Family Feud

                          Holy










Oh mon Dieu, pourvu que mes vêtements réussissent à suffisamment retenir le suc vaginal qui abonde dans ma culotte !

Non, il faudrait surtout que Sinclair posté entre mes frères, cesse de me regarder de manière aussi langoureuse devant tout le monde, même si je n’en ai pas vraiment envie. J’ai l’impression de redécouvrir autant mon corps que son regard. Désormais incapable de respirer correctement, je m’agite dans le fauteuil, vaincue par un désir fulgurant.



–– Holy, ça va ? s’enquiert ma mère avec un sourire taquin qui m’apprend directement qu’il ne s’agit en rien d’une question.



Le cœur au bord de l’implosion, je déglutis désespérément. J’ai chaud et je suis trempée, non ça ne va pas. Je veux mon homme, tout de suite.



–– Oui, oui… hum… oui, bégayé à nouveau en me grattant le cou. Tu crois que Maël est déjà réveillé ? Il m’a tellement manqué.



L’euphorie grossie en moi, je crispe oreilles et poings pour essayer de me calmer. Peine perdue…



–– C’est sûr qu’il t’a manqué, mais là je crois que tu es en manque d’autre chose. Si tu vois ce que je veux dire.



Bien sûr que je vois. Elle fait tout pour me le montrer, avec son regard qui va de Sinclair à moi à plusieurs reprises et ses sourcils qu’elle agiote avec frénésie.



–– M’man, me plains-je du sous-entendu sexuel que ses yeux rieurs rendent explicite. Tu…



Mon cœur libère une onde qui se répand aussitôt, aux quatre coins de mon anatomie, laissant sur son passage, frissons et vibrations. C’est bon, c’est douloureux. La frustration à l’état pure. Et à cause de cette dernière, je ne termine jamais ma phrase, car à bout de souffle. Lorsqu’enfin je relâche dans un bruit interpellateur, l’air de mes poumons, ma mère éclate de rire.

Je suis la honte assise sur un fauteuil.



–– Ce n’est pas moi qui vais te démentir, il est charmant ton Sinclair. On comprend tout de suite qu’il ait réussi à ravir ton cœur.



–– Maman ! minaudé-je de plus bel, les joues beaucoup plus en feu que le reste de mon corps à présent.



–– Du calme chérie, je ne vais pas te le voler, se moque-t-elle. Je peux t’assurer que ton père hurle encore à la lune.



Elle rigole devant ma fausse grimace de dégoût.



–– Merci de m’épargner les détails, mon estomac est encore plein je te signale.



Nous partons toute les deux dans un fou rire qui attire l’attention des garçons sur nous. Et cette fois lorsque Sinclair et moi nous touchons du regard, instinctivement j’entreprends de l’aguicher sans gêne. La tête sur l’épaule, je bats des cils avec passion. Il n’y résiste pas généralement. Et cette fois non plus, constaté-je lorsqu’il inspire profondément et serre le poing emprisonné dans sa poche. Sa réaction me vole un rire, mais mon cœur chauffe beaucoup plus devant l’entrain qui rythme la conversation que ses frères et les miens ont.

Le paysage serait davantage beau, si Hamilton, mon père et Faye faisaient eux aussi un tout petit effort, mais cette petite victoire est en elle-même déjà inespérée, alors je ne peux qu’être reconnaissante. Envers Jelissa qui y a énormément contribué, envers ma mère qui n’a jamais renoncé et même s’il se refuse d’avouer qu’il y est pour beaucoup, envers Sinclair, l’amour de ma vie.



–– Il t’aime énormément aussi, poursuit-elle, songeuse tout à coup, sans toutefois se départir de son demi sourire. Je suis tellement fière de toi ma petite. Il a beau ne pas te le dire, mais Dempsey l’est aussi. Ne lui en veut pas d’accord ? Tu comptes plus que tout au monde à nos yeux, même si on ne te le montre pas comme tu le voudrais. D’ailleurs la vie serait ennuyeuse si tout se déroulait à chaque fois tel qu’on le souhaite, non ?



Je n’y avais jamais pensé, donc je m’essaye à réfléchir.



–– Ne te dérange pas avec ça, ce n’est certainement pas le moment de philosopher. Surtout dans cet état, se moque-t-elle à nouveau alors que je n’arrête pas de soupirer. Allé, va le rejoindre.



Honteuse, je serre plus fort les cuisses.



–– Ouais c’est ça, bafouillé-je entre deux raclements de gorge, je vais aller voir si Maël s’est réveillé.



Je ne lui laisse pas le temps se montrer plus sarcastique et file rapidement vers l’ascenseur, après avoir souri nerveusement à Jelissa qui discute ravie, avec Danaé et Maelys. Une fois les parois refermées, je souffle un coup, me colle au miroir pour lui voler un peu de sa fraîcheur, avant de retirer mon téléphone de ma poche.

« Sinclair je me sens mal »

Je sais, ce n’est pas bien de mentir, mais je ne prendrai pas le risque que ce petit filou m’échappe une seconde fois. Je le connais mon Sinclair, il serait bien capable de me laisser en plan ici, juste pour m’embêter, si je lui faisais tout de suite part de mes réels besoins, alors non. Moi je veux faire l’amour ce soir, pas la guerre.

« Holy… »

Oh l’enfoiré ! Il se doute de quelque chose. Bien sûr, qu’est-ce que je croyais ? Sinclair est tout, sauf né de la dernière pluie. Mais je sais qu’il viendra… juste au cas où, se dira-t-il, tandis qu’un petit diable dans sa tête lui fera bien remarquer qu’il se ment effrontément à lui-même.

« Bébé, je respire mal »

Et ce n’est pas faux. Je suis surexcitée au point de ne plus savoir inspirer et expirer. La douleur qui bat au rythme du bonheur dans ma poitrine, associée à de suffocantes bouffées de chaleur est insupportable et euphorisante à la fois. J’en deviens folle. Tellement folle que j’ai oublié d’indiquer à Sinclair le chemin jusqu’à ma chambre. Mais pour mon plus grand soulagement, la porte grince juste au moment où je m’apprête à corriger mon erreur.



–– Mon amour, ça va ?



J’acquiesce de la tête avant de lui adresser un sourire coquin auquel il répond, l’air dépassé, dès qu’il comprends mon manège, par :



–– Je le savais. Mais laisse-moi te di…



Je l’accule contre la porte, puis appose mon index sur ses lèvres.



–– Pas de préliminaires Sinclair, je suis en train de devenir folle. Je crois que je suis en chaleur.



Sans demander son reste, il me fait décoller du sol, arrimant nos bouches l’une à l’autre dans un baiser baveux, pressé et cruel. En deux enjambées, je me retrouve dos contre mon lit, fiévreuse et ivre de ses baisers qui sont de plus en plus voraces. Ce faisant chacun de nous s’active sur son pantalon, et il n’est pas surprenant de m’entendre ronronner mon agacement noyé sous le plaisir intense que seul Sinclair sait m’offrir et ce, de par le simple fait de son existence. Je meurs d’amour pour cet homme, je brûle de passion pour tout ce qu’il représente, pour mieux revivre dans son regard, comme l’herbe des champs, dès le retour des premières pluies.



–– Une robe aurait été plus facile à manœuvrer, se moque-t-il contre mes lèvres, sa ceinture déjà défaite, contrairement à la mienne. Fais voir.



Incapable de sortir le moindre mot, je retire simplement mes mains et le laisse faire. Sans grandes difficultés, il me débarrasse de mes sandales, de mon jean et de ma culotte, sous mon regard aussi avide qu’ému. Et là le premier constat s’impose de lui-même : nue ou couverte, la température ambiante, n’influe pas sur mes thermostats.

Le second constat tranche aussitôt dans le vif, lorsque la paume de Sinclair s’aplatie contre mon sexe mouillé de désir : ma fièvre se nourrit de lui. Mon cœur bat pour lui. Ma poitrine s’agite à la recherche d’un air qu’elle ne saura jamais contenir : son air. Mon corps brule d’un besoin qui ne sera jamais entièrement comblé : l’avoir contre la peau, toute la vie. Mais n’est pas en cela que le désir trouve son épanouissement ? N’est-ce pas en ce détail que l’amour trouve l’éternité ? N’est-ce pas comme ceci que la foi, en toutes circonstances aux côtés de ces sentiments salvateurs, trouve de sa sincérité ?

Bien sûr que oui. Je ne parlerai que pour moi. Parce qu’en Sinclair, j’ai trouvé la foi. Pour le meilleur comme pour le pire, je sais que j’ai en face de moi l’homme dont je n’aurais jamais assez, en dépit de tout, et même de moi. Je ne parlerai que pour nous, parce que ce coup de rein je le sais, sonne autant en moi qu’en lui, comme une résurrection.



–– J’adore te voir aussi excitée. Ça fait un bien fou à mon égo. Je suis efficace, dis-le.



–– Petit… con.



–– Holy ?



–– Humm… con…nard. Ahhh ! Ça s’appelle du chantage, gémis-je, cambrée comme un arc sous l’imposante carrure de Sinclair dont les à-coups furieux trouvent écho auprès de mon besoin de jouir au plus vite.



–– Tu n’es qu’une sale peste, tu le sais ça ? Aussi belle que teigneuse.



–– Je te rends dingue.



–– Pas faux !



Il gronde cette fois, en s’enfonçant plus loin, avant de se figer, frappé par un orgasme du même acabit que celui qui me transforme en feuille volante, quelques secondes après, sous le coup des vibrations de son sexe entre le mien. Il s’écrase sur moi, je l’étreins de toutes mes forces, autant avec mes jambes qu’avec mes bras.

Je l’aime comme ça, de toute mon âme. Tout mon corps l’aime, j’espère qu’il le ressent. Mon cœur le célèbre, j’espère qu’il l’entend.



–– Mon homme est efficace, ricané-je une fois ma respiration redevenue à peu près normale.



–– Ma femme est une harpie.



Sa femme… ça sonne si bien.

J’aimerais rester là contre lui à rêvasser sur le sujet, mais soulagée, je redeviens raisonnable. D’ailleurs mon ridicule regain de pudeur l’amuse. Tout comme le font les scénarios loufoques issues de mon imagination dont je lui fais part, tout en me dépêchant de me rhabiller.

Sinclair n’a pas eu à se défaire ses vêtements, alors nous quittons ma chambre dès qu’il termine de se chausser. Il n’est en rien surprenant de me voir prendre le chemin de la chambre de mon neveu par la suite. J’étais peut-être perdue dans le tourbillon euphorique de mes pulsions, mon envie de le serrer dans mes bras, n’en était pas moins réel. Il m’a énormément manqué. Alors quand son cri, proche d’un rire mais aussi de l’exaspération retentit dans le couloir, je n’hésite pas à accélérer mon pas. Toujours à ma suite, Sinclair referme la porte derrière lui.



–– Coucou mon grand, m’émeus-je devant la bouille noire de Maël.



Debout dans son berceau, il regarde l’air contrarié, son doudou tombé sur la moquette. Sinclair le ramasse, tandis que je retire le petit bout d’homme de son berceau, mettant fin à ses trépignements. Ses mains elles par contre ne cessent pas de s’entrechoquer, et son rire s’amplifie.



–– Tu es content de me voir, n’est-ce pas ? Toi aussi tu m’as manqué mon cœur. Comme tu es beau. Fort et courageux, comme ton papa. Pas comme tes oncles, ces pleurnichards. Sinon, on t’aurait entendu jusqu’au jardin.



J’ai droit en retour à un charabia propre à tous les êtres humains de cet âge-là. Puis ses mains agrippent mes joues. Sinclair amusé par les compliments empreint de médisances, m’affuble d’un « tu es terrible » auquel je ne trouve rien à redire.



–– Est-ce que je peux ?



Ma réponse est immédiate, je le lui confis et en profite pour envoyer un message à Maelys. Mon neveu n’est pas difficile, c’est donc sans difficultés que Sinclair le berce contre sa poitrine.



–– Sa mère arrive.



–– Il te ressemble, commente-t-il dès que mon regard se porte à nouveau sur eux. Tu as vu sa petite moue boudeuse ? Son petit nez froncé ressemble trait pour trait au tien, lorsque tu es en colère.



Il me vole un rire.



–– Il doit avoir faim, celui-là.



–– Pas faux. Et on dirait que mon doigt le tente bien comme repas, rigole Sinclair, avant d’emporter Maël dans un vent de gaieté, en exerçant de légère chatouille dans le dos de ce dernier. 



L’ongle entre les dents, je pouffe entre deux rires devant ce tableau radieux qui me ramène inévitablement à cette conversation restée en suspens, le soir où il m’a présenté à sa mère. Je ne le surnomme pas « électron » pour rien, mon neveu est une vraie pile électrique. Il ne pleure peut-être pas à tout bout de champ, mais son besoin constant de bouger peut tout aussi devenir fatiguant quand on manque soi-même d’énergie. Et on peut dire qu’il a trouvé chaussure à son pied avec Sinclair qui l’exaspère gentiment en changeant sans cesse de position à son doigt, l’objet de convoitise du poupon gourmand qu’est mon neveu. Ils sont beaux comme ça. Et Sinclair semble si heureux que j’en ai des frissons de bonheur moi aussi.

Au bout d’un moment il explose de rire. Maël vaincu, s’attaque d’une main à sa bouche et de l’autre à sa pomme d’Adam. En mauvais perdant, ce petit garnement griffe et frappe de toutes ses maigres forces. Pliées en deux de rire, je ne peux m’empêcher de le féliciter. Sinclair a bien raison, il est aussi mauvais joueur que sa tata.



–– L’appel du sang est si fort. Allé viens là mon petit jumeau. Laisse mon homme en paix. J’ai encore besoin de sa bouche pour faire des choses dont tu n’as même pas idée.



Pas du tout du même avis, il continue de gigoter dans mes bras, les mains tendues vers Sinclair qui lui fait non de la tête, avec un air menaçant de circonstance. Le fougueux n’en démord pas pour autant, et cette fois il se lance dans une bruyante plaidoirie. Attendrie par son charabia, j’improvise une conversation des plus improbables, sous le regard amusé de mon petit ami, jusqu’à l’arrivée de sa mère.

Maël exulte d’une joie nouvelle dès qu’il remarque sa maman, se met à battre des mains et à mimer une chanson dont on ne retiendra jamais les paroles, ni la mélodie tant elle est cacophonique. Partageant la même humeur, Maelys se précipite sur lui et le bombarde de baisers, ce qui fait monter les rires du bébé dans les aigus.

La suite étant logique, Sinclair et moi nous élançons vers la sortie pour qu’elle puisse allaiter tranquille. Cependant, ma belle-sœur qui n’a apparemment pas fini de s’excuser tout à l’heure après le diner, repart dans une série d’explications. Elle ne s’excuse pas d’avoir mis de la distance entre nous, plutôt d’en avoir créé entre son fils et moi, parce que comme mon père et mes frères, elle pense d’abord à ma sécurité et ne cautionne pas le moins du monde le comportement de Sinclair. Par ailleurs, elle ne manque pas de rabrouer ce dernier et de jouer à son tour aux mamans poules avec des mises en garde à la con. Dieu merci elle ne s’éternise pas, et même, elle finit curieusement par nous féliciter et par nous embrasser.



–– Bah, on va vous laisser, souris-je débarrassée de toute rancœur et prête à repartir sur de nouvelles bases, maintenant que tout monde a décidé d’essayer de se comprendre. Viens Sinclair, j’ai un truc à te montrer.



Mais pas que… J’ai aussi à lui dire. Je crois que le moment est venu d’avoir cette discussion sur la famille qu’on voudrait avoir plus tard. Oui, je la veux aussi cette famille, avec lui. Et ce n’est pas juste pour lui faire plaisir, c’est davantage pour combler un besoin qui se fait chaque jour un peu plus fort à ses côtés. Une espèce de concrétisation de toute la douceur qui se dégage de nos draps à chaque réveil, et de mon corps à chaque étreinte, pensée et même lorsque je respire. C’est comme une envie de le porter, de le supporter et de lui certifier que je serai toujours là, peu importe les difficultés. Alors d’un geste tendre, je l’entraîne par la main, dans le couloir.

Nerveuse et sereine à la fois, j’évite son regard tout le trajet durant. C’est une nouvelle étape. C’est un inédit pour la libertine confirmée que j’ai été ces dernières années. Mais c’est surtout un tournant de ma vie que jamais je n’aurais osé ne serait-ce qu’envisager, trop apeurée pour, trop fière pour composer avec l’éventualité de la défaite qui vient avec chaque prise de risque. Alors oui, je suis nerveuse. Par contre, ce n’est pas de la peur. C’est l’euphorie. C’est la saturation de mon cœur qui en reçoit beaucoup plus qu’il n’en demande réellement de la part de l’homme formidable qu’est Sinclair... mon Sinclair.



–– On va où ? se décide-t-il à briser le silence qui nous a accompagné tout au long de notre descente, une fois sortis de l’ascenseur.



Coincée entre les murs du couloir qui mène à la pièce que je fréquente le moins dans cette maison, celle où reposent quelques reliques et les derniers souvenirs des membres de ma famille partis aussi brusquement que massivement, je ne réponds pas à Sinclair, mais accélère. Circuler ici est toujours aussi éprouvant pour mon cœur que pour mon corps, malgré le travail effectué sur ma santé mentale. L’énorme vide qu’ils ont laissé avec leurs disparitions a si longtemps entretenu cette sensation de vertige dont mon corps est encore imbibé, que je suis certaine de la porter à jamais.

Heureusement Sinclair n’insiste pas et me suit en silence jusqu’à la porte noire. Jusqu’à l’intérieure de celle-ci, pour découvrir mes vérités, mes réalités, tous ces souvenirs que je n’ai jamais voulu oublier, même si les trois quarts du temps, je m’abstiens d’affronter. Ma famille figée, ou plutôt la matérialisation du vide dans ma vie et la source de toute la dévotion que je vous à ceux qui sont restés : des miraculés à mes yeux.



–– C’est ici. C’est ma famille.



Et j’avais besoin de partager ça avec lui. Le dernier fossé dans notre intimité. Cette partie de moi qui n’appartenait qu’à ma petite tribu, aujourd’hui je veux qu’il la prenne aussi. Parce qu’il est ma famille à présent.

Dans son dos, je regarde sa tête pivoter de gauche à droite, afin de pouvoir explorer sans toucher. Une façon de montrer du respect pour ce qui, seulement à la déco et à l’emplacement des lieux, se devine être sacré pour ceux qui y tiennent. Sinclair n’est pas comme moi, il est respectueux, quoique libre et lunatique. Et même s’il ne suit que ses propres règles, il ne marche que sur celles de ceux qui nuise à son bien-être. Contrairement à ce qu’il croit, je suis capricieuse, pas lui. Lui il est juste ce gars sensible qui a été victime de sa solitude. Au mauvais endroit, au mauvais moment, le soir de l’accident, c’était juste ce petit garçon qui voulait que ses parents l’aiment… un peu.

J’aurais voulu le comprendre plus vite, ça nous aurait non seulement évité tous ces drames, mais ça m’aurait également évité de lui faire tout le mal que je peux enfin reconnaître lui avoir fait, moi aussi.

Mais peu importe, car maintenant que j’en ai conscience, je me sens plus forte et tout prend son sens. Consciente et prête, aujourd’hui et ici, je laisse ma main dans la sienne, signe de mon abandon total, de mon entière confiance et de mon éternelle loyauté, face à toutes les épreuves, envers et contre tout.



–– Fais ton deuil, souffle-t-il après avoir déposé un baiser sur mon front. J’ai vu l’album photo quand mon étions dans les Hampton, et je sais que tu souffres toujours de leur absence. Il ne s’agit pas de les effacer, c’est ton histoire, c’est ta famille. Autorise-toi juste à croire en toi et en l’avenir. Autorise-toi à accepter que le passé l’est définitivement et à vivre malgré la peur.



Ses bras se font plus pressants autour de ma poitrine et notre étreinte plus chaleureuse et intense de ce fait, me vaut quelques larmes d’émotions. Sinclair me baise le crane cette fois, dépose l’énième onde de choc qui me fait frémir du cuir chevelure à l’orteil. Nez contre son torse, aidée par les bouffées d’air parfumées de son odeur, je me sens soudain plus légère, plus forte aussi.



–– Contrairement à ce que tu peux parfois penser, il y a des gens qui t’aiment. Moi je t’aime, spécifie ce dernier, de toute mon âme. Il y aura toujours quelqu’un qui essayera de te faire sentir le contraire, mais tu dois croire en toi. Tu es la personne la plus extraordinaire au monde. L’être humain que je préfère. Ne l’oublie jamais. Tu es le soleil, ricane-t-il enfin, tu te rappelles ?




Bien sûr que je m’en souviens. Je l’ai moi-même dit un jour, trop souvent aussi avant ce dimanche où nos regards se sont croisés, sans réellement le penser, juste pour craner et jouer aux dures. Ce n’est pas le cas aujourd’hui. Aujourd’hui c’est Sinclair qui le dit, et je crois tellement en lui que j’en viens à croire en moi-même. Alors oui, je suis un petit soleil, son soleil.


Le moment est si parfait. Et je ne sais pas pourquoi, mais j’ai la nette impression que chacun de mes passages ici, sera dorénavant empreint de cette aura d’espoir dont je me sens nimbée, collée comme ça à l’amour de ma vie. Tout comme je sais, que ses paroles resteront à jamais gravées dans ma mémoire, pour faire office de bouclier, contre les démons et les fantômes qui me hantent.



–– Sinclair ?



–– Humm…



–– Tu aimerais qu’on ait combien d’enfants ?



Le silence qui accueille ma question est peut-être le témoin de la tranquillité des lieux que nous perturbons, mais c’est aussi la preuve que Sinclair vient d’être pris de cours… Gagné ! Je suis comme ma mère, j’adore surprendre.



–– Cinq.



Retour de Holy la foldingue.



–– J’en porte trois et tu te débrouilles avec le reste. Je t’offre même mon utérus si tu veux.



L’effet escompté est immédiat, l’écho de nos rires retentit dans la pièce. Étrangement, j’ai l’impression qu’il chasse toute la tristesse des lieux.



–– Et comment est-ce qu’il faudra qu’on m’appelle, cher génie ? Homme enceint ?



–– Ouais, ça sonne bien en plus…



–– Tais-toi fillette, pouffe-t-il lorsque sa main claque contre ma fesse.



J’explose d’un rire plus bruyant que les précédents, mais me voit très vite obligée de le ravaler, à la seconde où je reconnais le son qui s’échappe du raclement de gorge à ma gauche. Je n’ai pas besoin de le regarder pour savoir qu’il désapprouve la présence de Sinclair ici, plus qu’il ne déplore de lui avoir ne serait-ce permis de franchir les portes de sa maison. Mon père hait Sinclair, presque autant qu’il m’en veut de l’avoir choisi.

Raide contre le corps de mon amant, mon ami et mon amour, et peut-être bien en proie aux dernières traces d’une rancune que je croyais totalement résorbée, je resserre ma prise sur les larges épaules robustes de Sinclair, froissant un peu plus sa chemise noire.



–– Ne fait pas l’enfant Holy, me susurre ce dernier, confirmant encore une fois qu’entre nous, les mots commencent à se faire vains et qu’il lit en moi comme dans un livre ouvert. Il veut juste te parler. Écoute ce qu’il a à dire.



–– Pourrais-je parler à ma fille ?
Il a dit ma fille ? Je n’y crois pas... Quoi, on a fini de faire la tête de mule Dempsey ?



–– Bien sûr. Je vais vous laisser.



Après m’avoir fait promettre de bien me comporter par un regard insistant, Sinclair dépose un baiser sur mon front, puis déserte les lieux. Il ne laisse pas qu’un silence de plomb dans la pièce, il laisse surtout un vide sidéral en moi, l’équivalent net de la douleur alimentée par le manque qui s’est fait prégnante, à la seconde où nous nous sommes décollés.



–– Tu voulais me parler ?



Le silence commençait déjà à m’agacer. S’il voulait jouer à qui le supporte mieux, voilà, il vient de gagner.



–– Range moi donc cette moue bagarreuse poussin, ricane mon père. Je suis venu en paix. Dans la paix du Christ, pousse-t-il la farce plus loin. Ils sont vraiment tarés ces Delano de croire en des bêtises pareilles. Tu es certaine de vouloir subir ça toute ta vie ?



Poussin ! J’avais sept ans, la dernière fois qu’il m’a appelé comme ça. C’était notre premier été en Afrique, à Luanda. Je venais de me chipoter avec Dwight qui m’avait pour la première fois, affublé de ce sobriquet stupide ––la chique, j’entends––, et lui m’avait pris dans ses bras pour calmer mes pleurs, en m’assurant que je serais toujours sa préférée. C’est l’un des meilleurs souvenirs de ma vie, un des rares moments père et fille que nous avons partagés jusqu’à ce jour. Qu’il en fasse mention là tout de suite, suffit amplement à me rassurer de la véracité de ses propos.

Il est bel et bien venu pour une trêve.



–– Oh papa…



Comme ce jour-là, je m’autorise à pleurer dans ses bras. L’espace d’un instant je redeviens la petite fille à son papa et lui le père affectueux qu’il ne s’autorise que très peu à être. Je redeviens sa préférée, et lui le superhéros de mon enfance, ma boussole et mon pilier.



–– Mon poussin. Fais attention à toi d’accord ?



La douceur dans sa voix est aussi surprenante que l’inquiétude qui s’y loge est légitime, même s’il a tort de se faire du souci. Contrairement à tout ce qu’il pense, Sinclair ne me fera pas souffrir. Ma foi est inébranlable et c’est par elle que je peux affirmer que mes espérances ne resteront pas seulement des rêves, mais feront vite de se muer en réalités.



–– C’est quelqu’un de bien papa, malgré tout. Il ne me fera pas de mal…



Pas lui…

Le souvenir de Diego cogne ardemment dans ma boite crânienne, m’oblige à faire une pause dans mon plaidoyer. C’est lui qui me fera du mal à l’instant où il en fera à Sinclair…

Lorsque je me dégage de l’étreinte de mon père, j’ai une fois de plus, tout perdue de la petite fille à son papa qui veut voir le monde dans ses yeux. Je suis redevenue Holy la fille amoureuse, prête à tout pour sauver l’homme qu’elle aime, très en colère aussi contre tous ceux qui de façon consciente ou non, font barrage à la pérennité de cette histoire d’amour qui n’était déjà pas partie pour durer.



–– Sauve-le papa, je t’en supplie.



Mais la supplique, elle n’est que sur mes lèvres. Mon regard coléreux, la tension raidissant mon anatomie et la halte dans mon mouvement de recul, parlent un autre langage : je ne l’implore pas, j’exige. Pour fois dans ma vie, je m’autorise à demander et à croire que je mérite de recevoir et de vivre, ma vie, la vie et tout le bonheur qui m’a si souvent échappé. Pour une fois je veux me sentir aimer, comme je le souhaite, tel que j’en rêve et non plus me contenter de ce qu’ils ont à me donner, dans la lâcheté d’un silence entretenu par les remords et le manque d’estime de ma propre existence, alors j’exige. Une preuve, un geste, une action… Quelque chose.



–– Si je suis ton poussin papa, alors protège Sinclair…







Ils sont beaux n'est-ce pas ? 🤩😍☺️☺️☺️.

J'espère que vous allez bien. Et cette rentrée ?
Je suis triste moi, mon super héro est mort et ça me fiche les boules... Black Panthère 😭😭... Chadwick Boseman.

Mais c'est aussi un exemple je crois. Malgré le cancer il a continué de poursuivre ses rêves et ça, ça veut tout dire. Aucun de nous n'a d'excuse pour ne pas réaliser ses rêves.

Voilà, sur ce je vais vous dire à lundi pour la suite. N'hésitez pas à laisser vos impressions en commentaires. J'adore vous lire et rire de vos folies🤣.

Love guys 😜❤️
🖤🖤🖤
Alphy.

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