En voyant Charles et Harry échanger un long regard, Severus sentit que les deux garçons préparaient quelque chose. Et que ça n'allait pas lui plaire.
Il s'était toujours demandé si les garçons communiquaient par télépathie, et surtout quelle était la nature de leur lien. Cependant, il n'avait jamais osé demander directement, peut être parce qu'il craignait la réponse.

Harry salua Severus et entraîna précipitamment Drago à sa suite, tandis que Charles restait dans le bureau, fixant Severus d'un air sérieux.
Avec un soupir, le maître des potions ferma la porte de son bureau d'un geste de baguette et se frotta le visage d'un air fatigué avant de reporter son attention sur l'adolescent.
- Tu voulais me parler Charles ?
Le garçon eut un petit sourire et pencha la tête avant de reprendre tout son sérieux.
- Tu es sûr que Harry ne risque rien, Severus ? Qu'il ne peut pas être attaqué ?

Pris par surprise, Severus hoqueta avant de hausser les épaules, reprenant son impassibilité légendaire.
- Charles. Je t'assure que rien de plus ne menace ton frère. Il n'y a que Dumbledore qui veuille l'amener sous sa coupe, pour ses plans insensés.
L'air soulagé, Charles se détendit visiblement. Puis, il resta quelques instants silencieux, sans pour autant faire mine de quitter les lieux.

Patiemment, Severus attendit. Il savait que le jeune homme était en train de faire le tri dans ses pensées, et qu'il avait besoin d'un peu de temps avant de lui dire ce qu'il avait sur le cœur.
Quand Charles leva la tête vers lui pour le fixer, ses yeux sombres brillaient d'un éclat presque fiévreux.
- Comment peux-tu être certain que Voldemort n'est pas de retour ? Et qu'il ne reviendra pas ?
- Je le sais. C'est tout.
Mais Charles n'était pas décidé à se contenter de si peu.
- Tu n'es pas infaillible, Severus. Tu peux faire erreur. C'est toi même qui nous l'a dit quand nous étions plus jeunes. Qu'est-ce qui te permet d'être aussi catégorique ?

Habitué à être cru sur parole, et à ne pas devoir se justifier, Severus se trouva légèrement pris au dépourvu, et il se maudit d'avoir été si imprudent. Il aurait dû se douter que quelqu'un finirait par exiger des détails, mais il ne pensait pas que ce serait Charles.
Il émit un ricanement amusé, en fixant le gamin.
- Ça vois-tu, c'est un peu la revanche de l'espion. Savoir des choses que personne ne peut même imaginer. C'est la parfaite contrepartie de tous les risques que nous prenons...

Charles gloussa, et Severus se pencha pour lui poser la main sur l'épaule.
- Ne t'inquiètes pas, toi et ton frère, vous êtes en sécurité. Je te le promet.
Le jeune homme eut un petit sourire, dévisageant avec attention son professeur et mentor, comme s'il cherchait quelque chose dans son expression.

Le garçon hocha finalement la tête, puis le fixa une fois encore, avec une intensité rarement égalée.
- Tu sais qui je suis réellement, n'est-ce-pas ?
La demande avait été brutale, et Severus sursauta, incapable de cacher le choc sur son visage. Effaré, il lui fallut quelques instants pour se reprendre, et il ne put qu'émettre un son étranglé.

L'adolescent gloussa, les yeux brillants, et Severus pria de toutes ses forces pour qu'il ne s'agisse que d'une étrange plaisanterie. Mais le garçon lui adressa un clin d'œil.
- Harry et moi sommes au courant depuis longtemps que nous ne sommes pas réellement jumeaux tu sais. Il est évident que nous n'avons pas les mêmes parents, même si j'en suis venu à considérer Lily et James Potter comme... appartenant à ma famille.

Severus prit une brusque inspiration, et tenta de se recomposer.
- Je ne comprends pas Charles.
- Oh voyons... Nous ne nous ressemblons pas tant que ça, physiquement. Je tiens à Harry plus que tout, je pourrais mourir pour lui si nécessaire, mais je sais que nous ne sommes pas liés par le sang. Nous le savons tous les deux. On s'est toujours demandé qui j'étais en réalité, même si finalement ça ne changerait pas grand chose. J'ai vu la façon dont tu m'observes depuis quelques temps, et je crois que tu sais qui je suis.

Le maître des potions passa une main tremblante sur son front, en regardant le jeune homme devant lui. Charles était un beau jeune homme, autant que Harry. Ils étaient tous les deux en peine santé, et ils avaient souvent plaisanté avec Lucius et Sirius que ces deux là feraient des ravages lorsqu'ils commenceraient à flirter.
Ils étaient malins et intelligents également. Et il en avait la preuve en cet instant.

Charles attendait sa réponse en le regardant avec confiance, un petit sourire aux lèvres, les yeux pétillants de joie. Tout en lui respirait la joie de vivre, ce qu'il n'avait jamais vu sur celui qu'il avait appelé Maître.
L'homme se demandait quoi répondre. Il ne pouvait pas dire à Charles qu'il était le croquemitaine, celui qui voulait tuer Harry. Celui qui avait tué les Potter et tant d'autres avant eux.

Severus s'éclaircit la voix, incertain.
- Et pourquoi ne pas en avoir parlé plus tôt ?
Charles eut un rire amusé, et il haussa les épaules en balayant la question d'un geste de la main.
- Pour dire quoi ? Harry est mon frère quand même et on ne voulait pas être vus autrement. C'est... comment dire... Nous avons toujours été tous les deux, aussi loin que remontent nos souvenirs. Et puis, ce n'est pas un sujet facile à aborder.
- Alors pourquoi en parler aujourd'hui ? Pourquoi vouloir savoir ?
- Comme je te l'ai dit, j'ai vu comment tu me regardais, Severus. J'ai compris que tu savais qui j'étais avant d'être Charles Potter, jumeau du Sauveur. Et si je veux savoir, c'est parce que j'ai l'impression que c'est important.
- Charles...
- J'ai l'impression que c'est important pour la sécurité de Harry.

Le silence retomba après les mots de Charles, qu'il avait presque chuchotés sans quitter Severus des yeux. Ce dernier fixait Charles, comme pour percer les mystères de cet adolescent hors normes.
L'adulte, déstabilisé, ne savait plus quoi répondre. Il ne voulait pas briser ce gamin en lui révélant qu'il était l'ennemi à abattre. Qu'il avait été le monstre.

Dans une autre vie, Charles avait été un adolescent amer et solitaire qui avait plongé dans une folie meurtrière. Il avait commis des actes ignobles, jusqu'au jour où il avait tenté de tué un bébé. Puis, la magie, les dieux, ou le destin - quelle que soit la force qui avait agi ce jour là - avait choisi d'offrir une seconde chance au meurtrier. Et Charles avait eu une seconde enfance, à peine meilleure que la première. Sauf qu'il n'était plus seul.
Il s'était accroché à l'amour de Harry, et il était devenu quelqu'un d'autre, bien loin du monstre sanguinaire.

Voyant son air perdu, Charles fit un pas en avant vers Severus et le prit dans ses bras, montrant à l'adulte devant lui à quel point il tenait à lui. Severus lui rendit son étreinte, yeux fermés, avant de prendre une profonde inspiration, prêt à lui parler.

Prompt de demain : douce culpabilité