Stay away from her

                            Holy









N’est-ce donc pas ça le cycle de la vie, la rotation des saisons ? Parfois il pleut, souvent il neige et même si le soleil les couvre toutes, certaines saisons le célèbrent beaucoup plus que d’autres. Chaque seconde est une bataille et celle qui la suit, une victoire qui appelle un tout autre combat. Et pour citer à nouveau ce vieux fou de Dempsey Tiger, la vie n’est pas un brouillon. Les décisions, elles s’assument ou elles se payent. Les rêvent, ils se vivent ou ils nous enterrent. Peu importe l’action, il y a eu cause, alors il y aura effet.

Pour ramener tout ce charabia à mon existence, mes choix m’ont propulsé au milieu du vide tel que je le craignais, loin de miens, de mes croyances et de mes habitudes. Mais j’ai beau me sentir nostalgiques, cette unique main qui enserre la mienne aussi bien le soir qu’au matin me donne l’impression que le monde n’est qu’une minuscule boite dans laquelle nos seules présences suffisent et comptent.
Ce n’est pas parfait, et peut-être que ça n’a pas à l’être en réalité, car malgré tout je me sens bien. Les jours passent, amenuisent mes espoirs de connaître à nouveau la chaleur de l’énorme foyer Tiger, mais Sinclair est là, attentif, attentionné et rassurant envers et contre tous. Et ceci vaut même pour ses inquiétudes que je fais mine de ne pas voir, pour ne pas l’accabler.

Entre ses propres problèmes, sa famille et moi, je vois bien qu’il est à bout, alors j’apprends à faire silence. Je sais que c’est ce dont il a besoin en ce moment. Je sais qu’il fait de son mieux, si ce n’est tout pour que nous allions bien… pour que j’aille bien. Il n’a plus besoin de me le dire, je sais qu’il m’aime, comme personne. Tout comme lui par un seul regard peut sentir que la réciproque est vraie. Et ça, ça nous suffit.

Maman me l’a dit hier, je n’ai à convaincre personne, j’ai juste à être heureuse aux côtés de l’homme que mon cœur a choisi. C’est le cas, et donc le reste, je fais juste aller. J’apprends à vivre avec… à vivre avec et pour moi-même surtout. Voilà comment j’arrive à laisser Sinclair se rendre à leurs diners de famille sans moi, même si je sais que « le mauvais esprit » y sera. Respect, dialogue et confiance, m’a dit maman, et moi je veux que ça marche. C’est la raison pour laquelle j’accorde la majeure partie de mon temps, de mon énergie et de mes pensées à cette relation, comme si c’était la plus lucrative de mes entreprises. Et quand on y pense bien, elle l’est. Elle par qui j’ai pu grandir, m’épanouir et me respecter.

Certains jours sont difficiles, mais malgré cela, je sais que je suis sur la bonne voie. Je le ressens au fond de mes tripes et plus encore lorsque je me perds dans le bleue des plus beaux yeux du monde ––ceux de Sinclair. Ceux qui me hantent tout au long des vingt-quatre heures que chaque jour fait, avec naturel qui porte à croire qu’il a toujours été là, dans ma tête, mon cœur et partout où je peux le porter, comme une évidence, comme une partie avec laquelle je suis née.

Nous essayons d’avoir une vie de couple normale, même si le décor ne s’y prête pas, avec son père qui ne perd pas espoir de lui faire changer d’avis et Faye qui de son côté a fini par mettre ses menaces à exécution en démissionnant, pour mieux creuser le fossé entre eux et moi.

Par chance, je peux encore compter sur Danaé, Lara, Dove et ainsi que ma mère, même si ça n’équivaut plus qu’à quelques secondes de rires et beaucoup de blancs gênants qui surviennent lorsqu’il faut parler de ma situation familiale. C’est fou, mais même Maelys m’a mise à l’écart. Enfin, je n’ai pas vraiment cherché à entrer en contact avec non plus, mais en quatorze jours écoulés depuis mon retour, elle ne m’a pas appelé une seule fois. Ça en dit bien long, si on considère qu’avant elle le faisait tous les deux jours en moyenne.
Sinclair dit que tout rentrera dans l’ordre. Je ne veux pas le croire, parce que quelque part en moi commence à croitre une certaine rancœur, contre tout ce monde pour qui j’ai toujours été là, peu importe les circonstances.

Alors la seule vérité en laquelle je veux croire aujourd’hui, c’est que je m’en remettrai et que je finirai par apprendre à me passer de leur présence. Ils me manquent c’est certain, mon neveu beaucoup plus encore, cependant les choses resteront telles qu’elles. Chacun chez soi, tant qu’ils ne seront pas prêts à se montrer tolérant. Je n’ai rien fait de mal, alors il n’y a pas raison que je m’excuse ou que je renonce.

Et s’ils parviennent avec le temps à vivre sans moi, eh bah tant pis, j’en ferais autant.



–– Holy a insisté pour que les emballages puissent plusieurs fois être recyclables, et c’est ce sur quoi nous nous sommes concentré dans un premier temps, se justifie Ryes, récemment engagé comme directeur artistique pour la boite, auprès d’Athénaïs la chargée de la communication, qui trouve les nouveaux packagings assez simplistes.



Voilà près d’une demi-heure que je les écoute sans y prendre part, et pour l’heure ça n’avance pas. Simplement parce qu’ils se critiquent les uns les autres sans une once d’objectivité. Aucun ne propose d’amélioration au travail de l’autre, c’est à croire tout est à jeter ––ce qui n’est totalement pas le cas. Mais pour l’heure, je suis aussi épuisée mentalement que physiquement pour m’épancher sur le réel problème entre ces deux-là ––une relation qui s’est mal terminée, m’a-t-on soufflé à l’oreille tout récemment.



–– Vous savez quoi les gars, on va s’arrêter là pour aujourd’hui. On va s’accorder un temps de réflexion cette nuit et demain, on en reparle. Ryes et Athénaïs, j’aurais besoin de vous voir demain à la première heure dans mon bureau.



–– Entendu, acquiesce le directeur artistique en se balançant dans son fauteuil.



Athénaïs qui sait déjà de quoi il sera question, fronce le visage dans ma direction, mais fort heureusement, ne discute pas. Je la remercie d’un geste subtil de la tête, et après avoir rassemblé mes affaires, quitte le box de verre sur un pas alerte. Comme tous les soirs, j’ai hâte de rentrer à la maison, de le retrouver, de lui sourire et de l’embrasser très fort… rien que de me l’imaginer me vrille l’échine à tel point que j’en ai la chair de poule.



–– Coucou Holy, m’intercepte Lara à peine je passe la tête hors de mon bureau.



–– Coucou, souris-je, avant de lui faire la bise et de fermer derrière moi.



–– C’est vendredi et on va au Hood ce soir, tu viens ? Et ne t’inquiète pas, on a réservé un carré privé, t’aura pas à supporter les vacheries de cet idiot de Faye.




–– Vous vous êtes encore disputé hein ?




–– On ne change pas l’équipe qui gagne. C’est ce qu’on fait de mieux. Je me demande toujours comment je fais pour aimer un gars comme ça. Il est tellement grossier.




Je lui souris en coin. Ça c’est une question que je me suis si souvent posé…



–– Il se sent blessé Lara, c’est tout. Ne lui en veut plus d’accord ? Mes problèmes avec lui sont une chose et votre relation en est une autre.
Elle grimace, peu convaincue… ou alors il y a autre chose…



–– Tu sais, je n’arrive pas à oublier la façon dont il m’a traité dans le passé. J’ai beau éprouvé toutes ces choses pour lui, la pilule ne passe pas. Je ne m’étais jamais sentie comme ça. Personne ne m’avait jamais fait sentir que je n’étais pas assez. Ça marque tu sais ? Mon estime de moi en a pris un coup et encore aujourd’hui j’en ressens les séquelles.



Ma moue compatissante ne véhicule pas assez mon empathie, alors je lui prends la main, maudissant intérieurement Faye dont le comportement m’irrite depuis trop longtemps déjà. Il est insupportable dernièrement et j’ai beau lui trouver des excuses quand on est devant les autres, dans le fond tout ce que je souhaite, c’est lui donner la baffe du siècle. D’ailleurs lorsqu’il est venu me rendre sa démission… non, presque me craché son départ au visage, il s’en est fallu de peu pour que ce con réussisse à réduire à néant tous les efforts que j’ai fait jusqu’ici pour reprendre le contrôle de mes émotions.



–– On en reparlera d’accord ? Je suis lessivée. D’ailleurs je ne pourrais pas vous accompagner au Hood, je...



–– Oh, j’avais oublié que tu étais presque mariée maintenant.



–– On croirait entendre Danaé. Fais attention Lara, ricané-je, les vipères finissent écrasées sous les talons aiguilles. Non mais franchement, je suis fatiguée. J’ai mon déménagement à gérer, je refais la déco à la maison et ici, tu le sais bien, c’est la folie.



Nous ricanons de ma petite blague sur quelques mètres, avant de programmer brunch en semaine pour rattraper le coup. J’ai eu beau affirmer le contraire, je sais qu’elle n’a pas complètement tort. C’était déjà le cas lorsque nous avons pour la première fois décidé de passer le cap de sexfriends, je ne sortais plus beaucoup le soir avec elles, parce que je trouve les soirées avec Sinclair bien plus intéressantes, c’est tout. Ça n’a rien à voir avec les raisons qu’elle énonce. Je ne me comporte pas comme une « presque mariée » … si ?

Peut-être un peu, me souffle mon cœur lorsque mes yeux se posent sur celui qui l’entraîne dans ce rythme effrénée, celui qui le sursature d’amour par sa seule présence et qui, avec adresse, lui inspire sécurité et confiance. Il a beau être tout vêtu en anthracite, il m’apparaît comme un ange. Déchu, dirait n’importe qui, moi je le trouve céleste. Ne porte-t-il pas davantage le ciel dans ses yeux que l’obscurité sur sa peau ? N’est-il pas plus de douceur et de délicatesse dans les traits anguleux de son corps rocheux, que de la dangerosité sur ses tatouages ?

Ce n’est pas un saint, mais… il me vole du souffle, pour mieux me faire vivre d’amour. Il s’est trompé dans le passé, mais… s’il m’ébranle comme personne, ça n’a jamais été l’Eden auprès de nul autre, jusqu’à ce qu’il arrive.

Et lorsque je m’agrippe à ses épaules comme ça, jusqu’à ma dernière énergie, le monde peut bien s’écrouler, je sais qu’on s’en sortira. Quand il me regarde de cette manière, comme si j’étais le graal fait chair, j’en viens à penser qu’il n’existe nul autre lieu au monde qui soit plus indiqué pour m’accueillir. Qu’il n’y aura pas plus grande armée pour me protéger. Qu’il n’y aura pas un cœur plus grand pour m’aimer… Sinclair m’aime, je le ressens comme cet air qui arrive et repart entre mes narines, sans se faire perceptible pour autant.



–– Eh, souffle Sinclair, contre mes lèvres.



Mon cœur s’emballe au son de sa voix rocailleuse. Aspire secouée, le souffle qui s’échappe de ses babines rouges et au goût salé.



–– Eh.



Sinclair passe ses mains relève la tête et passe ses doigts entre les lignes de mes tresses. Les yeux accrochés aux siens, le monde environnant n’existe plus pour moi, jusqu’à ce qu’il me rappelle la présence de mon amie.



–– Lara c’est ça ?



Cette dernière grimace, surprise qu’il sache son nom, mais sourit.



–– C’est ça.



–– Enchanté.



–– Moi aussi.



Ils se serrent la main. C’est assez cérémonieux, en plus du léger malaise qui subsiste. Chose qui est plutôt compréhensible, compte tenu du fait qu’ils ne se connaissent pas et qu’aucun des deux n’est particulièrement prolixe. D’ailleurs, le mannequin enchaîne avec l’au revoir aussitôt le bonsoir passé par deux baisers sur mes joues et une dernière blague qui pue Danaé à plein nez.



–– Ferme la bouche chérie, tu baves. Ne lâche rien d’accord ? Vous êtes faits pour être ensembles. Ça crève des yeux.



J’ai droit à un clin d’œil de connivence quand elle s’écarte pour prendre congé de nous.



–– Passez un bon weekend tous les deux. Tu prends soin d’elle Sinclair.



Ce dernier opine du chef, tandis qu’elle et moi partons dans une nouvelle étreinte.



–– Ciao ma belle. Tu le gardes bien en tête ce brunch, hein.



–– Compte-là-dessus. Et toi, dis bien au filles que je suis désolée et que je les aime de tout mon cœur. Et toi aussi d’ailleurs.



Après un dernier sourire échangé, mon regard rêveur l’accompagne sur plusieurs mètres, avant de s’élargir d’étonnement lorsque je vois Semy, vêtu d’un jean délavé troué sur les genoux et d’une chemise à carreaux rouges et noirs, franchir les portes du hall. Mon corps se tend illico d’appréhension, tandis que mon cœur se serre d’une rancœur que je croyais à tort négligeable. Je n’ose pas me retourner vers Sinclair, devinant aisément dans quel état il peut être à l’instant, rien qu’à partir du tonitruant grognement qui se fait entendre dans mon dos.




–– Qu’est-ce qu’il vient faire là, ce plouc ?



Le concerné fend la foule avec nervosité. Même qu’il a ignoré Lara qui s’est pourtant arrêté à sa hauteur. On le croirait avoir le diable à ses trousses, et aux regards furtifs qu’il lance sur les côtés de temps à autre, m’est avis que je n’exagère rien.



–– Du calme Sinclair, nous sommes en public.



Sinclair respire bruyamment, puis se racle la gorge. Je ne sais pas ce qui amène le détective ici, mais je ne suis pas plus heureuse de le voir que ne l’est mon petit ami. La façade marbreuse que je laisse paraître, cache bel et bien une forêt sombre, où la déception a trouvé ses marques dans la colère et le dégoût. Son manque d’éthique, me rebute bien plus que l’hypocrisie dont je fais actuellement preuve en le jugeant, alors que moi mieux que personne, sais ce qu’est capable de faire un cœur brisé.



–– On devrait y aller dans ce cas. De toute façon, je suis venu te chercher pour une raison bien précise. Très importante d’ailleurs.




Je n’ai pas le temps de me renseigner davantage, mon ex prend la parole à la minute où il s’immobilise à notre hauteur.



–– Alors c’est vrai ?



Sinclair piaffe et la seconde d’après, je sens son torse se coller à mon dos.



–– Il est aveugle en plus, ricane ce dernier en passant une main possessive autour de ma taille.




–– Je ne parle pas à toi, le criminel, s’agace Semy dont le regard perçant et agressif me glace le sang.




J’entends Sinclair aspirer de l’air entre les dents, la tension est à son paroxysme. La main que je porte sur l’avant-bras de Sinclair se veut lénifiante, et le ton qui s’en suit, tranchant. Il faut vite remettre chacun à sa place pour éviter tout débordement, parce que j’ai bien l’impression que le seul point commun qu’ont ces hommes, à savoir leur caractère réfléchi ––même si, j’ai à présent des doutes en ce qui concerne Semy après qu’il soit allé faire la balance auprès de mon père–– s’est autant barré chez l’un que chez l’autre. La possessivité fait ses preuves, je crois. Mais il est hors de question qu’elle ait ne serait-ce qu’une minute de gloire par une altercation musclée. Ni ici, ni ailleurs.



–– Un criminel qui a mille fois plus le sens de l’honneur et du respect de la parole donnée que toi. Je ne sais pas ce que tu fais là, mais moi tu vois, je n’ai plus rien à te dire.



–– Ce mec n’est pas bon pour toi Holy, s’échine le détective, agité d’impatience et d’impuissance. Il va te faire du mal. Il te met en danger. Est-ce que tu ne le vois pas ?



–– Il y en a qui doivent réellement apprendre à se mêler de leurs affaires, souffle Sinclair avec une désinvolture qui cache en réalité sa contrariété.




–– Tu l’as entendu Semy. Vis ta vie, je vis la mienne et tout ira pour le mieux. Moi de toute façon, je ne veux plus te voir. Pas même en peinture. Tu as trahi ma confiance. À deux reprises et toute la sympathie que j’avais pour toi, s’est comme qui dirait, évaporée.



Je suis assez claire, il devrait comprendre, mais n’en fait rien.



–– Holy s’il te plaît, écoute.
C’est alors que Sinclair s’énerve.



–– Joue pas avec mes nerfs petit con. Tu as entendu ma petite amie, tu recules.



Chargé à bloc, il s’érige en barrière entre mon ex et moi, belliqueux sans que cela ne gâche rien à sa prestance royale. Même qu’il paraît soudain plus massif dans son manteau noir que j’agrippe pour éviter que les choses ne dégénèrent.



–– Il faut que je lui parle, c’est important. Je…



–– Tu pars d’ici, et tout de suite, tranche Sinclair sur un ton aussi calme que glaçant, les poings à présents prêts à l’usage.



Je n’ai droit à aucune, mais je devine son regard devenu aussi vif que celui d’un serpent aux aguets, sur son visage criant d’une dangerosité féline. Et je crois que cette fois, Semy comprend aussi bien que moi, qu’il est dorénavant en présence de Memphis, et non de Sinclair ––et qu’il n’est donc plus question de plaisanter.



–– Holy, m’implore-t-il une dernière fois, avant de céder. Très bien. Mais je t’aurais prévenu. Et surtout, je serai là quand il faudra ramasser les pots cassés. Bonne soirée.




Un frisson horreur me rampe soudain sur la colonne vertébrale. Me paralyse en entier, sur toute la durée qu’il me faut pour me convaincre qu’il bluffe par jalousie et qu’il n’a aucun pouvoir pouvant lui permettre d’émettre la moindre prophétie.




–– C’est ça, fiche le camp. Et que je ne te reprenne plus à lui tourner autour, sinon je te tue.



Je ne dirais pas que ses paroles m’offusquent. Je ne suis pas une petite midinette fragile qui ne fréquente que les beaux quartiers, alors des paroles de ce genre, j’ai l’habitude. Par contre, le moment et le lieu sont mal choisis pour se laisser aller à de telles menaces, fussent-elles seulement de l’esbroufe… enfin, je l’espère.



–– Sinclair ne dit pas de telles choses ! Surtout pas en public.



Il ignore mes réprimandes et accompagne plutôt Semy du regard, comme je l’ais fais avec Lara il y a peu. Dès que ce dernier disparaît du paysage, il se met à chercher ma main à tâtons avant de se retourner.



–– Sinclair ne dit plus des choses comme ça d’accord ?



Inconsciemment j’essaie de me rassurer que ses menaces n’étaient que des paroles en l’air. Et quand il esquive une fois de plus le sujet, mon corps se refroidit.



–– Efface cette inquiétude de ton visage. N’écoute pas ce crétin. Il est juste jaloux, il ne t’arrivera rien, je suis là.



–– Oui, mais ne fait pas de bêtises d’accord ? Tu ne tues personne Sinclair.



Quelque chose en moi sait que je ne peux et ne dois pas lui faire promettre une telle chose, au vue de ses fréquentations et des problèmes qui en découlent. C’est d’ailleurs pour cette raison que je laisse couler son mutisme et cherche plutôt le réconfort de ses bras.



–– Quand est-ce que tu parles à Diego, Sinclair ?



–– Bientôt mon amour, après avoir déposé un baiser sur mon front. Et toi n’oublie pas ta promesse, tu restes en dehors de ça.



Je n’y arrive pas. Comment pourrais-je, sachant pertinemment qu’il coure un si grand danger. Diego est un caïman. Froid et sanguinaire, il mord jusqu’à la rupture des os. Et même si Sinclair l’a déjà battu une fois, rien ne me certifie qu’il pourra le refaire ––d’autant plus que le spécimen est à présent sur ses gardes. J’ai peur. J’ai pour lui et il le sait. Je vais lui désobéir, ça aussi il s’en doute bien. Voilà pourquoi il se garde de me parler des détails du plan qu’il élabore depuis des jours avec Mark, cette autre force tranquille de la nature.

Mais ç’aurait été mal me connaître, s’il ne s’était limité qu’à cette mesure-là. Sauf que, hélas pour moi dans ce cas précis, Sinclair me connaît beaucoup trop, mieux que personne et m’a mise sous surveillance permanente.



–– Sinclair…



Il m’écarte gentiment, puis me caresse le visage.



–– On ne discute pas mademoiselle.



Je le regarde mi- choquée mi- amusée par ce côté paternaliste dont il use de plus en plus avec moi ces derniers temps. Bon j’avoue : je suis attendrie et trempée d’excitation par ce côté protecteur et dominant, même si, ayant été dans un sens très tôt confrontée à l’autonomie, il m’est encore un peu difficile de composer avec l’interdépendance à certains niveaux. Mon cœur est cependant si épris de lui que je sais la question temporaire, aussi féministe et indépendante que je sois. Parce que, tel qu’il me l’a lui-même répété ce matin, en tant que grand poète et philosophe qu’il s’amuse à incarner de temps à autre, la base de l’amour est de se laisser être et devenir.



–– Je t’ai déjà dit que tu es terriblement sexy avec cet air dangereux sur le visage ?



En agitant les sourcils dans une attitude joueuse et coquine, je me laisse aller à cette légèreté dont il a ––je sais–– besoin en ce moment.



–– Non, mais tu auras tout le temps de me le prouver tout à l’heure. J’ai une surprise pour toi. Non, minaude-t-il, plus détendu au moment nous élançons à notre tour vers la sortie. Plutôt deux.



Je me souviens alors de cette chose très importante dont il n’a pas eu le temps de me révéler la nature, à cause de l’entrée en scène de Semy.



–– On le prend enfin cet avion pour Paris, m’essayé-je à la devinette sur un ton plaisantin, et on porte tous les deux le maillot des Knicks pour le match de demain, hein ? Dis-moi, oui.



Mais je peux toujours courir pieds nus dans le désert, pour voir ce miracle ––surtout le deuxième–– de sitôt. Sinclair autant que son frère Neil, est un inconditionnel des Celtics de Boston qui joueront contre ma ville demain. Et il n’est définitivement pas le genre d’homme à fuir devant le danger, peu importe le nom, la forme, la taille et la couleur qu’il revêt. Diego peut donc être certain qu’il trouvera prêt et droit dans ses baskets lorsqu’il lancera l’assaut, tout comme je peux être certaine que demain nous serons les meilleurs ennemis du monde pour quelques heures.



–– Tu n’y es pas.



–– Je sais bien, mais qui ne tente rien n’a rien.



Une des nombreuses grimaces qui plissent mon visage est certainement à l’origine du petit rire qui s’échappe de sa gorge, à l’instant où il m’ouvre la portière de sa voiture. Je m’enorgueillirai toujours, d’être la seule à lui faire cet effet-là. Sourire lui va si bien, qu’à mes yeux c’est forcément un exploit dont je peux me vanter. Il est si beau, que je ne parviens à porter mon regard sur aucun autre être. Lorsqu’il referme la portière derrière lui, la pseudo intimité que nous offre l’habitacle contribue à exacerber mes hormones, plus qu’elles ne l’étaient déjà. Fondante de désir, je me mords aussitôt la lèvre inférieure sous son regard carnassier, luisant de concupiscence. Attisée par un besoin de satisfaction immédiat, c’est sans retenue que je me jette sur lui comme une femelle en chaleur. Mais c’est sans compter sur ladite… surprise.



–– Tout doux, ma tigresse, ricane ce connard arrogant en pleine repentance. Crois-moi, dans mon esprit je t’ai déjà mille fois, mais là on doit vraiment y aller. Tes parents nous attendent (il pli son coude sous mon regard effaré, pour considérer sa montre), et les miens aussi, vue l’heure.



–– Co… comment ça mes parents ? Et tes parents en plus ?



Il inspire profondément avant de détourner son visage de coupable vers moi.



–– Un diner de famille, lâche-t-il tout à coup avec plus d’assurance. Tes parents ont invité les miens chez eux.



Les paupières agitées, la bouche entrouverte, l’impression d’être en train de boguer n’est pas des moindres. C’est le flou complet dans ma tête, et l’erg dans mon cœur qui ne trouve rien à opposer à cette nouvelle aussi inattendue qu’improbable. En fait, je crois que je suis abasourdie.



–– Tu plaisantes n’est-ce pas ?



–– Pas quand ça engage autant ton cœur.



Son regard charmeur se veut lénifiant, mais rien n’y fait. Je ne suis plus qu’une boule de nerfs assise.



–– Comment ? Quand ?



Je ne suis plus en mesure de formuler de longues phrases, tant je boue d’impatience et d’appréhension.



–– Boucle ta ceinture ma beauté, je te raconte en chemin.











Voilà comme promis le nouveau chapitre... J'espère que vous l'avez aimé. N'hésitez pas à me laisser vos impressions en commentaires.

Pas grand chose à dire aujourd'hui, alors je vous dis juste à très vite. Ciao

Love guys 😜❤️

🖤🖤🖤
Alphy.

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