Family Feud
Sinclair
Ce sera certainement un des diners les plus éprouvants de nos vies et le minimum aurait été que le ciel m’épargne le désagréable hasard de tomber sur cet imbécile. Il me rend malade avec les regards énamourés qu’il pose sur Holy. Et je ne parle même pas de tout le mal qu’il se donne, pour elle… pour être à ma place. Parce que soyons honnête, il n’y a aucun gramme de méchanceté dans tous les actes maladroits qu’il pose. C’est juste un idiot parmi tant d’autres, dont le seul objectif est d’essayer de retenir le petit bout de bonheur qui lui est tombé sur la tête pour les mauvaises raisons. Holy a beau prétendre le contraire, je ne sais pas si j’aurais agi différemment si j’avais été à sa place… Je suis d’ailleurs bien contente de ne pas l’être.
Pas certain non plus que je sois le meilleur des deux, mais c’est moi qu’elle a choisi et il doit s’y faire. Je me serais volontiers passé de son numéro de mal aimé à deux balles, cependant on ne peut pas toujours tour contrôler. C’est bien la preuve qu’il ne faut pas se rater avec toutes les autres choses, celles qui sont de notre ressort, au risque de se faire malmener par l’univers toute la vie durant. Parce que, soyons clairs, une accumulation excessive de situations aléatoires mènent forcément à une éternelle dépendance… la soumission à l’infinie.
Et quand on baigne dans un bassin de requins comme moi, c’est plus besoin, c’est un impératif. Savoir contourner, déjouer, planifier, étudier, observer. Il est, je dirais vital de garder le contrôle. Une belle dose de pragmatisme n’est jamais de trop dans l’équation. Car se faire manger ne tient généralement qu’à un détail près. Alors beaucoup n’est jamais assez. Assez n’égale pas le suffisant.
Avec la tonne de problèmes que j’ai en ce moment, j’en donne tellement que certains soirs en rentrant je n’ai qu’une envie, boucler mes bagages, prendre Holy avec moi et foutre le camp tel qu’elle le souhaite. Cependant je ne peux pas, et elle non plus d’ailleurs. Suffirait qu’elle étouffe de peu son égo blessé par le rejet de sa famille pour s’en rendre compte. Mais mieux encore, je ne veux pas. Ce n’est pas dans ma nature de fuir, et ce n’est certainement pas aujourd’hui que je vais commencer. Diego me cherche, il va me trouver…
Mais laissons ces imbéciles à leurs places pour le moment. Aujourd’hui j’ai d’autres chats à fouetter. En bon chevalier servant, c’est mon devoir de rendre le sourire à ma déesse. Je lui dois bien ça, et plus encore. Plus récemment je lui dois les meilleures nuits de ma vie ––les journées les plus longues aussi, quand je suis loin d’elle. Un amour sans mesure, du respect dans sa version la plus pure, les promesses qu’elle m’a faites n’étaient pas des paroles en l’air. Je n’ai qu’à la regarder pour reprendre confiance en moi. Elle n’a qu’à me toucher pour multiplier mes forces par mille. Le raccourci facile pour éviter de s’étendre plus longtemps est : je suis un homme comblé.
On ne peut malheureusement pas en dire autant pour elle. La vérité même si elle me blesse un peu, est qu’Holy n’est entière qu’avec sa famille à ses côtés. C’est son point d’ancrage. C’est la petite fille à son papa, qui vénère sa maman et qui a besoin de leur approbation pour être pleinement heureuse. Et ce soir, je vais la lui apporter autour d’un repas agité, mais succulent. Notre premier diner de famille.
Comment je m’y suis pris ? Holy ne demande qu’à le savoir. Et si officiellement, je lui sers la version :
–– Ma mère a réussi à convaincre son mari. Ils se sont excusés auprès de tes parents, qui se sont eux aussi excusés. Enfin excusé, bredouillé-je, mal à l’aise dans mes demies vérités… disons qu’ils ont conclu une sorte de pacte de tolérance….
La bouche grande ouverte et le regard exorbité. Elle n’en revient pas, et elle a raison. Une réconciliation « naturelle » entre les Delano et les Tiger est de l’ordre des missions impossibles de l’année en cours. De l’année en cours, parce que j’ai bon espoir de voir les choses s’améliorer avec le temps.
–– C’est surréaliste. Je ne sais pas quoi dire… franchement, je abasourdie. Tu es sûr ? Je veux dire, comme ça ? Pour rien ? Tu leur as dit quelque chose ? Tu as fait quelque chose ? C’est toi n’est-ce pas ?
Qu’est-ce qu’elle me connaît ma tigresse ! C’est surtout bon de savoir qu’elle croit en moi. Qu’elle a confiance en moi et en mes capacités. Je veux bien lui dire oui et être gratifié comme je le mérite, mais une parole est une parole…
–– Pas du tout. C’est la première chose que je t’aurais dit, si c’était le cas. Tu sais comme j’adore je voir en admiration devant moi. Je ne n’aurais jamais manqué l’occasion de me faire récompenser à vie, ricané-je sans détourner mon regard de la route.
Pourtant il s’agit exactement de cela. Un mensonge sans importance, je pense, pour un bien à grande échelle. Parce que tel qu’elle le soupçonne, la version officieuse est toute autre :
Il est sept heures du matin lorsque je franchis les portes du bureau de Dempsey Tiger après avoir rampé pendant deux jours auprès de sa secrétaire pour obtenir ce rendez-vous. Holy a d’ailleurs boudé, remontée de me voir quitter le lit de si bonne heure, mais je n’avais pas le choix. Son petit papa maîtrise aussi bien qu’elle, l’art de l’exaspération. Il a seulement omis un petit détail : j’ai eu de quoi m’entraîner avec sa fille. La surprise sur son visage le démontre à suffisance.
Si je ne savais pas encore lire la mauvaise sur ce visage clair qui rappelle dans une certaine mesure celui de sa fille, j’aurais pu m’offusquer du peu d’estime qu’il a pour mes sentiments. Armony est dans la pièce, maître Salvadore aussi. Son cercle de confiance, j’entends, pour avoir précisé l’objet de cette rencontre dans les messages écrits que j’ai laissé à la très bavarde Dulcé, sa secrétaire.
–– Prenez donc place, m’invite ce dernier autour d’une table en verre que je ne regarde pas vraiment.
Je ne suis calme qu’en apparence. Avec ce que je m’apprête à faire, je pourrais tout aussi ne jamais ressortir de cet endroit, que personne n’en saura rien. Mais pour Holy, je courrais n’importe quel risque. Pour cette fois, mes manigances, je les mets totalement à son service.
–– Bien le bonjour à tous, m’amusé-je à leur rappeler leur impolitesse et à agacer qui est disposer à l’être.
Dempsey maugrée dans sa barbe, mais ne relève pas. Armony sourit, Yuri demeure aussi fermé et froid que l’entrée d’une coffre-fort de banque.
–– Très bien, reprend le père d’Holy, nous sommes à présent bien installés, il est temps d’entrer dans le vif du sujet. Qu’est-ce qui vous amène ?
Je leur impose un silence que j’utilise moi pour planter le décor dans mon esprit ––et à me calmer, bien évidemment, parce qu’il parvient tout de même à m’énerver en m’emmenant à me répéter. Je déteste me répéter.
–– Vous le savez déjà, mais je vais quand-même me répéter. C’est Holy qui m’amène.
Il se fend d’un petit sourire moqueur, résultat de ses fausses analyses.
–– Si vite ?
On veut jouer avec les mots ? Alors allons-y.
–– C’est ça, si vite.
Tant pis pour celui qui les prendra gauchement.
–– Dans ce cas, inutile de dire que c’est Holy qui vous amène. En réalité vous n’êtes là que pour vous. Pour votre tranquillité en couple et celle de votre famille. Vous me demandez de passer outre l’affront que votre famille et vous avez fait à la mienne, c’est ça ?
–– Je vous demande de vous comporter en père aimant, dont je sais l’amour inconditionnel. Holy ne me quittera pas, quelque part vous le savez. Mais si vous aviez encore un doute, je viens vous le confirmer.
J’ai fait mouche, même Yuri s’agite cette fois. Les crépitements dans sa gorge sont rapidement suivis d’un réajustement de sa position assise. Plus en avant, j’ai à présent toute sa considération. Armony une fois de plus, sourit.
–– Je vous trouve bien confiant.
–– C’est peut-être parce que je ne compte pas ressortir d’ici sans avoir obtenu gain de cause. Je tiens au bien-être de ma petite amie, votre fille, comme à ma vie.
–– Je suis habitué à voir ma fille déchainer des passions, mais celle-là j’avoue, on ne me l’avait jamais faite, rigole-t-il en cherchant du soutien auprès de son… frère, je peux dire. Qu’est-ce que tu en dis Yu, c’est un spécimen rare le petit. D’abord il traite cette chère Holy comme la dernière des crétines en ville, ensuite il l’éloigne de nous et maintenant il revient, la bouche en cœur nous faire son numéro d’amoureux éperdu.
Yuri et lui échangent des regards que je ne sais pas lire, tandis que la mère de la femme que j’aime, m’intime de tenir bon, par un subtil geste de la tête. Mais oh, j’en ai bien l’intention. À aucun moment, je n’ai commis l’erreur de croire que la moindre faveur me serait accordée.
–– Vos actes parlent pour vous, poursuit-il au bout d’un silence qui n’a souffert d’aucune interruption.Alors faites tomber le masque et dites clairement ce que vous n’êtes que là pour les intérêts politiques de votre père. Sa côte de popularité est en chute libre dernièrement. Et bien entendu cette réconciliation serait l’aubaine parfaite pour redorer le blason de votre famille. Réconciliation, valeur chrétienne que vous prétendrez défendre par la suite, pendant toute la mascarade médiatique qui va suivre. Et si à ça on associe, le petit conte de fée que ma fille croît bêtement pouvoir vivre à vos côtés, c’est sûr que tout New-York aura vite fait d’oublier toutes vos frasques en un claquement de doigts. Je me trompe ?
Pas vraiment, non. Pour qu’il y ait une entente durable, il faut bien que les deux partis y gagnent. Et ce revers de la médaille, convient mieux à mon père qui est à présent disposé à tendre la main, après m’avoir laissé lui présenter les choses sous cet angle-là. Ils ont beau vouloir garder les têtes baissées sur leurs rancœurs mutuelles, tous ont conscience qu’une alliance entre les deux familles serait bénéfique aux deux partis ––même si sur le moment la mienne serait davantage gagnante. Je ne fais qu’exprimer tout haut, ce à quoi ils ont tous pensé plus bas ––et ignoré par simple fierté.
Ce n’est certainement pas le cadre idéal pour une relation de couple, mais c’est tout qu’il y a à notre portée. Holy et moi sommes nés dans des familles où intérêts et réputations prévalent sans pour autant remettre en cause, l’affection et l’amour qui maintient la cohésion dans les deux camps. Ça paraîtra triste pour certains, mais tout à prix dans la vie. Personne ne peut tout avoir, c’est une leçon que j’aurais voulu apprendre plutôt. Ça m’aurait évité beaucoup de déconvenues ––Diego la première.
Une dose de réalisme ne fait de mal à personne… elle ne fait jamais de mal, en réalité. Le fantasme ne sert que celui qui en crée chez les autres. Celui qui en est aux commandes.
–– Je n’ai rien contre se soutenir en temps de vache maigre. Toute famille qui se respecte et qui se veut respectable le fait.
–– Famille ? s’étonne-t-il.
–– Famille, confirmé-je, enfin prêt à passer à l’action. C’est d’ailleurs pour ça que je suis venu vous remettre ça.
Joignant le geste à la parole, je dépose deux pochettes en plastiques, jusque-là restées cachées dans les poches de mon manteau, sur la table basse en verre fumé. Celles-ci contiennent deux armes. Et pour l’instant, elles restent devant moi. Comme prévu, elles créent le trouble en face de moi.
–– L’une est celle dont Holy s’est servie pour me tirer dessus. La vraie, précisé-je pour enfoncer le couteau dans la plaie en soulignant qu’ils ne sont pas aussi indomptables qu’ils le pensent. Et l’autre… Maître Yuri doit certainement se souvenir de notre petite confrontation. L’affaire Dixie, les éclairé-je.
–– Le 8 avril, souffle-t-il, la mine déconfite et coupable.
–– Le 8 avril 2013, m’amusé-je à leur annoncer que la partie touche à sa fin, vous Dempsey avez deux balles sur Daniel Johnson, et trois sur Terry ce plouc qui se faisait appeler Clyde, pour avoir arraché la vie à votre frère Aaron, quelques années plutôt. J’étais là… mes hommes en tout cas, ceux auxquels vous avez fait appel pour nettoyer le bazar derrière vous. Bien sûr il était prévu que je rende le moindre objet pouvant vous incriminé à Diego, mais je ne l’ai pas fait.
Personne ne m’a vu venir. Je sais, j’ai hyper bien joué. J’y ai pensé longtemps. Et si le coup ne les mettait en situation d’impuissance, Armony ne serait pas la seule à afficher pleinement son admiration. Je ne sais pas contre qui Dempsey est le plus en colère, tant son visage froissé par la contrariété et la surprise, navigue entre son frère et ami Yuri, et moi.
Plus en confiance, je laisse mes lèvres s’étirer sur le côté, mais ne me détend pas pour autant. Non pas parce que je doute que le jeu soit terminé, non. Il se trouve juste que j’aie encore à dire… ou à préciser. Et puis, les hommes en face de moi semblent avoir besoin d’amples explications.
–– Dites-moi, vous ne vous attendez quand-même pas à ce que je vous baise les pieds de reconnaissance.
–– L’amour d’Holy me suffit. Vous aviez un tout petit peu raison, je pense à mes intérêts. Je pense à mon bonheur et à celui de votre fille.
–– Alors vous me menacez.
–– Je fais preuve de bonne foi Dempsey, nuancé-je, bien que sa version des faits ne soit pas complètement fausse, parce qu’avec des hommes tels que lui et mon père, aucune autre méthode ne fonctionne. Si vous me permettez bien entendu.
Il me permet de continuer en ouvrant son poing.
–– Parfait, donc écoutez. J’aurais bien pu ne jamais venir, jusqu’à vous. Holy souffre de cet éloignement, mais je n’ai aucun doute que le temps aurait fait son travail. Et ça, j’en suis certain, aucun de nous ne veut que ça arrive. Voilà pourquoi je suis là. Pour éviter que le temps ne consolide cette distance qui n’est qu’absurdité. Holy n’a pas à choisir entre vous et moi. Ce n’est pas juste pour elle.
Le père d’Holy accuse un geste de recul et l’expression de son visage s’adoucit de peu. Je crois que je commence à percer la glace.
–– Je ne vous demande pas de m’accepter, tout comme je n’ai pas demandé à ma famille de l’accepter elle. Je demande aux deux partis de ne plus tenter quoique ce soit pour nous séparer. Je sais très bien que la voir revenir vers vous est la seule motivation derrière cette soi-disant mise à l’écart. Mais comprenez bien qu’Holy ne reviendra pas.
Je leur semble peut-être arrogant sur ce coup-là, cependant aucun ne peut me donner totalement tort. Et au final, cela importe peu, car j’ai bien l’intention de me faire entendre comme me l’a préconisé la mère d’Holy, il y a quelques semaines, dans le couloir de l’hôpital, pendant que nous attendions le réveil de ma tigresse.
–– Si elle a accepté dans le passé de vivre en silence ses souffrances, pour ne pas vous décevoir, croyez bien qu’elle refera la même chose pour moi, parce qu’elle m’aime. Mais je ne lui demande pas ça. Elle a un cœur beaucoup trop grand. Elle a beaucoup trop d’amour à donner et j’ai humilité de reconnaître qu’une partie de cet amour ne me revient pas. Faites-en de même et ce, peu importe l’opinion que vous avez de moi. Holy connait mes ombres et les accepte, le reste n’a pas à avoir de l’importance.
Le regard vert de Dempsey reste figé sur moi, tandis qu’il déglutit, moins sévère tout à coup. Son regard va ensuite de sa femme à son meilleur ami, avec qui il échange des messages encodés d’une manière presque mystique. C’est pour dire à quel point ils sont connectés… Et un jour, j’espère partager un lien aussi fort avec Holy.
–– Vous comptez épouser ma fille. C’est bien de ça qu’il s’agit.
–– Quand elle sera prête, oui.
Une lueur malicieuse renaît dans ses yeux, entraînant avec elle, un sourire moqueur sur ses lèvres en dessous.
–– Tout à l’heure vous aviez pourtant l’air bien sûr de vous, lorsque vous témoigniez de l’amour qu’elle vous porte.
–– Et c’est toujours le cas.
–– Pourquoi ne le serait-elle donc pas prête ?
–– Vous mieux que moi savez que généralement on l’est moins, lorsque tout porte à croire que si. Mais ça ce sont des problèmes qui ne regardent que nous.
Holy et moi avons du chemin à faire, ça c’est certain. C’est la bonne, même si elle n’est pas prête à passer à l’étape suivante. L’aimer revient à prendre tout cela en compte, et le prendre sur moi.
Touché là où il faut, cette fois il ne cache pas son admiration, tant par des gestes frénétiques que par cette grimace qui incurve ses lèvres ses lèvres. Et lorsqu’il se tourner vers sa femme…
–– Chérie ?
Et que cette dernière acquiesce avant de sourire…
–– Eh bah, bienvenu dans la famille Sinclair.
Mes lèvres s’étirent d’un sourire franc, à l’image de celui qui illuminera le visage de ma reine…
Mais cette version-là, elle ne devra jamais l’apprendre. Pour la simple raison qu’il n’y a rien de bien glorieux dans tout cela. Une paix artificielle basée sur des intérêts politiques et commerciaux, et du chantage (légèrement) attristerait plus ma tigresse qu’autre chose. C’est bien la seule chose sur laquelle autant ma famille, la sienne, que moi nous sommes entendus sans trop de verbiage, par la suite.
Encore une fois, ce n’est pas l’idéal… mais Holy et moi n’avons pas mieux. Nous devrons nous en contenter… pour le moment, parce que pour être honnête, quelque part, je garde l’espoir de voir cette alliance froide et intéressée se transformer en véritable famille. Holy aussi, je le sais. Ses yeux le disent. Ils brillent à présent, ils réchauffent mon cœur et m’inspirent une force qui je sais, nous fera déplacer les montagnes.
Kikouuu ça va ? J'espère de tout cœur que oui. Moi je vais super bien. Ce chapitre j'ai autant adoré l'écrire que le partager.
Et vous ? Qu'en pensez-vous ? Je veux tout savoir.
Vous l'imaginez comment ce dîner ? Allez, dites moi tout en commentaires qu'on se marre un peu.
Bon voilà, sur ce je vous souhaite une excellente semaine. Prenez soin de vous et aimez fort. Ciao.
Love guys 😜❤️
🖤🖤🖤
Alphy.
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