Stupid in love
Sinclair
–– Et il fallait que ça commence ça, soupire Holy, agacée, le nez en l’air, sa pochette contre le cœur, dans une attitude qu’on pourrait presque qualifier de pieuse.
–– Déçue ?
Elle mime ce faux sourire débordant de dédain, et qui ne veut dire qu’une chose « tu n’y es pas encore ».
–– Profondément ennuyée.
Encore à un mètre l’un de l’autre, je ne peux m’empêcher de sourire, le palpitant ébranlé par un courant étrange. Un sorte vent nouveau. Pourtant rien n’a changé, elle est toujours aussi peste. Et sa mauvaise foi va grandissante. À l’instant, celle-ci s’exprime dans l’attitude désinvolte qu’elle revêt en me dépassant l’air de rien, comme si elle ne m’avait pas vu.
–– Bonjour mademoiselle Tiger, la retiens-je par la main avant qu’elle n’atteigne son véhicule garé sur le côté.
Elle exhale longuement son exaspération, mais revient tout de même sur ses pas. D’un geste élégant, cette crâneuse s’éternise en retirant ses lunettes pour laisser au soleil ses billes luisants d’un marron chatoyant.
Ah, j’adore l’été ! Holy aussi. C’est l’une des choses que nous avons en commun, pour des raisons différentes cependant. Elle s’arrime mieux aux températures de la saison, quand moi je raffole de toutes les possibilités qu’offre cette période. Et le corps d’Holy dont la volupté est savamment exposée en est une parmi tant d’autres. Dans un pantalon large et une brassière, loin des manteaux d’hiver, pas besoin d’être très intime pour avoir accès aux nombreux points de beauté piquetant sa peau rendue plus sombre et plus belle par le soleil.
–– Tu peux me lâcher maintenant ? m’intime-t-elle, fière de chanter son ironie caustique. Ne me dit pas que tu me suis ?
–– Pas du tout ! m’empressé-je de réfuter tout en prenant le soin de bien articuler, pour ne rien laisser paraitre.
Bien sûr que je la suis.
Ce sont bien Neil et Mark qui s’en déchireraient la mâchoire de rire, s’ils venaient à l’apprendre. Et je l’aurais amplement mérité après avoir fait mon mur lorsqu’ils essayaient de me convaincre de me bouger les puces pour ne pas la perdre. À mon frère j’ai dit d’aller se faire foutre lorsqu’il a commencé à lister la ribambelle de raisons pour lesquelles il ne faut jamais se mettre avec quelqu’un qu’on aime pas, mais qui nous aime en revanche. Mike lui portera encore des ecchymoses sur sa gueule mal rasée de nouille, pour avoir essayé de me raisonner en étalant expressément la longue liste des amants de la belle créature qui se tient devant moi. Depuis que sa petite chanteuse l’a jeté par solidarité envers sa famille, je crois qu’il perd complètement le nord, le pauvre.
Tu peux parler toi, hein…
Pas vrai, en effet. La vérité c’est que, je vais finir par faire une attaque si cette demoiselle continue ainsi de jeter au vent, ce trop peu que nous avons eu, malgré tout. J’ai bien essayé de passer outre ses aventures sans lendemains que je ne prends plus la peine de compter, tout comme travaillé à l’envoyer aux chiottes, sans y parvenir. Honte à moi, l’échec a frappé à ma porte. Plus contradictoire que claire, elle me rend ridicule. Oui, c’est ainsi même que je me sens face à elle, à dandiner presque, comme un pauvre bougre après une éjaculation précoce.
Je tente de retrouver de l’assurance en redirigeant mon regard sur son visage, avant de m’engager dans une attitude de séducteur, à flatter la peau satinée de son visage caramel, alors que dans mon esprit je n’ai toujours pas tranché sur mes réelles intentions envers elle. Je devrais l’étrangler cette folle. Entre haine et désir profond, mes flammes intérieures n’en sont que plus dansantes, dangereuses et incontrôlables. Je l’illustrais bien en une sorte de Yin et Yang s’opposant, mais il me manque l’équilibre ; la base même de ce symbole taoïste. Je l’aime avec la même ardeur que j’emploie à l’exécrer pourtant, je ressens les effets d’une contrebalance. Pas de tiédeur, rien. Je suis toujours bouillant quand je la vois. Je la veux, je hais et toujours, je suis le seul à vivre dans ce tartare.
–– Tu en es sûr ? s’enquiert-elle en reculant pour rester hors de ma portée, avec ce sourire espiègle de provocatrice qui n’en pas fini de dérègler mon rythme cardiaque.
Je me crispe tout entier, lorsqu’elle rétrécit dangereusement l’écart entre nous, retient mon souffle dans la volée.
Non, je n’en suis pas sûr. Et je suis très exactement là pour les raisons qu’elle s’imagine. Sa nouvelle relation qui dure plus que de raison, me met hors de moi. Ajouté aux foutus cauchemars laissés par ce fichu stress post traumatique que je ne dois qu’à elle seule, je n’en dors plus, tiens. Mais plutôt mourir que de le lui avouer. C’est pourtant dans cette optique que j’ai attendu devant son appart pendant plus d’une heure. Il faut croire que toute ma bonne volonté m’a abandonné dès l’instant où je l’ai enfin eu en face de moi, me confirmant que les plaies sont encore fraîches et béantes. Ni elle, ni moi, ne sommes prêts à avancer… Et peut-être ne le serons-nous jamais.
–– Tes problèmes d’égo ne changent pas à ce que je vois, lui opposé-je, avec une désinvolture fabriquée de toute pièce. Je suis là pour le travail.
Encore heureux que ma tenue soit dans les règles, son sourire moqueur aurait eu raison de mon aplomb.
–– Ouais c’est ça, pouffe-t-elle, pu convaincue. Mais tu sais quoi, je m’en fiche. Par contre ton odeur pestilentielle commence vraiment à m’étouffer alors je vais juste te dire, bye-bye. Ta puanteur m’écœure, grimace-t-elle en forçant le passage près de moi.
–– Ah Holy, soupiré-je agacé, en la retenant par le bras. Tu n’as donc toujours pas compris, ton insolence, je ne la supportais que par devoir. Tu ne me tournes pas le dos.
Pas de cette façon en tout cas… Pas alors que je peux t’en empêcher pour une fois.
–– Lâche-moi, grogne-t-elle sur un ton maîtrisé, pour ne pas rameuter les foules, tout en bousculant mon épaule de la sienne.
–– Pas avant que tu n’écoutes ce que j’ai à te dire.
Lorsqu’elle revient sur ses pas, un rictus mauvais étire le coin droit de ses lèvres, ce rêve qui m’a sournoisement glissé entre les doigts.
Je n’ai rien à lui dire. Enfin si, un paquet de choses ––la première étant qu’elle largue l’idiot qui lui sert de nouveau sac à main à la mode et qu’elle trimballe avec elle pour le plaisir de la presse. Qui est-ce que j’essaie de tromper ? Holy ne s’accoquinerait jamais aussi longtemps avec un gars pour ne satisfaire que les peoples. C’est bien pour cette raison que je panique autant. Elle a réussi à passer à autre chose, et ça me tue. Moi je n’y parviens pas.
–– Je t’écoute, fait-elle sans même me regarder.
Près de dix minutes écoulées, et pas une seule fois elle n’a dit mon nom. Elle m’a oublié, mon cœur s’éteint. C’est l’hiver malgré l’été.
Triste et un peu sonné, je cherche du secours autour de moi. Je regarde sans ressentir, sans prendre en compte, les gens qui marchent, qui nous dépassent sur cette allée et même ce qui jamais ne s’efface ––les choses en l’occurrence. J’entends sans écouter, sans analyser, soupeser ; sans aspirer, comme le néant qui renvoie le bruit sous forme d’écho, n’ayant rien pour l’absorber. Mon idiotie me revient tout à coup avec brusquerie, la force du karma. Et comme lâche je suis, je choisie encore de ne pas regarder mes plaies, et de tirer à vue.
–– Je tiens juste à m’assurer, que notre entente continue de bien se porter. Tu sais ce qui arrivera à Faye si jamais l’envie de me doubler ou ne serait-ce que d’ouvrir la boucle venait à d’effleurer l’esprit, n’est-ce pas ?
L’indifférence prend à la seconde la force d’une colère mêlée au dégoût et à de la déception. C’est une mixture venimeuse. Aussi toxique que le venin d’un taïpan du désert, la promesse d’un sentiment qui résistera même face au temps. Je le vois à l’ardeur renouvelée dans son œil, aux nouvelles expressions de son visage, à cette étrange sensation qu’elle et moi ne nous connaissons plus du tout.
–– Je me demande encore ce que j’ai bien pu te trouver un jour. Tu n’as rien d’un homme.
–– Ah ouais, rigolé-je par pure arrogance, alors que mortifié dans ce que j’ai de plus cher ––mon âme délabrée. C’est peut-être pour ça que tu continues de chercher ce que tu avais trouvé auprès de moi hein.
Elle accuse le coup en serrant les dents et les poings pour ne pas céder à ses pulsions meurtrières ––celles sur lesquelles elle en sait des tonnes d’ailleurs, ma peau s’en souvient encore. Ses yeux étrécis de rancœur sont la source de l’incisive douleur qui empoisonne mon esprit. Pourtant je souris, condescendance à ras bord, conscience que cette marque d’assurance est désormais tout ce qu’elle abhorre, puisque celle-ci ne frise plus que méchanceté et apathie.
–– La seule raison pour laquelle toi et moi ça a duré aussi longtemps, c’est que tu t’en es assuré. Tu m’as manipulé.
–– Ah parce que la grande Holy a des faiblesses, poursuis-je sur mon ton railleur.
–– Oui, avoue celle-ci entre deux sourires sans joie, j’en ai eu. C’est évident que je n’étais pas moi-même quand j’ai accepté d’écarter les jambes pour un imbécile de ton espèce. Je veux dire, regarde-toi. Tu es un tombeau blanchit. Et comme dit le proverbe, la nuit tous les chats sont gris.
Je ris après m’être approché de son visage que je relève par le menton, alors que mes réelles envies sont de rugir à en perdre haleine de lui tordre le cou pour qu’elle ne me blesse plus jamais de la sorte. Résolue, elle reste de marbre.
–– Le fiancé ici, c’est toi tu sais. Moi pourrais même t’embrasser que ça ne changerait rien à ma vie alors, recule.
Mais je n’en ai pas envie. Mon corps trouve la paix dans ce contact, l’euphorie des jours de fête et la santé précédant une nouvelle guérison alors, non, je ne recule pas. Pas alors que ma faim s’estompe à chaque goulée d’elle que j’absorbe. Du citron glacé, ma saveur préférée, celle que je cherche dès le réveil, sur mes draps, dans le cou de Danich et toutes les autres.
–– Et ton nouvel amant ? la questionné-je d’une voix profonde, sépulcrale, trahissant le désir et la haine en perpétuelle lutte dans mon for. Tu crois qu’il aimerait te voir trembler dans mes bras ? Oui Holy, lui affirmé-je aussitôt que ses yeux s’exorbitent, tu trembles.
Même que sa respiration est devenue saccadée et que ses lèvres se sont entrouvertes. En réponse, je me suis instinctivement pourléché la lèvre inférieure, puis la dentition. Je rêve de ses lèvres toutes les nuits, contre les miennes, dans une douceur absolue, tout comme je fantasme de les lui mordre tellement fort qu’elles saigneront, réconforteront la virulence de ma colère.
–– Mon petit ami, ponctue-t-elle, soucieuse de me corriger, sait parfaitement qu’il peut me faire confiance. Et si je tremble, ce n’est qu’à cause du dégoût que tu provoques chez moi. Je manque d’air tellement tu es irrespirable. Et à présent, haute tes sales pattes sur moi.
L’exécution est immédiate. La brûlure sortie de ses lèvres a été si vive. Elle m’a atteint en plein cœur, et me calcine à la seconde. Exorbité de frayeur, je recule d’un pas, repoussé par la violence immatérielle dont elle vient de faire preuve. Dire que je le mérite est un euphémisme et pourtant, je ne m’y fais pas. Je lui en veux malgré mes torts, et ce n’est pas près de changer.
–– Eh bah, tu n’auras qu’à lui dire que je lui souhaite de s’étouffer avec mes restes.
Action, réaction, Holy avale à son tour l’espace entre nous. Pincées de colère, ses lèvres continuent de me faire de l’œil alors que nous nous observons en chiens de faïence. Cette fois, je peux deviner ce qui est en train de se passer dans sa petite tête. Mademoiselle évalue ses possibilités, si je m’en tiens aux nombreux coups d’œil qu’elle lance dans les alentours et sur ma montre. Au bout de quelques secondes, elle tique sous mon regard rieur, braque pour mon plus grand plaisir son index et son majeurs censés représenter une arme, sur mon torse. Je ne sais pas pourquoi je souris à cet instant mais, mon cœur s’enflamme, heureux de retrouver un peu de cette femme par les mots « toucher le ciel » ont pris un sens. Une partie de moi a beau être en train de me maudire, je sais que le ciel c’est elle.
Alors touche-moi ma beauté. J’adore ça, presque autant que c’est jouissif de t’entendre dire mon nom.
–– Je jure que je vais te tuer, roucoule cette dernière, sans dévisser ses maxillaires.
–– Pas si je le fais avant.
Elle grogne d’exaspération, puis aplatie sa main contre mon thorax. Elle n’a même pas l’air choquée. M’en croit-elle vraiment capable ? Mon attaque vient de me revenir à la gueule comme un boomerang. Et ça fait mal. La femme que j’aime voit en moi un monstre sanguinaire.
–– Tu n’es vraiment qu’un imbécile, martèle-t-elle au rythme que sa main qui s’acharne contre ma chemise de la couleur du ciel ce matin. Heureusement que je n’ai jamais eu de sentiment pour toi.
–– Comme ça nous sommes deux.
–– Parfait ! glapit cette fois la princesse en faisant mine m’arracher je ne sais quoi sur le visage. T’es qu’un looser de toute façon, tu ne mérites que les bas-fonds. Avocat de pacotille.
–– C’est la fille qui s’est fait mener par le bout de la baguette qui parle. Tu sais ce qui est parfait, c’est d’avoir même été récompensé pour ça.
J’ai fait mouche. Et pas qu’un peu. Bouche ouverte, main sur le cœur et regard exorbité, la seule foldingue ayant trouvé de la faveur auprès de cette chose qui bat dans ma cage thoracique, a perdu des couleurs. Lorsqu’elle consent à raviser, elle pompe les narines comme un buffle qui prépare à l’attaque. Anticipe en restant sur mes gardes. Fausse alerte, n’attaque jamais. Enfin, pas physiquement.
–– Tu n’en vaux pas la peine, idiot. Et ce qui est plus que parfait, c’est ce moment où je te bye. À jamais crapaud de mes couilles, lance-t-elle en me perçant son chemin avec succès.
–– Ça par contre ma beauté, haussé-je la voix dans son pour me faire entendre, attirant par ricochet l’attention des piétons, c’est imparfait. J’ai le regret de t’annoncer que toi et moi, on risque de se croiser plus vite que tu ne le penses. Je suis invité au mariage de ton frère, je te signale.
Pour seule réponse, un doigt d’honneur, bien pointé.
–– T’en a pas, rigolé-je sur le même ton, sachant pertinemment de quelle insulte s’accompagne ce geste qu’elle affectionne tant.
–– Pas plus que toi, c’est certain. Enfoiré de mes boules.
Et elle démarre en trombe, mettant ainsi fin à cette dispute sans tête ni queue que j’ai sciemment provoquée, sans plan d’action. Résultat, tout est parti en couilles, on s’en veut un peu plus qu’il y’a quatre mois, et moi je suis plus jamais affamé. La queue à l'étroit dans mon pantalon, je rêve d’un soulagement que je redoute à la fois, prisonnier de mes propres manigances.
Après avoir décanté une partie de ma frustration contre un des murs les plus proches, je décide rentrer chez moi. Enfin, chez mes parents. Après m’être fait titré dessus par la reine des chipies, mes parents ne m’ont pas laissé autre choix que celui-là. Je n’ai pas voulu compliquer les choses, surtout que c’était le plus raisonnable. Il a fallu que je me rétablisse pour comprendre que je suis tombé dans piège redoutable. Les mines de chiens battus que font ma mère et ma nièce à chaque fois que j’évoque mon départ, je ne suis pas près d’y passer outre.
Cependant, le vrai piège c’est cette relation claudicante que j’ai entamée avec Danich. Chaque fois que je la vois, les mots de Diego me reviennent en mémoire, comme une dérision pleine de lyrisme. Cette liberté que j’ai revendiqué à ce salaud est aussi illusoire que l’amour qu’elle croit voir dans mes yeux gorgés de l’ardeur que seule Holy sait réveiller en moi. Pourtant, aujourd’hui moins que les autres jours, je résiste à me laisser aller à ce baiser par lequel elle m’accueille dès que je franchi la porte de ma chambre d’adolescent. Si elle aime souffrir, qui suis-je pour l’en empêcher ?
Chauffé à bloc par le seul souvenir de ma tigresse en rose et l’odeur qui trainait à sa peau mate, les préliminaires avec la fille du sénateur ne durent pas bien longtemps. Aussi subit-elle au bout de quelques caresses bricolées par mes mains qui ne reconnaissent sur elle rien de la volupté pour à Holy, la rage qui colle le train du sentiment amoureux qui m’emplit mon être chaque fois que je pense à elle. Je prends la blonde à quatre pattes, contre la tête de lit, dans un rythme effréné dont elle ne se plaint étrangement jamais, pas même lorsque je jouis en elle, en pensant à voix haute à celle à qui sont réellement destinées chacune des érections dont elle profite.
Holy…
–– Je suis désolé, m’excusé-je comme j’en ai pris l’habitude ces derniers mois, une fois ma fièvre retombée, en me tournant vers son corps nu recroquevillé.
D’habitude, elle répond que ce n’est rien, qu’elle comprend et que j’ai toujours été honnête avec elle et qu’elle attendra que ça me passe. Aujourd’hui, j’ai enfin droit à la vérité… Je suis un gros connard.
–– Ne me touche pas Sinclair, explose cette dernière en quittant le lit comme s’il y avait un serpent ––ce qui est peut-être bien le cas. Va donc la rejoindre, poursuit-elle avec la même rage, gémissements à l’appui. Qui me dit d’ailleurs que ce n’est pas avec que tu as passé la nuit, pendant que je t’attendais ici ? J’en ai marre de t’attendre, marre de supporter cette humiliation.
J’ai dormi sur le canapé de Mike, devrais-je la rassurer, même si, ça impliquerait aussi de couper la séquence où Eom m’a sucé comme un déesse du sexe mais, je zappe. Ce sursaut d’orgueil est peut-être ce qu’il nous faut à tous, pour marcher vers la libération. Peut-être bien aussi que je n’ai jamais été désolé, et que j’espérais tout ce temps devenir cette goutte d’eau de trop qui la pousserait vers l’auto-estime.
Qui est-ce que j’essaie de tromper ?
–– Tu sais où est la porte, m’entends-je répondre en envoyant valser le drap pour me rhabiller, m’enfonçant davantage dans le gouffre sans fin de ma bêtise.
Elle a beau ne pas être innocente dans la situation, il n’empêche tout de même que je suis en train de trahir l’homme que je suis. Aucune femme ne mérite d’être méprisée de la sorte. Je l’ai trop reproché à mon père pour me permettre un tel écart. Pourtant, c’est exactement ce que je fais depuis des mois. Et pas qu’avec elle. Délibérément, je les blesse toutes, mais jamais la bonne. Parce qu’il n’y a qu’un seul coupable, et il ne porte pas de robe. C’est juste qu’il parfois plus facile de mordre et rugir, que de se soigner soi-même. Alors je reste en cage, paralysé par mes péchés et ma culpabilité.
J’ai recherché la mauvaise liberté, je m’en rends bien compte, tout en me le refusant.
–– C’est exactement ce que je vais faire.
La porte de la salle de bain reçoit toute la haine qu’elle éprouve pour moi à cet instant. Elle ne s’y éternise pas, et en ressort fraîche comme une fleur des champs. Sa colère toujours au beau fixe, elle se hâte vers la porte de sortie qu’elle martyrise une fois de plus, à ma place, sachant pertinemment qu’elle n’a aucune emprise sur ma personne.
Je devrais la suivre, mais ne le fait pas. Je suis triste pour elle et à la fois heureux qu’elle réagisse enfin. L’idéal serait qu’elle mette elle-même fin à ce gâchis. Ça nous éviterait bien des soucis.
Allongé les mains derrière la tête, je repense à ce qu’a été ma vie ces derniers temps. J’étais censé la reprendre alors qu’il est en train de se passer exactement le contraire. Tout échappe à mon contrôle. J’ai moi-même perdu toute mesure, toute discipline, toute modération, plongé dans le trouble. Doublement hanté par mon passé, du plus ancien au plus récent. En sueur à chacun de mes réveils, c’est le nom de mon amour que j’ai à la bouche, avant de la maudire, révolté par le bruit assourdissant de cette arme et la caractère corrosif de la verve qu’elle a déversée sur moi ce jour-là. Puis Amélie s’en mêle, et je perds carrément la tête…
–– Entre, invité-je ma nièce à entrer, avant qu’elle n’ait frappée, pour l’avoir entendue rire aux chatouilles d’un des employés dans le couloir.
–– Tu vas bien tonton ?
–– Oui ma princesse, lui souris-je en tendant le bras vers elle. Viens là.
–– Ce n’est pas bien de mentir tu sais ?
Elle vient prendre place sur l’oreiller et déporte ma tête sur ses petites jambes. Ce n’est pas pour me consoler, c’est pour natter mes cheveux.
–– Et qu’est-ce que ma petite puce sait de la tristesse des adultes, la taquiné-je en enfonçant en doigt dans sa joue.
Elle rit comme je l’espérais, en coinçant mon doigt contre son épaule.
–– Bien plus que tu ne le crois. Surtout si c’est un chagrin d’amour.
J’éclate d’un rire franc qui jette l’espace d’un moment, mes fardeaux aux oubliettes.
–– Ne te moque pas, tu es comme moi, ton amoureuse est loin de toi.
Alerté par le sa voix devenue morose, je me redresse et la porte pour la faire assoir en face de moi.
–– Commet ça, tu as un amoureux ? Tu es bien trop jeune. C’est qui ce malotru ?
Ma nièce rigole devant ma moue boudeuse et légèrement vexée.
–– J’ai neuf ans tonton, je ne suis plus une gamine… Enfin, presque plus, se ravise-t-elle en encadrant son visage de ses deux mains. Mais peu importe, il a embrassé Kylie et…
Elle termine sa phrase en haussant les épaules. Je ne sais pas quoi dire. Pourquoi grandissent-ils si vite. Bon sang, je ne m’en étais même pas rendu compte.
–– Tu sais quoi, finis-je par lui répondre, c’est bien mieux. Je crois que je ne ferai jamais au fait que je puisse avoir un amoureux. Je te verrai toujours comme mon petit bébé tout rose.
Nous rions un bon moment tous les deux. Comme toujours, elle réussit à me communiquer un peu de son insouciance.
–– C’est la méchante sorcière, pas vrai ? C’est elle que tu aimes pour de vrai, pas Danich.
Elle parle d’Holy, sans vraiment la détester. C’est le seul mot qu’elle trouvé pour se montrer solidaire ce jour-là, après avoir assisté à notre petite dispute.
–– Ce sont des histoires d’adultes ma chérie.
–– Ouais, mais attendant, tu es plus triste qu’un caillou et moi, je vais te donner le meilleur conseil qu’aucun adulte de cette maison ne te donnera jamais.
–– Je t’écoute, fais-je, juste pour lui laisser le plaisir de s’exprimer.
–– Va et embrasse ta princesse, s’enthousiasme ma nièce en ouvrant grand les bras, nous ruant tous les deux dans un fou rire.
Ça c’est sûr, personne entre ces deux hectares ne m’encouragera jamais à reconquérir Holy, pas même Neil qui n’approuve non plus ma relation avec Danich.
J’ai beau la trouver naïve à cet instant, une partie de moi ne demeure pas insensible à cet infantile avis. Comme il me manque ce temps où la vie était aussi simple qu’elle le décrit. Mais bien que je m’entête à vouloir l’ignorer, quelque chose me pousse à m’accrocher à ces dires qui correspondent avec exactitude, à tout ce que j’espère depuis que nous nous sommes perdus. Après tout, ne dit-on pas que la vérité sort de la bouche des enfants ?
Hello, de retour dans la tête de Sinclair.... Toujours aussi con. Mais je l'adore ❤️... Et vous?
Je vous dis à bientôt pour la suite.
Love guys 😜❤️
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