45 - Parfait amour
Yukino était étendue dans le grand double lit de leur appartement, la tête appuyée contre un oreiller pour être plus à l'aise, et elle lisait, juste vêtue d'une nuisette.
Dehors, la nuit d'été était étouffante et, à l'intérieur, la climatisation tournait en continue depuis des semaines. Les murmures de la ville montaient jusqu'à elle comme un bourdonnement et Yukino savourait ce moment de paix après le tumulte de sa journée de travail.
Ce matin, Taiju était parti pour Misaki, dans la province de Kanagawa, au sud de Tokyo, pour négocier avec les habitants du coin l'achat de leur pêche. La ville était célèbre pour son thon rouge et Taiju voulait obtenir un contrat d'exclusivité pour leurs cuisines. Évidemment, il ne fallait pas moins que la présence du patron en personne pour une discussion de cette importance.
De temps en temps, Taiju se retrouvait ainsi à arpenter les quatre coins du Japon pour marchander avec les producteurs locaux, que ce soient les cultivateurs de Hokkaido spécialisés dans la production de fruits de luxe et notamment de melons, ou bien les éleveurs de la région de Kobe et leur viande de bœuf d'une qualité si incomparable que le monde entier la leur enviait.
Ces jours-là, Yukino restait seule à Tokyo pour gérer le restaurant.
Bien sûr, c'était fatigant. Entre les clients exigeants, les fournisseurs qui ne respectaient pas les délais et la prenaient de haut, les employés sur lesquels il fallait toujours avoir un œil... elle finissait ses journées épuisée. Mais cela ne la gênait pas. Elle adorait ce travail et elle avait toujours autant à cœur de faire de son mieux pour faire réussir le rêve de Taiju.
Après tout, c'est mon rêve aussi désormais.
Depuis son ouverture, trois ans plus tôt, le Barbarossa avait connu un succès qui n'avait fait que grandir. Les revues spécialisées citaient régulièrement leur chef français et leurs menus, et leur aquarium – mais surtout son occupant – ne cessait d'attirer les curieux.
Bientôt nous ferons partie du top 3 des meilleurs restaurants de la capitale, songea-t-elle, c'est pour cela que nous devons continuer à faire de notre mieux !
Après ses journées, Yukino aimait se détendre dans un bain ou bien avec un livre, comme ce soir.
Si leur travail était difficile, il leur assurait au moins des revenus confortables et Yukino et Taiju n'avaient pas à se plaindre de leur train de vie. Leur appartement d'Ōtemachi était luxueux et il rappelait un peu le loft où Taiju habitait autrefois. Comme ce dernier, il était conçu en une seule gigantesque pièce que Taiju avait fait aménager de façon à ne pas se sentir à l'étroit. Le lit était immense, les placards avaient des allures de gouffres sans fond et la hauteur des portes avait été surélevée pour ne pas le gêner. Yukino avait parfois la sensation d'être une poupée vivant dans une maison de géant.
Il y avait de bons côtés néanmoins, la baignoire par exemple était si grande qu'elle avait l'impression de barboter dans sa propre piscine et elle ne manquerait jamais de place pour ses vêtements.
Un bruit à la porte d'entrée lui fit lever les yeux.
Taiju était de retour.
Il retira ses chaussures d'un mouvement des pieds avant de desserrer le nœud de sa cravate d'un air las.
Il portait désormais des costumes comme ceux que Yukino lui avait fait faire lorsqu'ils étaient allés se présenter à ses parents, et cela lui allait toujours aussi bien.
Même si, quelque soit la tenue, il garde un petit air de gangster... Se dit-elle.
Elle pouffa en silence.
Cela ne lui déplaisait pas à la vérité. Ce petit côté dangereux était séduisant, surtout depuis que la conduite de Taiju s'était amendée et qu'il prenait un soin tout particulier à ne jamais se montrer brutal en sa présence.
Il continue à faire des efforts comme au premier jour...
Taiju traversa le salon d'un pas éreinté et il laissa tomber sa mallette au pied du canapé.
Yukino leva les yeux de son livre.
– Bonne journée mon chéri ? Lui demanda-t-elle tandis qu'il arrivait au niveau du coin qui leur servait de chambre, situé sur une plateforme sous la baie vitrée.
– Je suis mort, répondit-il. Ces connards négocient leurs poissons comme si j'essayais d'acheter leurs femmes et leurs enfants.
Yukino étouffa un rire.
– Et tu as obtenu ce que nous voulions ? Dit-elle.
– Évidemment, dit-il.
Il s'assit sur le bord du lit et ce dernier s'enfonça de plusieurs centimètres sous son poids.
– Mais ça va nous coûter un bras, ajouta-t-il. J'ai pas pu faire autrement. Quelle bande de cons...
– Cela veut juste dire que leurs produits sont d'excellentes qualités. J'imagine que c'est une très bonne nouvelle pour nous.
– Ouais, j'espère que tu as raison...
En dépit des années, Yukino avait conservé ce langage un peu précieux, légèrement guindé, tandis que Taiju avait toujours ce discours qui semblait tout droit venu de la rue. Leurs discussions faisaient se retourner les gens sur leur passage. Cela les amusait l'un et l'autre.
Il se releva, entraînant le matelas avec lui, et il se dirigea vers la salle de bain.
– Je vais prendre un bain, ajouta-t-il, je suis crevé.
Yukino revint à son livre, mais avant qu'elle ait pu lire une ligne, Taiju reparut.
Elle haussa un sourcil surpris.
– Taiju ? Dit-elle.
– J'ai oublié un truc, répondit-il.
Une fois près du lit, il l'attrapa à bras-le-corps et il la jeta sur son épaule d'un seul mouvement, avant de reprendre le chemin de la salle de bain, un bras glissé derrière ses genoux.
Yukino éclata de rire.
– Taiju ! S'esclaffa-t-elle. Taiju, qu'est-ce que tu fais ? Repose-moi !
– C'est mort, je ne veux pas prendre mon bain tout seul.
– Mais j'ai un livre en main !
Elle riait tellement que les larmes coulaient sur ses joues.
Taiju s'immobilisa et lança un œil par-dessus son épaule.
– C'est bon, dit-il, c'est qu'un bouquin, tu peux le lâcher, il ne va pas se casser.
Yukino abandonna son livre et elle se cramponna à son épaule en riant.
– Taiju ! S'exclama-t-elle.
Une fois dans la salle de bain, il la déposa sur le sol et elle croisa les bras sur la poitrine avec une expression contrariée qui masquait un fou rire.
Taiju glissa ses bras autour de sa taille. Il la serra contre lui et l'embrassa.
La chaleur de ses lèvres, jointes à la proximité de son corps, fit courir à la surface de la peau de Yukino des frissons délicieux.
Taiju l'enlaça plus étroitement, ses mains froissant le tissu fin de sa nuisette, et Yukino se pendit avidement à son cou pour savourer son contact. En dépit des années, elle n'était toujours pas rassasiée de cet homme.
Taiju glissa les mains jusque sur ses fesses, puis il se redressa.
– Tu n'en as pas mis un... Dit-il avec une moue déçue.
Elle le regarda.
– Quoi donc ?
– Un des strings que je t'ai offerts.
Régulièrement, Taiju lui rapportait des dessous sexy dénichés dans des boutiques haut de gamme. Il choisissait à chaque fois des parures avec un string – le plus souvent un simple morceau de dentelle qui ne cachait presque rien.
Yukino retomba sur ses talons.
– Je n'aime pas cela, lui répondit-elle. Je te l'ai déjà dit : c'est désagréable à porter. Tu n'as qu'à essayer, tu verras.
Rien à faire, Taiju continua à bouder.
Yukino pouffa et elle posa le front contre son torse.
– Mais si tu es très sage, murmura-t-elle, je pourrais y réfléchir dans les jours à venir.
Sa réponse provoqua une réaction immédiate et les lèvres de Taiju s'emparèrent des siennes avec une ardeur qu'elle lui rendit volontiers.
L'instant d'après, tous les deux étaient lovés l'un contre l'autre dans la gigantesque baignoire de leur appartement.
Taiju s'était étendu dans l'eau chaude et Yukino s'était installée entre ses jambes.
Elle tenait son visage dans le creux de sa main et sa bouche caressait la sienne, esquissant des baisers à peine plus légers que des effleurements.
Les yeux clos, Taiju semblait comblé.
– Ça c'est un bain, souffla-t-il.
Elle rit.
– Au fait, reprit-elle un instant plus tard. Mitsuya vient dîner avec ton frère et ta sœur la semaine prochaine. Apparemment, Mitsuya vient de décrocher un gros contrat et ils veulent fêter ça avec nous. J'ai réservé le salon présidentiel pour la soirée, ça te va ?
– Hmm... Répondit Taiju en n'écoutant qu'à demi.
Yukino poursuivit sans cesser de l'embrasser.
– Je demanderai au cuisinier de nous préparer quelque chose de spécial, dit-elle, peut-être du poisson. J'ai envie qu'ils passent une bonne soirée. Qu'est-ce que tu en penses ?
– Comme tu veux... Murmura-t-il.
– Tu ne m'écoutes pas Taiju...
Elle disait cela, mais elle-même commençait à avoir les idées embrumées par le désir.
Bientôt, il n'eut plus de place dans son esprit pour autre chose que le plaisir qui se dérobait à eux et ils décidèrent de sortir du bain.
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