First of all

                       Sinclair











–– Cette fille c’était une vraie salope.



–– Elle l’est toujours. Elle n’a peur de rien. Pas même du diable lui-même. Je suppose que c’est pour ça qu’elle a autant de succès dans le milieu.



–– J’en ai entendu parler. Conseillère en image de renom. C’est vrai que ça doit demander un certain cran d’être en mesure de faire disparaître les frasques des gens et de redorer leur blason, qu’est-ce que t’en dis ?



Dwight soupire, avant de s’illuminer d’un rire qui présage l’arrivée d’une réplique pas très catholique pour ladite Paysana Owen, son premier point commun avec Neil, la fille dont ce dernier voulait me parler avant que les frères Tiger ne nous interrompent.



–– Elle a surtout une bouche en or…



Ces deux connards éclatent d’un rire de connivences, pleins de sous-entendus qui sautent indécemment aux yeux. On ne peut pas dire qu’ils ne sont pas faits du même bois ces deux-là.



–– Ça c’est un frère, scande Neil, invitant le basketteur dans une poignée de main féroce qu’ils échangent aussitôt, sans se départir de leur hilarité un peu malsaine, je dirais.



Leur remous est tel qu’il parvient à attirer toutes les attentions près de la cheminée, là nous nous situons.



–– De vrais gamins, déplore Archie pour deux.



Lui et moi, parce qu’en ce qui me concerne, toutes leurs conneries ont finis par m’assécher la gorge. Même qu’ils sont parvenus à faire passer toute l’euphorie que j’avais encore entre les veines il y a peu, rien qu’avec leurs conneries. Un peu plus et je deviens sourd. Il semble fort heureusement que le ciel ne soit pas de cet avis, et avant que Dwight n’ait pu entamé la deuxième partie du récit que je crois bon de nommer « les déboires sulfureux de la fameuse Paysana », Holy refait irruption dans la pièce, toujours aussi belle et désirable qu’un rayon de soleil.

Ses yeux rouges m’apprennent tout de suite qu’elle a pleuré, mais ne m’inquiètent pas plus qu’il n’en faut. Je suis plus que certain qu’il s’agissait de larmes de joies. Elle a retrouvé l’amour et la protection de son papa, ce qui équivaut aussi au retour de son équilibre et donc du mien.



–– Alors madame la donatrice d’utérus, qu’est-ce que tu dirais si on s’enfuyait d’ici et qu’on allait s’entraîner à y déposer quelque chose, humm ?



La respiration de ma tigresse se bloque pendant quelques secondes, et lorsque cette dernière relâche à nouveau l’air retenue dans ses poumons, comme une fleur soumis à l’action impitoyable et incontrôlée du vent, elle tremble du pied jusqu’à la tête. Je voudrais tellement, sincèrement même, mais les choses sont telles quelles, et je n’ai pas assez d’humilité pour ne pas m’enorgueillir. Comment pourrait-il en être autrement, face à toute la joie que renvoie son visage à chaque fois je suis dans les parages et la bouleversante tendresse qui accompagne chacun de ses gestes aimants, lorsque ceux-ci me sont destinés ? Accrochée d’une main à mon cou, elle caresse de l’autre ma joue, avec une douceur surhumaine. Et que dire alors du regard qu’elle pose sur moi ? Je dirais qu’elle me prend pour un dieu, que ce ne serait pas exagéré. Je dirais qu’elle me prend pour le trésor de son existence, et être sûr de ne pas me tromper.



–– Je dis que mon petit ami est un télépathe. J’allais te demander la même chose. J’ai trop hâte de découvrir cette deuxième surprise dont tu as parlé dans la voiture.



–– Parfait. Et promis, on ira visiter les étoiles.



D’un baiser chaste, ridiculement à l’extrême opposé de cette danse où impudeur et érotisme se côtoieront de si près qu’il deviendra impossible de leur trouver des différences, je scelle cette promesse avec vigueur. Le vigoureux espoir d’une extase par la chair, le sang et les flammes qui aguiche aussi bien mes sens que les siens,




–– Sinclair, me retiens Holy, alors que je suis sur le point de prendre congé, la main posée sur mon avant-bras recouvert.



–– Holy.



Elle sourit en battant exagérément des cils, me sachant faible face à ce geste. Et comme toutes les fois avant cette seconde, je fonds littéralement.



–– Merci.



–– Pour ?



–– Pour tout.



Et cette fois, nous nous pressons juste l’un contre l’autre, dans une étreinte dont le silence n’a d’égale que la profondeur des mots sourds qu’il abrite.
Mon amour, mon amante et mon amie, mon tout j’entends, Holy est mon tout.



–– Allé, on rentre chez nous.



Holy accompagne ses mots d’un mouvement de recul qui nous donne à tous les deux la possibilité d’aller chacun faire nos adieux aux autres. Mon père ne manque d’ailleurs pas de sauter sur l’occasion pour écourter la soirée au grand damne de ma mère qui elle, passait un meilleur moment que lui. Très enchantée par sa conversation avec Maelys et Danaé depuis des heures, cette dernière ne cache pas sa tristesse, mais sans grande surprise, ne contredit pas son mari. Et ils finissent même par quitter la maison des Tiger avant Holy et moi. Un spectacle désolant auquel mes frères et moi assistons en silence, comme tel est le cas depuis des années, sous les regards choqués du reste de l’assistance.

Ma mère n’est pas prête de reprendre les rênes de son couple. Elle ne le sera peut-être jamais. Les a-t-elle seulement déjà eus, une seule fois ? Ma mémoire ne peut me faire défaut à ce sujet et donc, sans hésitation, j’affirme que non. Ça a toujours été aussi malsain entre eux, Jelissa ne fait jamais ce qu’il faut. C’est plus une histoire de domination qu’une relation, Hamilton fait tout ce qu’il veut. Ça me désespère, mais ce ne sont pas mes affaires. Ma mère est une adulte, fragile, mais pas stupide, elle doit avoir ses raisons. Certainement un autre secret honteux. Ils en couvent tellement…



–– On n’a pas à aimer les gens, seulement parce qu’ils sont comme nous on le souhaite. L’amour c’est un tout, c’est surtout avancer, même avec les yeux fermés vers l’autre, l’embrasser et tout prendre. L’accepter.



–– Tu parles de quoi ?



–– De tes parents. J’ai vu la tristesse dans tes yeux tout à l’heure.



Touché, je renonce à démarrer à la dernière minute.



–– Je me fais du souci pour ma mère.



–– Elle n’a pas l’air malheureuse, Sinclair, c’est ça le plus important.



Heureuse ? Le rire me vient naturellement à cette mention. Grâce à Holy je viens d’avoir un déclic. Le plus horrible de tous.



–– Tu sais, je n’y avais jamais songé.



Sa main rampe jusqu’à la mienne, Holy requiert mon attention. Pas pour elle, pour moi. Pour que je puisse me voir à travers ses yeux, et chasser tout l’embarras que mon être croit bon de me faire ressentir, face à mes propres sentiments.



–– Tu étais trop concentré sur la peine que leur relation te faisait à toi, c’est normal.



En un battement de cils, le reste de son résonnement coule jusqu’à mon esprit, dans un gracieux silence. Mon cœur se serre, une douleur béate le perfore, c’est la vérité qui trouve enfin le chemin jusqu’à ce dernier. Un amour véritable me la donne, c’est Holy qui comme personne, me regarde sans œillères, ni hypocrisie. Loin de la maldonne.



–– Elle l’aime. Plus que nous. Ça a toujours été comme ça. Et à cause de cet amour, je n’ai presque pas eu de mère quand j’en avais besoin. J’ai essayé de lui trouver des excuses. Comme le fait qu’elle soit trop malheureuse pour être en mesure de nous accorder un peu plus son attention. Pourquoi ?




–– Il n’y a qu’elle qui pourra t’éclairer là-dessus, mais si tu veux mon avis, ça ne t’avancera à rien. Il est possible qu’elle ne sache pas se l’expliquer à elle-même. La vie est étrange tu sais ? Personne n’a de réponse à tout. Pas même lorsqu’il est question de nos propres choix et actions.




–– Alors il ne me reste plus qu’à essayer de vivre avec, c’est ça ?



Ma tigresse acquiesce, je broie sa petite main dans la mienne, bouleversé et ému. Heureux et gêné. Il n’y a pas d’amertume, seulement du soulagement. Soulagement qui n’en demeure pas moins lourd, lui aussi, d’où l’affliction. Une fois de plus, je me tiens face à elle, tout nu et sans filtres, mes imperfections à découverts, mes lacunes à ciel ouvert. Mon égo en prend un coup, mais il me paraît négligeable, simplement parce qu’en face de moi se tient Holy et personne d’autre.



–– Tout à l’heure ma mère m’a dit quelque chose. Elle a dit que la vie serait ennuyeuse si tout se passait tel qu’on le souhaitait. Ça m’a légèrement irrité, sourit-elle. Je me suis dit qu’elle essayait de se dédouaner de ses nombreuses absences, puis j’y ai repensé, et au fond elle n’a pas tort. Ce ne serait pas drôle. De savoir d’avance les choses ou de les obtenir seulement en claquant des doigts. Tu ne crois pas ? C’est toi qui m’a appris à me battre pour moi, tu te rappelles ? À ce moment-là, j’étais persuadée que ce n’était pas ce que je voulais, mais le temps m’a donné tort. Ce n’est pas pareille je sais… ou si enfin de compte… regarde toi. Tu es indépendant, tu es si fort, si grand. Tu parais presque invisible et je suis certaine qu’il en serait autrement, s’il n’y avait pas cette blessure au fond de toi. Toi tu ne t’accroches à personne…



Tout comme elle n’aurait pas été cette femme aussi vorace que violente, parfaite dans son intensité, si elle n’avait pas connu de près la haine et la mort, je ne serais pas Sinclair, son rocher, le sol sous ses pieds, si je n’avais pas appris très tôt à vivre sans m’attacher. Je n’aurais pas autant de place dans mon cœur pour contenir tout ce qu’elle a à me donner. Je ne serais non plus à même de comprendre, supporter et aimer sa façon à elle d’aimer. Si mon cœur n’était pas aussi vide, dans son excessivité, Holy m’aurait étouffé. Voilà ce qu’elle voudrait me faire comprendre.

Mais je n’ai pas besoin d’en entendre plus, alors je l’embrasse. Avec fougue. Inspiré par le feu qu’elle allume dans mes entrailles tant par ses paroles si sages, si réconfortantes, que par son regard dont la nuance irréelle ne doit sa singularité qu’à l’amour. Je suis tellement fière d’elle, d’être à elle et avec elle.



–– Je m’accroches à toi, je me fie et me confie à toi. Seulement à toi.



Holy écrase une larme sur sa joue, porte ma main jusqu’à poitrine et l’écrase contre celle-ci, en entrechoquant avec force ses paupières. Mon cœur loupe un battement sous l’intensité dont lui fait part, ma paume posée sur celui de ma tigresse.



–– Il y a plus d’amour pour toi dans mon cœur que je n’en ai jamais eu pour personne. Bébé Delano.



Elle m’offre à nouveau son regard, puis sourit, me taquine. Je lui rends son sourire, je la vénère.



–– Viens là.



Nos fronts se heurtent sans douleur au-dessus de nos mains scellées avec ardeur. Je lui dis des choses qu’elle n’entend pas, et elle me fait des promesses que je ne fais que ressentir, plongés l’un dans l’haleine de l’autre, happés par le vain espoir de retenir un peu de cet air qui émane de l’autre. Pourtant je m’y essaie quand-même, traine sur sa peau comme un clébard qui renifle son repas, la respire à grands goulots, sans retenu. Puis je l’embrasse, vorace et impatient. Brutalise avec sa permission ses lèvres aussi pressées que les miennes, prêt à vivre comme si c’était non seulement le meilleur instant de ma vie, mais aussi le dernier.

Il est profond ce baiser, tant sur le fond que sur la forme. C’est une promesse, un serment, mes remerciements et sa foi. Il a la stupéfiante saveur d’une douce mélancolie, la résonnance d’une joie contemplative et le dangereux élan d’une sage folie.
La peur d’apercevoir le tournant, car assurément, je vais foncer, elle aussi, et on va peut-être se rater…



–– Et maintenant, est-ce que je peux avoir des indices sur l’autre surprise ? Allé Sinclair…



Ses doigts palpent sa bouche avec une lenteur affligeante. Je regrette déjà de m’en être détaché.



–– Holy…



D’un geste moue de la main, je lui fais signe de patienter, avant de retirer de mon manteau, l’objet de cette interruption, mon téléphone.



–– Sauvé par le gong, maugrée cette dernière, boudeuse, en s’enfonçant dans son siège.



Oui, mais ça c’était avant que Mark ne ruine complètement la magnifique nuit que j’avais organisé pour ma tigresse et moi, dans la suite présidentielle du Roosevelt, en m’annonçant qu’il sait désormais qui est derrière l’overdose de Holy. Peu de nouvelles ne m’ont autant troublées, et celle-ci en fait partir. C’est une grande découverte, c’est le pire mouvement. Soulagé et irrité à la fois, tout mon être se fait pourtant unanime lorsque vient l’heure de se décider.



–– Changement de plan mon amour. Je suis désolé, mais on sait enfin qui a glissé des champignons dans ton verre cette nuit-là.



Je m’attendais à tout, sauf à ce qu’elle demeure aussi calme. Presque impavide même.



–– Qui s’est ?



–– Un des barmans…



–– Emmet, souffle cette dernière, l’air ailleurs, profondément déçue tout à coup, avant d’inspirer à pleins poumons. Qu’est-ce qu’on fait maintenant, Sinclair ?



–– On, non ma tigresse. Je m’occupe de cet enculé, dès que je t’aurais déposé à la maison.



Les bords de son nez se creusent, elle grimace de désapprobation.



–– Ça c’était tes rêves, Sinclair. La réalité c’est que, tu vas arrêter de faire le macho et m’emmener avec toi.



–– Holy tu m’as entendu, il est dangereux.



–– Tu es là, il ne peut rien m’arriver.



Elle lâche ces paroles avec tout le naturel du monde, comme si de rien n’était, sans se rendre compte qu’elle vient à mes yeux, de me faire la plus belle déclaration d’amour au monde. Elle croit aveuglément en moi.



–– D’accord.



Elle ne me laisse aucun autre choix de toute façon. Persister dans mon refus aurait seulement contribué à nous faire perdre un peu plus de temps. Et du temps, c’est très exactement ce que nous n’avons pas, car d’après les dires de mon acolyte, notre homme se prépare à quitter la ville.

Je démarre en trombe, hanté par ma rage et l’espoir d’en finir assez tôt pour pouvoir rattraper de notre nuit en amoureux, ce qui peut l’être. Figée dans son mutisme, seuls les rides au coin de son œil plissé font état de ses réels sentiments : inquiétude, incompréhension et une déchirante douleur lui écrasent le cœur, et j’en ai la gorge aride. Si sèche que je ne saurais ouvrir la bouche sans m’irriter les cordes vocales, alors je reste droit, me mord l’intérieur des joues pour garder le contrôle, et conduit… jusqu’au moment où je surprends une larme luire sous les projections luminescentes des feux clignotants du véhicule qui précède le nôtre. Ma prise se resserre automatiquement sur le volant, j’étouffe de ne pas pouvoir l’étreindre tout de suite, lécher les plaies de son âme par des caresses tendres, sur sa peau dorée. Et dès enfin cela se fait possible, quelques mètres après un virage nous entraînant dans les ruelles du Bronx, c’est la hâte aussi vive que les flammes infernales de mes craintes et de mon empathie, que je fonce vers sa portière, l’invite à sortir et la presse contre mon cœur, tout en respectant ce silence d’où semble lui venir son secours.

Holy se laisse aller contre moi, me lacèrerait la peau si le tissu de mes vêtements n’était pas aussi lourd. C’est pour dire la profondeur de sa peine. Et aisément, on devine, tout comme on comprendra la fureur de ma rage. Celle qui s’abattra sans précédent sur ce citoyen de seconde zone, pour chaque larme qui balafre autant mon cœur que celui de ma tigresse. Pour cette culpabilité mal placée que sa trahison fait naître en elle.
Il va me le payer. Ils vont tous me le payer, parce que comme nous le craignions, selon les dire de Mark il s’agit bel et bien d’un complot. Et il me tarde d’en connaître tous les morceaux.
Holy parvient à par se calmer sous quelques caresses brouillonnes, apposées par une main troublée elle-même par un désir brûlant de vengeance et donc de violence. J’arrive néanmoins à me contrôler, à être là pour elle, en silence, à l’épauler et à la dorloter.

Un baiser sur le front, elle adore ça, c’est pour elle la marque d’affection la plus tendre dont je fais fréquemment preuve à son égard. Elle me l’a révélé entre deux parties de jambes en l’air torrides, par une nuit plus froide que celle-ci. Elle a dit qu’elle raffole du contact de ma peau, de la chaleur qui s’en dégage, des sensations d’aimantation qu’elle éprouve au rythme de son cœur dont les battements répandent la douleur la plus exquise qui lui a jamais été donnée de connaître, et de l’appréhension cruelle qui lui tord davantage les intestins, alors qu’elle sent abonder l’euphorie dans son sang, comme un feu sacré, porteur d’une nouvelle vie. Elle a dit ça et tant de chose qui m’ont retourné et fasciné, mis à genou, à terre, à ses pieds, vaincu pour toujours. Et je l’ai adoré ce soir-là, comme beaucoup d’autres fois avant et après, même si je me suis gardé de lui dire que son odeur mêlée à celle du citron jette le feu aux poudres dans tout mon corps, et que c’est incontrôlable, comme les flammes dans une forêt en période caniculaire. Par ailleurs, c’est tout juste si j’arrive à refreiner mon envie de faire outrage à la pudeur, là tout suite. Rien ne m’en empêche, la rue est vide et sombre, nous auront pour le seul témoin le vent tantôt agressif, tantôt léger dans nos oreilles et sur nos peaux, et elle est tout aussi fiévreuse, mais l’horloge est contre nous. Plus importe encore, mes promesses enterrent mes pulsions.

Et donc à contre cœur, je referme la portière derrière elle, puis après moi, avant de rouler, tendu, le moins du monde apaisé, car souffrant pour le moment de devoir ronger mon frein pendant encore quelques minutes. Fatiguées émotionnellement, Holy à mes côtés s’assoupie, elle est incroyablement belle. Ça devrait-être illégal de plaire autant. Je ne savais même pas que c’était possible de l’être à ce point.



–– Holy, murmuré-je à son oreille, puis près de ses lèvres, très tenté de l’embrasser une fois de plus. Nous y sommes, réveille-toi.



L’ombre d’un sourire étire le coin droit de sa bouche, quand ses yeux brillent, émerveillés par quelque chose que je ne vois pas, moi.



–– Qu’est-ce que je ferais sans toi ? Tu es en fin devenu un prince.



Elle me tend sa main, et je l’aide à sortir.



–– Tu aurais dû t’arrêter à la première phrase, fillette. Je n’ai jamais été un crapaud.



–– Ah ouais ?



–– Ouais.



–– C’est toi qui le dit. Moi je pense le contraire. Et puis d’abord, tu arrêtes de m’appeler fillette, sinon je t’appelle garçon.



–– Ok.



–– Ok quoi ?



–– Fillette.



–– Garçon.



Coincée entre l’envie de rire et de me tirer les oreilles, elle fronce le nez pour étouffer le tout. Je retrouve un peu de sérénité.



–– Fifille, continué-je de la taquiner, pour chasser la tristesse de ses yeux.



Je n’échappe pas aux représailles cette fois. Un coup de poing, et mon bras s’en souviens sur quelques pas.



–– Non mais quelle plaie ! Ça y est tu as gagné, petit-ami très nuisible à vendre…



Elle rit de ses propres conneries, m’entraîne sans difficultés.



–– C’est bon de vous voir aussi heureux.



Holy lâche ma main, presse le pas vers Mark et l’embrasse beaucoup trop fort à mon goût, mais bon ça va… un peu. Juste un peu, parce que je sais que ce dernier se meurt d’amour pour une autre.



–– Tu y es pour quelque chose. Je ne t’ai jamais dit merci pour ça. Merci de veiller sur lui et sur moi.



–– Je t’en prie Holy. C’est normal. Et sinon ce diner ?



–– Plus tard, réponds-je en saisissant l’arme qu’il me tend.



Perspicace, Mark change d’angle d’attaque, va dans la bonne direction cette fois. Les mains plongées dans les poches de son blouson, Holy nous regarde faire. Si elle est gênée, elle ne le montre pas. Calme, elle est presque sans état. Un leurre, j’imagine. Comme j’aimerais être dans sa tête pour entendre ce qui s’y dit. La situation est loin d’être anodine. Criminel, oui elle me sait être, mais ce ne m’a cependant, jamais vu à l’œuvre. Alors je m’interroge. Normal, je pourrais l’effrayer. Pire, elle pourrait être dégoûtée.

Trop tard pour penser, nous y sommes et reculer généralement, je ne connais pas. Il n’y a donc plus qu’à faire confiance aux promesses que nous nous sommes faits.



–– Je suis passé plusieurs fois au bar poser des questions, nous explique l’irlandais, pendant que nous entamons la marche vers l’appartement de cet Emmet. Je suis d’ailleurs tombé sur lui à plusieurs reprises et à chaque fois, j’ai vu la même nervosité dans ses gestes. Mais comme il y avait plusieurs pistes et que ce n’était pas la première sur la liste, j’avoue, je n’y ai pas accordé plus d’importance que ça. Ce n’est que mercredi dernier, après avoir surpris une femme, je ne sais pas qui s’était, mais elle lui a glissé une enveloppe pleine de billets, et c’est à partir de là que j’ai commencé à tiquer. Cette nuit-là, je l’ai suivie et là j’ai surpris une conversation téléphonique assez troublante ici même dans les couloirs. Du genre pastille, bonne pour ma santé, mais ça m’a quand-même filé des carries. C’est pour vous dire à quel point l’infos était concentré.




Holy rigole de sa métaphore, moi je roule des yeux en pouffant. Il ne changera jamais ce type. Il ne me l’avait pas encore sortie celle-là. Pas étonnant que j’aie toujours la même expression interloquée sur le visage.



–– Enfin bref, il discutait de son crime avec quelqu’un. À aucun moment il n’a dit son nom, mais j’en suis certain, c’était une femme. Je n’en ai pas parlé tout de suite, espérant qu’en le faisant surveiller, son complice viendrait certainement lui rendre visite. Sauf que ce soir je suis passé au Hood, et un de ses collègues m’a appris qu’il a démissionné. Avec l’argent et l’urgence dans sa voix au téléphone, j’ai vite fait le calculer. Ce rat veut se faire la malle.



–– Bien joué mon frère, mais tu crois qu’il se doute de quelque chose ?



–– Pas de notre visite nocturne en tout cas.



–– Je ne comprends vraiment pas. Je croyais qu’on était amis pourtant, se libère finalement Holy en grimaçant de dégoût devant la carcasse d’un rat mort. Putain, ça empeste ici. Moi qui croyait avoir tout connu en matière d’odeurs nauséabondes dans les couloirs de l’immeuble de Faye, je me suis bien gourée.



Elle n’exagère rien. Cet endroit est d’une puanteur insoupçonnée. Rien ne présage un tel bordel depuis la façade de l’immeuble nouvellement rénové. Mais ça explique mieux pourquoi la rénovation n’a pas compté pour l’ascenseur. Ç’aurait été un très mauvais investissement.



–– On ne va pas tarder à le savoir princesse.



Mark désigne du menton la porte trois cent quarante-quatre, et s’écarte pour laisser passer Holy. Sur le point la suivre, je bute, une fois à la hauteur de mon ami et empoigne son épaule.



–– C’est Holy, précisé-je sans animosité, mais suffisamment irrité pour ne laisser couler qu’un sourire acide. Pas ma princesse, pas même chou-fleur, si jamais l’envie te prenait un jour. C’est Holy.



Jaloux ? Diable, que oui. Super jaloux, et je me fiche que ce soit puéril ou que ce soit un ami. Je n’ai pas de contrôle sur le phénomène de toute façon, alors autant mieux faire aller.



–– Compris, sourit à son tour Mark.



C’est un vrai sourire, quoique légèrement moqueur. Je suis ridicule, mais il me comprend, voilà ce qu’il sous-entend.



–– Tu devrais frapper Holy, ça nous évitera d’avoir à défoncer la porte et d’alerter le voisinage. La petite Rent party de son voisin n’est pas assez bruyante pour étouffer un vrai cri de détresse.




–– Il a raison, confirmé-je à Holy dont le regard est à nouveau plissé d’angoisses, avant de revenir vers Mark. Et à ce propos, tu es venu tout seul ?



–– Non, il y a le petit Denzel, juste de l’autre côté de cette porte.



Il désigne la porte d’en face, d’où proviennent les bruits musique, de voix et quelques effluves de joints qui brulent. Tout étant au clair à présent, Mark et moi encadrons la porte pour ne pas être repérés au moment où Emmet ouvrira, puis de sa main fermée, Holy donne trois coups assez vigoureux contre la porte du malchanceux du jour. Ce n’est pas suffisant, il en faut six de plus pour soulever ce barman quelconque qui n’a pour lui qu’un faux sourire, plus bas de gamme que le collier argenté butant contre son torse fait de stéroïdes.

Encore un autre pro de la gonflette, ne peux-je m’empêcher à cet imbécile de heureux de Semy.



–– Holy ? répète ce petit con, les sourcils froncés au-dessus d’un regard écarquillé.



La surprise y est passée, a laissé place à l’effroi. On ne va pas se moquer de ce looser, tomber sur mon sourire carnassier après la gifle monumentale que vient de lui donner ma tigresse, n’a rien de rassurant. C’est même flippant. Ce ne serait pas un rat d’égouts, que j’aurais trouvé sa fuite légitime. C’est toujours mieux que faire dans son froc non ?

Enfin bref, il amorce une marche arrière maladroite, mais n’a pas le temps de refermer devant lui. Avec la porte, je le pousse, libère le passage et l’envoi à sa juste place, sur son planché grinçant, batifoler avec ses semblables. Je ne savais pas à quoi… pardon, à qui j’aurais eu affaire, mais je l’avais imaginé un peu plus vaillant que ça, beaucoup plus intelligent pour être honnête. Il a quand-même réussi à nous échapper pendant longtemps. Mais il n’en est rien. Il n’a pas plus de cervelle qu’un poisson. Il n’oserait pas s’en prendre à Holy et ce, devant moi, si c’était le cas.



–– Sale conne. T’es malade ou quoi ? Tu es venu avec tes gorilles m’assassiner c’est ça ?



Mark ferme à double tours, j’avance à mesure que ce rat, posé sur ses fesses, recule. Holy est juste derrière moi, je peux la sentir. Et pour la première fois, ça me déplait. Sa présence m’empêche de me lâcher, tels que l’exigent mes plus bas instincts. Aussi, plutôt que de lui exploser la cervelle contre les murs jaunis de son appartement étriqué, dominé par une odeur de cannelle, nettement préférable à toutes celles auxquelles nous avons eu droit dans les couloirs de son pourri immeuble, il se prend la semelle de ma chaussure sur le visage. D’une main grelottante, ce cafard se couvre le visage, mais ne se tait pas pour autant. Suicidaire ? certainement. Perspicace ? j’ai toutes les raisons de le croire, parce que son attitude provocatrice ne ment pas, il sait : pour lui, les carottes sont cuites. Son destin est scellé, il rentrera dans la liste des oubliés.



–– Non, c’est son mec. Comme c’est mignon. Il est venu défendre l’honneur de sa pute.



Il n’en faut pas plus pour me mettre hors de moi. C’est donc d’un geste souple, que je dégaine mon arme et la braque sur cet imbécile.



–– Non Sinclair, s’interpose Holy.



–– Ecarte toi Holy. Tout de suite.



–– Hors de question que je te perdre à cause d’une telle erreur. Tu ne peux pas le tuer. Pas ici, précise-t-elle. Je deviendrai quoi moi, sans toi hein, si tu te fais prendre ? Baisse cette arme. Je t’en supplie. Mon amour, s’il te plait.



Ses mots m’apaiseraient plus facilement, si l’autre vermine ne persistait pas dans sa bêtise en jouant les provocateurs avec moi. Mais je cède. Pour elle. Je consens seulement à repousser l’heure du décès, pas à ne pas en être la cause.



–– Maintenant lève-toi Emmet, poursuit ma tigresse, une fois que l’arme a retrouvé sa place à l’arrière de mon pantalon. Comme l’homme que tu n’es pas et donne-moi en face, les raisons qui t’ont poussé à me faire du mal. Tant de fois, grimace-t-elle, en riant sans joie. Parce que tu m’as bien drogué plus d’une fois, pas vrai ?



La pression de rage redouble à cette mention, me bloque les voies respiratoires et il me faut serrer les poings de toutes mes forces pour me contenir.



–– Tout m’est revenu. Les nausées le lendemain, les sueurs froides, les maux de têtes, alors que je n’abusais pas de l’alcool. Et comme toujours, c’est toi qui me les donnait ces verres. C’est avec toi que je passais la soirée à bavarder. Trop triste ces soirées-là, pour aller danser avec les autres. Je croyais qu’on était amis. On a souvent parlé de ta mère, je t’ai même offert tes vacances au Venezuela cette année. Qu’est-ce qui s’est passé ? Qu’est-ce que j’ai fait de travers ?



Holy est à l’agonie devant cet insolent sans cœur. Il n’a pas idée du mal qu’il lui fait avec ses rires monstrueux. Mais il ne perd rien pour attendre.



–– Laisse-la faire Sinclair, me raisonne Mark dont la main m’a retenu au moment où j’allais à nouveau amorcer une attaque sanglante contre ce bâtard, tant j’ai envie de l’étriper de propre main. Elle en a besoin.



–– Tu voulais de l’argent ? s’emporte cette fois Holy qui désespère de ne pas voir arriver ses réponses. Combien ? Combien d’ont-ils payés ? Parle crétin !



Mais il ne le fait pas. Il ne le fera pas de son plein gré ce qui prouve bien qu’il y a plus d’une anguille sous la roche. Pourtant comme moi, la minute d’après il comprend à ses dépens, qu’il a eu tort de sous-estimer la force de persuasion de Holy.



–– C’est contre des gens comme toi que mon père m’a toujours mis en garde. C’est à cause des personnes de ton espèce que je me suis interdite de vivre pendant tout ce temps. Mais c’est terminé maintenant. Et tu sais pourquoi ? le questionne-t-elle sans réellement attendre de réponse. Parce qu’à partir d’aujourd’hui, c’est chacun pour sa gueule. La tienne est foutue, que ce soit ici ou ailleurs. Lui ou un autre, ta tête va rouler sur l’asphalte mon gars, puis se perdre dans l’acide, dans le feu ou peut-être dans l’océan. Le choix se fera à l’humeur. Et de ça je sais, tu t’enfiches. Mais Regina…



Le petit con s’exorbite, la Regina doit avoir de l’importance. Holy le sait, elle le tient, et elle sourit.



–– Ne fais pas cette tête Emmet, voyons. Ne me dis pas que tu ne savais pas qu’avant de vous embaucher mon père s’assure de trouver le talon d’Achille de chacun de vous… juste au cas où ! Non ? sourit-elle, les mains à plat contre le mur, de part et d’autre de la tête de sa proie soudainement effarouchée. Toute personne censée, sait qu’on ne s’attaque pas à un ennemi si on ne le connait pas. On ne joue non plus sur son terrain, sans y avoir fait du repérage au préalable.
C’est à peine s’il ne chiale pas pour de bon. Ma tigresse fait la vilaine fille, et si c’est excitant pour moi, Emmet ne peut pas en dire autant.



–– Ecoute-moi bien petite merde, le menace-t-elle de plus belle. Je ne cillerai pas deux fois si tu m’obliges à m’en prendre à cette pauvre Regine. Pas de pitié, pas de quartier, parce que tu n’en as pas eu pour moi.



–– Laisse ma sœur en dehors de ça.



–– Tout dépend de toi. Je veux des réponses.



N’importe qui jurerait qu’il s’est pris un coup de teaser, avec les spasmes qui secoue son corps au moment où il inspire, nerveux comme mille, en entrechoquant paupières et lèvres.



–– C’est bon, c’est bon. Je vais tout dire. Ne fait rien à ma sœur, je t’en prie.



Un retour à la raison. Ce n’est pas trop tôt. J’ai presque envie de lâcher un « ouf » de soulagement. Dommage seulement que je ne le sois pas. Dommage pour lui.
Pressé d’entendre ce qu’il a à dire, je me rapproche de ma tigresse, colle mon torse à son dos et d’un geste vague de la tête, j’intime au barmaid de grouiller.



–– C’est Dixie, exhale-t-il dans la douleur, avec une rapidité qui pourrait porter à croire que ces cinq lettres lui ont au passage brûlé la gorge.



Ce qui en soi, n’est peut-être pas faux.



–– Je ne sais rien d’autre, je le jure. Elle m’a dit que c’était juste pour te faire peur, m’a proposé de l’argent, et je n’ai pas pu refuser. 



La salope ! C’était donc elle… mais étrangement, un poids me reste dans le creux de l’estomac, avec un arrière-goût d’incrédulité. Mais je crois que je suis plus sonné qu’autre chose, perturbé par une voix, une intuition ou peu importe, qui m’assure qu’on n’y est pas encore, bien que oui, ce faux cul de poule mouillée ait tout balancé… ou pas, constaté-je lorsqu’une lueur malicieuse traverse son regard… si fugacement que, le doute m’emmène à passer l’éponge aussi vite que je me suis figé sur cette impression.

Mark prend néanmoins la peine d’aller fouiller de fond en comble, les misérables mètres carrés de son miteux appartement. Et lorsque Holy juge en avoir assez entendu, elle me cède sa place, mais n’oublie pas de lui rappeler avant.



–– Tu m’as énormément déçu. Je te trouvais sympa. Dommage.



Et cette fois, il y va franchement. Se lâche dans sa folie, avec un rire qui donne froid dans le dos. Plus aucun doute, il est suicidaire… et il a raison. Et à défaut de dernières prières, il nous arrose de son dernier venin.



–– Pas assez sympa pour que j’aie moi aussi droit à ton cul de bourge c’est ça ? Tous l’on bien eu, crache-t-il, railleur, sous mon nez, un sourire taquin planqué au coin de sa bouche. Alors pourquoi pas moi ? Je n’ai pas assez d’argent c’est ça ?



–– ferme-la, petit enfoiré !



–– Ne perd pas ton temps avec lui, Sinclair.



Impossible devant tant d’insolence.



–– Qu’est-ce qui te choque le blanc bec ? Que je veuille baiser ta pute ou que de nombreux autres soient passés avant toi. C’est une vraie petite cochonne tu…



–– Sinclair !



Trop tard : le cafard a déjà tourné de l’œil, j’ai légèrement exagéré en cognant sa tête contre le mur sur lequel il est épinglé depuis que Holy lui a ordonné de se mettre sur ses pattes.



–– Ne t’en fais pas, il n’est pas mort, la rassuré-je, après avoir pris le pouls du corps inerte. Il sera même facile à transporter.



–– Ne plaisante pas, avec un cas pareil sur le dos.



–– Il l’a bien cherché. Toi ça va ?
Elle opine du chef, puis sourit.



–– Viens là, l’intimé-je, en tendant la main vers elle.



Elle s’exécute, puis se love dans mes bras.



–– C’est décidé, dorénavant je t’appelle grand méchant loup, ricane-t-elle, d’une voix essoufflée par l’immanquable tristesse qui l’accable. Avec toutes l’artillerie lourdes. Crocs, griffes et force. Fais quand-même attention de ne pas me mordre, moi.



–– Jamais de la vie.



–– Permets moi d’en douter, gros pervers.



Sa main effleure la braguette e mon pantalon, tendue par la monstrueuse érection en dessous. Ok, je file vraiment un mauvais coton.



–– Tu ne peux pas me reprochez ça. Quelque part dans ma tête, je suis au Roosevelt sur ton corps trempé de sueur.



–– C’était donc ça la surprise, hein.



–– Tout à fait.



Sa prise se resserre et elle soupire. De la lassitude, mais surtout de l’incompréhension de ces vapeurs qui s’éventent.



–– Parfois j’ai cette vague impression d’être condamnée. Entre les demi-bonheurs et le malheur omniprésent autour de moi, je t’avoue que je me sans fatiguée. Heureusement tu es là.



Aucune parole ne saura panser la blessure qui s’est ouverte dans son cœur ce soir, alors je garde le silence et me contente de la réchauffer. Mais je fais confiance à sa volonté, elle va dépasser ça. Dernièrement elle me l’a prouvé, elle est forte.



–– Sinclair ? me relance-t-elle, au bout de quelques minutes de semi quiétude, perturbées par les bruits de la fouille qu’effectue Mark.



–– Humm.



–– Tu as fait ça souvent ?



Je me raidis aussi vite que mon esprit aux aguets saisit le sens univoque de cette question. Mes peurs me reviennent à la figure, avec la même violence qu’un remous de vagues en plein orage. Je vais enfin recevoir mes réponses.
Est-ce que la belle aime toujours la bête ? Acceptera-t-elle que mes mains tachées de sang la touchent à nouveau ?

Je pourrais mentir, mais ce serait stupide. La vérité elle la connait, c’est le fardeau des évidences, mon statut parle pour moi. Je suis Memphis, ça veut bien dire quelque chose. Je pourrais mentir, mais je n’en pas envie, car mes leçons je les ai bien retenues cette année. Certaines vérités libèrent, d’autres enterrent, mais plus important encore, ils en existent qui jamais ne doivent rester dans l’oubli.



–– Oui. Souvent. Très souvent.



Elle s’écarte, me fixe pendant quelques instants qui pour moi sonnent comme une éternité, tant je sais ces secondes décisives. Dans ses yeux analystes, brille une lueur chaleureuse. Je m’interdis de considérer comme un espoir, jusqu’à l’éclosion d’un léger sourire sur ses lèvres.



–– Tant pis, je t’aime quand-même.



Elle hausse les épaules, puis se blottit à nouveau contre moi, me soulageant ainsi de toute la pression accumulée.



–– Il a dit vrai, nous interrompt Mark dont les mains sont chargées d’une enveloppe, d’un téléphone et d’un ordinateur. Il comptait même la faire chanter cette andouille. Tout ça, après s’être fait payé, et en espèce et en nature. Ah, la gourmandise ! soupire ce dernier en secouant la tête, une pointe de sarcasme dans la voix. Un très vilain péché.



Pour étayer ses dires, il nous tend l’enveloppe bourrée de photos assez compromettantes, de Dixie en train de remettre une sacoche pleine d’argent et un plastique de champignons hallucinogènes à Emmet, dans la rue. Il y a aussi un dictaphone. Il retient une conversation ayant tout avoir avec un envoie en mission. Et la mission, nous la connaissons tous. En d’autres termes, cette enveloppe contient de quoi mettre Dixie au frais pour un long moment. Sauf que voilà, les preuves viennent de tomber entre les mains du mauvais juge…



–– Holy, tu devrais rentrer, parce que je t’assure, tu n’es pas prête à assister à ce qui va arriver à ce gourmand.



Holy rend à mon ami sa grimace crispée de gêne, puis colle son front contre ma poitrine. D’un signe de la tête, j’autorise Mark à faire appel à Denzel en attente.



–– Il faut que tu dormes ma beauté. Je vais me dépêcher ici, et je te rejoins au plus vite.



–– J’ai sommeil de toute façon, se contente-t-elle de souffler.



Après avoir fait tourné la clé deux fois, mon complice presse le poignet pour laisser passer Denzel, un jeune homme dont la peau cuivrée est exagérément couverte de taches brunes sur le visage. De quoi calmer les complexes de Holy, sur les points de beauté qui abondent la zone allant de ses tempes à la base de son cou.



–– Salut boss, lance-t-il sans soutenir mon regard, en se grattant inutilement la nuque pour cacher sa nervosité.



Un gâchis, puisqu’il n’y parvient pas. Légèrement amusé par son attitude, le sourire en coin, j’acquiesce pour répondre à sa politesse. Pseudo politesse… car il n’a pas pris la peine de saluer Holy. C’est pourtant la base même de la galanterie, tout gentleman le sait : les femmes d’abord. Il faut croire qu’il n’en est pas un.



–– Ramène ma femme à la maison Denzel. Assure-toi qu’elle arrive entière et en santé, sinon je te tue.



Sa réaction est celle à laquelle je m’attendais, il s’exorbite de frayeur, puis déglutis avec peine. Du reste, la situation semble amuser Holy.



–– Tu as entendu le grand méchant loup Denzel l’impoli ?


Il rougit.



–– Excusez-moi madame, bégaie-t-il ensuite, je… j’ai…



–– On ne me l’avait jamais faite celle-là. Madame, ricane Holy. Mais je prends. Je comprends que mon mec te fasse cet effet-là. Il peut être flippant parfois, alors excuses acceptées.



Lorsqu’elle revient vers moi, elle a le sourire grand et les yeux qui luisent de stupéfaction.



–– Oh le pauvre. Je crois que si je tarde, il va se pisser dessus, tant il a la trouille. Je vais y aller, mais toi ne tarde pas.



Je mords l’index qu’elle pointe sur moi. Suffisamment fort pour lui voler un gémissement de douleur que je fais tôt de calmer en suçant son doigt par la suite.



–– J’ai faim, murmure-t-elle le regard espiègle.



Mark se racle ostensiblement la gorge, nous rappelant que nous sommes entendus, en plus d’être attendus, ce qui ne sert qu’à approfondir l’hilarité de Holy et à calmer par ricochet mon anxiété.



–– J’arrive.



Je ne sais pas trop à qui je m’adresse, mais les deux la prennent pour eux. Quand Mark se replie dans une des pièces d’à côté, Holy elle, retire ses mains de mon torse, prête à partir, mais je la retiens.



–– Tu n’oublies rien par hasard ?



La caresse de mon pouce sur sa lèvre inférieure l’éclaire sur ma requête, bien avant le regard lubrique que je braque sur elle. Et après m’avoir pincé la joue, elle me concède enfin ses lèvres dont la pulpe tendre, moite et salée me regorge de forces et d’adrénaline. Doux et langoureux est notre baiser. Ma tendresse, sa lassitude, notre amour toujours intact après cette nouvelle secousse.



–– Jolis tes dreads, lance-t-elle à Denzel, dès qu’à contre cœur, nous nous séparons, avant de quitter l’appartement sans plus aucun regard sur moi.



Sait-on jamais…














Chapitre assez long 😬😥 près de 7k mots ce n'est pas rien. Ca vaut deux chapitres en moyenne, voire trois. Alors je n'ai pas vraiment eu le temps de corriger. Désolée pour les soucis de lecture si vous en avez eu.

On approche doucement de la fin vous pouvez le sentir. Mais la question est: est-ce que vous l'anticipez ? 🤣😂...

Allé, balancez moi les théories en commentaires, qu'on se marre un peu.

Sur ce je vous dis ciao. Portez vous bien et prenez soin de vous.

Love guys 😜❤️
🖤🖤🖤
Alphy.

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