Chapitre 6
Désorientée, je ne savais où regarder ni même ce qu'il venait de se passer, assise, j'étais assise, le mur froid dans mon dos rappelai l'endroit crasseux ou nous étions, une ruelle, ma tête m'élançait par à-coups en rythme avec les battements de cœur effrénés que produisaient mon corps. Une ruelle, des lycéens, une bagarre, le groupe Anti-Toman.
— Ca va, ça va... Je suis juste, un peu sonnée, assurai-je en me relevant grâce à la paroi. Toi, j'étais occupé à interroger ton pote, si tu voulais une réponse aux questions, il fallait le dire au lieu de m'agresser.
L'action était survenue très vite, à peine le garçon avait-il déboulé dans mon champ de vision, que la barre de fer qu'il tenait en main s'était abattu sur mon épaule. Il émit un grognement sans doute agacé que son coup destiné à ma nuque ai échoué. La catastrophe évitée, seule la douleur dans mon membre engourdit élançait quelques bouffés de chaleurs.
— Une fille qui se bat, on aura tout vu au Toman, bande de batards, je vais vous apprendre où est votre place !
Second affront, l'arme ayant déjà cogné, s'abattit contre le mur avant de revenir vers son détenteur de par la puissance de retour.
— C'est pas passé loin, soufflai-je heureuse que mon visage soit encore intact. Ah, je suis sûre que je vais avoir un énorme bleu sur l'épaule. Tout ça c'est de votre faute les gars ! Si vous vous appelez le groupe Anti-Toman, ce n'est pas pour rien, moi j'ai rien à voir la dedans espèce de connard.
Même si le monde tanguait ou peut-être était-ce seulement moi, l'agresseur bascula en arrière sous mon poids, dans un son aigu, la barre de fer roula sur quelques mètres plus loin dans la ruelle. Regards bleuté stupéfait ancré dans le mien, il ouvrit la bouche cherchant l'air que lui bloquait mon avant-bras contre sa gorge. Je me sentais mal, des taches noires apparaissent un peu partout, fermant les yeux dans l'espoir qu'elles se dissipent, une main vint fermement serrer l'épaule engourdie qui m'avait plus tôt fait souffrir. Stoïque de cette douleur tenace, j'eus un sursaut.
— Bouges, t'es en train de l'étouffer. C'est le seul conscient qu'il reste.
— Baji ?
— C'est fini Livia, déclara Chifuyu en passant mon bras sur ses épaules, il ne t'a pas loupé ce connard.
En silence, le blond me redressait pour nous éloigner. Baji vint prendre ma place, à califourchon au-dessus du dernier ennemi qui le fixait avec tellement de peur que ses membres en tremblaient, il saisit son col.
— Maintenant, on va avoir besoin d'un peu plus de renseignements sur votre petit groupe de salopes.
Long silence durant lequel je le vis serrer les poings.
— Si t'étais pas aussi con, tu pourrais vite comprendre qu'il vaut mieux parler parce que Baji n'est pas très patient.
A peine le vice-capitaine avait-il prononcé sa mise en garde que notre ami balança un puissant coup dans le nez du garçon qu'on entendit se casser dans un bruit sec et distinct. Je détournai le regard de cette démonstration de violence. Même en ayant frappé, regarder quelqu'un d'autre le faire sur une personne incapable de se débattre, c'était similaire à de la violence gratuite, donnée sans raison valable si ce n'est réponse aux questions. Non loin, gisaient les autres membres de l'Anti-Toman que Baji et Chifuyu avaient dominés jusqu'au dernier instant de la bagarre, tous sans exception étaient inconscient ou commençaient tout juste à émerger. Ces deux-là étaient vraiment des monstres dans le domaine.
— Hé, tu m'écoutes ? m'interpella le blond. On peut partir si tu veux, t'es pale.
— Non, non, ça va je vous ai dit. Laissez-moi juste un peu de temps pour récupérer.
Mes propos ne devaient pas vraiment concorder avec ma posture assise au sol et adossé lourdement contre le mur mais je ne voulais pas vraiment passer pour une faible après m'être juste pris un seul coup.
— Désolé que t'ai dû être mêlée à ça, vraiment, ça n'arrivera plus.
— Tout à l'heure, je le pensais pas vraiment, c'était juste sur le coup de la colère, me justifiai-je soudain honteuse d'avoir accusé les garçons qui n'y pouvaient rien si ces gars là nous étaient tombés dessus. Si je traine avec vous, c'est logique que j'accepte le risque que ce genre de truc arrive.
— La première fois qu'on s'est vu, ce n'est pas toi qui disais « vos trucs de gang, je vous suis pas sereinement » ou quelque chose comme ça ?
Le regard océan de Chifuyu était voilé de déception et de culpabilité provoquant bien plus d'interrogations que de réponses auxquelles j'essayai pourtant déjà de mettre de l'ordre.
— C'est vrai, je suis pas sereine mais regardes, il y a de quoi. Putain, on était que trois contre au moins vingt gars, heureusement que vous êtes forts parce que sinon, on se serait fait démonter. Tu sais, c'est comme ça que mes amis ont vécu l'enfer avec votre super pote Kiyomasa, ils nous sont tombés dessus et tabassé gratuitement...Pendant des mois.
— Même toi ? Ils t'ont frappé ?
— Non, Takemichi m'avais éloigné de ça... Juste, c'est dur de regarder sans rien pouvoir faire.
Il soupira longuement, j'imagine bien qu'il ne comprend pas vraiment, moi non plus.
— Et donc, tu veux faire quoi ? Te battre, regarder, t'éloigner, te jeter dans la masse ?
C'est vrai ça ? Qu'est ce que je voulais vraiment ? Tout et rien en même temps, je n'avais pourtant jamais été aussi indécise de toute ma vie, habituellement, il suffisait de quelques instants pour prendre une décision et m'y tenir. Or, pour une raison inconnue, l'impression que ce choix allait déterminer la direction que prendrait ma vie, non, nos vies, empêchait chaque hypothèse de réponse à franchir le seuil de mes lèvres.
— D'accord, arrêtes...bredouilla une voix, je vais tout te dire.
Nous nous tournâmes vers Baji mettant fin à la lourde conversation qui avait eu lieu.
— C'est pas trop tôt, t'avais l'air d'avoir une grande gueule tout à l'heure avec la fille que t'as cogné. Dépêche-toi, j'ai pas toute la journée, je crève la dalle. Votre chef c'est qui ?
— Un type de votre âge à peu près, avec un tatouage de tigre dans le cou...
— Son prénom connard, je veux son prénom ! tonna Baji brandissant de nouveau son poing.
— Hanemiya ! Hanemiya Kazutora ! Tout ce que je sais de lui c'est qu'il est sorti de maison de correction, je le jure, je sais rien d'autre !
Geste en suspens, il serra d'autant plus les poings tandis qu'un vague et bref tremblement vint secouer son corps comme si, ce prénom, ne lui était pas inconnu, chose qui n'avait pas non plus échappé au regard de Chifuyu.
— Tu le connais ? C'est qui ?
Sans même répondre, là où ses yeux sortirent d'un vide, Baji abattit son poing sur le visage de la victime donnant naissance à un écoulement de sang semblable au débordement soudain d'une bouteille d'eau que l'on avait trop compressée.
— Oups, il est inconscient, constata-t-il avec une fausse pointe de regret ignorant par la même occasion la question du blond.
L'ambiance lourde se renforçait avec la mine sombre et violente qu'arborait Baji, j'étouffai. Le sang, les garçons inconscients, tout me faisait mal me sentir, tout ça allait trop loin.
— Ok, on se stoppe là ! intervint-je en frissonnant. Faites ce que vous voulez, continuez de tabasser ce pauvre gars mais moi je me casse, putain, c'est quoi ton problème ?
— Livia attend.
Agrippant mon poignet avec une force, je fis volte-face, le regard dur de Baji, animé par une colère sans nom me toisait durement.
— Tu me fais mal, lâches moi, gémis-je en essayant de me défaire de son emprise.
— C'est pas un monde pour toi, t'es trop faible. Eloignes toi de tout ça, ne cherches pas à en savoir plus sinon, tu te feras détruire.
Si on ne pouvait pas appeler ça quelque chose de blessant et rabaissant, je ne sais comment le qualifier.
— Pardon ?
— T'as craqué ou quoi ? Pourquoi tu lui parles comme ça ?
— C'est pas parce que t'es en colère que tu peux t'en prendre à moi.
Chifuyu dont la main était lourdement posée sur l'épaule de Baji, fronçait les sourcils quelque peu décontenancé par l'attitude de celui-ci. C'est sans rien dire de plus qu'il me lâcha définitivement puis partit non sans lancer un regard des plus noirs à Chifuyu. Les mots, crues qu'il m'avait craché au visage résonnaient encore à travers les murs de la ruelle là ou plusieurs de nos ennemis se relevaient pour fuir le lieu à toute jambe. Pendant un bref instant, n'importe qui, moi la première, aurait pu croire que Baji était sur le point de me frapper.
— C'était quoi ça ?
— J'en sais rien, fit Chifuyu en fixant le dos de son ami disparaitre au coin d'une rue.
— Ce type, Hanemiya...commençai-je en cherchant le prénom de celui-ci tout en massant le poignet que l'on m'avait presque broyé. Bref, quand Baji à entendu son prénom, t'as vu sa réaction ?
— Kazutora. Et ouais, c'est sur qu'il le connais, soit il l'aime pas, soit c'est son pote et il s'attendait pas à ce qu'il monte son groupe contre nous, soit il attendait une occasion pour lui tomber dessus mais au final ça l'a foutu en rogne.
— Chifuyu, le coupai-je, tu penses ce qu'il a dit ?
— Penser quoi ?
— Que je suis faible et tout.
— Non, affirma t'il en me prenant par les épaules. L'écoute pas, t'as été super courageuse même après avoir reçu un coup pareil, t'as pas abandonné et tu t'es battu. Je suis certain que Baji le pense aussi, là c'est juste qu'il...Fin, tu vois quoi, il est pas lui-même.
Visage à quelques centimètres du mien, son regard se faisait très sincère atténuant un peu ma déception, j'étais heureuse que quelqu'un reconnaisse que j'avais bien fait.
— Merci Chifuyu, vraiment. Même si je suis un peu déçue de la tournure que ça à pris, ne répète à personne que l'autre m'a envoyé bouffer le mur, parce que là, je perds soixante pourcents de flow.
— Seulement si tu ne dis rien pour les pates que j'ai fait tombé sur la veste de Baji tout à l'heure, s'il apprend que c'est moi, je suis mort.
— D'accord mais seulement si tu te recule un peu parce que les gens vont penser qu'on est sur le point de s'embrasser.
Après s'être figé quelques secondes pour se rendre compte de notre proximité, Chifuyu fit un bond en arrière tout en bougeant les bras dans tous les sens.
— Merde je suis désolé, promis je pensais à rien du tout !
— Calmes toi, c'est pas grave, ricanai-je en le voyant paniquer de la sorte.
Au moins, la discussion avec lui me faisait oublier celle, très courte et pourtant marquante avec Baji mais malheureusement, la bosse à la tête et les bleus à l'épaule qui allaient apparaitre, eux ne m'avaient pas oublié.
— Bon, je vais rentrer, je suis un peu crevé, on se voit... Je sais pas quand mais tu m'envois un message au pire et si Baji fais plus la gueule, tu lui diras que je lui en veux parce qu'il m'a presque cassé le poignet mais que s'il me paye le prochain fast food, je suis prête à reconsidérer ma position.
Enfin, je ne lui en voulais pas plus que ça, après tout, il est connu pour être très impulsif, j'espérais juste des excuses. C'est donc après avoir salué Chifuyu que je rentrai chez moi tout en repensant à ce nouveau « groupe Anti-Toman » qui annonçait surement le début de nouveaux problèmes pour Mikey et son gang.
Dans ce parc, là où tout avait commencé, la première et dernière rencontre avec Kiyomasa, première rencontre avec Mikey et Draken aussi, m'y revoila encore. Des rires, des grognements et le son d'un ballon sur le sable compacté, l'ambiance était totalement différente des dernières fois, à mon grand étonnement tout allait bien. Eclairés par la lumière orangée du soleil couchant, Takemichi, Makoto, Takuya, Kazushi et Atsushi étaient en pleine partie de football avec les deux plus hauts gradés du Toman pendant qu'Hinata discutait gaiement avec une jolie blonde un peu plus loin. La bonne humeur régnait, ce qui me faisait le plus plaisir était de voir Mikey et Draken sourire comme avant, être redevenus amis. Car oui, la situation entre les deux avaient été tendue ces derniers jours, à vrai dire, c'était assez surprenant étant donné l'énorme dispute qui avait éclaté comme un œuf sur le plat.
— Bah alors Liv'chou, t'as vu un fantôme ou quoi ? demanda Mikey en envoyant le ballon dans la tête de Makoto.
— Aie ça fait mal ! Faites gaffe les gars !
— Je m'attendais juste pas trop à vous voir comme ça. Tout à l'air d'aller mieux, constatai-je, bon, ça me fait plaisir de vous voir tous les deux La dernière fois c'était pas vraiment la joie.
— De quoi tu parles ?
— Comment ça de quoi je parle ? T'as pas déjà oublié que...
Takemichi m'adressa un clin d'œil tout en levant les pouces de manière très exagéré. Derrière Mikey, il pensait sans doute être discret mais celui-ci le vit du coin de l'œil. Il fallait donc comprendre que le problème avait été réglé et qu'il ne fallait plus revenir sur la dispute qui avait eu lieu à l'hôpital.
— A ce que je vois tu t'es bien amusé cette après-midi, t'aurai pu appeler pour partager, fit Mikey en se tournant de nouveau vers moi.
— Le capitaine de la première division et son bras droit qui démontent une bande de lycéen en pleins centre-ville accompagnés d'une fille brune aux mèches blanches, c'est pas très discret.
Draken était bien renseigné et moi j'étais toute penaude, de par cet acte, nous avions sans doute causé des soucis au gang, j'aurai sans doute dû stopper Baji et ne pas l'encourager en me jetant moi aussi dans la bagarre.
— Hum, c'est qu'en fait...J'étais pas là dès le début mais ils étaient vingt sur Baji puis c'est eux qui ont commencé, je suis désolé, j'ai pas réfléchis avant d'agir. Oh et puis on s'en fiche, ce mec m'a traité de salope, ils méritaient bien ça ! m'emportai-je finalement en repensant aux quelques blessures qu'avaient subit mon corps suite à l'altercations bien qu'elles ne soient pas visibles à mon plus grand bonheur.
— J'espère que vous les avez bien niqués, on ne s'en prend pas au Toman sans en payer le prix fort ! clama Draken.
— Hein ?
— S'ils ont pas compris, on les retrouvera pour leur re-foutre une petite raclé, t'es d'accord Kenny-chou ?
— Je t'ai déjà dit d'arrêter de m'appeler comme ça en public putain.
— Oups, désolé, Kenny-chou, articula le chef du Toman avant de se mettre à courir car son bras droit était très irrité.
Alors, nous n'avions rien fait de mal ? Quand on y réfléchissait bien, nous n'avions fait que nous défendre. Je soupirai longuement, soulagée de ne pas avoir plus de problèmes. Déjà que j'étais mêlée à ces affaires de gang malgré moi, mieux valait rester discrète.
— Bon, poussez vous ! tonna une voix. Vous vous accaparez Livia et je n'ai jamais pu lui dire bonjour une seule fois !
La blonde, non, la sœur de Mikey m'empoigna rapidement par le bras pour m'entrainer sous un petit kiosque près d'Hinata.
— Ca fait tellement longtemps qu'on me parle de toi, tu me diras, une fille aussi turbulente que toi, ça se remarque.
— Quoi ? Je suis pas turbulente ! protestai-je. C'est pas de ma faute si je suis toujours au mauvais endroit, au mauvais moment.
Les deux filles se mirent alors à ricaner suite à ma remarque.
— Moi c'est Emma, ravie de te rencontrer, dit elle alors avec un large sourire. Ne t'inquiète pas, c'est plutôt remarquable ce que j'ai entendu pour le moment. Takemichi et toi, j'ai l'impression que vous avez une bonne influence sur Mikey et Draken... J'ai vraiment eu peur quand je les ai vu se disputer, il parait que c'est toi qui as arrêté leur première dans le hangar puis c'est Takemichi qui a arrangé la seconde. Merci, vraiment.
Pour s'y attendre, des remerciements aussi directs venant d'une personne qui ne me connaissait presque pas, c'était étonnant. Emma devait vraiment beaucoup tenir à l'amitié entre son frère et Draken.
— Derien, après c'est normal, ils s'entendent tellement bien, ça serait dommage que ça se termine de cette manière.
— Depuis que je te connais, tu as toujours été là à dire que tu voulais devenir une femme forte, tu l'es, déclara Hinata tandis que la blonde hochait la tête. La bienveillance que tu distribues à tout le monde, elle aide vraiment les gens.
— Ah arrêtez, vous allez me faire rougir. Puis c'est quoi tous ces compliments, vous voulez quelque chose ou quoi ?
— Ah mince, trop perspicace, même si je pense tout ce que j'ai dit, j'aimerai que tu viennes avec nous demain soir. J'ai invité Draken à la fête de Musashi et Hinata y va avec Takemichi, on a besoin d'un soutien moral.
— Quoi ? Hors de question que je tienne la chandelle, t'as l'air d'être à fond sur Draken, Hina sort avec Takemichi, non, en plus je suis jamais allé à ce truc. Désolé mais sans moi.
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