Game over

                         Holy









Le désespoir est comme une nuée ardente. Dangereux, destructeur et d’une véloce soudaineté. Il ne laisse aucune possibilité d’évasion, ne s’annonce pas et tue de ce fait à coups secs. Il n’est pourtant que le précurseur du pire, bien qu’il soit lui-même déjà le paroxysme du malheur. C’est comme trembler à l’arrivée d’un tyran, mais souffrir encore plus des à-coups de sa sadique armée.
Tristesse, rage, colère, révolte, voilà tout le sérieux de la situation. Ils sont au désespoir ce que la toxicité des gaz et les ondes de choc sont aux nuées ardentes. Le désespoir, une affliction des plus extrêmes ne trouvant jamais de remède. Une douleur qui désespère de ne jamais être apaisée, un cri de détresse qui jamais ne tombe dans une oreille favorable. Le pied écrasant cet accélérateur, il y a quelques minutes à peine, j’ai goûté au désespoir. Les yeux posés sur mon amour à genoux, au milieu de ces monstres armés, je revis le désespoir.



–– Sale garce ! m’énervé-je en fonçant sur cette traitresse, comme un taureau excité par un voile pourpre.




Oui, parce qu’il faut aussi savoir que le désespoir peut-être une arme, une motivation. Le déclencheur. On dit bien « qui ne risque rien n’a rien », non ? Moi je dis, en me basant sur les derniers évènements de ma vie, que c’est au sacrifice que vont les plus grands miracles. Je ne vivrai pas, si Sinclair venait à mourir. Cependant, je tiendrai le coup assez longtemps, si comme je l’espère j’arrive à créer diversion, quitte à me prendre une balle perdue, pour lui interdire de renoncer à la vie après moi.

Malheureusement ou heureusement, je n’en sais rien (dans un moment pareil, rien n’a plus de sens de toute façon), je me fais plutôt sangler et soulever du sol par deux bras forts dont le propriétaire pue la colle forte. Toute ma volcanique attention ne serait pas destinée à Danich, que je prendrais un peu de mon temps pour lui demander de voler de la vraie dope à ce radin de Diego, tellement ça schlingue son truc.



–– Lâche-moi trouduc ! C’est une histoire de femme. Je vais me la faire cette fille. Tu vas regretter d’être venue au monde salope.



Sinclair tente un mouvement dans ma direction, mais se fait aussitôt recadrer par deux coups de battes stratégiquement appliqués sur ses jambes, puis sur son dos. Il s’écroule dans une douleur mortifiante. Son gémissement horreur m’arrache le cœur, la gorge et toutes mes forces.



–– Mon amour, geins-je éteinte, au bord de l’évanouissement.



–– Tu la fermes, gronde Diego dont l’arme pointe à présent tournée vers moi. Tu la fermes où il va en chier, cher princesse.



–– Comment se fait-il que tu sois là ? Qu’est-ce que tu as fait à Dixie ?



Je lui crache au visage. Voilà qui suffit à me faire toucher-terre à nouveau, avant de recevoir la gifle de ma vie. J’aurais été en bois, que je me serais assurément cassée. La joue en feu, mais pas que, je souris quand-même au visage furibond de la Barbie aux yeux pervenches.




–– Je t’ai sous-estimée Barbie. Tu frappes fort, minaudé-je juste pour mieux l’embêter, perdue dans les tréfonds de mes espoirs perdus. J’ai mal au cou. Fais chier.



Les possibilités il n’y en a pas des masses, mais l’une d’elle implique que je meure ce soir aux côtés de l’amour de ma vie. Pire, avec toute sa famille prostrée et craintive, et ironiquement, grâce à laquelle j’arrive encore à me consoler, en me disant que ça a du bon d’avoir grandi à la dure. Moi je suis une Tiger, je courbe l’échine devant personne.




–– Ne joues pas à ça salope. Je t’ai posé une question ou peut-être tu veux voir Sinclair saigner.
Fichue talon d’Achille. L’amour est une plaie.




Voir Sinclair ramper à plat ventre suffit à me remettre les pendules à l’heure.




–– Tu aurais dû me prendre au sérieux tout à l’heure Violetta. Je lui ai roulé dessus, esbroufé-je, sans me douter qu’ils s’en contenteraient.




–– Incapables, s’emporte Diego sur cette révélation. Je suis entourée d’incapables.




–– Tout n’est pas joué, calme toi.




–– Je ne reçois d’ordre de personne minette. Soit-elle fille du président ou du pape. Est-ce que c’est clair ?




Bien, jubilé-je intérieurement. Une dispute interne. Quoi de mieux…




–– Où est ma fille Holy ? Est-ce qu’elle va bien ?




L’idéal aurait été que Neil ne se la ramène pas, mais voilà, il est inquiet et personne ne peut le lui reprocher. Dommage seulement que son empressement soit la gouttelette d’eau qui éteint notre dernière lueur d’espoir à tous.




–– Je l’ai emmené en lieux sûrs ne t’en fait pas, elle ira bien.




–– Elle a certainement eu le temps de prévenir quelqu’un, conclut aisément Danich. Vite, il faut se dépêcher.




C’est exact, Mark doit-être en chemin avec d’autres gars pour voler à notre secours. Mais à présent, je doute qu’ils soient là à temps.


Après être passé au cabinet, j'ai appris de la secrétaire, Malik je crois, que je venais de manquer de peu les deux frères. J'en ai informé Mark et d'un commun accord, nous avons décidé qu'il rappliquerait si cinq minutes après mon arrivée chez les parents de Sinclair, je ne donnais pas de nouvelles. Quant à moi, j’étais censé tout faire pour gagner le plus de temps possible. Neil vient de tout gâcher. C’est la fin, alors autant mieux la passer auprès du seul être qui m’importe dans toute cette pièce.
Je profite du temps de réflexion que s’accordent ces fous furieux pour me ruer sur Sinclair dont la main est restée tendue vers moi tout ce temps.




–– Pardon, souffle-t-il à peine je le frôle.




Ma douleur est vive, mon fardeau est pénible. Et dans mes blessures vont toute mon énergie, les dernières. Elles vont à lui, pour le soutenir face aux brulures de l’angoisse, de la culpabilité et de l’impuissance qui je sais, le tourmentent bien plus que les douleurs physiques à l’instant. Le cœur ouvert à coups de regards mouillées, semblables à des coups de lames aiguisées, je saigne à vif.


Ma gorge se serre, ses yeux rougis sont ce que j’ai vu de plus triste de toute ma courte existence. Ils restent beaux, mais si sombres à présent qu’ils me volent tout. Tout ce qu’il me reste comme lumière. Lumière qui je l’espère, ira s’éterniser entre ses magnifiques prunelles. Ce bleu qui m’envoûte, qui me tue, qui m’a tout pris, tout appris. Tout, mais surtout la vie. L’amour dans l’abandon, dans le désintéressement et le pardon.




–– Tu es quelqu’un de bien Sinclair, quoique tu aies fait, je t’aimerais toujours. Tu es l’amour de ma vie. Ne t’excuse plus, on a grandi, tous les deux.




–– Oh comme c’est mignon, ricane la révélation satanique de l’année, j’ai nommé Danich Barth. Non, vous êtes diaboliques tous les deux. Comment arrives-tu à le regarder en face en lui sortant de tels mensonges ? C’est un monstre. De la racaille, comme toi. Et à présent je comprends qu’il t’ait toujours préféré.




–– Tu peux parler, tiens. Monstre en chef.




–– Elle est folle, m’accompagne Sinclair, dans ce qui pourrait-être notre dernier rire ensemble.




Un rire souillé d’amertume, même si sincère. Tellement sincère que la complicité qui en émane rend encore plus malade de jalousie, cette mal-baisée qui selon moi, doit avoir totalement perdu l’esprit pour en être là aujourd’hui, sous l’emprise d’une folie meurtrière ––folie d’amour. On l’entend longtemps sniffer sa haine, après qu’elle ait brusquement interrompu notre rire par un cri strident et glaçant du type « goéland en colère », si comme moi on préfère la tourner en ridicule malgré les appréhensions et la peur bleue de la mort. 




–– Voyons voir si tu ris encore après ça.




D’un geste sec et abrupt, elle m’arrache à la main moite de Sinclair. Elle tire si fort sur mes braids, que je suis obligée de lui obéir. La douleur sur mon cuir chevelure est à chier, je la soupçonne de m’avoir arraché une tresse, cheveux avec ––il va de soi. Lorsque la torture s’apaise, je suis à genou, face à Sinclair qui se débat, hors de lui entre deux larbins de Diego. À genou lui aussi, l’un retient ses bras en arrière tandis que l’autre le menace d’une arme collée à sa tempe.




–– Tu peux me torturer, entame-t-il au bout d’un rugissement féroce, la tuer si tu veux, mais jamais je ne t’aimerais espèce de tarée. Alors je te préviens, tue-la, mais tue-moi vite ensuite parce que je te jure, je t’emmènerai avec moi faire un coucou à Lucifer.




Nos regards se croisent dans cet étang de cris de détresse et suppliques à jamais ignorées. Je connais ma dernière euphorie, le souvenir de chaque étreinte Celui du goût de notre amour, autant bercé par une passion dévorante que par une tendresse inouïe, celui des effluves toniques de ce qu’a été le sexe entre Sinclair et moi. L’extase, l’apothéose, le paradis, à chaque fois. Lui et moi, uns pour toujours… Jusqu’au bout.


Jusqu’au bout… ces paroles anodines, déclarées en des temps difficiles aussi certes, mais pas autant que la situation actuelle, prennent aujourd’hui leur sens. Et si je meure, je crois je vais en paix. C’est certainement pour cette raison que je souris alors qu’il continue de me demander pardon en silence, les larmes sur les joues, comme il m’a très rarement été donné de voir, tandis Diego d’une voix agacée, tranche en appuyant le canon contre ma tempe.




–– Attachez-le, ordonne-t-il à ses hommes. Le but n’est pas qu’il meure, mais qu’il souffre. Qu’ils souffrent tous, alors ce sera elle. De toute façon, c’est elle et son détective de malheur (paix à son âme d’ailleurs) qui nous ont mis les bâtons dans les roues. Ce pauvre fou enquêtait sur toi Memphis, tu le savais ? Encore une de tes victimes. Mais laissons ça à ta conscience.




Mon cœur me tombe dans les talons à cette annonce, mes paupières se rabattent sur un flot de larmes autonomes. Le froid de la culpabilité, du remord et surtout de la tristesse s’abat sur moi. Je le savais déjà, Dixie nous l’a dit à Mark et moi avant de se faire embarquer, mais j’ai choisi de l’occulter pour essayer de sauver ce qui pouvait encore l’être.

Pardon Semy…




–– Du reste, quand on y pense, la suite risque d’être des plus intéressantes. Ils ont la rancune tenace les Tiger. Mais ça vous devez le savoir. Je serai déjà très loin lorsqu’ils découvriront le cadavre de leur fille chérie, et devinez un peu sur qui ils vont déverser leur colère… Bon assez discuter. Le renfort s’amène à ce qu’il parait. À dieu ma belle.



Et il presse la gâchette…

Le silence laisse la scène au gémissement d’anticipation, emprisonné dans ma gorge, avec l’appui de mes mâchoires vissées et de mes paupières durement entrechoquées. Le flingue est vide. L’effet de surprise ramène a peut-être calmé les plaintes et les grognements, mais cela ne dure qu’une brève seconde, parce que Danich dans tous ses états s’empresse de corriger son erreur…


Sauf que là encore, rien du tout. Ç’aurait le moment parfait pour une révolte d’ensemble, seulement, une dizaine d’autres flingues nous entourent, le choix reste large. Les yeux fermés, je l’entends exiger celle d’un autre dans les alentours, non sans avoir maudit un certain Spark pour ce mauvais travail. Cette fois, le cœur au galop, je sursaute avant même qu’il ne presse la gâchette.




–– Abracadabra, que la balle ne sorte jamais ! s’exclame alors une voix hilare dans mon dos.




Pris de panique, Diego appui incessamment la gâchette. Dommage pour lui, elle ne libère jamais la balle. Simplement parce que comme tous les autres révolvers, celui-là aussi est vide. L’entrée théâtrale de mon père, suffit à faire courir mon cerveau : ceci est son œuvre. Et sans surprise, l’excès d’adrénaline dans mon corps je le décharge sur Danich restée comme paralysée à mes côtés.




–– Ça fait si longtemps que je rêve de faire ça.




À califourchon sur elle, je fais basculer sa tête de gauche à droite au rythme de cinq gifles. Je m’apprête à lui donner la sixième lorsque, comme tout à l’heure une armoire à glace me soulève dans les airs.




–– Calme toi poussin. À chaque jour suffit sa peine. Va plutôt détacher ton preux chevalier pas très chevaleresque.




–– Ne m’appelle pas poussin, papa. Et n’insulte pas mon mec, je suis suffisamment en colère. Tu savais tout depuis le début, et tu n’as rien fait !




–– Comment ça je n’ai rien fait ? Je suis là. Mais on en parle plus tard, tu veux bien ? J’ai Comme tu peux le voir, j’ai de l’ordre à remettre en ces lieux…




Il achève sa phrase par un coup de canne dans l’abdomen de Diego qui a comme qui dirait, soudain perdu sa langue.





–– Tu serviras d’exemple à tous ceux à qui l’envie de toucher à un cheveu de mes enfants, viendra dans la futur. Pauvre commerçant de trottoir. Ramassez-moi cette ordure. Judicaël, vous suivrez la fourgonnette postée dehors. Shark vous attend. Klaxonnez deux fois en partant, pour que la petite puisse entrer. Les autres, on libère les employés et on…




–– On appelle la police, le coupe Hamilton.




Mon père rit. Il est sarcastique, mais menaçant aussi.




–– Les Tiger ne règlent pas leurs affaires avec la flicaille.




–– C’est ma maison et c’est moi qui décide.




Je n’en ai que foutre de leur dispute à deux balles, le dernier tour de corde desserré, je me jette contre mon amour, palpitant de reconnaissance, mais aussi et encore, de frayeur. Ses doigts s’enfoncent dans ma chair avec la force de la sombre douleur qui lacère son âme. Il tremble lui aussi, il a failli mourir lui aussi. 




–– Pardonne-moi. Pardonne-moi.




–– Je t’aime Sinclair, susurré-je à son oreille à mon tour. Jusqu’au bout. Avec tes erreurs et ton passé. Je t’aime malgré tout ça.




–– Je vous interdis de hausser le ton dans ma maison !




On n’aura jamais la paix avec ces deux vieillards entêtés, songé-je, exaspérée en quittant l’étreinte de Sinclair pour lui laisser la possibilité d’aller auprès de sa mère. Assise près d’Archie, cette dernière parle à son second fils accroupi à côté d’elle, l’air ailleurs et essoufflée. Plus que son regard, sa moue pincée fait état de la situation : elle en veut à Sinclair.




–– Maintenant que tout est fini, monsieur se la ramène. Vous étiez où avec votre putain de police quand ce taré pointait son flingue sur ma fille ?




–– J’ai dit, en aucun cas je ne veux être mêlé à vos sales histoires.




–– Mais sales histoires ? Mais sales histoires, mais vous entendez un peu Hamilton ? Je nettoie votre bazar et ce sont mes sales histoires ? Je viens de vous sauver la peau du cul, je vous signale.




–– Et alors, vous attendez que je vous fasse une révérence peut-être.




–– Non, juste fermez-la et laissez faire les professionnels, d’accord ?




Un soupire à mes côtés m’arrache à cette scène assez cocasse. On est à deux doigts d’une bataille de coq, sans rire.




–– Si tu veux mon avis, c’est l’adrénaline.




Je pouffe de rire.




–– Moi je vois surtout, deux vieux bornés et têtus. On n’aura jamais la paix, c’est moi qui te le dit.




Neil m’accompagne dans mon rire, puis plus silencieusement, nous échangeons un câlin.




–– Merci pour tout Holy. Tu as sauvé ma fille, je ne l’oublierai jamais.




–– Tu ne me dois rien, ne t’en fais pas. C’est à ça que sert une famille, on se serre les coudes.




–– Boss, et qu’est-ce qu’on fait d’elle ?




Judicaël met ainsi en pause, la chamaille inutile entre le père de Sinclair et le mien. La blonde légèrement encore dans les vapes, peine à se remettre debout.




–– Elle devra répondre de ses actes devant un juge.




–– J’aimerais bien voir ça, bredouille cette fois l’indexée. Vous ne pouvez rien contre moi. J’ai une famille qui m’attend moi, pas comme ce Diego, il ne manquera à personne. Et vous signale cher Hamilton que je sais des choses sur vous et votre famille. Alors vous allez gentiment me laisser rentrer chez moi, et on va tous faire comme si rien ne s’était jamais passé. Je vous préviens, si l’un de vous tente quoique ce soit dans les jours à venir, je le saurais, et croyez-moi, vous le regretterez très chers.




–– C’est exactement ce que j’étais en train d’expliquer à notre cher maire jeune fille, s’amuse alors mon père qui, contrairement à ce que tous peuvent penser à l’instant, sait très bien où il va nous mener avec cette fausse gentillesse.




La blonde fait bien de se méfier d’ailleurs, mais avec les baffes reçues, il n’est pas évident que quoi que ce soit tienne bien longtemps dans son esprit. Alors aussi vite qu’ils sont apparus, ses doutes s’évaporent. Mon père s’écarte, manque même de lui faire une courbette pour la laisser disparaître du paysage, sous mon regard haineux, puis revient à Hamilton.


L’envie de la rattraper ne manque pas, mais il faut reconnaître les faits, et ceux-ci jouent en sa faveur.




–– Ce coup à la tête vous a dépourvu de tout bon sens mon pauvre. J’aurais pu arriver un peu plus tôt, mais voilà, c’était un peu ma vengeance. Sinon, entre nous cher monsieur le maire, les fédéraux ? Vous tenez vraiment à ce qu’on déterre vos cadavres ? Oui parce que bien que vous vous obstiniez à le nier, vous en avez, et il y a longtemps que je le sais. Tout comme je sais tout de la double vie de votre fils. Alors remerciez déjà le ciel que je ne vous balance, fermez-la et laissez-moi faire.




Ces deux incorrigibles s’affrontent longtemps du regard, plongeant salle dans un silence asphyxiant, jusqu’au moment où les yeux bleus du chef de la famille Delano ploient sous son consentement. Je reconnais la satisfaction dans le sourcil gauche de mon père qui se hausse, puis par ce tic qui l’amène à chaque fois à se gratter l’oreille. Une vraie terreur, ne peux-je m’empêcher de penser en lui souriant, tout de même heureuse, il ne m'a pas laissé tomber.




–– Rangez-moi tout ce bazar les gars on se dépêche ! tonne-t-il sur ce, avant de tourner le dos au maire.




Tout va à une vitesse exponentielle. Tout reprend sa place. La liberté et la quiétude reprennent leurs droits. Jelissa force sur elle-même, et va rassurer les employés, non sans leur interdire, comme l’a préconisé mon père, de parler de cet incident à l’extérieur. Et une fois l’équipe de Diego (ex-équipe puisque Dempsey Tiger est parvenu, dieu sait comment, à la corrompre dans son entièreté) partie, ma mère, Danaé et la petite ne tardent pas à faire leur entrée dans la maison.


Les retrouvailles sont des plus émouvantes entre Maggy et sa famille. Ils l’aiment tous énormément, ça se voit. Mais c’est dans mes bras qu’elle choisit finalement de venir se terrer, pour raconter à tous comment nous en sommes sortis avec Dixie.




–– Alors j’ai fermé les yeux et j’ai senti la voiture tanguer super fort. Tout allait si vite, à vive allure. J’avais ma ceinture bouclée et Holy m’a dit de m’agripper très fort aux sièges et j’ai obéi. Je crois qu’elle a déstabilisé la méchante fille en appuyant sur l’accélérateur. Puis à un moment, plus rien. La voiture a freiné et c’est là que le rouquin est apparu pour nous sauver. Il s’appelle Mark. Holy a dit que c’est un ami de mon oncle, alors je l’ai laissé m’emmener chez madame Armony.




C’est exactement ça. J’ai aussi appris que ma montre à gousset m’avait sauvé. Sinclair y a apparemment glissé une puce pour me géolocaliser à tout instant. Force m’est de reconnaître malgré moi, la pertinence de son geste. Il nous a sauvé la vie.




–– Et il est où Mark ? demandé-je avec une petite mine qui n’échappe à personne, même si tous préfèrent taire le sujet qui m’accable, celui de la mort de Semy.




–– Il aide à faire le ménage, me renseigne ma mère, soucieuse des petites oreilles de Maggy.




–– Et vous, s’autorise enfin Sinclair à prendre la parole, comment avez-vous su pour le plan de Diego ?




L’arrivée des domestiques plonge momentanément la pièce dans le silence. Thé, café, jus d’orange et d’ananas, tout y va selon les préférences. Seul Sinclair n’en prend pas, se refusant de délier sa main à la mienne. Mais il est surtout question de sa peur d’être rejeté.




–– Holy, répond mon père après le départ des filles en uniformes bleu marine. Elle m’a ordonné de m’en mêler. La suite est évidente. Je suis le roi de New-York. Spark me devait quelques petits services. Judicaël avait urgemment besoin d’argent, et grâce à eux, acheter la loyauté des autres, n’a pas été bien difficile. Tu dois être au courant, Judicaël t’a remplacé.




–– Tu aurais quand-même pu te dépêcher papa.




–– Quoi ? se moque ce dernier. Un peu d’action ne fait de mal à personne.




–– Vous vouliez nous humilier, tranche Hamilton dans le vrai, rien d’autre.




–– Je ne nie pas. Je n’ai jamais été hypocrite. J’en ai rien à cirer de ce qui peut vous arriver à tous. Je suis intervenue seulement pour ma fille. Vous êtes responsables de tous vos malheurs. C’est vous qui avez ouvert vos portes à cette blonde sur la base de vos préjugés de merde. Et c’est encore vous qui êtes trop occupé par votre politique à deux balles, pour veiller sur votre famille.




–– Parce que vous êtes mieux peut-être ?




–– Papa, Hamilton, ça suffit. Maggy est là en plus. Contrôlez-vous sérieusement.




–– Neil, tu devrais aller coucher la petite. Je crois qu’il est temps que Sinclair s’explique sur ses actes.




–– D’accord papa.




–– Alors les Tiger n’ont plus rien à faire ici, annonce Dempsey en se hissant sur ses jambes. Chérie, les filles, on s’en va.




–– Sans moi papa, je reste avec Sinclair.




Il roule des yeux, ma mère lui flanque un coup de poing à l’épaule, sous les regards hilares des plus jeunes de l’assistance.




–– Dempsey, Armony, se lève mon petit ami pour leur dire au revoir. Merci pour tout.




–– Nous sommes quitte maintenant, vous vous rappelez ?




Il acquiesce en silence et elle sourit, avec malice.




–– Je n’ai non plus oublié que vous avez aidé ma fille à se remettre de ses traumatismes.




–– Je trouve toujours que tu n’es pas assez bien pour ma fille, intervient mon père, juste après sa femme. Mais entre vous deux, ça à l’air d’être une affaire qui marche et je ne peux rien contre ça. Toi et moi, il va falloir qu’on ait une sérieuse discussion et…




Voir Neil embrasser Danaé en pleine bouche est assez gros je crois, pour couper le souffle à tout le monde dans la pièce, sauf à Maggy, dont les applaudissements seuls emplissent la pièce.




–– Et voilà, ça recommence, soupire Hamilton.




–– Alors c’est comme ça maintenant, bégaie mon père. Vous me faites toute ce coup-là. Ok, ok, ok. On s’en va chérie. Je risque de péter un plomb si je reste ici. Putain, mais qu’est-ce qu’elles leur trouvent à ces…




–– C’est bon on a compris chéri. Ça suffit, on s’en va. Danaé, je te vois tout de suite à la maison.




–– Ouais ma ’an.




Mon père ronchonne jusqu’à la porte, aussi mécontent que monsieur le maire. Ils viennent tous les deux de réaliser qu’ils devront réellement se supporter, jusqu’à la fin de leurs jours. Impossible par contre de savoir ce qu’en pensent leurs femmes, l’une était trop absorbée par toute la frayeur que nous a fait Diego et Danich, tandis que l’autre se trouve être maîtresse dans l’art de la retenue.


La petite couchée, vient le moment pour Sinclair de s’expliquer auprès des siens. On y passe du temps. Entre cris et excuses, pour se séparer au final sur… rien. Rien du tout. Jelissa est déçue et a préféré se taire, quand son mari est simplement resté égale à lui-même. Toutefois, il est facile de les comprendre. On est tous passé à ça, de la mort. Comme Archie, je crois qu’il leur faut juste du temps. Et je partage aussi l’avis de Neil qui soutient qu’ils s’en veulent davantage à eux-mêmes. Eh oui, la vérité elle est là : ils ont leur part de responsabilité dans l’histoire. On a beau devenir autonome en grandissant, nous sommes également le reflet de notre entourage. Mais il n’est jamais trop tard pour repartir de zéro.


Demain sera un autre jour. Je l’espère meilleur, de tout mon cœur et prie la providence avant de m’endormir dans les bras réconfortants de mon homme, de faire en sorte que j’aie raison. Je demande la joie, l’amour, la paix et la santé. Mais tout juste avant de m’endormir, il m’est impossible de faire taire ce murmure amère en moi, qui me reproche de trop en demander…


Le réveil se fait tout en douceur. Pas de sexe et pourtant, je ne me suis jamais sentie aussi satisfaite. Confiante de pouvoir enfin profiter de la vie avec Sinclair, sans plus nous cacher, ni craindre les rancœurs et les colères de personnes. Danich a beau être toujours en liberté, le fait que tous sachent désormais à quoi s’en tenir avec elle, la rend à mes yeux, moins dangereuse.




–– Bonjour.




–– Bonjour. Tu as bien dormi ?




Je n’ai pas le temps de lui dire que je l’ai entendu trois heures de temps éveillée, tandis qu’il déchargeait ses émotions sur le sac de boxe. Son téléphone sonne, et je le laisse décrocher. Pour gagner en temps, je fais taire mes inquiétudes, me contente d’un baiser sur le front, avant de m’enfermer dans la salle de bain pour une douche rapide. Il faut continuer à vivre, mon travail m’attend.




–– Danich a eu un accident hier nuit, m’annonce Sinclair, une fois assise près du plan de travail. Elle n’a pas survécu.





Surprise, ça oui je le suis. Je ne m’attendais pas à une telle nouvelle. Bon d’accord, j’ai suspecté que mes parents ne la laisseraient pas s’en tirer de si bon compte, mais… enfin… je crois que j’ai du mal à me concilier avec l’idée d’avoir souhaité sa mort et que mon souhait ait été aussi vite exhaussé. Pire, je ne ressens aucune compassion. C’est dur de composer avec cette part d’ombre.




–– Je m’en doutais bien. Mon père était beaucoup trop serein, ça cachait forcément quelque chose.




–– Elle n’a que ce qu’elle mérite. La seule chose qui me désole, c’est de ne pas avoir pu le faire moi-même.




–– C’est du passé maintenant. Oublions tout ça.




J’ai droit à un sourire, avant de me faire déshabiller du regard. L’effet est immédiat, je me consume sous mon ensemble tailleur de la couleur de mon sang. Mais dommage, il est déjà l’heure.




–– Ce n’est pas négociable, ce midi je te nourris moi-même. Si tu vois ce que je veux dire.




Autant la lueur de lubricité dans ses prunelles que le ton lascif employé m’en sont témoins, je vais m’en prendre cher.




–– Tout ce que vous voudrai monsieur. J’ai hâte de le prendre cet en-cas. Je suis toute à vous.





–– Je n’en demande pas moins, me susurre-t-il à l’oreille, avant de refermer sa paume de main sur mon sein.




Je gémis, je boue. C’est un supplice, une pareille insatisfaction, le paroxysme de la frustration, que de devoir partir, renoncer à un tel plaisir.




–– Bats les pattes maintenant. Tu vas me mettre en retard.




Sauf que monsieur est un âne, il n’en fait qu’à sa tête et moi je suis faible. Je ne sais pas lui résister, je ne sais plus le quitter. Gagner la porte me prend pour cela plus de temps que prévu, mais lorsque je la franchis, c’est pour emprunter une voie sans retour. Nombreux la trouveront logique. Un juste retour des choses. Une issue en accord avec mes croyances, sauf qu’ils auront manqué une seule chose : comme croyance, je n’en ai plus qu’une seule à présent, et elle s’appelle Sinclair. Aussi, partant de ce fait, non, rien de ce qui suit ne trouvera jamais grâce auprès de mon cœur.

La journée avait pourtant bien commencé. J’ai pourtant prié. Putain j’ai prié, mais bien évidemment c’est cette fichue voie qui avait raison, j’en demandais trop. Beaucoup trop, car mon fichu téléphone a quand-même sonné.




–– Holy, bégaie Danaé à l’autre bout du combiné, c’est Faye. Il… il vient d’être incarcéré. Il y’a apparemment des documents qui prouvent qu’il a blanchi de l’argent quand il gérait ta boite. Nous sommes dans les locaux du FBI, retrouve-nous, dès que tu pourras.



Je n’ai pas le temps d’en placer une, elle a déjà raccroché. Elle me laisse me débrouiller toute seule avec mon cœur démesurément en course, la boule d’angoisse dans ma gorge, le froid dans mes os, et mon corps vibrant de peur.








N'hésitez pas à voter et à commenter.
Le prochain chapitre arrive sous peu.

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