52 - Bras de fer

Assis, les fesses au bord de la banquette et les nerfs à fleur de peau, Takemichi Hanagaki était suspendu aux lèvres de Taiju.

Ce dernier lui révéla tout ce qu'il savait de l'histoire des deux boss actuels du Toman, Manjirō Sano et Izana Kurokawa, mais aussi sur les liens qui avaient toujours unis le Black Dragon et le Tokyo Manji.

– C'est Shinichiro Sano, le grand frère de Mikey, qui a fondé la première génération du Black Dragon, lui dit-il. Kurokawa n'est venu qu'ensuite.

– Alors il était là avant toi ? Dit Hanagaki.

– Ouais et après il a fondé le Tenjiku pour affronter le Toman.

Takemichi commençait à y voir plus clair, mais un point restait obscur à ses yeux.

Pourquoi Mikey est-il devenu si proche de Izana Kurokawa ?

C'était incompréhensible. D'après ce que lui avait raconté Taiju, tous les deux étaient ennemis à l'origine, alors pourquoi Manjirō Sano avait-il une confiance absolue en Izana aujourd'hui ?

Il n'eut pas le temps de poser la question. Un vacarme monta de l'entrée du restaurant et une troupe d'hommes parut.

À leur tête, se trouvait Hajime Kokonoi – Koko – celui qui avait autrefois contribué à faire du Black Dragon de Taiju l'un des gangs les plus riches de la capitale.

Tachibana, Takemichi et Taiju se levèrent d'un même mouvement et Koko s'avança, Inupi, son éternel acolyte, sur les talons.

– Mais qu'est-ce que nous avons là ? Dit Koko avec une mimique amusée. Ça sent la poucave ici !

Inupi se rangea à côté de lui.

– Vous avez attiré l'attention du Toman avec vos questions, dit-il. À partir du moment où vous avez commencé à vous intéresser à Izana, vous êtes devenus nos ennemis.

– Vos ennemis ? Rigola Taiju. Des cloportes comme vous ? Un baltringue toujours désespérément accroché au Black Dragon et la tirelire ambulante du clan ?

Taiju retira sa veste et il la jeta au loin.

– Hanagaki, dit-il sans se retourner, sortez par derrière, moi je m'occupe d'eux.

– Mais... Commença Takemichi.

Taiju le fit taire d'un regard.

– J'avais une dette envers toi, lui dit-il, considère qu'elle est payée à présent.

Puis il ajouta à l'intention de Tachibana :

– Toi et les flics, faites en sorte que la police se charge du Toman. Faites-leur payer la mort de Hakkai !

Il n'eut pas le temps d'en dire plus. L'un des hommes du groupe tenta d'arrêter Naoto et Takemichi dans leur fuite, mais Taiju le cueillit d'un coup de poing à la mâchoire qui l'écrasa au sol et fit trembler le plancher.

Tous les autres reculèrent.

– Putain, c'est quoi ce monstre... ? Bredouilla l'un d'eux.

Taiju se redressa et il fit craquer ses poings.

– Amenez-vous bande de tocards ! J'espère que vous allez me distraire un petit peu !




Naoto saisit Hanagaki par le coude et il l'entraîna derrière lui sans poser de questions. Il suivit les panneaux d'évacuation pour rejoindre la sortie de service et, une fois dans la rue, Takemichi échappa à sa poigne.

Il s'immobilisa au milieu de la rue.

– Naoto ! Cria-t-il. On doit y retourner ! On ne peut pas laisser Taiju tout seul ! En plus Koko et Inupi sont sûrement les mieux placés pour nous en apprendre plus sur le Toman !

Naoto revint vers lui en deux pas.

– Tu es stupide ou quoi ? Lui cria-t-il. Si tu retournes là-haut, tu vas te faire tuer !

Takemichi le regarda, abasourdi.

C'est alors que le déclic d'une arme retentit dans la ruelle voisine.

Naoto réagit le premier. Il se jeta sur Takemichi et prit en pleine poitrine la balle qui lui était destinée.

– NAOTO ! Hurla Takemichi.




Plus haut, au quarante-deuxième étage de la tour, Taiju déboutonna ses manches de chemise et il les remonta sur ses bras, un sourire carnassier sur les lèvres.

Il avait envie d'en découdre. Au fond, c'était exactement ce dont il avait besoin. Une bonne baston à l'ancienne. Elle le débarrasserait un peu de la frustration qui le taraudait depuis la mort de Hakkai.

Ça ne le ramènera pas, mais coller mon poing dans la gueule de ses meurtriers va me faire du bien.

Les hommes du Toman attaquèrent tous ensemble, sans doute pour le faire plier sous le nombre. Mais même à plusieurs ils ne furent pas de taille. Taiju les attrapait par le col pour les envoyer voler aux quatre coins de la pièce, se servant des uns pour frapper les autres comme s'ils étaient de vulgaires pantins.

– BAH ALORS ? S'exclama-t-il. C'EST DÉJÀ TERMINÉ ? VOUS N'AVEZ RIEN DANS LE FROC LE TOMAN !

La porte de la salle s'ouvrit dans le dos de ses assaillants et Taiju leva les yeux.

Puis il blêmit.




Quelques minutes plus tôt

Alertée par le tapage, Yukino abandonna le bureau.

Elle avait entendu Taiju rentrer un peu plus tôt, apparemment avec des amis.  Mais elle ne s'en était pas inquiétée sur le moment. Il les avait sans doute rencontré en chemin ou à l'église. Ensuite, d'autres personnes étaient arrivées en grand nombre et un vacarme de lutte avait envahi la salle.

Qu'est-ce qui se passe ?

Debout sur le seuil de la porte, elle contempla la scène, pétrifiée.

– YUKI ! Hurla Taiju en la voyant. VA TE PLANQUER !

Sa voix lui fit l'effet d'un électrochoc. Yukino tourna les talons et partit en courant sans chercher à comprendre.

Derrière elle une cavalcade lui apprit que des hommes s'étaient lancés à sa poursuite et quelqu'un cria :

– Attrapez-la !

Affolée, elle accéléra encore, rejoignit le bureau de Taiju et s'y enferma, fermant la porte à double tour.

Puis elle se laissa glisser contre le battant, le cœur cognant comme un fou dans sa poitrine.

Mais qu'est-ce qui se passe ici ?




Les hommes qui l'avaient prise en chasse furent de retour dans la salle où les attendaient Koko et Inupi.

– Elle s'est enfermée dans un bureau avec une putain de porte en chêne massif, leur expliqua l'un d'eux. On a essayé de la défoncer, mais pas moyen, elle est trop épaisse.

Yukino les avait entendus tenter de forcer la serrure durant plusieurs minutes, avant de finalement décider d'abandonner.

– Tch ! Lâcha Koko en ramenant les yeux sur Taiju. Dommage, elle nous aurait été bien utile pour faire capituler ce monstre.

Face à eux, le sourire de ce dernier s'agrandit.

Maintenant qu'il savait que Yukino était en sécurité, il allait pouvoir se donner à fond.




Ramassée derrière la porte du bureau de son mari, les genoux remontés contre la poitrine et des sanglots dans la gorge, Yukino s'efforçait de respirer calmement.

Qui étaient ces hommes et pourquoi étaient-ils là ?

Elle se doutait plus ou moins qu'ils devaient être liés à Hakkai, mais elle ne comprenait pas pourquoi ils étaient venus ici ce soir.

Ce sont ses meurtriers ? Et maintenant, ils sont venus pour Taiju et moi ?

Cette idée lui fit courir un frisson de terreur le long de la colonne.

Elle enfouit son visage entre ses bras et se mit à pleurer sans parvenir à s'en empêcher.




Après ce qui lui avait paru durer une éternité, un coup retentit à la porte et Yukino bondit avant de reconnaître la voix de Taiju.

Yuki... C'est moi...

Elle vint lui ouvrir avec un soupir de soulagement.

C'était bien lui.

Il était là, débraillé et mal en point, mais il était là.

Elle se jeta dans ses bras et Taiju la serra contre lui.

– Je suis là... Répéta-t-il. Je suis là.

Elle tremblait de tous ses membres remarqua-t-il.

Au bout d'un moment, elle se redressa et commença à l'examiner sous toutes les coutures.

– Est-ce que tu es blessé ? Dit-elle une note d'affolement dans la voix. As-tu besoin d'aller à l'hôpital ?

Taiju prit ses mains dans les siennes.

– Je vais bien, la rassura-t-il. C'est le sang de ces bâtards. Moi je n'ai rien.

Mais Yukino avait besoin de s'en assurer par elle-même.

Elle l'attira dans le bureau et le força à s'asseoir sur le canapé.

Puis elle disparut dans la salle de bain et en revint avec la trousse à pharmacie.

Une fois là, elle se mit à nettoyer chacune de ses égratignures, soulevant sa chemise et scrutant chaque petites plaies pour s'assurer qu'il avait dit vrai.

Il la laissa faire en silence.

Ses mains tremblaient toujours, remarqua-t-il, et elle avait le souffle erratique. Il vit aussi les traces de larmes sur ses joues et ses lèvres étaient plus pâles que d'habitude.

Quand elle eut terminé, elle appuya son front contre son torse et respira pour essayer de se calmer.

Les bras de Taiju revinrent l'enlacer.

– Je vais bien Yuki, lui dit-il à nouveau. Ils sont partis, c'est fini.

Puis il réfléchit et ajouta :

– Yuki, dit-il, nous allons nous en aller.

Yukino leva la tête. 

Elle le regarda et Taiju reprit.

– Nous allons prendre le prochain vol, dit-il. Demain au plus tard, peu importe ce que ça coûtera. Nous n'avons qu'à aller retrouver Yuzuha à Los Angeles, qu'est-ce que tu en dis ?

– Partir... Répéta-t-elle, en état de choc.

– Oui, dit-il. Quitter le Japon. Aujourd'hui même.

Un peu plus tôt, il s'était demandé ce qui serait arrivé si Yukino n'avait pas réussi à échapper au hommes du Toman et une lame froide de terreur lui avait traversé la poitrine.

Partir... c'est ce que nous avons de mieux à faire.

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