Chapitre 4
Le son des chaussures claquant contre le sol poussiéreux du hangar résonnait entre les parois délabrées, bientôt, un homme grand, cigarette en bouche, me dépassa. Son uniforme rouge sur le dos, il profitait de son entrée en scène pour recoiffer ses cheveux blonds dressés en une banane.
— Désolé d'interrompre votre règlement de compte mais vous en avez pas marre de parler de nous ? Moebius par ci, Moebius par-là, on aurait à faire à des fans ? Bande de petits branleurs.
— Mais c'est...Osanai ! hurla Pachin. Enfoiré !
Il ne manquait plus que ça, le chef du clan ennemi qui se ramenait pour mettre le feu aux poudres.
— J'ai deux ans de plus que toi alors je te prierais de m'appeler, monsieur l'enfoiré.
Niveau humour, on avait vu mieux. Je ne sais pas pourquoi, mais je me sentais largement oppressée. Sans même une once d'effort, il colla une droite magistrale à Pachin. J'étouffais un cri de surprise avec mes mains.
— C'est ce que je disais, une belle bande de branleurs. Le Tokyo Manjikai ? A partir de maintenant, je vous rebaptise « l'union des petits branleurs », ricana-t-il en claquant des doigts. On nous à dit que vous cherchiez la merde, alors on est venu prendre les devants.
Aussitôt, un grand nombre de garçons vêtues d'uniformes blancs débarquèrent dans mon dos, munies de battes de baseball et barres de fer. Ils avaient entouré le hangar, Mikey, Draken, Takemichi, Pachin et Peyan se retrouvaient tous les cinq au centre de l'espace tandis que moi, j'étais parmi les membres de Moebius.
— Livia ! cria Takemichi en me voyant coincée.
— Qu'est ce que tu fais avec une bande de petites shlagues comme eux ? Tu t'es perdue ma jolie.
Un garçon entièrement torse nu venait tout juste de passer son bras sur mes épaules et m'offrait un sourire charmeur.
— Pardon mais je suis avec eux, tu peux me lâcher s'il te plait ? tentai-je avec toute la gentillesse dont je pouvais faire preuve.
— Et donc, vous avez besoin d'être aussi nombreux pour nous ? demanda Mikey en se levant. T'es exactement comme je l'imaginais Osanai, une merde.
— Hein ? T'as dit quoi ? Parle plus fort nabot.
Vague de rire. Comme je l'avais dit, au niveau des insultes et des clashs, on repassera. Le chef de Moebius se tourna vers Takemichi.
— Hé toi, d'où tu me mate comme ça ?
Le coup partit de lui-même, une droite dans son visage, une deuxième, je tentai de m'avancer.
— Restes tranquille, si tu y vas, tu risques de te faire mal, pas vrai les gars ? Ça serait dommage d'abimer une fille aussi délicate que toi, on est bien là pour regarder.
L'halène de fumeur de ce garçon était tellement forte que j'en avais la nausée. Il ne fumait pas et pourtant on aurait dit qu'un souffle de fumé sortait d'entre ses lèvres dès qu'il ouvrait la bouche. Troisième coup, j'appelai son prénom, à mon grand étonnement, Pachin se releva pour pousser Takemichi en arrière. Malheureusement, Osanai était trop fort, il enchainait les coups de poings puissants non sans éviter tous les assauts de son adversaire. Ça me fendait le cœur de le voir ainsi, couvert de son propre sang, presque défiguré, pourtant, il ne cessait de se relever, ses yeux étaient vides comme si, à tout moment, la perte de connaissance pouvait survenir. Mikey ne semblait pas vouloir couper court au combat, il me lança un regard des plus sérieux, ses sourcils se froncèrent en remarquant les garçons qui m'entouraient.
— Liv'chou, viens.
Il ne fallait pas me le dire deux fois, évidemment, je ne m'attendais pas à ce que ce type me laisse partir aussi facilement, sa main glissa le long de mon bras pour venir s'accrocher à ma hanche voulant clairement signifier « tu restes là ». Ce toucher que je trouvais répugnant me fit frémir.
— Qu'est ce que tu lui trouve à ce nabot ? Tu sais ce que tu pourrais faire ? Nous jouer un petit morceau pendant que le gros tas se fait défoncer. Après ça sera au tour des autres puis on pourra s'en aller, toi et moi...
Chuchotant à mon oreille, ses mains baladeuses descendaient jusqu'à mon postérieur. C'était la goutte de trop, il se croyaient vraiment tous supérieur, frapper les garçons, les insulter, se moquer, oser me prendre pour une chose, je vis rouge. S'il fallait jouer un morceau, ça serait pour annoncer leurs morts. Le contact sur mon corps était brulant, une alarme s'éveillait, je revoyais Mitsuya expliquer que Moebius avait violé cette fille, je me voyais être cette fille. J'avais peur mais je voulais vaincre, être la femme forte dont je rêvais.
— Eloignes-toi de moi, tu pues de la gueule et je te jure que si tu continues à me tripoter comme ça, je m'arrangerais pour te couper les couilles si jamais tu en as une paire. Gros tas de merde.
Ma réflexion eut pour effet de stopper toute conversation qu'il pouvait y avoir, même Osanai et Pachin qui était sur le point de s'écrouler arrêtèrent leur combat pour se tourner vers nous. Cette même sensation que le jour où je m'étais interposé pour faire face à Kiyomasa, non, ça n'était pas ça, plutôt celui où j'avais enfoncé la tête d'une fille au collège dans une boite aux lettres. Un élan de colère, ce picotement sous la peau, je voulais exploser.
— Comment elle l'a recalé ! se moqua Peyan.
— Il va prendre cher...
— C'est plutôt votre copine qui va prendre cher, contredit Osanai. Takeru, montre-lui ce qu'il arrive quand on parle comme ça à un homme !
— Laisses Draken, je l'ai vu qu'une seule fois comme ça, crois-moi, c'était pas beau à voir, avoua Takemichi. C'est pas parce que c'est une fille qu'elle est pas capable de se défendre.
Je n'écoutais la conversation que d'une seule oreille, j'entendais les paroles mais la capacité à les saisir, les analyser s'était envolé. Mon talon en bois sept centimètres vint piétiner lourdement le pied droit du fameux Takeru. Bouche ouverte comme si on lui coupait la respiration, sa prise autour de mon corps et mon instrument se desserra. L'expression faciale qu'il arborait me réjouissait, un mélange de douleur et de colère tordait ses doux et arrogants traits qu'il montrait auparavant.
— Ça fait mal non ? Attends, ça fait quoi si je fais ça ? demandai-je en appuyant encore plus pour pivoter lentement dans sa chaire.
— Enlèves...
— Tout à l'heure je t'ai demandé poliment de me lâcher et tu ne l'as pas fait, il va en falloir plus que ça pour j'arrête.
— Pétasse, tu n'aurais jamais dû faire ça.
Cela sonnait comme une menace et malheureusement, il semblait encore apte à bouger ses bras c'est pourquoi je dû me reculer. Levant mes magnifiques bottes de son horrible pied, désormais sur une jambe à se masser ce que je venais de piétiner, il ne me restait plus qu'à balayer son seul point d'équilibre, sa jambe gauche, d'un coup de pied. Dans un grand boum, Takeru tomba sur le sol poussiéreux levant, par la même occasion, un nuage de saletés. Il n'y avait pas que son corps qui s'était écroulé, cette défaite avait emportée avec elle, son honneur, sa fierté personnelle mais aussi celle du clan Moebius entier.
— Alors, tu veux toujours d'un « toi et moi » ?
Tous les regards convergeaient vers moi et même s'ils étaient ennemis, il était certain qu'a cet instant précis, de la surprise ainsi que de la confusion émergeaient en chacun d'eux. J'espérais bien aussi que certains ressentaient de l'admiration car je n'étais pas peu fière de mon action.
— Attrapez moi cette connasse, je m'occuperai de son cas après ! hurla le chef de gang.
Calmant ma respiration rauque, cette vision plus que satisfaisante et l'état de transe dans lequel je me sentais puissante s'évanouirent alors. Ramené brusquement à la réalité, des ombres sur le sol se mouvaient en un centre, le mien. De peu, la main imposante d'un ennemi me frôla, mon regard se dirigea vers Mikey qui rattrapait Pachin tombé dans les pommes, instantanément, en le voyant se diriger d'un pas calme et confiant vers Osanai, je sus qu'il allait l'écraser. Ils avaient beau être forts, leurs mouvements n'en étaient que plus lents que les miens. A défaut de ne pas pouvoir les abattre uns à uns comme le feraient sans doute les garçons du Toman, je me frayais chemin à travers les hommes de Moebius. Cela pouvait être comparable au jeu « garçon attrape fille » auquel je jouais étant petite, esquivant, pivotant sur moi-même, ils peinaient souvent à ne serait-ce que me toucher et c'était exactement ce qu'il se passait à cet instant.
— Putain mais vous le faites exprès ou quoi ? Choppez-la.
Osanai commençai à s'impatienter, c'était plaisant de le mettre en colère de par ma simple présence. Seulement, deux de ses hommes vinrent me prendre en tenaille alors que le centre du hangar n'était plus qu'a quelques mètres. Accélérant précipitamment, l'épaule de l'un deux me percuta de plein fouet, mon élan n'en fut que plus décuplé et je trébuchai.
— C'était bien joué Liv'chou, me félicita-t-on.
En réalité, quelqu'un avait amorti ma chute, contre son torse, Mikey m'offrait un large sourire.
— Merci, sinon je serai rétamé, j'aurais perdu cinquante pourcents de la classe que j'avais il y a deux minutes.
— Parce que là t'en a perdu combien ?
— Je dirais vingt mais toi t'en as gagné quatre-vingt-dix pourcents. T'as rattrapé Pachin, puis moi et maintenant tu vas foutre une déculotté au chef de Moebius.
— C'est ça ouais, mettez-vous plutôt à poil pour nous supplier à genoux de vous épargner, clamèrent les adversaires du Toman.
Le blond souffla du nez soulevant par la même occasion son torse puis m'agrippa par les épaules pour nous décoller. Je ne m'étais même pas rendue compte de la proximité à laquelle nous nous tenions et ne put que sentir mes joues chauffer, pour vu que personne ne remarque.
— Restes là.
J'hochai la tête pendant qu'il remettait les mains dans les poches de son pantalon large pour s'approcher de l'ennemi qui le fixait de haut. Sans même pouvoir dire un simple mot, le pied de Mikey lui frappa le visage d'une telle force qu'il en tomba à la renverse. Et c'était déjà fini, le chef du Tokyo Manjikai avait vaincu. Tous furent estomaqués, il y avait de quoi, Osanai s'était mangé un bon coup de pied et venait de perdre.
— Que ceux qui pensent que Pachin à perdu...avancent vers moi. Je vais tous vous crever, le Tokyo Manjikai c'est mon clan, tant que je serai là...Personne n'aura perdu le moindre combat.
Pendant un bref instant, j'avais cru voir une grande envie de violence et de sang dans son regard mais elle s'évanouit aussitôt qu'il se retourna vers nous.
— Désolé Kenny-chou, j'ai pas pu résister.
— T'es vraiment pas sortable Mikey, souria celui-ci.
— Bon, finalement, je t'accorde un petit quatre-vingt-dix-neuf pourcents de flow, rectifiai-je en m'avançant vers lui.
— Tu pourrais mettre cent pourcent, fais pas ta radine.
— Non, j'ai pas envie...
— Mikey, Livia, faites attention !
Avant l'on ne puisse saisir la situation, Draken était déjà devant nous, genoux dans le ventre d'Osanai qui s'était relevé et qui visiblement, ne voulait pas accepter sa défaite.
— Il l'a trouvé où cette bouteille de verre ? soufflai-je pour moi-même. Putain, il à voulut te planter Mikey.
— Osanai, tu veux savoir où tu as merdé, t'as pas respecté le code d'honneur. Tu t'en es pris à des vieux, t'as violé une meuf...Bref t'as fait de la merde, commença Draken avant de se tourner vers les autres. Y'en a d'autres qui veulent tester ? Je me ferai un plaisir de les crever un par un. Mikey à défoncé votre boss ! Y'en a qui veulent s'expliquer avec nous ? Si vous n'avez rien à redire, à partir d'aujourd'hui, le clan Moebius est aux ordres du Tokyo Manjikai.
Personne n'osait contredire la décision qui venait d'être prise et chacun se demandait surement s'il était possible que deux gars aussi forts ne soient encore qu'au collège. Au loin, j'entendais un son résonnant, les sirènes, elles étaient là, il fallait qu'on parte maintenant.
— Vous entendez ? La police arrive.
— Ils viennent nous féliciter, m'expliqua Peyan faisant rire Mikey.
— On raconte que ce sont des fans toxiques, faudrait mieux les fuir, ricanai-je en balayant les environs du regard.
— Hé les connards, vous cassez pas comme des rats, venez aider Osanai, interpella Draken qui tenait toujours ce dernier. Et aussi ramassez votre pote que Livia a défoncé.
Même s'il ne les aimait pas, il restait raisonnable dans sa manière d'agir en aidant le chef de Moebius à s'enfuir. Un mouvement m'attira l'œil forçant à tourner la tête, Pachin dont le sang séché tachait le bas de son visage, s'était relevé, un objet contre lequel le soleil se répercutait sur sa surface dans la main. J'eus hurlé pour fondre sur lui mais d'un coup d'épaule, il me renvoya valser un peu plus loin, aussitôt, les cries de Draken et moi alertèrent tout le monde.
— Qu'est ce que tu fous Pachin ? demanda-t-il en secouant Osanai pour voir s'il était encore conscient.
— Hein ? Il l'a planté ? s'étonna Takemichi.
Je me relevai pour aller aider Draken, le couteau était encore planté dans le dos du lycéen et du sang tachait sa veste pourtant déjà rouge.
— Faut surtout pas retirer l'arme sinon ça sera pire.
Mon cœur battait très vite dans ma poitrine, les sirènes de police se rapprochaient à chaque seconde qui passait et la vision d'Osanai au sol en donnait des sueurs froides.
— Faut qu'on se casse ! hurla Mikey après être sortit de sa torpeur.
— Désolé Mikey...Peyan, à toi de reprendre la troisième brigade. Je vais me rendre au flic.
L'annonce de Pachin eut pour effet de mettre le chef du Toman dans un tel état qu'il ne voulait pas partir, pas laisser son ami se rendre à la police, ce que je pouvais comprendre mais ceux-ci venaient de débarquer dans le hangar. Draken peinait à contenir son ami.
— C'est trop tard, faut vraiment qu'on y aille sinon on va tous se faire chopper ! criai-je à son encontre.
Désormais plus que cinq, nous courrions à travers les ruelles, le plus loin possible du lieu où les forces de l'ordres interpellaient quelques membres de Moebius ainsi que Pachin.
— Ah pourquoi c'est parti en sucette ? se lamenta Peyan les larmes aux yeux.
Bien trop occupé à caller ma respiration sur un rythme régulier, je ne vis que trop tard l'état dans lequel se trouvait mon meilleur ami.
— Merde, Takemichi !
— Laisses Livia, je vais le porter, faut qu'on fonce à l'hôpital.
Le blond tombé dans les pommes sur le dos de Draken, nous nous hâtions aux urgences là où ils prirent directement Takemichi en charge. Pendant tout le trajet, Mikey n'avait pas dit un mot, Peyan était partit de son côté et Draken avait fait mine de regarder ailleurs si il n'y avait pas la police pour dissimuler l'ambiance lourde qui s'était installée.
— Si tu ne m'avais pas empêché de le rejoindre, il m'aurait suivi on se serait tous enfui ! explosa le chef du Toman.
— Non, on se serait tous fait chopper ! C'était sa décision, pas une pulsion, t'as bien vu comment il à poussé Livia pour ne pas qu'elle ne l'empêche de planter Osanai ? Il est conscient de ce qu'il à fait et c'est pour ça qu'il se livre lui-même à la police.
— J'aurai pu le faire changer d'avis, on n'abandonne pas un membre du clan à son sort, on n'est pas des crevards !
Voila ce que je pus entendre en sortant prendre l'air près de l'arrière du bâtiment de l'hôpital, Mikey et Draken se disputaient, le ton montait et j'eus peur qu'ils ne se mettent à se frapper.
— Mais putain Mikey ! T'as pas compris que Pachin sait très bien qu'il a merdé ? Planter quelqu'un ça fait pas partit de nos codes !
*en italique= mots français
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