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Le lendemain,
Le mois d'après,
Tu es toujours là.

Je suis toujours là.

Nous sommes là. Ensemble. Et le jour d'après existe pour nous deux. Et la mer existe pour nous deux.

On a fini le gâteau au chocolat. Tu as terminé un autre tableau. Un tapis de pétales d'opale sur une terre brune, du vent dans les cheveux. Est-ce que tu te souviens ?

Je me souviens de toi. De ton corps dans les lumières, de ton corps sans souffle, sans air, de ton corps dans la tombe. Je me souviens de tout. Rien n'a disparu. Et je revois la mort, parfois, au coin des rues.

- Qu'est-ce qui se passe ?

Tu ne comprends pas. Comment pourrais-tu ? J'ai fini l'album. Je ne l'aime pas. Je le déteste. Il n'exprime rien de vrai. On dirait une pierre mate, complètement cubique, triste, carré. Fade.

Tu es mort, Taehyung.

Tu es mort. Plein de fois. Par ma faute.  Tu es mort et je t'ai enterré. Tu es mort en avril. Voilà ce qui se passe. Voilà ce que je ne comprends pas.

Voilà ce que je ne peux oublier.

La mort ne me laisse pas oublier.

Qu'est-ce que je fais là ?
Qu'est-ce que
Pourquoi

Pourquoi.

- Rien, tout va bien.

Et c'est vrai. Hier nous sommes retournés à la mer, dans le joli vent de mai. Tu avais ta veste bleu marine. Je t'ai pris en photo sur la plage, je t'ai pris en photo dans un bar. La serveuse a ri. Tu avais les joues rouges. On a acheté un cerf-volant, jaune et vert. J'ai failli le lâcher une bonne douzaine de fois à cause du vent.

Non.
Pas à cause du vent.

Tu me regardes, soucieux, comme si tu te méfiais de moi. Tu as raison. Je t'ai tué, Taehyung. Et tu es mort. En avril, oui en avril, en avril.

- Ce n'est pas vrai. Je le vois, tu sais.

On s'arrête au beau milieu de la rue. Tu m'obliges à te faire face, mon menton dans ta main.

Je ne veux pas te regarder.
Je ne veux pas te fuir.

Je ne peux pas oublier.

- Yoongi dis moi.

Tu ne me croirais pas. Personne ne pourrait me croire. Tu me quitterais, tu partirais, si tu savais. Je ne veux pas que tu partes. Tu ne peux pas partir.

Et pourtant
Peut-être même que ce serait mieux.

Je ne peux pas oublier.

La mort me l'a dit.
La mort, Taehyung.
Tu es mort en avril...

- Yoongi.

Ta voix est presque tremblante, comme si tu me supliais. Mais je ne peux rien dire. Rien. Je ne veux pas que tu partes. Je ne veux, peux pas. Ta voix est grave, un peu rauque. Elle a froid, tu trembles toi aussi. Ta main à mon menton se détache.

Qu'est-ce que
Pourquoi

Pourquoi.

- Tu vas me quitter, Yoongi ?

Quoi ? Non !
Non.
Non...

- Non !

C'est là que je la vois, au coin de la rue, derrière le mur de briques. Ses doigts sur l'angle, sans chair, sans os. Son visage dans l'ombre. La mort me regarde. Elle me regarde. Elle me regarde. Et je la vois. Et c'est moi qui tremble.

Elle me dit que je sais très bien
Que je sais plus que quiconque
Je sais ce que je devrais faire

Et sans doute même que ce serait mieux

Tellement mieux.

- Si. Je veux te quitter.

Je ne tremble plus.

Je ne peux pas oublier.

Taehyung
Tu es mort.

Et la mort ne part pas.
Elle ne partira pas.

- Ça fait des semaines que j'y pense. On n'est pas heureux comme ça.

- Je ne te crois pas.

Même cette scène, même celle-là, nous l'avons jouée cent fois. Cent fois je n'ai pas eu le courage de le dire, de le répéter. Cent fois je t'ai tué. 

Je ne peux pas te regarder.

Une larme
Sur le sol

Un océan entier.

- Si. Crois moi.

Mais ma voix vacille, mes yeux se posent sur toi. Mes larmes. Coulent. Aussi.

Et puis je t'embrasse comme pour tout effacer et je pleure et je pleure tellement.

Et si tu meurs demain ?

J'ai encore échoué.
Encore.
Encore.

Je te tuerai encore.

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