Breaking point

                     Sinclair










Regarder sa culpabilité en face revient aussi à croire en la pertinence du châtiment qui devra suivre, l’accepter et le comprendre.

Le weekend a été mouvementé. Ça été amer, ça été bon aussi. Très bon même.

Mais voilà, c’est lundi aujourd’hui, il faut revenir à la réalité. C’est assez violent, difficile à gérer, comme à chaque fois que je sors des cuisses de ma tigresse. Je deviens un vrai camé, et ce n’est pas plus mal. Surtout si la drogue en question n’est ni novice, ni hallucinogène. Je ne plane pas, je vis mon bonheur, le consomme à grandes bouchées, le respire, le palpe. Ça a du bon, récemment du mauvais aussi.

J’ai peur comme jamais avant.

Je m’apprête à affronter Diego une bonne fois pour toute. Je n’en dors pas, je veille sur son sommeil. L’idée d’être séparé d’elle me rend dément. Me libérer définitivement de mon passé n’est pas sans risque, j’en suis totalement conscient. Puis il y a les paroles de ce barman de mes deux qui ne cessent de me hanter. Ses dernières paroles avant de recevoir ma balle dans le fion.

Je pars en paix, parce que je sais que toi et ta putain, vous allez souffrir, a-t-il proféré en guise dernières paroles, des paroles de trop.


J’ai eu beau dire à Mark que c’était du bluffe, je n’arrive pas à me les sortir de l’esprit. L’étincelle de satisfaction qui a traversé ses iris à cet instant-là était beaucoup trop intense, elle n’aurait pas pu me laisser indifférent. J’en ai d’ailleurs parler à Holy et accepté de demander de l’aide à ses parents, c’est pour dire !

Je me sens acculé. La sensation est étrange. Une tempête s’emmène, mais je ne saurais dire de quelle nature elle sera. Et encore moins, qui la dirigera vers nous. Dixie ? Diego ? Je n’en sais rien, alors j’ai décidé d’attaquer le premier.

Reyes a toujours été le plus sérieux rival de Diego. C’est vers lui que je me suis tourné pour en finir avec mon ancien chef qui n’a pas été foutu de se tenir à carreau tel qu’il l’avait promis. M’en prendre à sa famille à nouveau aurait été une solution toute aussi persuasive, mais comme la dernière fois elle n’aurait été que temporaire. Et puis, je me dois de le reconnaître, jamais je n’irais aussi loin. Tuer un connard, une saleté de vermine ou un de mes semblables, spécialiste du crime ça, ça passe. Des innocents par contre, voilà qui est une autre affaire.

C’est tout vue cette fois. La solution doit être définitive. Il faut que Diego meurt.




–– Demain ? Un délai aussi court Memphis ? Ce n’est pas ce qu’on avait prévu. Mes hommes ne sont pas encore prêts. On s’était entendu.




–– Il le faut pourtant. On aura l’avantage de la surprise. Le plan reste le même. Vue que comme tous les mardis, il passe à la fabrique. Et ne t’en fais pas pour les pétards, je paie de ma poche.




Le mastodonte recule son visage plissé d’inquiétude. Le regard mi-clos, il m’observe dans un silence relatif, puisque je peux entendre de ma chaise les questions sautiller dans crâne couvert de cheveux bruns.




–– Pourquoi ce changement de programme ?




Tellement trivial… J’ai presque envie de pouffer et de rouler des yeux.




–– Tu ne vas pas me faire croire que tu n’as pas toi aussi hâte de prendre le contrôle du territoire Rey, allé mec. Je suis en train de t’offrir la couronne de Diego sur un plateau en argent. Tu y gagnes plus que moi, si là se trouve tes inquiétudes.




Il sourit. Je l’imite, mais le mien est factice. Bardé d’exaspération.




–– On va faire comme si je te crois sur parole. Mais seulement parce que je t’en dois une.




–– Il en va de soi, souris-je légèrement, mais réellement cette fois. Je t’envoie Mark ce soir pour tout mettre au point et demain matin, on lance la machine.




C’était la conclusion, alors je me hisse sur mes jambes. Il est temps de se dire au revoir.




–– Il paraît que tu te tapes la princesse du Bronx et que c’est du sérieux. Dois-je en déduire que les ordres viennent de cet ingrat de Dempsey Tiger et du vieux serpent qui lui sert d’épouse ?




Tant d’amertume dans une voix, ne peut cacher qu’une vilaine histoire. Et c’est le cas en ce qui les concerne. Reyes trainait avec Dempsey à l’adolescence. Personne ne sait qui s’est passé, mais la fin catastrophique de leur amitié concorde avec l’arrivée de la mère de Holy dans la vie du vieux gangster. Une chose est sûre, il y a bien eu friction. Bien avant que la course au pouvoir ne vienne jeter de l’huile sur le feu de leurs rancœurs. Alors question objectivité quand il s’agit d’eux, on en reparlera, parce que là, je n’ai pas de temps à perdre.




–– Il y a intérêt à ce que tu retiennes que je ne reçois d’ordre de personne. Maintenant excuse-moi, mais j’ai du boulot qui m’attend. Toi aussi je crois.




Sans lui laisser la possibilité de renchérir, j’enjambe la porte de son bureau à pas de géant. Le voile grisâtre qui recouvre New-York est déjà en lui-même maussade, mais augure le pire. Une averse, un mauvais présage. Je n’ai jamais été superstitieux, mais aujourd’hui je me sens si inconfortable dans ma peau, que l’idée ne passe pas bien loin de mon cerveau.

Fichue journée, j’ai hâte de retrouver dans les bras de ma beauté ce soir.

C’est sur cette pensée que mes doigts vont à la recherche de mon portable, pour satisfaire cette insatiable envie d’être proche d’elle, qu’importe la manière. Tiens, elle m’a appelé, mon téléphone étant sous silencieux, je n’ai rien entendu. Je souris, bêtement. Savoir que je lui manque n’est pas une découverte et pourtant, j’ai encore et toujours l’impression que c’est un inédit. C’est niais, mais bordel de dieu, je me sens bien.




–– Holy, j’étais occupé…




–– Alors Neil n’a toujours pas eu mon message.




La détresse dans sa voix est trop énorme pour passer inaperçue, toutefois je lui laisse le soin d’en venir au fait sans la brusquer.




–– Il est en réunion, avec…




–– Qui est censé prendre Maggy à la sortie des classes ?




Mon cœur fait un stop cette fois, sous le poids de l’appréhension glaciale qui l’assaille. La panique est de plus en plus évidente dans sa respiration saccadée.




–– Danich, pourquoi ?




Et là, coup de théâtre, la tempête retombe, elle se calme, marque une pause pour retrouver un rythme cardiaque normal. Surpris, ma respiration reste perchée, le temps de voir où tout ça va nous mener.




–– Je voulais juste m’assurer qu’elle passe toujours la nuit chez nous, ce soir.




–– Quoi ? Comment ça passer la nuit chez nous ? Holy !




Trop tard, ça a déjà coupé. Je transpire déjà à grosse gouttes froides, j’ai déjà mal au ventre à cause de la peur. Maggy, nous sommes censés passer l’après-midi avec elle, Samedi pas aujourd’hui. Cet odieux mensonge ne peut que cacher le pire. Il faut agir vite.

D’un geste vif, je change d’itinéraire, il me faut parler à mon frère et apprendre ce que dit le message de Holy. Étant en réunion, la seule façon de le déconnecter, c’est de l’interrompre personnellement. Chemin faisant, je passe un coup de fil à Mark, lui demande de localiser Holy grâce au traceur que j’ai glissé dès notre retour des Hampton, dans cette montre à gousset qu’elle ne quitte jamais, et de rameuter les gars, juste au cas où.


Je suis en alerte, je maudis le ciel. Autant celui qui assombrit la ville et la recouvre de rosée, que ciel dans lequel est censé se terrer l’esprit qui nous a créé. Pourquoi ? Je n’en sais rien. Je suppose qu’il faut un coupable, et comme il est difficile d’avaler le fait que je doive me blâmer moi-même, je me rabats sur celui qui jamais ne pourra me démentir.

Parking, ascenseur, couloir, puis porte, tout se passe en un temps record. De la même manière que j’obtiens l’attention de toute la salle.




–– Veuillez excusez mon frère…



–– Ramène-toi et vite !




Il souffle, exaspéré. Je n’en ai rien à faire, encore plus nerveux que lui.




–– Sinclair nous sommes en réunion, tu ne peux pas…




–– Ta fille pourrait être en danger, alors tu te bouges.




Je n’avais pas encore terminé qu’il avait déjà poussé son siège et décoller ses fesses du cuir flamboyant.




–– Veuillez m’excuser, je vais voir ce qu’il en est, et je reviens.




–– Ton téléphone, vite !




Non sans afficher son mécontentement, il s’exécute. Il est beaucoup plus inquiet pour s’accrocher à son caractère rancunier. Pour autant, il garde la tête froide, ne me bombarde pas de questions. Que sa perspicacité soit louée !

Mon futur ex-bureau étant plus proche de la salle de réunion, nous nous y réfugions.




–– Neil, Maggy pourrait être en danger. J’ai reçu un appel de Semy, mon ex… tu ne connais pas ? Ce n’est pas grave. Je ne sais pas qui va chercher la petite aujourd’hui, mais tu devrais faire renforcer la sécurité…




L’inflexion brouillonne, essoufflée et grelottante de Holy ne trompe pas. Les mots encore moins, le ciel vient de me tomber sur la tête. Je cauchemarde sur mes deux pieds, le regard grand ouvert, la glace sur le cœur et dans l’estomac. Elle est si froide qu’elle brûle et paralyse. Je suis à deux doigts de rugir de douleur quand Neil, plus rationnel que moi sur ce coup-ci, apaise mes ardeurs par un coup de fil. Le seul que j’ai délibérément omis d’émettre, parce que Danich, pas même en peinture je n’ai envie de la voir.




–– Neil, un problème ? s’enquiert celle-ci via le portable sur haut-parleur. Je viens de récupérer la petite et nous sommes sur le chemin de retour.




Son ton posé et insouciant a l’effet d’une cale sur mon désespoir. Automatiquement, le nœud dans ma gorge glisse sur celle-ci, pour se perdre dans les bas-fonds chauds de ma panse.




–– Elle va bien ? bégaie mon aîné, malgré lui. Tu n’as rien remarqué d’étrange ? C’est qu’on vient d’avoir Holy au téléphone et…




–– Ah, elle est là justement. Elle m’a parlé de ce fameux message, sauf que je ne vois rien ici. D’ailleurs on s’est disputé, rien d’étrange en somme.




–– J’ai essayé de l’appeler, interviens-je cette fois, à contrecœur.




Lui adresser ne serait-ce que la parole, me coûte plus qu’il n’en faut. C’est dire à quel point je la méprise.




–– Si tu te souviens bien Sinclair, ta chérie me devait un téléphone. Voilà pourquoi le sien est à présent hors service, un talon aiguille lui est passé dessus, ricane cette dernière. Une dette, ça se paie un jour ou l’autre. Toujours, conclut-elle sur un timbre plus sévère cette fois.




Mon cœur achève de s’affaisser, mes épaules et tout mon être suivent. Les paumes à plat sur mon bureau, j’exhale bruyamment, soulagé à l’extrême, quoiqu’en dit mon corps encore ébranlé.




–– Est-ce que je peux parler à ma fille ?




–– Bien sûr. Mais avant, il y a Holy qui insiste pour que toute la famille se retrouve tout à l’heure. Le sujet est sérieux d’après elle, et vue son état, ça a l’air de l’être vraiment. Je viens d’en parler avec vos parents, ils nous attendent. Archie est déjà à la maison, il est rentré d’une garde ce matin.




Elle m’exaspère à parler des miens comme si elle faisait réellement partir de la famille. Mais bon, ce n’est pas le sujet pour le moment.




–– D’accord, nous y serons nous aussi dans quelques minutes.




Mon frère me lance un regard lourd de reproche auquel je ne prends même pas la peine d’accorder de l’importance, tant je suis plongé dans mes pensées les plus foudroyantes. Pas encore remis du choc que je viens de subir, mon inconscient s’amuse toujours à me renvoyer les pires scénarios qui auraient pu arriver si jamais les dires de Holy avaient été justes.




–– Cool. Ma chérie, ton père veut te parler.




–– Coucou ma puce. Tu vas bien ?




–– Allô papa, je suis un peu fatiguée, mais ça va. J’aperçois Holy, elle est venue me voir.




On l’entend s’exalter à l’autre bout fil, criant le nom Holy à tue-tête. C’est tout ce qu’il fallait pour renforcer ma paix intérieure, aussi m’éloigné-je pour laisser parler ma nièce et son père en toute tranquillité.




–– Tu as une idée de ce que ta nana veut nous dire ?




Aucunement, et c’est la seule ombre qui reste dans le paysage.




–– Pas du tout, mais ne perdons pas plus de temps, si on veut le savoir.




Il me retient en aplatissant sa main contre mon torse, lorsque je suis sur le point de le dépasser pour me mettre en route.




–– Qu’est-ce que tu as encore fichu ?



Ce n’est pas le bon jour pour me faire chier.




–– Fiche-moi la paix Neil.




–– Que je te fiche la paix, alors que ma fille et nous tous sommes potentiellement en danger à cause de tes magouilles ? Tu parles tout de suite, ou je balance tout aux parents une fois à la maison.




Mes yeux s’écarquillent, tandis que mes sourcils se froncent. Qu’est-ce qu’il sait ? Quand est-ce que les choses m’ont échappées ?




–– Ecoute Neil, je vais tout arranger. Demain, d’accord ? Demain, je te le jure, tout sera terminé et je te dirai tout.




Il n’acquiesce pas tout suite. Il me faut d’abord supporter son regard perçant et examinateur, avant de l’entendre soupirer.
Nous arrivons chez mes parents en rangs dispersés. L’inquiétude est perceptible sur le front plissé de mon père et dans les multiples allées et retours qu’il effectue derrière le fauteuil où est assise ma mère, téléphone à l’oreille. Étant encore en froid avec lui, je reste bien à distance, après avoir embrassé ma mère.




–– Elles ne sont toujours pas là ? s’enquiert Neil à peine la porte passée.




–– Qui ? s’étonne mon père, dont les lèvres se décollent immédiatement du bout de ses doigts.




Tandis que Neil va vers lui pour le saluer, j’en profite pour demander des nouvelles à Mark. Je n’ai pas pris la peine de le prévenir que c’était une fausse alerte et qu’Holy va bien, alors je suppose qu’il a dû la retrouver à l’école. Il saura nous donner des nouvelles. Mais pour ça, il faudrait encore qu’il réponde à son foutu téléphone. Ça sonne, sans réponse. Au bout du cinquième appel infructueux, je reviens dans le séjour et là, coup de tonnerre.




–– Quelque chose cloche, m’accueille mon aîné, Danich a dit aux parents que Maggy et elles ont été attaquées…




J’ai un violent tilt. Le coup m’aurait été fatal si les raisons de m’accrocher n’étaient pas si solides.




–– C’est un piège ! le coupé-je en fonçant sans plus attendre vers la porte. Papa ordonne de renforcer la surveillance de la maison. Que personne n’entre et vous, vous restez ici.




–– Que se passe-t-il Sinclair ? gronde mon père, tandis que Neil commence à passer des coups de fil.




–– C’est trop long à expliquer papa, m’énervé-je, fais ce que je te dis.




Mais c’est sans compter son entêtement et l’obsession qu’il a contre les Tiger.




–– Tu t’es compromis avec ces brigands c’est ça ? Répond-moi tout de suite !



–– Je ne peux pas !




–– Tu ne peux pas, ou tu ne veux pas ? Il faut savoir. Surtout qu’on sait toute la différence qu’il y a entre les deux.




Impossible pour moi de franchir le seuil de la porte principale, Danich me fait barrage d’abord, puis Diego, puis une dizaine d’hommes armés qui se glissent l’un après l’autre dans le salon.




–– Mais qu’est-ce que ça veut dire ? s’indigne ma mère, soutenue par Archie. Danich qui sont ces gens ?




Cette dernière sourit, méprisante jusqu’au bout des ongles. Son regard n’est que dégoût et haine. Ma mère en a un choc, et sa respiration se saccade.




–– Ces gens, comme tu dis, sont là pour une réunion de famille ma chère Jelissa. Et pas besoin de faire cette tête de choquée avec moi, toutes les deux on sait que vous avez connu pire. Mais ne t’en fais pas, nous avons tout le temps devant nous. Nous éclaircirons tout ça ensemble.




D’un geste sec de la tête, Diego m’ordonne ne rebrousser chemin vers le centre de la pièce. Plus qu’à sa tête, ce sont aux nombreux flingues braqués sur ma famille et moi que j’obéis. Je suis fait comme un rat, il n’y a plus d’échappatoire. Inutile de jouer la carte de la résistance, si c’est pour voir les miens tomber comme des mouches, quoique mon instinct m’assure que cela ne saurait tarder. Des têtes vont tomber.

Diego est venu pour ça. J’étais prévenu, je me suis défendu, mais c’est Holy qui avait raison. J’aurais dû demander de l’aide, ne pas jouer les étudiants modèles et m’enchainer à mon orgueil. Remarque, lui l’a bien fait. Il a fait appel à des alliés, il n’a ni surestimé ses forces, ni sous-estimé les miennes. Et à présent je paie mon erreur, je coule, mais pas tout seul, ses desseins de départ sont sur le point de se réaliser. Ligoté, défait, en colère et coupable, c’est ici que mon enfer commence.




–– Où est ma fille ?




–– Du calme beau-frère, s’amuse la blonde dans une combinaison en cuir noir. Elle est avec Holy, mais plus pour longtemps.




Pour moi comme pour tout le reste de la famille, découvrir Danich sous les traits d’un monstre de cruauté, tout l’opposé de cette qu’elle a toujours prétendu être pendant toutes ces années, est le plus étourdissant. Moi et Neil moins que les autres peut-être, mais le fait est là, ça reste un choc. Je l’aurais jamais cru capable d’aller si loin. Bon sang on ne parle pas de petites manigances pour me séparer de Holy. Elle a kidnappé ma nièce et mon amour, et pointe à présent une arme sur ma tête.




–– S’il lui arrive le moindre mal à ma nièce, je le jure Danich, je te tue.




–– Danich ma chérie, c’est moi. C’est nous, ta famille, qu’est-ce qui te prend ?




–– Calme-toi maman, l’apaise Archie, ce n’est pas bon pour ta santé. Respire, tout ira bien.




C’est ce qu’on dit généralement quand on sait tout espoir perdu. Tous le savent, nous sommes perdus, personne n’a été prévenu. Ils ont très bien calculé leur coup. Du coup, celui qui s’est fait surprendre, c’est moi. Comme un débutant.




–– Ma famille, rigole Danich, amère. Vous avez accueilli cette fille chez vous et diné chez ces malpropres, ces racailles… et vous osez dire que vous êtes ma famille ?




–– Tu peux parler de racailles toi, pouffé-je exaspéré par tant d’ironie. Regarde un peu avec qui tu traines ?




L’être indexé, Diego en somme, s’avance en fin vers moi, visage fermé. Ce n’est pas trop tôt, qu’on en finisse.




–– Patron, l’interrompt Judicaël que je connais très bien, pour l’avoir moi-même recruté à l’époque où je me tuais encore à la tâche pour son abruti de patron.




La rage coule dans mes veines, je suis suicidaire. Condamné, je sais, il n’y a plus rien à perdre qui ne l’est pas déjà. Alors, je ne suis pas sûr de tout, mais bien d’une chose, personne ne sortira d’ici. Personne.




–– Pourquoi tu nous interromps idiot ? s’énerve Danich.




–– Juste pour vous informer que tout est sous contrôle. Les employés sont enfermés et sous surveillance, comme demandé.





–– Qui est à la porte ? s’enquiert Diego, l’œil oscillant entre ce dernier et moi.




–– Aglee.




–– Je vois qu’on n’a pas renouvelé les effectifs Digito, m’amusé-je, bien qu’apeuré. Quoi, tu vas aussi me dire que mon génie te manque ?




Il sourit, réellement amusé, puis félicite Judicaël par une tape à l’épaule. Ce dernier rejoint les autres près du mur, tandis que son chef reprend sa marche vers moi.




–– Ah Memphis, soupire-t-il. Je t’ai toujours apprécié un nombre incalculable de qualités. Ton humour de bourgeois qui se la pète plus haut que son cul, en fait partir. Comment ça va mon ami ?




Le cri de ma mère est plus tranchant qu’une lame de Samouraï. Ceux qui l’accompagnent m’impactent telles des dum-dum tirés à bout portant. Dire que je suis écorché à vif serait peu dire, là où, « charcuté sans anesthésie », n’est toujours pas suffisant.




–– Sinclair, tu connais ce type ? Qui est-ce ?




–– C’est un trafiquant de drogue dans le Bronx, répond avec hargne, Neil qui ainsi confirme qu’il n’a bluffé tout ce temps. Et il fait pire encore.




Ma mère étouffe un sanglot, sous les encouragements de Archie.




–– Respire maman, supplie ce dernier, d’une voix brisée.




Je suis au bord des larmes. Mais plutôt crever que d’en verser une seule devant mes ennemis.




–– Qu’est-ce que tu as fichu Sinclair ? gronde mon père. Dans quel merdier est-ce que tu nous as embarqué ? Je te jure, s’il arrive quoique ce soit à quiconque ici, je ne te le pardonnerai pas. Tu m’entends ?




Danich éclate de rire. C’est fou ce qu’il peut contenir autant de folie. Si je n’avais pas moi-même déjà connu les affres de l’amour, j’aurais trouvé ses actions vides de sens. Malheureusement, un « je t’aime à la folie » je le sais, peut autant impliquer un « je meurs pour toi » qu’un « je tue pour toi ». Sa jalousie malsaine et déraisonnée l’a poussé vers le mauvais revers.




–– Mais vas-y Sinclair, dit donc à tes parents ce que tu as fichu pendant toutes ces années ? Dit leur quel enfant model tu es ? Dit leur que tu es le fruit de leurs saloperies. Parce que j’ai tout bonnement l’impression qu’il se prend pour un saint ton politicard corrompu de père.




–– Comment osez-vous ! tente de se défendre mon père, mais se prend un méchant de cross sur la tête.




À terre Hamilton gémit de douleur, et même la rancœur que j’éprouve pour lui ne suffit pas à me laisser insensible à ses souffrances. Je crame, craque et me désintègre à petit feu. L’impuissance est un feu de fournaise, sournois et hors de portée, aussi suffocant que ravageur. Je vais perdre la tête.




–– Diego, tu leur fiches la paix ! Cette histoire ne concerne que toi et moi.




–– Parce que c’est toi qui a magouillé pour que justice ne soit jamais rendu à ma sœur peut-être ? Cet homme-là l’a fait ! gronde-t-il cette fois. Et vous vous avez tous gardé le silence.
Sa petite taille lui impose de lever les yeux pour me regarder, de lever haut la main pour que son flingue se plante sur ma gorge.




–– Qu’est-ce que tu fais ? s’affole Danich. Ce n’était pas ça le plan.




Ah, le plan n’est donc pas de me tuer. C’est plutôt bon à savoir… Ou pas.




–– Je fais ce que je veux ma belle, sourit ce dernier, puis retire l’arme.




Il me tourne le dos et marche vers un de ses larbins. J’en profite pour jeter un coup d’œil accablé à ma mère à présent allongée, la tête contre sur les jambes d’Archie, tandis que mon père encore sonné, peine à se relever. Et dans chaque regard, je croise ce à quoi j’ai droit : une haine profonde.


Diego récupère une tablette entre les mains de son homme de main et revient.




–– Chère famille, puisque mon cher ami et associé, Sinclair ici présent ne veut pas procéder aux présentations, je vais m’en charger moi-même. Je suis Diego, et contrairement à ce que le grand avocat a prétendu, je me définis plus comme un homme d’affaire, c’est tout. Sinclair et moi avons fait des affaires ensemble. Ça a été mon bras droit pendant dix longues années, jusqu’à ce qu’il me vole des millions de dollars, séquestre ma famille et monte des coups dans mon dos pour me voler mon business et me tuer.




–– Tu sais que ça ne s’est pas passé comme ça. Laisse-les partir ok ?




En secouant la tête comme un cheval ennuyé, il aspire l’air par les dents. Puis sans prévenir, me plante un coup monstrueux dans l’abdomen. Plié en deux, je serre les mâchoires pour retenir mes gémissements.




–– Parce que tu te crois en mesure de me donner des ordres, Memphis ? Je t’avais prévenu.




–– Oui, s’en mêle Danich, ça et le fait que vous soyez tous des assassins. Oui parce que cette pauvre Amélie, vous l’avez tous tué.




–– Tais-toi espèce de garce !




Une gifle monumentale m’envoie contempler les étoiles quelques instants.




–– La garce te souhaite de bien aller te faire foutre abruti, criminel, assassin. Tu vas payer pour tes crimes. Toi et cette putain qui s’est tapé tout New-York.




–– Et tu crois t’en sortir indemne peut-être.




–– Et qui va me balancer ? Vous peut-être ? Attend un peu de voir ce qu’on vous prépare avant de te la ramener connard. Parce que crois-moi, vous allez en morfler. Vous le méritez bien, ce ne sera que le fruit de vos actes immondes. Je ne fais qu’aider à faire justice.




–– En t’alliant avec un criminel ?




–– Parce que les forces de l’ordre ont bougé le petit doigt depuis, peut-être ?




–– Mais tu as perdu la raison Danich, l’interpelle mon père remis du coup reçu. Que dira ton père, lorsqu’il saura ce qui se trame ici ?




Un sourire mauvais étire le coin gauche de sa bouche de malheur. Neil a toujours eu raison, cette fille est le diable en personne. Non, sa fille Lilith. Je n’ai jamais vu le regard de Diego déborder d’autant de cruauté qu’en ce moment.




–– Vous la fermé monsieur le maire. Assez plaisanté, passons aux choses sérieuses.




Raide, en sueur, la pensée en désordre et le désespoir plein les pores, mes yeux s’épuisent à force de se mouvoir sans cesse dans leurs orbites, désespérément à la recherche d’une issue secours.




–– Vous m’avez tout prie, poursuit Diego le regard fixé sur moi. Amélie était tout pour moi. C’est à mon tour maintenant. Œil pour œil, dent pour dent. Ça vous devez le savoir, il parait vous faites amende honorable tous les dimanches auprès de notre seigneur, même si je doute que ce soit la véritable raison qui vous amène à l’église.




Et parce qu’il se croit drôle, il s’accorde un temps pour rigoler. Ou plutôt, terroriser un plus le reste de ma famille qui jamais a eu à faire face à une telle violence, avant de tous nous achever par la suite.




–– Comme je suis juste, je vais me contenter de prendre une seule vie. Ainsi, j’ai décidé de faire ôter la vie de cette douce enfant, sous vos yeux. Mais ne vous inquiétez pas, ce ne sera pas ici, aucun risque de salir ce palace royal. Nous regarderons le film tous ensemble, comme une famille.




Pardonnez-moi seigneur, j’ai péché… telle est ma prière au moment où je tombe sur mes genoux.


Et si la porte d’entrée ne s’était pas violemment ouverte sur Holy, avant la fin de cette annonce macabre, Neil se serait pour sûr, pris une balle dans la tête. Parti comme il l’était, aveuglé par la haine, le désespoir et la douleur, par ma faute, il s’en serait méchamment pris à Diego, quitte à faire face à une fatale riposte de la part de ses hommes.




–– La petite va bien ! Cette…




Sa respiration déjà laborieuse se fige, lorsque ma tigresse prend enfin conscience de la scène qui se joue devant elle. Pour la première fois de ma vie, j’ai envie de mourir.








N'hésitez pas à voter le prochain chapitre arrive sous peu.

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