces paroles que je n’oublierai jamais. Pas même s’il m’arrive d’avoir Alzheimer, parce que j’ai bien l’intention de les garder sur ma peau, quoiqu’il advienne de nous deux.




–– Là où je dois être Holy. Je suis ici, avec toi et je ne compte pas m’en aller.




Toutes peurs frayeurs se concentrent dans ces phrases. Le mauvais sort a voulu que j’apprenne rapidement, et dans d’atroces souffrances, cette leçon des plus difficiles à assimiler. La seconde d’après ne nous appartient pas.

Ça ne m’empêche pourtant pas de me ruer sur lui, telle une droguée en manque, à la recherche de ses lèvres si juteuses. Elles recèlent du nectar de ma vie. Elles crachent le poison de mon existence, elles qui m’ont poussé à la pire trahison dont je pouvais être capable. Elles embrassent si bien.




–– Bébé, geins-je de plus belle, le cerveau de plus en plus en vrac. Tu es là…




–– Je suis là. Tout va bien aller maintenant, je te le promets.




Je ne suis pas du même avis, mais ne dis rien, désirant profiter au maximum de sa chaleur.




–– Pardon, pardon…Je ne voulais pas. J’ai perdu le contrôle je ne sais pas comment… j’ai fait n’importe quoi.




Les images de la veille me reviennent brusquement, sous forme de flashs abondants. Ils m’agressent plus qu’ils ne me remettent à jour. Je dois crisper l’intérieur de mes oreilles pour garder le minimum de contrôle sur ce qui fusent entre mes tympans.




–– Je sais Holy. Je te crois sur parole.




Mon regard s’élargit. Reconnaissance et stupéfaction s’y côtoient de près. Il ne saurait en être autrement devant son air que j’aurais, il y a quelques mois encore, cru stoïque. Seulement la ride bordant le côté gauche de son nez et de sa bouche s’est creusée dans un tressautement presque imperceptible. Il est aussi en colère que moi je me sens amoureuse à l’instant.

Rien à y voir avec mes préoccupations, mais on ne fait pas plus beau que lui avec ce regard épuisé et ses cheveux hirsutes. J’ai de quoi m’égarer un instant. Je ne pensais pas qu’il était possible de l’aimer encore plus. Même si ça signifie aussi qu’il faudra renoncer à beaucoup.



–– Pourtant je te sens furieux.




–– C’est vrai. Mais pas contre toi. Je réalise tout juste que j’ai failli te perdre et je suis en colère. Je me suis senti tellement impuissant. Ça me rend encore malade. C’est mon devoir de veiller sur toi.




Les larmes me montent de suite aux yeux. C’est si beau ce qu’il dit. C’est tout ce que mon cœur espérait. Et pourtant…




–– J’ai bu quelques verres et, haleté-je honteuse, désirant le convaincre comme ce sera le cas avec ma famille que je ne vois toujours pas. Seulement quelques verres. Je voulais oublier. J’étais mal. Puis tout est parti en vrille. Je crois que j’ai eu des hallucinations. Je suffoquais, je me sentais mal. Incapable réfléchir… Je n’ai pas pris de drogue, je le jure.




Il me fait taire par un autre baiser. Plus vorace, il aspire mes peines. Je me laisse la dernière opportunité de l’aimer en toute liberté pendant ces quelques secondes. Chaque minute compte. Me rapproche de la fin, creuse progressivement l’écart entre nous. Parce que chaque minute qui passe me conforte dans cette vérité qui ne m’échappe plus… Mes démons sont de retour. Ou peut-être ne sont-ils jamais partis.




–– Ma beauté… ma beauté écoute. Tu as toute ma confiance. Ce n’est pas le moment d’en parler, mais il y a un truc qui cloche dans cette histoire. Je te promets qu’on en restera pas là. Quelqu’un paiera pour ta douleur, je te le jure.




Il renifle contre mon cou avant de mordre dans la chair de cette partie, puis d’en lécher l’épiderme. Le feu en moi grandit. J’ai tellement envie de lui que c’en est douloureux. Trop de temps s’est écoulé depuis la dernière fois que nous nous sommes aimés. Ça me semble être une éternité, même si mes souvenirs eux gardent la jeunesse d’un embryon. Chaque sensation, chaque respiration… chaque caresse, chaque coup de rein… comment oublier l’être par qui on vit… celui pour qui on meurt ?




–– Sinclair…




–– Ton Sinclair, me corrige-t-il en essuyant délicatement les larmes du dos de sa main. Ton Sinclair… Je sais que ta famille est à l’autre bout et… choisis moi Holy, souffle-t-il après avoir grogné de frustration, l’œil chargé de détermination. Choisis-nous et…




Et c’est ainsi que près d’un an de thérapie vole en éclat. Je retourne en moins de temps qu’il ne m’a fallu pour le quitter, ce passé qui m’oppresse. Les paroles d’Eva s’agitent au milieu de la tornade qui danse dans ma boite crinière tandis je perds le souffle et le rythme. Les picotements renouvelés de ma peau rendent d’autant plus accablante, ma température corporelle en hausse maximale. Avec eux, une moiteur désagréable. Je vendrais volontiers mon putain de corps tant il me cause d’atroces souffrances. Assaillies entre deux températures contradictoires, à savoir mon intérieur froid et ma peau enfiévrée, je peine à réfléchir, à déglutir, à respirer.

Je crois que je refais une crise. Je l’avais dit, ils sont de retour.

Sinclair affolé demande de l’aide. Le médecin rapplique à la seconde, suivis de près par mon père qui ne tarde pas à gueuler. Je n’entends pas ce qui se dit, mais je sais qu’il porte ses foudres sur Sinclair dont la main reste fermement serrée dans la mienne, malgré les violents spasmes qui ébranlent mon corps.

La peur a beau me paralyser jusqu’à la moelle épinière, mon cœur se refuse de le laisser partir… Jusqu’à ce que je sombre à nouveau dans l’oubli.





                                                                                 ***






J’étais là. Toute seule sur ce sol. Comme lui dans cette épicerie.
Voilà la première réflexion qui accule mon cerveau à mon réveil, avant de laisser la scène à mes souvenirs. Moi entourée par ces lumières, me débattant telle une bête de foire. J’étais pourtant au bord du gouffre…

Oncle Aaron l’était aussi… mais nous sommes des Tiger alors personne n’est venu. Parce que nous méritons bien de crever n’est-ce pas ?

Ou non, un est venu. Je ne sais pas qui c’était, mais il m’a secouru… même si j’étais déjà au sol. Pas physiquement…

Devant tous ces soleils que je sais à présent n’avoir été que les flashs de téléphones. L’indifférence et la raillerie sont ce que j’ai reçu pour seuls secours.

J’aimerais continuer de positiver, à rester forte, implacable et stoïque face à tout comme me l’ont appris mes parents. Ce serait l’idéal, la réponse de taille contre l’hostilité dans laquelle j’ai longtemps nagée. Sauf je suis déjà tombée et qu’il ne reste plus qu’à me laisser engloutir.

Je les hais tellement. Tous. Étrangers comme familiers. D’une colère dont l’immensité m’échappe, tant je l’ai ignorée et compressée pendant toutes ces années. Alors je n’ai pas à aimer, si je ne suis pas digne d’amour… Puisque je ne suis pas digne d’amour.

Les larmes fuient de mes prunelles closes, encouragées par mes pensées nocives mais vraies. Pour une fois je m’autorise à l’être. À me débarrasser du carcan de la culpabilité que je porte du seul fait de mon nom, et beaucoup plus depuis cette fusillade qui m’a arraché l’un des rescapés de ma vie. Je déteste être celle que je suis. La vie que j’ai et la famille qui m’a été confiée. J’aurais voulu être une autre. J’aurais voulu ne jamais avoir à m’excuser d’être en vie, me sentir redevable envers mes parents ou me sentir autant obligée de m’accrocher à ma petite tribu, parce qu’elle n’est qu’en somme, la seule lumière que je peux regarder.

Nous contre le monde. Cette vérité est ancrée en moi. Elle s’est accrochée à la place qu’il il faut, pour mieux me rappeler mon unique possibilité : ma famille. Cette seule chance que la vie m’a offerte. Elle m’a surtout gâchée la vie. Même si je ne me résous pas à la quitter.




–– Si tu t’es remis avec ce type Holy. Tu peux me considérer comme mort dès à présent.




D’un coup franc et froid de guillotine, Faye vient de me fendre l’âme, pour laisser la voie libre à une onde polaire qui transporte avec elle frayeurs, chocs, déception, colère, mais encore et toujours, compréhension et culpabilité.

Je ne suis pas surprise, juste apeurée par la matérialisation de l’une de mes peurs.

Choisis moi…

Pourrais-je ? La réponse m’apparaît aussi claire que la détermination dans les iris noires de mon frère. Mais j’ai la bouche si sèche que je n’ose répondre de peur de m’irriter la gorge. Et lui n’a pas l’air d’être là pour laisser place à un quelconque débat.




–– Semy est rentré de Los Angeles à l’instant. Pour toi, croit-il bon d’enfoncer le clou dans la plaie. Il est là dehors, et il attend.




Sur mon front, un baiser appuyé dont la douceur contraste grandement avec la sévérité des traits de son visage, suit de près cette annonce. Puis il décampe. Sans un regard, alors que par le mien, je le supplie en silence de rester. Pas pour qu’il revienne sur sa décision. Seulement pour apaiser ma solitude. Je me sens si triste… si sale.

Et pour cette fois encore, j’aurais voulu que le sourire du bel étalon Balkan réussisse à me consoler. Il n’en est rien, malgré l’hypocrite lumière que je laisse ma dentition renvoyer. Il ne faut pas se leurrer, je suis contente de le voir. C’est une des rares mains bienveillantes auxquelles j’ai eu droit dans ce monde. Alors oui le voir me fait plaisir, mais ça n’empêche pas au malaise logé dans mes entrailles de persister. Je fais exactement ce que je lui ai reproché, je lui mens sans ciller.




–– Tu es enfin là.




–– J’ai pris le premier vol après avoir vu les vidéos en ligne.




Ses lèvres se posent délicatement sur les miennes, estampillent sur celles-ci un amour dont je ne veux pas. Que je ne mérite surtout pas.




–– Que s’est-il passé ? Qu’est-ce que tu faisais au Hood ?




D’un renâclement, je repousse mes larmes qui ne savent plus se tenir. Submergée de regrets, mon regard devis vers ma gauche où se tenait encore Sinclair, il y a quelques temps. Je réalise aussi combien il a pu souffrir toutes ces années. Combien il a souffert de mes reproches. Je ne l’excuse pas, mais je comprends. Semy me demande des explications, et me renvoie involontairement à la confrontation future que j’aurais avec mes parents.

Mes parents… ils tardent d’ailleurs à venir. J’ai merdé. Je nous ai tous mis dans l’embarras. Prise entre deux douleurs dont l’écho reste le même, je me couvre le visage. Je ne sais pas ce que je redoute le plus, le vide qu’ils m’imposent depuis ou la déception que je suis sûre de lire dans leurs yeux lorsqu’ils se décideront à venir me voir.




–– Mes parents, où sont-ils ?




–– Ils ont eu une urgence d’après ce que m’ont dit les filles. Dove croit que ça a un rapport avec la discussion en aparté qu’ils ont eus avec Dwight. Elle dit que ton père a téléphoné à votre avocat, Yuri, avant d’embarquer tes frères et ta mère.




Plus froides tout à coup, mes entrailles se tordent et mon cœur s’accélère. Dwight leur a dit. Il leur a parlé des soupçons qu’il avait par rapport à son accident. Mais pourquoi ? Serait-il du même avis que Sinclair qui me croit victime d’une vendetta ? C’est vrai que ce serait l’idéal pour moi… Tout comme à mesure que le temps passe, j’accorde de plus en plus du crédit à cette hypothèse. Cependant Sinclair… Sa famille va en subir les conséquences, la question ne pose pas. J’ai peur pour lui…




–– Co… comment ? Il faut que je sorte… il faut…




–– Du calme Holy. Tu n’es pas en état. Pas encore.




Mon corps ankylosé me le dit aussi, et pourtant il y a le cœur.




–– Tu ne comprends pas, m’agité-je, ils pourraient faire un truc stupide. Ils sont persuadés que les Delano sont derrière tout ça. Je dois les empêcher de relancer cette guerre. Je…




–– Tu veux le protéger, c’est ça ?




La vérité me boucle le bec, mais pas pour longtemps. Sa peine m’est insupportable.




–– Je pense à ma famille avant toute chose. Mon père pourrait aller très loin.




Le souffle et le son d’un laconique et caustique ricanement s’élève dans la pièce remplies de fleurs et de ballons. Il n’y a cependant qu’un seul bouquet qui réussisse à capter son attention. Le même que ceux qui trainent mon appartement, fait assidument de roses rouges et de blanches. D’un pas lent il marche vers celui-ci, à un mètre de ma tête. Désolée, j’entrechoque avec force mes paupières.




–– Je sais qu’il était là. J’ai surpris les filles en train d’en parler. Je sais qu’il a passé la nuit à tes côtés parce que ta mère l’a permis. Et je suppose que c’est pour lui que tu as voulu te mettre aussi mal.




Ma bouche s’ouvre et se referme plusieurs fois, sans qu’un mot ne parvienne à en sortir. Puis quand son regard s’abat définitivement sur moi, je dépose les armes. Je laisse le silence balayer mes mensonges.




–– Je suis amoureux Holy, pas stupide. Ou si, un peu. C’est pour ça que je vais m’entêter à essayer de t’ouvrir les yeux. Je vais me battre tu comprends ? Il n’est pas fait pour toi, il te fait trop souffrir, et il est dangereux. Je vais le prouver à tous, pour qu’il s’éloigne pour toujours de toi.




–– Je ne voulais pas te faire de la peine Semy. Pardonne-moi.




–– Je n’ai rien à te pardonner princesse. Mais je vais te prouver que tu as tort de t’accrocher à ce misérable.




Je me retiens in extrémis de le rabrouer pour avoir insulté Sinclair. Je me retiens de lui cracher effrontément au visage l’ampleur des sentiments que j’éprouve pour cet homme qu’il méprise avec raison. Il n’y a pas que le respect que je lui porte, qui m’immobilise de justesse. Il y a aussi, et surtout les mots magiques de la carte qu’il tient entre ses mains. Celles qui démentent ses précédentes affirmations et emplissent mon cœur de passion.

Sinclair n’est pas un misérable. Sinclair c’est le roi de mon cœur.




–– Tu es une reine, ne l’oublie jamais. Ma reine, termine Semy en plantant dans les miennes, ses iris où s’affrontent colère et envie.




Il aurait voulu être le premier à me bercer de ces paroles. Je le sens, à la manière dont il s’est approprié cette déclaration d’amour qui me laisse sans voix.

Évidement mon palpitant rebondit de vie. C’est aussi sans surprise que je peux le sentir se briser devant le regard accablant de mon amant.

                          






De retour !!!!

Trop contente d'être enfin là. J'avais pas envie d'écrire dernièrement. Mais voilà, j'ai mis le turbo il y a deux jours et voilà...

Comment allez vous?
Moi je vais bien... J'ai repris les cours. Soulant mais bon... On fait avec.

Allé, je vous dis à très vite. Prenez soin de vous. Et pensez à laisser vos impressions en commentaires. Ça me fait vraiment plaisir.
Sur ce ciao...

Love guys 😜❤️

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