In the wolf's mouth
Sinclair
Des semaines que je garde cette mine de geôlier, ce visage aussi fermé que glacial, digne du Sinclair que j’étais encore l’an dernier et que je suis encore peut-être puisque je parviens à me remettre dans la peau du personnage avec une facilité qui m’épate moi-même. J’ai repris mes distances avec tout le monde. Même que j’ai doublé les écarts et renforcé les remparts autour de moi. Mes fêlures ne cicatrisent peut-être pas plus que mes frayeurs ne s’apaisent, mais au moins cette sensation de vivre tout de loin, d’être dans le contrôle et inaccessible, contrebalance de peu les vibrations anxiogènes qui m’asphyxient de jour en jour.
Se barrer avant d’être enculé pour de bon, voilà ce que je fais. Mais plus j’y vais, moins ça me réussit. Il y a que je suis trop amoché du cœur pour connaitre à nouveau la paix sans le réparer. Il y a aussi qu’à m’éloigner, je me retrouve bien plus souvent seul avec cet autre moi qui me ramène encore à elle et à tout ce que je perds, comme cet ami à ma droite. Des heures que nous roulons dans le silence austère que j’impose partout où je vais, en réponse à l’incompréhension que je reçois de la part de tous. À l’époque cette dernière était déjà l’une des raisons de mon éloignement, sauf qu’elle n’était que le résultat de calculs effectués après une analyse logique des décisions que je prenais et des risques qui en découleraient. Aujourd’hui cette incompréhension est concrète, et elle n’a rien à voir avec celle que j’ai anticipé dans le passé. Et peut-être bien qu’en cela que réside toutes mes frustrations, je n’ai rien vu arriver… Je n’ai pas pu amortir ma chute.
Holy, en tout et pour tout… Holy !
–– Alors ce restau, lancé-je finalement, las de lui faire la tête, comment ça va ?
Puis en vérité, ce silence commence à me bouffer moi-même.
–– Comme un cochon dans la boue, lâche ce dernier avec un sérieux qui manque de me faire exploser de rire.
Je souris néanmoins. Lui se redresse, certain d’avoir accompli sa mission.
–– Enfin, soupire-t-il ensuite. J’ai bien cru t’avoir perdu pour de bon. Les nuages c’est beau, mais mon pote, la terre est meilleure.
–– Ça c’est toi qui le dit.
–– Non, me contredit-il en envoyant un bonbon rose dans sa bouche, c’est ma maman.
Je n’en sais pas beaucoup sur la famille de Mark en réalité, mais à en croire la fréquence à laquelle il ramène sa mère sur le tapis par jour, c’est-à-dire toutes les deux minutes, il doit l’adorer. J’espère la rencontrer lors de l’inauguration prochaine de son restaurant, surtout que, d’après l’homme à mes côtés, cette dernière meurt d’impatience.
–– Tu as hâte de la voir hein ?
–– Ouais, ça fait un moment alors, oui. Elle me manque. Si je n’avais pas la vie que j’ai-je serais chaque semaine dans un avion en direction de Sacramento.
Quelque chose se serre en moi, mais je préfère l’ignorer. Après tout, il est majeur et vacciné, et donc responsable de ses propres actes. Il a comme moi d’une façon ou d’une autre choisi le mauvais chemin de son plein gré.
Et puis… Arrgh, ça suffit ! Je me sens coupable voilà. Je suis celui qui lui a en quelques sortes compliqué la vie, en suivant les ordres pour la première fois, et en les boycottant pour la deuxième. Et malgré ça, jamais il n’a laissé entendre par un quelconque geste ou une parole, qu’il m’en voulait, alors qu’aujourd’hui il a la possibilité de s’en aller. Je n’en finirais jamais, je crois, de m’étonner devant tant de loyauté.
–– Je te promets que ça va changer, me sens-je obliger de le rassurer. On y est presque.
Il hoche la tête.
–– Je te fais confiance mon frère. Et je n’arrêterai pas de te le dire, même si tu ne veux pas l’entendre, tu es un chic type.
Il va me faire chialer. Non pas avec ses mots ––parce qu’il a tout faux et je ne suis à des années lumières du gars bien qu’il persiste à voir en moi. Mais avec sa générosité et la ferveur avec laquelle il croit en la bonté et en l’amour. Avant je le voyais comme le mec étrange et dangereux, aujourd’hui c’est pour moi le deuxième être le plus surprenant de mon entourage après Holy.
–– Fais pas cette tête enterrement, je n’ai pas dit que tu étais Michel archange, s’amuse-t-il, la tête entre ses doigts. Quoique, si tu l’étais, j’aurais eu moins de mal à convaincre Danaé de venir à l’ouverture du restaurant. Elle me donne des maux de tête. Un vrai rubik’s cube cette fille, je te jure.
Entre la voix essoufflée qu’il emprunte et ses yeux jetés en l’air avec négligence, je n’ai autre choix que celui de rire.
–– Ne jure pas Mark. Ne jure pas, je te crois sur parole. C’est la cousine d’Holy alors, ne jure pas.
Cette fois, nous nous laissons emporter ensemble dans ce besoin de légèreté et ricanons insouciamment sur quelques mètres.
–– Qu’est-ce qui s’est passé encore ? Je croyais c’était sur la bonne voie entre vous ?
Ça la seule chose que je lui ai répondu lorsqu’il m’a fait remarquer que j’avais un sourire crétin sur les lèvres deux jours après avoir revisité l’affriolante pulpe des lèvres de mon précieux tourment, ma tigresse enragée.
–– Elle ne veut plus de moi, et moi j’en ai marre de lui courir après.
Il rit, à gorge déployée, réveillant en moi des pulsions de mort. Evidemment, le salaud se paie ma gueule de menteur pathologique dont il maitrise à présent tous les rouages. Honte à moi !
–– Alors dis-moi, pourquoi j’ai l’impression que tu attends que je te contredise ?
Peut-être parce que c’est le cas, mais que je préfère jouer les grandes gueules. Qui va me le reprocher en plus, alors que j’ai la reine de la mauvaise foi pour cible ––j’ai nommé Holy, la déserteuse ? Mark assurément, Neil aussi, étonnement.
–– C’est-à-dire ?
Alors que je freine devant le feu de circulation en faveur des piétons, j’entends son rire se faire plus tonitruant. Je jette dans sa direction un œil réprobateur qui ne modifie à sa température actuelle, à croire qu’il a perdu la notion du danger.
–– Qu’à la base, ta meuf et toi, adorez jouer au chat à la souris.
Je fais la moue, exaspéré d’avance par le discours qui va suivre. Je ne le connais pas cœur, à force d’avoir en permanence ––contre ma volonté–– les sermons de mon grand-frère adoré dans la tête. Mais comme on dit, il n’y a que la vérité qui dérange. Je ne pourrais pousser l’hypocrisie plus loin en prétendant que je demeure à celles que j’ai désavoué il y a des semaines, devant mon ainé. Il longtemps que j’ai cessé d’être en colère, même si mes actes prétendent le contraire. C’est plutôt dans l’inconfort que je patauge en ce moment, à essayer de confronter mon point de vue à celui des autres. Cet enfoiré de Neil peut réclamer le titre d’avocat de l’année, il a réussi à ébranler mes convictions.
–– Enfin, plus sérieusement Sinclair, qu’est-ce que tu lui as encore fait ?
–– Moi ? tenté-je de m’offusquer pour la forme. Rien du tout.
Il pouffe de rire, et je redémarre.
–– C’est exactement ce que je disais. Tu vas finir par la perdre pour de bon si tu n’arrêtes pas tes bêtises au plus vite.
–– Tu peux considérer que c’est déjà fait, renchéris-je amer. Elle m’a jeté pour la deuxième fois.
Le grand silence qu’il oppose à ma réplique m’oblige à me tourner vers lui, question d’être sûr qu’il est encore à l’écoute. Sans avoir besoin de m’attarder, je le devine songeur par son regard figé sur la route et ses lèvres boudeuses incurvées. Cependant, je sais que son esprit continue d’airer dans la pièce, voilà pourquoi je laisse libre cours à ce besoin de parler qui m’assaille.
–– Je crois qu’elle ne m’aime plus. Finalement je l’ai fait souffrir plus que je n’en aurai jamais conscience et je dois la laisser partir… être heureuse avec quelqu’un d’autre. Je ne sais plus comment m’y prendre avec elle. Avant on avait juste besoin de se sourire, de s’embrasser et aujourd’hui, je vois bien que ça ne suffit plus. J’avoue, je suis perdu Mark. J’ai mes propres blessures et parfois j’ai l’impressions qu’elle les ignore et ne pense qu’à elle. Mais peut-être ai-je trop merdé et qu’il est temps d’arrêter en effet. Je déteste la voir triste. La dernière fois, elle avait le regard si vide, si désespéré, si rouge et… et le corps qui tremblait, tellement elle souffrait. Je l’ai ressenti dans ma propre chair. Et cette image s’est ajoutée à toutes les autres qui hantent mes nuits et mes journées. Je me sens monstrueux, et c’est dur de vivre avec ça.
Les mots m’arrivent à la bouche avec difficulté, et ont l’air de m’érafler horriblement la gorge, après m’avoir troué le cœur. Je les dis, mais me refuse d’y croire. Pas d’amour altruiste dans mon for intérieur. Je ne pourrais pas la voir épouser un autre, plutôt crever. Et on dirait bien que c’est ce qui risque d’arriver à l’allure où vont les choses. Holy m’a effacé de sa vie. Elle n’ouvre plus au coursier qui lui rendait visite de ma part, m’a assurément mis en liste noire vue que je n’arrive plus à la joindre et a même changé ses routines car à présent, je ne sais plus où la trouver, si ce n’est sur les magazines et les réseaux sociaux où elle continue de s’afficher avec l’autre montagne brune à qui je rêve d’apprendre les notions de limites et de propriétés privées à la dure.
Je suis fou de jalousie, et alors ? C’est de ma faute me dira-t-on, mais qu’est-ce que j’y peux. Je l’ai dit dès le départ, je ne suis pas un enfant de cœur. Et le chemin vers la rédemption est encore pire que ce qui se raconte dans la rue. L’expiation est effrayante. Renoncer à son confort ––à sa personne, j’entends–– est une décision suicidaire, qui sonne pour une âme aussi logique que la mienne comme l’erreur du siècle, même si cette femme je l’aime à m’en damner. De là nait le ridicule de la situation, je pourrais mourir pour elle alors qu’incapable de la maintenir heureuse à mes côtés. Triste, c’est mon quotidien à présent, loin son sourire qui me redonnait de l’espoir.
–– Et si tu lui disais ce que tu as sur le cœur ? Peut-être qu’elle a juste besoin de savoir.
–– J’y pense. Et j’ai peur j’avoue. J’ai peur qu’elle me rejette, je ne le supporterai pas. Tu sais, rien n’aura changé après mes explications, je serai resté le même Sinclair qui a profité d’elle, ce dont elle se souviendra toute sa vie.
–– Mais Holy t’aime…
–– Elle m’aimait, le corrigé-je en opinant avec engouement, plus déçu que certain. Elle aimait ce type qui se pliait en quatre pour elle, qui la regardait avec attention, qui adorait sa douceur et ses faiblesses ; celui que je suis devenu, seulement pour mener mes plans à exécution, pas moi. Pas celui que je suis réellement. Tu sais, moi et mes défauts.
–– Et si en réalité, tu étais cet homme-là ?
Le léger ricanement provoqué par cette affirmation reste dans ma boucle close. Plus qu’un mensonge, c’est un blasphème. Je ne suis ni romantique, ni bon. Fort heureusement, nous sommes arrivés à destination et donc, à la fin de cette conversation. Ça fait peut-être du bien de se livrer de temps à autres, il demeure des sujets plus douloureux que les autres.
Quitter avant que les choses ne nous quittent. Holy et moi avons au moins ça en commun.
–– Elle ne m’a jamais demandé de rester. Jamais.
C’est ma seule vérité. Le pire qui me soit arrivé dernièrement.
Sur cette dévastatrice conclusion, je sors de la voiture, mon masque de froidure et d’impassibilité avec, et avance sur un pas de conquérant vers le bar fermé d’Alex, un des rares petits dealers du coin qui a connaissance de mon identité. Il me doit mille vies et quelques petits services, et je compte bien me faire payer aujourd’hui. Lorsque nous entrons dans le bar, ce dernier converse à bâton rompu avec un avorton que je ne connais que trop bien, pour beaucoup trop souvent soudoyé.
–– Agent Owen, l’interromps-je avec aisance, pour mieux faire assoir mon autorité en même temps que ma personne.
Les deux lèvent les yeux vers moi au même moment.
Exaspérés au départ, ils se ravisent aussitôt que leurs cerveaux leur rappellent l’identité de l’homme en face d’eux.
–– Eh mec !
–– Mais qui va là ? Ne serait-ce pas le grand Memphis lui-même ? Je croyais que tu étais à la retraite. Enfin, c’est la nouvelle qui cours.
–– C’est le cas, et tu devrais faire pareil Owen. La chance ne te sourira pas éternellement. Tu ne pourras pas contourner les règles éternellement. Et ce jour-là mon gars, j’en connais un paquet qui se feront la peau de tes fesses en taules.
Le sourire en coin, je nargue sa condescendance de petit policier véreux. Je ne l’ai jamais blairé, mais comme on dit, les affaires sont meilleures et plus rentables lorsqu’elles sont conclues avec les ennemis. Au sourire mauvais qui germe progressivement sur ses lèvres quasi inexistantes, j’ai la confirmation d’avoir touché un point sensible. C’est donc sans surprise que je reçois la menace qui s’en suit.
–– Heureusement, je saurai me souvenir que j’ai eu des associer très influents.
Calé dans ma chaise, j’observe un silence salvateur. Il est important de garder le contrôle sur sa personne si on veut en faire autant avec le monde qui nous entoure, d’autant plus si le monde en question est composé d’une bande rapace sans foi ni lois tels que mes ex associés aux mentalités bancales. Il faut bien qu’ils comprennent que le fait d’avoir quitté le milieu ne me rend pas moins dangereux pour autant. Aussi, dans une attitude dominatrice, je reste détendu dans mon siège tandis que j’entreprends d’apposer mon autorité avec fermeté.
–– Il vaudrait mieux que tu sois amnésique le jour où ça arrivera Owen. Parce que je ne frapperai qu’une fois. Et ce sera déjà la bonne.
Mission accomplie, le sujet ayant perdu couleurs et arrogance, déglutit difficilement. Je souris, victorieux devant son énorme pomme d’Adam en agitation grossière et brusque.
–– Maintenant, est-ce que je peux m’entretenir avec Alex ? Il y a urgence.
La question n’en est pas une. Et mon hôte plus vite que le ripou en saisit le sens.
–– Owen, on se reparle bientôt, fait-il à cet effet.
–– Bien sûr.
J’ai droit à un regard que je décrirais comme sonné à défaut d’apeuré. Mark le remplace à la seconde où il décharge la chaise rouge en tulipe qu’il occupait, face au jeune homme noir et rondouillard que je sais aussi fier de sa barbe que moi de mes tatouages.
–– Qu’est-ce qui t’amène boss ? entame-t-il une fois la porte d’entrée du bar repositionnée. Est-ce qu’on vous apporte quelque chose à boire ? On est fermé mais…
–– Diego, coupé-je cours, je veux être mis au courant de ce qu’il manigance contre moi en ce moment. Je veux savoir ce qui se dit dans le coin.
Intrigué par ma demande, il se gratte le crâne.
–– C’est compliqué mec. C’est Diego. Depuis que tu le lui as fait à l’envers, le mec il plus que jamais vigilant, je t’assure.
–– Je sais, mais j’insiste. C’est pour ça que je viens te voir. Et puis, je ne te demande pas d’infiltrer son business, j’en rien à cirer. Je te demande d’interroger ci et là c’est tout. Tu me dois bien ça.
Il fait celui qui prend la peine d’y réfléchir quelques instants, sous mon regard passif. S’il veut croire qu’il a le choix, alors laissons le croire que oui. L’essentiel étant qu’à la fin, j’obtienne ce que je désir. Ce théâtre dure quelques minutes, et la fin comme prévue, m’est favorable. Je quitte sur repère burlesque avec un poids en moins sur les épaules, suivi par Mark. Mais à peine avalons-nous un à deux kilomètres du retour, que ce dernier me fait remarquer cette voiture grise qui nous suit en prenant bien le soin de toujours laisser deux à trois véhicules nous distancer. C’est d’un commun accord que nous décidons de tendre un piège à la personne derrière le volant, plutôt que de la semer. C’est dans cette optique que je dépose Mark au premier arrêt bus sur lequel je tombe, avant de foncer vers l’ancienne maison occupée par la famille cachée de Diego. Celle dans laquelle se rendait Mark le jour où il a été suivi pour la première fois, convaincu que l’espion, connaissant déjà le chemin m’y suivra. Ce qu’il fait, sans se douter qu’il se fera à son tour surprendre par mon ami qui ne tardera pas à nous rejoindre à son tour.
Après avoir piétiné une longue allée de pierres blanches, je grimpe à vive allure le petit escalier séparant la terre ferme de la porte d’entrée que j’ouvre comme si les lieux m’appartenaient. Une fois à l’intérieur, je prends simplement place, et attend. Si les choses se passent bien, nous obtiendrons une partie voire, toutes les réponses réquisitionnées à Alex il n’y a pas longtemps. Enfin, c’était ce que je croyais, jusqu’à ce que le rouquin fasse brutalement traverser le dernier à qui je m’attendais aujourd’hui.
–– Pour une surprise, on peut dire que tu as fait fort.
–– Tu sais que j’ai d’abord failli le laisser partir, rigole Mark en forçant notre invité à s’assoir. J’ai cru à une mauvaise plaisanterie. Genre, le vrai coupable l’avait séquestré.
–– Tu regardes trop de films décidément, plaisanté-je sans masquer la pointe d’arrogance uniquement réservé au couillon qui me fait face. Mais voyons plutôt voir ce que notre cher ami a à nous dire. Alors Semy, appuyé-je amer. Ou devrais-je dire, le pique-assiette, est-ce qu’on peut savoir pourquoi est-ce que tu me suis ?
Il pouffe de rire, fier de ses dents blanches. Mais s’il était plus raisonnable, il aurait peur pour elles.
–– En t’entendre, on dirait qu’Holy est ta propriété. Mais tu sais quoi mon gars, ce n’est absolument pas le cas.
–– Ça c’est toi qui le dit. Moi je m’en tiens aux faits. Et les faits eux disent qu’Holy n’aime qu’un seul et ce seul, s’appelle Sinclair.
Si j’en étais réellement certain, jamais je ne me serais abaissé à la provoquer de la sorte. S’il me connaissait un tant soit peu, il aurait eu de quoi contrattaquer. Par chance, ce n’est pas le cas. Pourtant sa riposte n’en demeure pas des moins choquantes.
–– En attendant, c’est dans mes bras qu’elle dort toutes les nuits. Et devine quoi, elle jouit jusqu’aux larmes.
L’enfoiré ! Il n’attend pas longtemps pour recevoir ma fureur, une série de coups aussi rapides que violents qui lui terrasse le visage, fait écho à la coulée torrentielle du sang volcanique entre mes veines. Je vais tuer ce salopard. C’était déjà un fantasme que je m’obligeais de refoulé, justement à cause d’Holy, mais là j’ai l’alibi et surtout, je pourrai l’enterrer ici que personne n’en saura jamais rien. Ni vue, ni connu. Heureusement pour lui, Mark est présent et soucieux de ma santé mentale.
–– Stop, ça suffit. Tu vas le tuer !
Les mains à plat sur mon torse, il presse suffisamment fort pour empêcher de le bousculer.
Essoufflé, je me laisse faire au bout d’un moment, lève mes poings serrés et meurtris en l’air en signe de reddition, tandis que mon ami me gave les oreilles de paroles lénifiantes. Il n’en vaut pas la peine, ouais. Il essaie juste de me provoquer, ouais. Mais bordel il a raison, c’est lui qui baise Holy et pas moi ! Me l’imaginer me rendait déjà malade alors l’entendre, seigneur ! Je vais mourir. La nausée, j’ai la nausée, de désagréable palpitations du cœur, le gosier en feu et le corps qui grelotte de cette colère contenue. Au bout d’un instant je n’en peux plus, et fonce vers le mur pour décharger toute ma frustration. La douleur physique coups après coups s’intensifie et réussie à me faire oublier de peu celle dans le creux de mon âme, celle qui immole tout ce que j’avais de plus précieux et de doux en moi.
Ma tigresse… Cette traitresse. Il y a des jours comme ceux-ci où je la déteste vraiment, tellement elle sait écraser mon cœur par la plus infime de ses actions. Mais est-ce que je lui fais le même effet ? L’honnêteté serait de reconnaitre que oui, en même temps que son regard luisant de douleur ce jour-là dans mon bureau. Je prends plus que jamais conscience de la peine que j’ai pu lui causer. Elle est de celles qui ruent vers la mort et la désolation ; couteau de l’âme, poison de l’esprit.
Pardon Holy.
J’ai merdé c’est sûr. Et c’est peu de le dire, peu de le reconnaitre enfin et très mal de lui reprocher des fautes vers lesquelles je l’ai moi-même poussé en les commettant le premier.
Et si tu lui disais ce que tu as sur le cœur ?
Peut-être bien, mais comment ? Et s’il était trop tard et que finalement, elle est tombée amoureuse de ce crétin ? Tout ce que j’ai affirmé sous peu n’était que poussière sur les yeux. Avec Holy je ne suis plus sûr de rien.
Je nage dans des eaux troubles depuis cette nuit de l’horreur où elle m’a tiré dessus, incapable de pénétrer son âme comme avant, incapable de m’y faire une place et remonté par ces deux faits. J’en suis devenu aveugle et sourd, assailli par la peur et la douleur. Et pour mieux les fuir, j’ai choisi de lui tourner le dos, de me replier sur moi et mes problèmes, comme c’est le cas à chaque fois que je suis en situation de faiblesse. Finalement, je suis bien le fils de mon père. Je détruis autour de lui sans jamais s’excuser, vis dans le déni, ma première leçon de vie, la pire décision de ma vie. Holy ne pourra pas vivre avec un tel homme, elle est beaucoup trop franche pour ça. Ou peut-être c’est moi qui suis trop lâche et incapable d’affronter la vérité en face, voilà pourquoi je la maintiens inconsciemment à distance, fais tout pour la blesser, pour qu’elle me rejette.
Qu’est-ce que j’ai foutu ?
–– Qui t’envoie ?
Je préfère revenir à ce cher Semy plutôt que poursuivre cet examen de conscience. C’est bien plus facile. C’est bien ce que j’ai appris de mieux : à résoudre, plutôt qu’à m’absoudre.
Le gars veut jouer à celui qui ne balance pas, sauf que je n’ai pas plus de temps que ça pour faire joujou. Non seulement parce que ça tronche me donne des envies de meurtre, mais parce que je me sens aussi défaillir, amoché à un point stratégique à l’intérieur.
–– Tu sais je n’attends que ça, reprends-je en sortant mon arme de mon manteau, que tu me donnes une bonne raison de t’exploser la gueule pour avoir posé tes sales pattes sur ma Holy, alors mon pote tu as intérêt à tout étaler ou je te jure que…
–– Je n’ai pas peur de tes menaces Sinclair.
Je me rapproche et enfonce le canon dans sa gueule pour lui prouver le contraire.
–– Tu devrais pourtant. Je peux te faire disparaître en moins de temps qu’il ne me faut pour cligner des yeux, sans le moindre souci alors parle.
Je retirer le flingue de sa bouche et propulse sa tête sans ménagement, dénué de toute raison et de tout sentiment positif. Le regard sombre, je fais marche arrière jusqu’au fauteuil en face de lui, prêt à l’entendre passer aux aveux… ou pas du tout, puisque je ne m’attends particulièrement pas à la révélation qu’il lâche cette fois, sans fioritures.
–– Je suis détective. Holy m’a engagé.
Il me passe sur tout le corps, un courant glacial et il me hérisse le poil et me surgèle le palpitant. Cependant, je reste calme. Impavide même, le regard belliqueux fixé sur mon rival. Et silencieux pour l’inviter à poursuivre.
–– Pour te suivre et recueillir des informations compromettantes contre toi. Elle veut…
–– Se venger, cracher entre mes mâchoires serrées.
Dans les iris noires de Semy qui pose un regard intense sur moi, je peux presque voir la jubilation qu’il oppose à la profonde tristesse qui a chassé la colère de mes prunelles. Je comprends alors qu’il ne s’est en réalité nullement laissé intimidé par mes menaces. L’information sevrait plus ses intérêts s’il me la donnait, et c’est ce qu’il a fait. Il est amoureux d’elle, ça aussi ça tue. Pas autant que cette nouvelle qui n’a rien de surprenant, si on considère que j’avais été prévenu, mais quand-même. Holy veut ma peau. Elle me veut derrière les barreaux…
Voilà, c’est le coup de grâce.
Je souhaite une excellente nuit. N'hésitez pas à me laisser vos avis en commentaires et à voter si l'histoire vous plaît toujours.
Alors, Sinclair on en pense quoi à ce stade ? Bon je vous livre mon point de vue à moi. Vous le savez peut-être déjà mais j'adore Sinclair il est le plus torturé des deux alors forcément 😜... Je le préfère. Mais plus sérieusement, j'ai conscience qu'il fait souffrir Holy cependant, pour moi il mérite des circonstances atténuantes. Il essaie de trouver une place dans l'univers et ce n'est déjà pas facile. Holy va trop vite en besogne d'après moi. Elle n'est pas toute blanche non plus... Voilà, mon point de vue à moi. Évidemment, il n'impacte en rien sur l'histoire. Les canevas sont déjà posés.
Voilà, j'attends les vôtres et sur ce, je vous souhaite une excellente nuit. Prenez soin de vous surtout et continuez de rêver.
Love guys 😜❤️.
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