Happy Birthday
Holy
Je ne peux m’empêcher de sentir ce vague dans mon âme. Que m’aurait-il offert comme cadeau d’anniversaire, si nous étions encore ensemble ? Enfin, si j’étais encore sa marionnette, la fille qu’il a menée par le bout du nez, comme il me l’a rappelé la veille.
Peste porcine ! Pourquoi je pense encore à cet insecte ?
Qu’est-ce que je peux être hypocrite parfois. Je n’ai jamais cessé de pensé à lui. Surtout pas à la misère que je vais lui faire lorsque j’aurais enfin de quoi lui presser les couilles. Plus sérieusement, je me lève, et me couche avec cet idiot dans la tête. La seule différence est qu’à présent, ça fait mal à chaque fois. Alors c’est avec des envies de meurtre que j’ouvre désormais les yeux.
Aujourd’hui plus les autres jours j’enrage. C’est mon anniversaire. J’ai beau avoir soulagé ma conscience auprès de mon cousin, et travaillé sur ma culpabilité avec Evaluna, les mauvaises habitudes continuent d’avoir la peau dure. Aussi, tout comme les années précédentes, je n’ai rien prévu pour célébrer mes vingt-quatre ans, si ce n’est aller faire un tour au cimetière avec mon cousin et papoter avec le mort. Pas vraiment du papotage, si considère que Faye et moi avons tout dit et lui, rien.
Toutefois, Maelys s’est assurée que le jour vibre sur un autre diapason que celui de la morosité que j’ai pris l’habitude d’y déverser. Elle a programmé sa BabyShower pour égayer l’atmosphère assez pâle qui règne dans la famille depuis mon dérapage, même si les hommes ne sont pas invités. Faye a d’ailleurs fait la tête, détestant l’idée de se rendre au Hood tout seul ce vendredi.
Dans l’ensemble, l’ambiance est bonne, bien que n’étant pas de mes préférées. Moi plus ça fait du boucan, et mieux ça me convient. Joyeuse, colorée de blanc et de rose, il y aurait l’affiche « bienvenus chez les Bisounours » placardée à l’entrée du domaine que ça ne choquerait personne. Le gris clair de la villa des futurs mariés ne pourrait pas mieux se porter qu’à cet instant où il est mis en valeur par des spots de lumière tamisée. En gros, on a un rendu pataugeant entre le vintage et le contemporain. La musique soul en fond sonore va de pair avec l’atmosphère paisible et maternelle des lieux. Et le clou de ce spectacle de niaiseries, c’est l’absence d’alcool.
C’est donc la raison pour laquelle je suis en train me saouler au jus d’ananas, tentant de m’arracher de la tête et du cœur mon pire ennemi, tout en perpétrant les mêmes gestes que lui. Ouais parce que, monsieur ne boit pas. L’alcool nui au bon jugement d’après ce dernier. Quel crétin ! Aujourd’hui je comprends qu’il était juste conscient des risques qu’il courait en se saoulant en ma présence. Un mot de travers, et tous ses plans seraient tombés à l’eau.
Et pourtant, c’est ivre qu’il m’a presque dit qu’il était… intéressé… enfin, réellement intéressé par moi.
Oublie ces bêtises Holy.
Mais comment, alors que mon cœur brûle de ce feu de forêt ; celui-là qui s’étend au gré du vent, autant en force qu’en largeur ?
Il y’a ce truc qui brûle ici à l’intérieur. Ce truc que je ne ressens qu’en ta présence. Tu es ce feu, ma beauté… Ma reine.
C’est plus que certain, il mentait. La seule et unique vérité est qu’à ses yeux, ce soir-là comme tous les autres qui ont précédés et suivis, je n’étais qu’une paire de fesses baisable en plus d’être un instrument qui ne servirait qu’à faire voir le jour à ses desseins. Ceux-là même dont je ne sais absolument rien. Je crois que c’est ce détail qui me chiffonne le plus. Ne pas savoir quel a été le prix de mon humiliation… De la destruction de mon cœur et de mon honneur.
–– Je n’arrive pas à croire que j’ai renoncé à mes vacances pour organiser le mariage de mon ex.
Heureusement que cette folledingue a ramené ses fesses et ses problèmes. Les miens commençaient déjà à me mener vers la vallée des Bravos. Je ne crois pas que ç’aurait été classe de me laisser aller de cette façon devant le monde. J’en connais qui en resterait sans voix. Ils ne connaissent pas cette femme fragile qui vit pourtant en moi et que j’ai consenti à laisser libre, à travers les yeux de Sinclair.
Ne dit plus son nom…
Ouais, j’arrête. De toute façon, l’excitation finit toujours par se transformer une pernicieuse nostalgie. Et au final, je suis la seule à en souffrir. De ce manque qui me court-circuite l’estomac. De ce froid imaginaire qui m’irrite la peau. De ces regrets tellement gros qu’ils coincent dans ma gorge, l’endolorissant par la même occasion. De de ces larmes qui mettent le feu à mes cornées.
–– Ton ex fait partir de ta famille, Clover, m’amusé-je plus pour me voler un sourire à moi que pour l’embêter, quoique l’envie ne me manque pas.
Elle crève de jalousie depuis que le ventre le Maelys a commencé à se voir. À cela s’ajoute le fait qu’elle ait à nouveau rejoint la longue liste de célibataires de New-York, après avoir largué Mark en se basant sur ma simple parole. Je n’ai pourtant pas été prolixe sur les accusations contre ce dernier. Faye et moi lui avons juste assuré que ce dernier a aidé les Delano à compoter contre nous. Si je salue sa loyauté, je remets aussi en cause la force de leur relation. Moi jamais je n’aurais jeté l’autre crapaud aux oubliettes sans preuves concrètes.
Fait-on plus stupide que moi dernièrement à New-York ? Aucune chance. Même lui m’a traité de « restes », c’est fou... Ça tue surtout.
–– Moque-toi Mandy, me suit-elle dans mes badineries infantiles, nous entraînant dans un fou rire sincère, grâce sa fausse voix nasillarde. Tu sais qu’il y a des jours où j’ai envie de t’arracher la tête, stupide ?
–– Et elle ose me traiter de stupide. Ce n’est pas moi qu’on verra chanter le jour du mariage de mon ex, pétasse. Pire, faire la demoiselle d’honneur.
–– Sympa le soutien Holy. Tu n’es qu’une vilaine peau de vache de toute façon.
–– Mais à ton service ma vieille, fais-je en poursuivant son verre du mien.
Elle rend un sourire factice au rictus moqueur avec lequel je la nargue sans arrières pensées.
–– Je te ferais remarquer que je ne t’ai pas charrié lorsque ta petite mésaventure avec celui dont on ne doit pas prononcer le nom, a éclaté au grand jour.
Règle instaurée par Faye… Il exècre Sinclair avec une force qui fait peur. Du coup, pour désigner les Delano lorsque nous sommes entre nous, on utilise le mot « pestiférés ». Pourtant il suffit que close mes yeux pour entendre mon cœur crier « mon amour » lorsque sa tête se forme sous mes paupières.
Et souvent quand la douleur provoquée par ces souvenirs commence à devenir insupportable pour mon palpitant, j’ouvre en silence mes lèvres pour soupirer de remord, tristesse et de honte.
Oh ça suffit d’être aussi nunuche ce soir !
–– Parce que tu m’as vu en faire des tonnes dans l’étalage de mes peines ? Ça c’est bien ton truc ça, la Queen des Drama.
Mon cousine pouffe en roulant des yeux. Nous entamons les pentes glissantes, entends-je dans ce geste, même si elle ne le dit pas. J’ai intérêt à vite me ressaisir sinon, ça ira en couilles. Avec Danaé, il faut toujours prendre des pincettes. Hantée par son adoption, elle ne s’est jamais vraiment faite à l’idée d’être une partie intégrante de la famille ––chose à laquelle j’ai grandement participé d’ailleurs en la mettant à l’écart toutes ces années. Elle se sent encore plus seule au monde que moi. J’ai beau en avoir pris conscience ces derniers mois, les vieux réflexes sont tenaces.
–– Tu sais que je plaisante au moins, tenté-je de rattraper mes conneries en passant ma main sur ses épaules pour rapprocher sa tête de boudeuse contre ma poitrine.
Elle se laisse faire, sans répondre à ma question, mais plutôt à ses peines qu’elle au moins a le courage d’assumer. Elle soupire à plein poumons, puis m’étreint très fort après avoir déposé son verre sur la table basse en face de nous. Je profite autant de ce câlin qu’elle, ayant à même titre qu’elle ––si ce n’est plus–– besoin de tendresse qu’elle. D’ailleurs je prévois rejoindre Semy juste après la fête, pour en obtenir davantage.
Ouais, ce n’est pas correct, mais je fais avec les moyens de bord. Et puis, il ne s’en plaint pas non plus alors…
–– Oh non pas elle !
Mon regard suit instantanément celui de ma sœur, et se révulse sur la divine silhouette de Danich Barth. Avec elle la reine mère des pestiférés et le mini pouce de la famille ––Maggy.
Pas de doute, j’ai vite parlé. L’ambiance vient d’être pourrie.
–– Maelys ne m’a pas dit qu’elles viendraient.
–– Peut-être parce qu’elle se doutait que tu ferais cette tête-là, observe ma cousine en pointant de ses cinq doigts mon visage. Celle qui équivaut à un « je ne serais pas venu si j’avais su en avance ».
Et elle aurait eu entièrement raison.
Sous ses airs de déesse de la paix, de l’amour et de la douceur, la fille du gouverneur cache en réalité une vraie hyène. Un visage auquel je suis décidément la seule à avoir droit. Et ce, seulement lorsque nous sommes seules. Encore la semaine dernière nous nous sommes rencontrées à un gala de bienfaisance et cette dernière m’a sciemment écrasé le pied avec son talon pour me voler ma place sur une photo de groupe qui était censée faire la une du Times. Résultat, lorsque le journal est sortie le lendemain, c’était à peine si on voyait ma tête, vue que j’ai dû la cacher pour ne pas exposer la grimace étrange qui me crispait le visage.
Et ce n’est pas tout. Il y a ces comptes anonymes sur Instagram via lequel je reçois en DM des photos d’elle et de l’autre idiot. J’en ai signalé certains mais au bout d’un moment, je me suis lassé. Je la soupçonne d’en être à l’origine de ces comptes, et surtout des messages injurieux qui les clichés parfois intimes qui me parviennent.
J’ai eu envie d’aller la confronter à maintes reprises, bien sûr mais, j’ai à chaque fois fini par laisser tomber. La vérité c’est que, tout le monde me prendrait tout de suite pour l’ex jalouse et vindicative au lieu d’accorder de l’importance à mes accusations. Bon d’accord, je le suis un peu… ou beaucoup, si on s’en tient à mon regard sur elle à cet instant, cependant ils auraient totalement torts de se fier à sa frêle mais tonique apparence d’ange céleste, au regard magnifique qu’elle darde avec une bienveillance presque naturelle sur tous et à sa carrure gracieuse.
Par ailleurs, je ne peux m’empêcher de souligner à quel point je suis différente de cette dernière et donc, combien Sinclair s’est fichu de ma gueule. À côté d’elle, avec mon tempérament de feu et ma verve à la causticité assumée, je suis presque un démon à l’aura imposante et piquante. J’ai le gang dans le sang et la rue dans le génome et ça, impossible de me l’enlever même si je le voulais. Et j’avoue qu’il m’est arrivé de vouloir être une autre. Une comme elle. Une avec qui, il prendrait des photos pour les réseaux sociaux. Une à qui il prendrait la main en public mais bon…
Finalement, je m’aime. Telle que je suis. Il y a participé, je n’ai pas à le nier. Il m’aura au moins été utile à quelque chose.
–– Ignore la, me conseille Danaé, tout en me ramenant dans le monde tangible, elle n’en vaut pas la peine. Je n’ai pas gobé les fausses excuses qu’elle nous a servi la dernière fois.
Je l’avais complètement zappée, cette fois où la blonde nous a accosté après les All star au Madison Square, pour s’excuser de nous avoir je cite « accueilli sans manière, lors de notre dernière visite chez ses beaux-parents ». Comédie, comédie et putain de comédie. Tout comme l’étaient les accolades échangées les parents de Sinclair avec le miens ce jour-là. Tout n’était qu’une sorte de bouche-trou savamment pensé pour noyer l’encre qui avait déjà coulée au sujet des rapports houleux entre les deux familles. J’ai donc dû sourire devant les caméras, tout en prenant cette potiche dans mes bras.
–– Je veux bien. La question est, est-ce qu’elle le veut, elle ?
Je n’ai pas fini de parler que je sourire en toc de la concernée nous est déjà adressé. Seules deux bises respectueusement déposées sur les joues de la future maman, nous séparent du moment où elle entame la marche dans notre direction. Pile poil celui où ma chère cousine décide de me lâcher.
–– Bonne chance Mandy, se moque cette dernière en heurtant comme moi il y’a quelques secondes encore, son verre au mien. J’ai une réputation à tenir. Pas certain que me tienne bien avec bourge dans les parages.
–– Lâcheuse, souris-je sans faire bouger mes lèvres, avant d’avaler un autre gorger.
Cette connasse que fait plus joueuse et m’octroie un clin d’œil avant de tourner les talons.
–– Tu as bien fait de débarrasser de ton garde du corps, enchaîne Danich sans même avoir pris la pose. Nous sommes en public, il n’y a donc pas de risque qu’une de nous sorte les griffes.
–– La seule à sortir les griffes pour le moment c’est toi, soupiré-je sans même lui accorder un regard. Crois-moi que lorsque je sortirai les miennes, tu t’en mordras les doigts.
Et Dixie ne me contredirait pas, avec le visage ensanglanté et apeuré qui lui servit de leçon. Je sais y faire avec les retours de flammes. Alors elle ferait mieux de me prendre aux mots, elle va forcément récolter ses semailles.
–– Tu mourras de jalousie avant, ricane-t-elle à basse voix en exhibant comme toutes les autres fois, son énorme bague de fiançailles.
–– Dis sur ce ton hargneux, on croirait plus qu’il s’agit d’une menace de mort.
Elle se gausse en gonflant les joues.
–– Ne va croire que, parce que vous côtoyez à présent des gens respectables, ta famille et toi l’êtes devenus. Les seuls brigands dans la salle sont, toi et ta race de gangsters du Bronx. Les gens respectables comme moi, ne résolvent pas leurs problèmes de cette façon.
C’est à moi de rire presque au éclat cette fois, devant tant de prétention, d’hypocrisie et ou, de naïveté. Comme le dit si bien ma mère « Tous sont saints, jusqu’à ce que les projecteurs les surprennent ». C’est sur ce principe que fonctionne le monde, cela ne fait plus aucun doute pour moi. Les gens ont cette curieuse prétention de toujours se croire meilleurs que les autres. Surtout en terme de morale, même en se sachant eux-mêmes mauvais. Tant que leurs méfaits restent cachés, eux ils continuent d’entretenir l’illusion. Je n’excuse pas mes parents cependant, avec les amis qu’elle a, tout ce que je sais d’eux et son comportement des plus douteux, mon avis est qu’elle ne vaut pas mieux.
–– Non, les gens comme toi engagent les gens comme moi pour faire le sale boulot à leur place, avant de les enterrer dans leurs jardins luxuriants. C’est bien connu, ponctué-je en levant mo verre à sa santé. C’est surtout une routine dérisoire. Fait attention à tes miches poupée, m’amusé-je une dernière fois, avant de prendre congé cette dernière, sans lui laisser le temps de m’asperger à nouveau.
Je vais me réfugier dans la cuisine pour ne plus avoir à la croiser. Des pas derrière moi m’interrompent au moment où je m’apprête à rassurer ma mère par message. Elle a suivi de loin ma petite conversation avec la fille du gouverneur et s’inquiète, pour m’avoir vu quitter le salon.
–– Bonsoir Holy, fait la petite voix hésitante dans à côté de moi, en me tentant un bouquet de gardénia. Joyeux anniversaire.
Il n’en faut pas plus pour soulever mon cœur et me vriller l’échine à coups de virulents frissons. J’inspire profondément pour me contenir, la tête pleine de suppositions où ne manquent jamais d’apparaître le nom de Sinclair. Sont-elles de lui ? Si oui, pourquoi ? Est-il là ? S’est-il souvenu de mon anniversaire ?
–– Merci… Maggy c’est ça ? La fan numéro un de son oncle, plaisanté-je en répondant à la question que je ne lui posais pas vraiment.
–– C’est ça, acquiesce-t-elle avec fierté en reculant d’un pas.
–– De qui sont-elles ?
–– Il a dit que tu ferais semblant de ne pas savoir, me charrie la petite peste en agitant les sourcils.
Sur le point de faire mon effrontée en vilipendant la petite, Maelys fait son entrée.
–– Ta grand-mère te cherche Margareth.
–– Entendu tante Maelys, j’arrive. Avant je veux juste que tu saches Holy, que je suis certaine que tu es la princesse de mon oncle. Et les princesses sont courageuses.
J’ai droit à un sourire affectueux comme bouquet final, avant le départ de la gamine. Sonnée comme un poisson mort d’asphyxie, je reste à fixer la porte par laquelle Maggy s’est éclipsé en sautillant.
–– Ce n’est pas pour te casser ton délire, mais tu es attendue au sous-sol. Sinclair t’attend près de la piscine.
–– Tu étais dans la combine ! Mae, pourquoi ? Cette petite fille vit encore dans le monde des licornes roses mais toi… Tu sais tout ce qu’il s’est passé.
Enfin, la partie officielle ; celle que tous connaissent.
Ma belle-sœur ne me répond pas de suite. Elle préfère me regarder intensément, avec une pointe de douceur maternelle.
–– Tu sais que j’ai parié avec ton frère ce jour-là à l’église, finit-elle par sourire en s’avançant vers moi. J’étais persuadé que tu le garderais. Et j’en suis encore persuadée.
–– Tu en connais des couples où un partenaire tire sur l’autre ?
–– Non, mais vous serai certainement l’exception.
Je n’ai même plus la force de débattre avec elle, alors je me contente de humer mon bouquet avec appétit. Son optimisme me laisse sans voix. Elle fait malgré tout, chaud cœur avant de le pousser au fin fond de la Sibérie. Mais je ne peux pas lui en vouloir, elle ne connait pas la vraie histoire. Le mal entre Sinclair et moi est si gros, qu’il est devenu incurable.
–– Allé grouille Juliette, Romeo doit s’impatienter. Et ne t’inquiète pas, prenez le temps qu’il vous faudra, je te couvre.
Elle m’accompagne jusqu’à l’étage, d’où j’appelle l’ascenseur sans courir le risque de me faire interroger, après lui avoir confié mes fleurs. J’accueille avec un sourire crispé les derniers encouragements qu’elle me lance dans un murmure conspirateur, avant que les parois du box en métal ne se referment.
Seule je peine à réfléchir, le palpitant en débandade. Une fois au niveau le plus bas, j’inspire un grand coup pour libérer mon ventre de la surtension qui y règne, sans succès. Ledit bassin se trouve au bout de l’allée perpendiculaire à celle qui s’offre à moi, à la sortie du box. Les mains froides, j’hésite devant la porte à double battant de couleur grise. L’exaspération finit par m’emporter, et je crache sur ma timidité.
Il est là. Posté comme une gravure de mode, jambes légèrement écartées, bras croisés à l’arrière et le regard figé sur les eaux luisantes qui réfléchissent la lumière sur son visage dont la beauté est tellement froide qu’elle brûle… Elle me brule, me vole du souffle, du cœur et même de la motricité. C’est de cet homme-là que je suis tombée amoureuse. Débordant d’assurance, imperturbable et discipliné, bien qu’entourée de ce voile invisible de ténèbres. Ça c’est surtout l’homme qui m’a plu au premier regard. Celui j’ai commencé à aimer sans même savoir ce que cela implique réellement, c’est celui de tous les possibles, qui remuait ciel et terre pour me voler un sourire, celui qui me regardait avec l’émerveillement dans les yeux alors que j’avais les yeux bouffis et deux boutons bien collés au visage, celui qui a fait décorer ce qui aurait pu être notre chambre, de la même façon que l’ai ma chambre de jeune célibataire… Une illusion en résumé. Tant de regrets qui m’écrasent le cœur.
–– La petite engueulade de la dernière fois ne t’a pas suffi, et tu es venu pour un round deux ?
Ma mauvaise foi le fera toujours sourire, ça au moins, aucun de nous ne le regrettera. Enfin, j’espère.
–– Je suis venu en paix ma beauté.
En ramenant ses bras vers l’avant, il expose à ma vue une boite noire ornée d’un ruban rouge.
–– Qu’est-ce que c’est ? m’enquiers-je bien qu’ayant déjà une idée, le cœur dans les oreilles.
Pourquoi fait-il ça ? Je sais que c’est un cadeau.
–– Joyeux anniversaire Holy.
J’attrape la boite qu’il me tend en même temps, en lui lançant ce que j’ai de plus noir comme regard, en réserve ––rien de bien flippant en somme car, ratatinée malgré moi par ce geste insensé.
–– Merci.
Mes yeux s’écarquillent devant les quatre longues barrettes pour cheveux, ornées de cristaux d’une roche translucide. Je dirai de la topaze, mais je n’en suis pas sûre. Le bois à la base par contre, c’est de l’Okoumé.
Sur le moment, les larmes me montent aux yeux. Je détourne le regard pour les cacher et me ressaisir en même temps. À quoi diable, joue-t-il ? Une chose est certaine, je ne peux pas me laisser amadouer. Pas même si l’attention est aussi grande et profonde. J’aurais reçu un collier ou une voiture que ça n’aurait pas eu le même effet pour moi. Ces bijoux pour mes cheveux, au-delà du fait qu’ils soient d’une beauté spectaculaire, sont juste la preuve qu’il subsiste un peu de l’homme qui fait battre mon cœur à outrance. Celui qui me connaît, qui m’écoute même lorsqu’il ne me regarde pas. Et même quand je ne parle pas.
Le cheveu c’est tellement symbolique dans ma culture et même pour moi qui ait basé mon entreprise sur son entretien.
–– Dès que je les ai vu, j’ai pensé à toi.
Sur le moment, l’envie de foncer sur lui et me prendre dans ses bras est si forte que je dois serrer très fort les poings et les orteils pour me contrôler. Non, il ne va pas m’amadouer à nouveau. Je ne peux pas me laisser aller à ses gentillesses. Mais merde, il a encore visé juste… Et Re-merde, ça fait encore plus mal. Un mal de chien parce qu’il ravive mais douleurs. Mes chagrins. Tout ce qu’on aurait pu être et qu’on ne sera jamais.
–– Pourquoi tu fais ça, m’emporté-je en fonçant sur lui. Pourquoi, hein ? Parce que peu importe ce qui a bien pu te motiver, sache que moi, plus jamais je ne te ferai confiance. Pas plus que je ne te pardonnerai. Jamais tu m’entends ? Alors tes cadeaux, tu peux bien te les garder.
Sinclair intercepte ma main avant qu’elle ne s’écrase sur son torse, puis d’un geste abrupt me rapproche de lui. Le laser bleu lui servant de regard me scanne comme il sait si bien le faire, et l’espace d’un instant, j’ai l’impression d’être toute nue sous ses prunelles. Son haleine à la menthe givrée devient mon air. Je la suppose chargée massivement, chaque goulée me vrille jusqu’à la plante des pieds. Je tremble. Comme la veille. Comme toujours. J’ai beau haïr cette sensation, mon corps l’adore, presque autant que mon cœur l’adule lui. Proportionnellement à la haine que j’éprouve.
On ne peut plus s’aimer. On s’est fait trop de mal. On s’est dit de vilaines choses. Et au soir de tout ça, je ne peux décemment plus délaisser ma famille pour lui.
–– Holy, c’est juste au cadeau. En souvenir du bon vieux temps.
Embrasse-moi, ai-je envie de dire devant ses lèvres trop, très proches des miennes, et suite aux effleurements de ma poitrine dénudée sous ma robe en blue-jeans, contre son torse couvert d’une chemise blanche, mais me fait rattraper bien avant par la honte et baisse les yeux. Où est passée ma force, ma hargne, ma rancœur et tout ce qui m’a tant de fois donné envie l’écrabouiller sur l’asphalte ? Ses doigts frôlent les miennes pour me retirer la boite des doigts, et je n’oppose aucune résistance. Au contraire, j’exhale par inadvertance un gémissement après avoir une fois de plus expérimenté la sensation de foudroiement si particulière se produisant seulement avec lui.
J’ai l’appréhension le ventre. J’ai l’amour dans le cœur. Je le sais, je le sens une puissante envie de câlin s’empare de moi. À ses côtés, le besoin de chialer aussi. J’ai définitivement l’âme romantique.
L’âme stupide surtout.
–– Pourquoi ? soufflé-je, front collé sur son torse, luttant contre mes réelles intentions. On aurait pu être heureux. Je sais que je t’aurais rendu heureux, je… je te haies tellement.
Je l’entends inspirer avec ardeur juste après. Ses gros bras finissent par m’enlacer et les doigts de sa main libre comme avant, par caresser l’espace entre mes nattes.
–– Chut. On ne doit plus parler de ça.
–– Pourquoi ?
–– Parce que c’est du passé maintenant. Tu sais bien, c’est trop tard.
Le nœud dans ma gorge m’empêche de renchérir tout de suite. Qu’y a-t-il à d’autre à ajouter, de toute façon ? Pour la première fois depuis des mois, nous sommes à nouveau d’accord sur un sujet. Ironiquement, ce n’est pas le plus réjouissant de tous alors que cela devrait-être le cas. Lorsque je m’extirpe de son étreinte sécurisante (encore une ironie), je virevolte en direction de la piscine dont l’apaisement et la couleur me lénifient illico. Je respire à grandes bouffées pour que cette paix retrouvée résiste face aux effets contradictoires de notre promiscuité et à ceux blessants ––quoique véridiques–– des mots qu’il vient de proférer.
–– Pourquoi ces fleurs alors ?
La chaleur dans mon relance l’envol des papillons dans mon abdomen. La salive à la bouche, je serre les mâchoires pour ne pas exprimer le plaisir honteux qui torture mon entrejambe, mon cœur et ma peau. Sinclair me touche sur les épaules, ma peau se granule. Sinclair respire trop près, mon souffle se raréfie. Sinclair me sent, mes paupières se closent.
–– Pourquoi m’as-tu envoyé des fleurs pendant que j’étais à la clinique ?
Ce murmure a raison de moi, je lâche du lest. Le gémissement qui s’en suit marque ma défaite. Tout comme la réponse à cette question résume toute ma faiblesse. Mon cœur ne m’appartient plus, voilà mon malheur. Cependant, je ne peux l’avouer car, plus que mes peurs, je respecte ma douleur. Aussi, j’observe le silence, certaine que la culpabilité plutôt que mon amour pour lui, s’élèvera comme seule réponse de ce mutisme.
Un peu de nerf, un peu de dignité. Entre nous, c’est irréparable.
–– Joyeux anniversaire Holy, fait-il une dernière fois contre mon oreille en pressant la boite contre ma poitrine, certainement las d’attendre cette réponse qui n’arrivera jamais, avant de s’en aller sans se retourner.
Sinclair…
Ils sont là. Une semaine assez compliquée. Je n'ai pas beaucoup écrit. D'ailleurs c'est la seule histoire sur laquelle j'ai pu avancer.
Vous le comprendrez, le tome s'annonce plus romantique. Alors, on va un peu trop pleurer😭😭😭. Moi en tout cas j'ai pleuré en l'écrivant.
Pourquoi aimer doit faire si mal? J'en sais rien... Par contre, je crois savoir comme beaucoup ce que ça fait de se faire larguer comme une vieille chaussette.
Alors, comment vivez vous ce nouveau chapitre ? Que pensez vous de nos héros ?
J'attends vos commentaires ❤️😊.
Sinon, portez vous bien et faites attention pour ce qui vont être déconfinés. Gants, masques, solutions hydroliques, n'oubliez rien. 1m de sécu... Respectez vraiment tout... Quand on meurt, c'est pour toujours 😬😭....
Je vous dis à très vite.
Love guys 😜❤️
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