48 - Tokyo Revengers

Six ans plus tard


La jeune serveuse courut se réfugier dans les cuisines, paniquée et au bord des larmes. 

Un des garçons chargé de confectionner les desserts la vit et il vint vers elle.

– Ura san ? dit-il. Tout va bien ?

La jeune femme était à deux doigts de la crise de nerf. Elle pressa ses doigts contre sa bouche pour retenir les sanglots nerveux qu'elle sentait monter dans sa gorge et secoua la tête.

Autour d'eux, les commis se rapprochèrent et l'agitation attira jusqu'à l'attention du cuisinier français.




Yukino signa le bon de commande tout en remontant le couloir à grands pas et elle le rendit à l'assistant comptable. Ce dernier repartit vers les bureaux.

Le Barbarossa était une ruche aujourd'hui.

La veille, une troupe de théâtre dont la première avait connu un gros succès une semaine plus tôt, avait décidé de venir fêter leur réussite chez eux. Le groupe qui était venu dîner ce soir ne comprenait que les acteurs principaux, le scénariste et le metteur en scène, mais cela représentait tout de même une dizaine de personnes et, évidemment, ils n'avaient pas pu réserver à l'avance.

Yukino et Taiju avaient décidé malgré tout de les accueillir. Ce genre de clients était une bonne publicité.

Je crois que la pièce s'appelle Tokyo « Revanche »... ou quelque chose comme ça, se dit-elle.

Elle n'avait pas suivi l'actualité des sorties culturelles. Tout ce qu'elle savait, c'est que c'était l'histoire d'un voyageur temporel renvoyé dans le passé pour sauver sa petite amie. Le scénario était tiré d'un manga d'après ce qu'elle avait entendu et le rôle principal était tenu par Tsubasa Kizu, un jeune chanteur membre du groupe XOX qui déchaînait les passions chez les adolescentes.

Ils savent comment faire se déplacer leur public, songea-t-elle.

Onze heures venait de sonner et la troupe venait enfin de partir après avoir passé une soirée tapageuse chez eux. 

Durant leur repas, Yukino avait dû déployer des trésors de diplomatie pour tempérer leur enthousiasme et attirer sur eux la sympathie des occupants des tables voisines.

Elle aurait préféré que leur groupe prenne un salon, mais leurs finances ne le leur avaient pas permis. Même si elle faisait déjà un carton, leur pièce n'en était qu'à ses premières représentations.

La prochaine fois, mettez de l'argent de côté et revenez quand vous aurez les moyens !

Elle respira profondément et reprit la direction de la salle.

La journée touchait heureusement à sa fin et il y avait peu de chance qu'une nouvelle catastrophe se produise.

Si au moins Taiju avait été là...

Son aide lui aurait été bien utile ce soir. Généralement, un seul de ses regards suffisait à imposer le silence aux clients les plus agités.

Mais, comme par un fait exprès, il avait dû s'absenter pour régler un problème avec un de leurs fournisseurs à Saitama.

Dernièrement, une petite distillerie avec qui ils travaillaient depuis des années s'était mise à leur livrer des produits de milieu de gamme, voire même bas de gamme, mis en bouteille dans des flacons raffinés.

Impossible de savoir depuis Tokyo si la distillerie essayait de les arnaquer ou si ses propriétaires étaient victimes d'un employé malveillant. Taiju s'était donc rendu sur place pour tirer cette affaire au clair.

Par chance, ce dernier goûtait toujours les produits avant qu'ils ne soient servis aux clients. S'il ne l'avait pas fait, c'était la réputation de leur établissement en aurait pâti.

Enfin « par chance »... Pouffa Yukino.

Taiju avait un penchant pour les produits de luxe et l'alcool faisait partie du lot. Comme les cigarillos, qu'il faisait désormais venir directement de Cuba.

Sauf que ces derniers sentent horriblement mauvais...

Elle soupira.

Il fallait bien qu'il ait un défaut. Taiju s'était montré irréprochable depuis des années.

L'agitation qui régnait au bout du couloir, près de l'entrée des cuisines, lui fit lever les yeux et elle pressa le pas pour voir de quoi il s'agissait.

Qu'est-ce qui se passe encore ?

Cette soirée n'en finirait donc jamais ?




La jeune serveuse respira plusieurs fois et, une fois calmée, elle réussit à expliquer la situation à sa patronne.

Quand elle eut fini, Yukino fronça les sourcils.

Depuis quelque temps, des hommes fortunés issus de milieux peu recommandables, le plus souvent des yakuzas ou des proches de la mafia, venaient dîner chez eux. 

Évidemment, ils n'avaient ni la classe, ni l'éducation de leur clientèle et, à chaque fois, ils leur posaient des problèmes.

Le souci venait principalement de leur comportement avec les serveuses qu'ils traitaient comme des objets mis à leur disposition.

Cette fois, l'un des deux lui aurait déclarée qu'il la verrait bien travailler dans une de leurs maisons closes et il aurait ajouté une remarque graveleuse sur ses lèvres qui feraient merveille sur ses parties génitales.

Yukino se garderait bien de répéter ce genre de grossièretés à haute voix et même la jeune serveuse avait eu du mal à rapporter ses propos.

Autour d'eux, les commis de cuisine se jetaient des regards scandalisés.

– Très bien, soupira Yukino, je vais m'en occuper.

Un des vigiles, un homme à la carrure imposante même si elle n'égalait pas celle de Taiju, intervint :

– Madame, il vaut mieux que je m'en occupe. Ces hommes-là peuvent devenir dangereux.

Yukino l'arrêta d'un geste.

– Restez ici Haruto, lui dit-elle. La soirée a été bien assez mouvementée comme ça, je refuse que le Barbarossa fasse demain les gros titres des faits divers de la presse à scandale à cause de deux individus. Je vais régler moi-même cette histoire discrètement.

Elle les laissa pour se diriger vers la salle.




Elle n'eut aucune peine à repérer les deux mafieux. 

Installés à une table, juste sous le grand aquarium, ils étaient avachis sur les banquettes et parlaient fort tout en buvant. Autour d'eux, les autres clients, pour la plupart des vieux couples fortunés qui venaient au Barbarossa depuis son ouverture, leurs jetaient des regards inquiets.

Yukino pinça les lèvres.

Ces deux abrutis allaient faire fuir leurs habitués.

Non mais où est-ce qu'ils se croient ?

Elle se planta à côté de la table.

– Messieurs ?

Les deux gangsters levèrent les yeux.

Yukino reprit.

– Puis-je vous demander de faire moins de bruit ? C'est un établissement convenable et votre comportement indispose notre clientèle, sans compter qu'elle gêne nos employées dans leur travail...

L'un des hommes ne la laissa même pas finir. Il la regarda de haut en bas en laissant échapper un sifflement.

– Wow, t'es vachement mieux roulée que l'autre toi, tu veux pas passer sous la table me faire une gâterie ?

Son comparse lâcha un rire gras et Yukino serra les dents et tenta de finir.

– Je vous prierai de bien vouloir...

– C'est bon, arrête de faire ta coincée ! Rigola-t-il. T'as pas entendu mon ami ?

Ses yeux revinrent sur elle et il recommença à la parcourir des pieds à la tête, lui arrachant un frisson. 

Cependant cette fois son regard, au lieu de s'arrêter au niveau de son visage, continua à monter, monter, comme s'il ne devait jamais s'arrêter, et ses joues devinrent blanches comme de la craie.

D'abord surprise, Yukino masqua rapidement un sourire.

Elle ne connaissait qu'une seule personne capable de provoquer ce type de réactions.

Elle lança par-dessus son épaule sans se retourner :

– Bonsoir chéri, ton voyage s'est bien passé ?



Quelques minutes plus tôt

Taiju parut à la porte de la salle, de retour de voyage, et il vit Yukino en train de se diriger d'un pas ferme vers deux types à l'air louche.

Le vigile le rejoignit.

– Désolé monsieur, dit-il, j'ai proposé à votre épouse de m'en charger mais madame...

Taiju l'arrêta d'un signe.

– C'est bon, dit-il, je m'en occupe. Il faut toujours qu'elle en fasse trop de toute façon.



Derrière l'épaule de Yukino, Taiju dévisageait les deux hommes. 

Son regard disait clairement qu'il était prêt à leur arracher les boyaux à mains nues et les mafieux se ratatinèrent un peu plus sur la banquette.

Yukino eut une idée et reprit.

– Ces messieurs s'apprêtaient à commander, dit-elle. Le menu le plus cher les tentait d'après ce que j'ai cru comprendre.

Il fallut une seconde aux deux malfrats pour comprendre. Puis ils se jetèrent sur la carte du restaurant.

– Oui... Oui... Tout à fait... Bafouilla le plus grossier. On va prendre ce que vous dites.

– J'imagine que vous souhaitez du vin avec cela ? Dit-elle. Nous avons de très bonnes bouteilles, bien sûr le prix est assez élevé.

– Euh... Ouais... Pas de problème... Le vin aussi...

– Parfait. Je vous envoie votre serveuse. Je vous engage à vous comporter convenablement avec elle.

– Ouais... Bien sûr...

Ils paraissaient avoir perdu toute faculté de s'exprimer autrement que par monosyllabes et Yukino camoufla un fou rire.

Elle pivota pour reprendre le chemin de la cuisine.

Au bout de deux pas, elle s'aperçut que Taiju ne la suivait pas.

Debout au-dessus de la table, il fixait toujours les deux hommes. Autour de lui l'air paraissait être devenu électrique et les gangsters glissèrent jusqu'à l'autre extrémité de la banquette pour se tenir le plus loin possible de lui.

Ils étaient coincés entre Taiju d'un côté et un aquarium contenant un requin qui les regardait comme des en-cas de l'autre. Yukino n'aurait su dire toutefois lequel des deux avait l'air le plus dangereux en ce moment.

Elle revint prendre Taiju par le bras et elle l'entraîna derrière elle.

– Viens chéri, dit-elle, laissons ces messieurs dîner.



NDA : Ce chapitre me fait toujours mourir de rire, j'imagine trop Taiju en mode « laisse-les moi juste une seconde, je vais les transformer en descentes de lit »  !!

。゚( ゚^∀^゚)゚。

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top