53 - Départ
– Quitter le Japon ? Répéta Yukino, éberluée.
– Oui et sans tarder, dit-il.
Yukino ramena son front contre son torse pour mettre de l'ordre dans ses idées.
Il avait raison.
Ces hommes étaient venus jusque dans leur restaurant pour s'en prendre à eux. Ils n'hésiteraient pas à les attaquer n'importe où.
Elle s'efforça de respirer calmement.
– Mais... et le restaurant ? Dit-elle.
– On trouvera un gérant pour s'en occuper. Pas besoin d'être sur place pour ça. Et puis, on peut recommencer ailleurs. Rien ne nous en empêche.
Elle inspira.
– D'accord, murmura-t-elle. Partons...
Elle se leva sans lâcher la main de Taiju.
Elle tremblait encore, il pouvait le sentir.
– Ça va aller ? Lui demanda-t-il. Tu peux marcher ?
– Oui.
– Alors rentrons à la maison.
Une fois arrivés à leur appartement, Taiju sortit leurs valises et il les posa sur le lit.
– Ne prends que le strict nécessaire, lui dit-il. Nous achèterons tout ce dont nous avons besoin sur place.
– Très bien, répéta-t-elle.
Elle semblait hébétée, comme dans un état second.
Nous allons vraiment quitter le pays ainsi ? Comme des voleurs ?
Taiju s'éloigna, son téléphone à la main, pour essayer de leur trouver des billets d'avion.
Lorsqu'il revint vers elle vingt minutes plus tard, il vit qu'elle avait empilé dans leurs valises tout ce qui lui était tombé sous la main sans vraiment regarder ce qu'elle faisait.
Il passa un bras autour de ses épaules, la ramena vers lui et embrassa son front.
– Tout va bien, lui dit-il. Ne t'en fais pas, je ne laisserai personne te faire de mal.
Blottie contre lui, Yukino essayait de reprendre pied.
Tout cela lui paraissait surréaliste. La mort de Hakkai, celle de Mitsuya, l'attaque du restaurant par ces hommes. Même le calme de Taiju.
Non, se corrigea-t-elle en sentant son cœur tambouriner. Lui aussi est inquiet. Il fait juste en sorte de ne pas m'effrayer.
Elle se redressa à demi, la main posée sur son torse.
Je dois me reprendre.
C'est alors qu'une pensée lui traversa tout à coup l'esprit.
– Taiju ! S'exclama-t-elle. Je ne peux pas partir comme ça ! Je dois prévenir mes parents ! Je dois appeler papa et maman !
La panique avait de nouveau envahi sa voix et elle se mit à trembler de plus belle, les larmes aux yeux.
Taiju la ramena contre lui.
– Yuki... Commença-t-il.
Si elle les appelait, elle ne pourrait pas s'empêcher de leur parler de ce qui s'était passé, il le savait, et alors eux aussi allaient se retrouver en danger.
– Ce serait mieux que tu leur écrives, reprit-il. Nous pourrions poster la lettre depuis l'aéroport et comme ça nous ne perdrions pas de temps, qu'est-ce que tu en penses ?
Le nez enfoui contre son torse, Yukino comprit le sens caché de ses paroles.
Ne les mets pas en danger.
Si elle impliquait ses parents, ne serait-ce qu'en leur parlant de ce qui était arrivé ce soir, ils risquaient de se retrouver menacés à leur tour.
Elle se cramponna plus fort à lui.
– D'accord... Souffla-t-elle.
Il ajouta :
– Ne t'inquiète pas, ils sont en sécurité, j'en suis sûr. Le Toman n'est pas intéressé par les gens qui ne sont au courant de rien.
Koko et Inupi avaient disparu rapidement après l'affrontement. Taiju avait compris qu'ils n'étaient pas venus pour lui ce soir, mais pour Hanagaki et son pote flic.
J'espère que tous les deux s'en sont sortis...
Une autre idée lui vint.
– Dans ta lettre, lui dit-il, tu devrais juste leur dire que nous avons eu envie de nous offrir un petit voyage improvisé. Dis-leur qu'on voulait admirer ensemble la vue qu'on a depuis les hauteurs de Los Angeles.
Yukino resta une seconde silencieuse.
Puis elle se mit à pouffer de rire au milieu de ses larmes.
– C'est tout à fait le genre de choses qu'aurait pu dire papa, lui fit-elle remarquer.
– Ouais... Je sais, dit-il, une pointe de gêne dans la voix.
Elle n'avait pas besoin de le regarder pour savoir qu'il avait détourné la tête.
Étrangement, sa réaction la rassura.
On dirait une sorte de code, se dit-elle.
La pensée que son père comprendrait la tranquillisa et elle respira plus librement.
– D'accord, dit-elle. Je vais leur dire ça.
Plus tard dans la matinée, tous les deux rejoignirent l'aéroport international de Haneda.
Tandis qu'ils traversaient le hall, main dans la main, Yukino regardait les passagers qui allaient et venaient autour d'eux.
Certains étaient de retour de vacances. D'autres, en costumes-cravates, partaient sans doute en voyage d'affaires.
Mais est-ce qu'il y en avait un seul qui fuyait le Japon comme eux ?
Tout cela est si étrange, songea Yukino.
Quelques semaines auparavant, ils accompagnaient Yuzuha ici même. Aujourd'hui c'était leur tour et elle n'arrivait pas à se faire à l'idée qu'ils allaient quitter le pays.
Est-ce que nous reviendrons un jour ?
Elle examina le profil de Taiju.
Il semblait tendu et surveillait les alentours comme s'il craignait de voir surgir ces hommes. Ça n'était pas le moment de lui poser la question.
Après avoir récupéré leurs billets au guichet, ils gagnèrent ensemble la zone d'embarquement.
Taiju n'avait pas lâché sa main et il scrutait toujours les visages autour d'eux.
Je ne respirerai qu'une fois le Japon derrière nous et l'avion loin au-dessus du pacifique, se répétait-il.
– Taiju, dit Yukino, je voudrais aller aux toilettes. J'ai besoin de me rafraîchir.
– Ok, je t'accompagne. Je t'attendrai devant la porte.
Une fois seul, Taiju sortit son téléphone et il composa le numéro de Yuzuya.
Sa sœur décrocha rapidement. Il était presque vingt heures à Los Angeles.
– Salut Yu, dit-il.
–Taiju ? C'est rare que tu m'appelles. Tu te rappelles que tu as une petite sœur finalement...
– On est à l'aéroport avec Yuki, lui dit-il sans la laisser finir. Si tout va bien, on sera à Los Angeles demain.
Yuzuha devint aussitôt sérieuse.
– Qu'est-ce qui se passe ? Demanda-t-elle.
Taiju jeta un œil autour de lui pour s'assurer qu'il était bien seul.
– Ils sont venus au restaurant la nuit dernière...
– Yukino va bien ? Le coupa-t-elle.
– Ouais, elle a eu peur, mais elle va bien. Mais on ne peut plus rester ici, c'est trop risqué...
Au-dessus de lui, un écran géant était en train de retransmettre le journal télévisé et Taiju se figea quand deux photos apparurent.
Les visages de Hanagaki et de Tachibana venaient de s'afficher, accompagnés de la mention « Assassinés hier soir à Ginza ».
Ils ont échoué, comprit-il.
Raison de plus pour partir au plus vite.
Il n'eut pas le temps d'expliquer à Yuzuha. Derrière lui, la porte se rouvrit et Yukino reparut.
– Taiju ? Dit-elle en remarquant son expression. Tout va bien ?
– Ouais, dit-il, je suis au téléphone avec Yu. Je voulais lui demander de venir nous chercher à l'aéroport.
Yukino se hissa sur la pointe des pieds pour attraper le bras de Taiju.
– J'ai hâte de te voir ! Dit-elle assez fort pour que Yuzuha l'entende. Il faudra qu'on aille faire les boutiques ensemble, je n'ai plus rien à me mettre !
Le haut-parleur de l'aéroport annonça le début de l'embarquement et Taiju reprit à l'intention de sa sœur.
– Je dois y aller, dit-il. On se voit dans quelques heures.
– Prends soin de Yukino, lui répondit-elle.
– T'inquiète, je ne ferai pas deux fois la même connerie.
Puis il rangea son téléphone.
Tous les deux se dirigèrent alors vers la porte, mais arrivés à l'entrée du sas qui menait à l'avion, Yukino se retourna.
D'ici, elle ne pouvait pas voir l'extérieur. Pourtant, il lui semblait que le Japon était là, sous ses yeux.
Elle s'immobilisa.
– C'est mon pays, dit-elle la gorge serrée à Taiju qui l'interrogeait du regard. C'est là que je suis née et que j'ai toujours vécu.
Il y avait de nouveau des larmes dans ses yeux.
Est-ce que je reviendrai un jour ?
Elle n'en savait rien.
Puis, avant que Taiju ait pu dire un mot, elle prit sa main et l'entraîna fermement en avant.
– Nous ne fuyons pas, dit-elle, plus pour elle-même que pour lui. Nous partons simplement vers une nouvelle aventure. À nous l'Amérique ! Le monde va apprendre à connaître les Shiba !
Taiju la regarda en silence.
Il sut alors qu'il avait pris la bonne décision.
Parce que être fort, ce n'est pas écraser ses adversaires.
C'est être capable de protéger ceux que l'on aime.
Je remercie tous ceux qui m'ont suivie au travers de cette histoire consacrée à Taiju Shiba. Ça n'était pas un personnage facile et à aucun moment je n'ai voulu minimiser les actes qu'il avait commis.
Mais d'un autre côté, j'avais envie d'imaginer sa vie après l'épisode de Noël et l'instant où il a réalisé que la violence ne résolvait pas tout.
J'espère ne pas m'être trop éloignée du personnage.
( ̄▽ ̄*)ゞ
En tout cas, merci pour chacun de vos votes et chacun de vos commentaires et à bientôt peut-être !
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