38 - Étreinte

Tandis que le train la ramenait chez elle, Yukino réfléchissait aux derniers instants qu'elle avait partagés avec Taiju. Passé l'excitation qui l'avait saisie sur le moment, elle se remémora ses propres paroles et rougit.

C'est vraiment moi qui ai dit ça ?

Elle retint un rire.

Même si elle n'était pas du genre timide ou à jouer les filles faussement effarouchées, cette fois elle était allée loin.

Même lui était gêné ! Se souvint-elle.

Elle redoubla de rire.

Cependant, elle devait reconnaître qu'elle était très sérieuse.

J'ai cru m'enflammer alors que ça n'était qu'un baiser...

Elle imagina une seconde ce que serait une étreinte avec Taiju Shiba, mais dut chasser rapidement les images sensuelles qui lui étaient venues à l'esprit.

Si j'étais un homme, songea-t-elle en regardant autour d'elle, là j'aurais un problème !

Elle se demanda tout de même si cette excitation n'était pas seulement le fruit de son imagination.

Je me faisais toute une montagne du sexe avant d'essayer et, en définitive, cela s'est révélé plutôt décevant.

Est-ce que l'histoire allait se répéter ?

C'est possible... mais je vais tout de même le faire. Parce que j'en ai envie.




Le week-end suivant, Yukino retrouva samedi matin Taiju au pied des marches du sanctuaire.

Elle avait le cœur battant, mais sa décision n'avait pas changé.

Il affichait un petit sourire en coin vit-elle en approchant, et elle le lui retourna.

– Tu as l'air bien content de toi, dit-elle.

Elle posa la main sur son torse et se hissa sur la pointe des pieds pour poser un baiser sur ses lèvres. Taiju le lui rendit, avant de lui tendre son casque.

– On peut aller quelque part avant d'aller chez moi ? Lui dit-il. Il y a quelque chose que je voudrais te montrer...

Yukino parut intrigué.

– Oui bien sûr.




Tous les deux se mirent en chemin vers Ginza, le quartier huppé de la capitale.

Arrivés au niveau de la gare et de son appartement, Taiju ne ralentit pas mais poursuivit sa route.

Il descendit le large boulevard bordé sur ses deux côtés de boutiques de luxe et d'hôtels cinq étoiles.

Dior, Chanel, Ferragamo, Mont Blanc... Il n'était pas une marque haut de gamme internationale qui n'eut ses locaux sur l'avenue.

Une fois devant le Mitsui Garden Hotel, il emprunta une rue de traverse et rejoignit l'arrière du pâté de maison.

Là, Yukino découvrit le chantier d'une tour en construction. La structure s'élevait déjà à une hauteur hallucinante et on pouvait imaginer l'allure qu'aurait le building lorsqu'il serait achevé.

Taiju se gara et il lui tendit la main pour descendre.

Elle retira son casque, les yeux toujours levés.

– Quel est cet endroit ? Demanda-t-elle.

Taiju reprit sa main et il la conduisit au pied de la future construction. Une palissade les empêchait d'approcher plus près, mais c'était tout de même impressionnant.

– C'est ici que je vais ouvrir mon futur restaurant, lui dit-il.

Yukino le regarda. Il était sérieux.

– Vraiment ?

Elle fit un nouveau pas en avant pour scruter l'armature du bâtiment.

– Tu as déjà entamé les démarches administratives ? Reprit-elle.

Taiju la rejoignit et il glissa son bras autour de sa taille.

– Je suis passé chez le notaire il y a deux semaines, dit-il. Pour le moment c'est la signature de mon père qui fait office de garantie, mais dans les faits, je me suis porté acquéreur de la plus grande partie du quarante-deuxième étage.

– C'est fantastique ! Ton rêve est à portée de main !

Elle semblait réellement heureuse pour lui.

– Et quand ouvrira-t-il ? Demanda-t-elle.

– Sans doute pas avant un an et demi, voire deux ans, peut-être plus, lui dit-il. Le building sera normalement terminé l'été prochain. Ensuite, je devrais effectuer les travaux... recruter du personnel. Je suis déjà entrée en contact avec un chef renommé. Il travaille à Paris en ce moment, dans un restaurant de luxe, La Tour d'Argent. Il est sous les ordres d'une pointure, mais il a très envie de diriger sa propre cuisine, même à l'étranger. C'est lui qui supervisera la conception des cuisines. Moi, je m'occuperai de l'aménagement de la salle. Il reste encore beaucoup à faire, mais c'est un début.

– Je suis tellement contente pour toi ! Dit-elle. C'est incroyable que tu aies réussi à faire tout cela à ton âge !

Taiju se rengorgea sous le compliment. Il resserra la prise sur sa taille.

– Quand je sais ce que je veux, dit-il, je fais ce qu'il faut pour l'obtenir.

Yukino lui jeta un coup d'œil.

– Vraiment, monsieur Shiba ?




Ils reprirent le chemin de son appartement, Yukino assise derrière lui sur sa moto, pensive.

Lorsqu'il lui avait parlé de son rêve des mois plus tôt, elle n'imaginait pas qu'il était déjà si proche de le réaliser.

Quand je sais ce que je veux, je fais ce qu'il faut pour l'obtenir.

Il disait vrai, Taiju n'était pas le genre d'hommes à se laisser impressionner par les difficultés.

Au contraire, elles auraient plutôt tendance à le pousser en avant.

Elle réfléchit et ajouta pour elle-même :

Mais c'est cette assurance que j'aime chez lui.




Debout dans son salon, il s'empara de ses lèvres, ses mains posées sur ses hanches.

– Tu es toujours sûre ? Lui demanda-t-il en se redressant. Je veux dire, si c'est ta première fois, on n'est pas obligés, tu sais...

Il voulait être certain qu'elle ne faisait pas une erreur.

Yukino se hissa sur la pointe des pieds pour retourner chercher ses lèvres.

– Ne t'en fais pas, ça n'est pas la première fois, lui dit-elle les doigts glissés dans sa nuque.

Taiju se figea.

– Tu l'as déjà fait ?

Yukino s'immobilisa à son tour.

– Oui, dit-elle, pourquoi c'est un problème ?

Elle savait que certains hommes n'aimaient pas découvrir qu'ils n'étaient pas les premiers.

C'est ridicule... C'est une fonction naturelle du corps. Les femmes  comme les hommes devraient apprendre comment cela fonctionne et ce que cela fait.

Ces coutumes, qui enseignaient aux femmes qu'elles ne devaient surtout pas chercher à connaître leur corps sous prétexte de conserver une prétendue pureté, l'irritaient.

Le corps humain n'a rien d'impur, aucun de ses aspects ne l'est. Il n'y a que les actes des gens qui peuvent être qualifiés ainsi.

Elle en était convaincue.

Faire l'amour avec celui que l'on aime, si c'est fait avec le consentement des deux parties et dans le respect réciproque, cela n'a rien de malsain.

La pensée que Taiju puisse être de ceux-là la dérangea.

Mais il la rassura aussitôt.

– Non, dit-il avec un sourire, c'est juste que je ne m'y attendais pas. Tu es une miko alors je pensais qu'il y avait peut-être une sorte de vœu de chasteté... ou un truc comme ça.

Elle rit.

– Tu confonds miko et nonne, lui dit-elle.

Le shintoïsme n'interdisait pas d'avoir une vie personnelle et sexuelle. Au contraire, l'épanouissement personnel y était vu comme souhaitable. D'ailleurs son père et son oncle étaient mariés. Seuls les écarts et les débordements étaient mal vus.

– Hmm, je vois, dit-il, ses bras toujours autour d'elle. Et... c'était comment ?

Yukino retomba sur ses talons pour le regarder.

Il veut vraiment savoir ?

Elle réfléchit.

– Intéressant, répondit-elle enfin.

Le sourire de Taiju se fit moqueur.

– Intéressant ? Répéta-t-il.

– C'est ce que j'ai dit, oui.

Il ne put se retenir de pouffer de rire et Yukino le regarda sans comprendre.

– Pourquoi ris-tu ? Dit-elle.

– J'ai pitié de ce pauvre gars, lui expliqua-t-il, qui était juste intéressant.

À son tour, elle réprima un rire.

– Bon, le mot était peut-être mal choisi, reconnut-elle.

– Ah non, je le trouve parfait, moi.

Il resserra sa prise et la ramena contre lui avant d'ajouter :

– Nous allons tâcher de passer d'intéressant à quelque chose de mieux.

Yukino avait toujours ses mains dans sa nuque et ses doigts jouèrent avec ses cheveux.

– Frimeur... Souffla-t-elle.

– Nous verrons.




Les lèvres de Taiju retournèrent caresser les siennes avec douceur, avant de gagner sa mâchoire puis sa gorge. Sa bouche dessina sur sa peau un chemin humide qui la fit haleter et Yukino ferma les yeux pour savourer son contact.

Il semblait mettre plus de lenteur et d'application qu'un instant plus tôt. Comme s'il s'était lancé un défi. Yukino ne s'en plaignait pas. Ses caresses étaient plus divines que dans ses rêves.

Tous les deux finirent par rejoindre le lit et Yukino jeta un œil à la baie vitrée. Taiju tendit la main et il ramena son visage vers lui.

– C'est une vitre sans tain, murmura-t-il. Personne ne te verra.

Le timbre chaud et rocailleux de sa voix la fit frissonner et elle se demanda un instant si c'était une bonne idée d'avoir accepté de faire l'amour avec lui. Taiju n'était pas un garçon, c'était un homme et la situation semblait échapper un peu plus à son contrôle à chaque seconde. 

Son cœur battait à la volée dans sa poitrine, autant d'impatience que d'appréhension.

Mais ça n'est pas désagréable... au contraire.

Taiju reprit ses caresses et sa main s'égara sous l'ourlet de son chemisier sans pour autant monter très haut. Le contact de ses doigts calleux sur sa peau la fit inspirer, mais il s'empara de ses lèvres, capturant son souffle avant qu'il ne se soit échappé de sa bouche.

J'ai peur, se dit-elle, mais j'en ai envie aussi.

Une autre pensée venait de s'imposer dans son esprit. Taiju était un homme imposant, dans tous les sens du terme, et l'idée lui vint qu'il l'était sans doute aussi.

À présent, il était en train de jouer avec sa bouche, cherchant sa langue puis la délaissant tour à tour pour retourner effleurer sa gorge de baisers. Ses caresses à peine esquissées attisaient le feu qui était de retour dans la poitrine de Yukino et elles l'empêchaient de réfléchir.

J'ai envie... oui... continue... Étaient les mots qui dansaient dans sa tête.

Elle le prit dans ses bras et glissa ses doigts dans ses cheveux, comme pour l'emprisonner contre elle. Taiju grogna de plaisir contre son cou et son poids, sur elle, se fit un peu plus pressant.

Yukino avait l'impression d'éprouver en même temps le désir d'une femme expérimenté et les craintes d'une jeune fille dont c'est la première fois.

Mais le désir l'emportait.

Lorsqu'elle s'étendit sur son lit, ses mains n'avaient pas quitté sa nuque.

Taiju se hissa au-dessus d'elle. Il avait le visage rouge vit-elle, mais la lueur qui brillait dans son regard n'était faite que d'amour. Cela la rassura.

– Toujours partante ? Lui dit-il.

Yukino réfléchit, puis elle hocha la tête.

– Oui, dit-elle. Fais-moi l'amour.




NDA : Ce chapitre devait à l'origine être un lemon, mais entre-temps, les directives de contenu wattpad ont changé. J'ai donc dû le supprimer.

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