17 - Un pacte

Le lendemain, Yukino appela Taiju en fin de journée, à la fin des cours.

– Salut, dit-elle lorsqu'il décrocha.

Salut.

Le timbre chaud de sa voix roula jusqu'au fond de sa poitrine et elle se sentit sourire. C'était incroyable l'effet que ce garçon lui faisait.

Elle se laissa tomber à plat ventre sur son lit, le menton dans la main.

Mais je ne dois pas perdre de vue la raison pour laquelle je l'appelle.

– Dis-moi... est-ce qu'on pourrait se voir ? Dit-elle. Il y a une chose dont j'aimerais que l'on parle.

Durant une seconde, seul le silence monta du combiné.

Ouais... Bien sûr, dit-il enfin.

Quelque chose dans la voix de Yukino avait éveillé l'attention de Taiju et il ajouta :

Il y a un problème ?

Une pointe d'inquiétude grandit dans sa poitrine. Pourquoi voulait-elle lui parler ? Est-ce qu'elle voulait qu'ils arrêtent de se voir ? Avait-il fait quelque chose qu'il ne fallait pas sans même s'en apercevoir ?

Taiju eut beau réfléchir, il ne voyait pas d'où pouvait venir le problème.

– Non, pas exactement, répondit-elle, simplement j'aimerais que l'on parle.

Ok, dit-il, je peux être devant chez toi dans quinze minutes, ça va ?

Yukino ne pensait pas que cela irait si vite.

Mais en fait, c'est une bonne chose. Moi non plus je n'ai pas envie que ça traîne.

– Oui, dit-elle. C'est très bien. À tout de suite.




Taiju raccrocha, le cœur serré. Il n'arrivait pas à se débarrasser de ce malaise que les paroles de Yukino avait fait naître en lui.

Depuis le début, il avait beau se dire que ça serait mieux pour elle que Yukino se tienne loin de lui, il n'arrivait pas à chasser ce sentiment de bien-être qui avait élu domicile dans sa poitrine depuis qu'ils se connaissaient.

La vérité, c'est que, maintenant, il ne voulait plus que cela se termine.

Mais si elle décide que c'est fini, je n'ai pas mon mot à dire.




Il arriva au pied du sanctuaire en moins de dix minutes et, lorsqu'il se gara, Yukino vint vers lui. Elle était déjà là et elle portait encore son uniforme du lycée, elle ne s'était même pas encore changée.

– On va marcher un peu ? Lui dit-elle.

Taiju coupa le contact et tous les deux s'éloignèrent le long de la Kanda Gawa, la rivière qui longeait le quartier.

Parvenus près d'une pente herbeuse qui descendait doucement jusqu'à la rive, Yukino s'immobilisa.

– J'ai parlé avec Yuzuha, dit-elle simplement sans le regarder. Et elle m'a dit tout ce que tu leur avais fait. 

Taiju sentit un bloc de béton lui tomber dans la poitrine.

Évidemment, se dit-il, ça ne pouvait être que ça.

Il ne répondit pas. Il n'y avait rien à dire.

Yukino se retourna vers lui et elle le regarda dans les yeux.

– Elle m'a dit aussi que tu lui avais déclaré vouloir changer.

Elle garda une seconde le silence, puis ajouta :

- J'ai décidé que tu étais sincère ou en tout cas de t'accorder le bénéfice du doute. Reste une question à laquelle je ne peux pas répondre : que veux-tu faire pour nous deux, Taiju ? 

Il ne comprenait pas. Qu'est-ce que ça voulait dire cette question ? Ça n'était pas plutôt à elle de décider de ce qu'elle voulait faire ?

– Ce que je veux faire ? Répéta-t-il. Ça n'est pas à moi qu'il faut poser la question, non ?

Elle fit un pas vers lui et leva la tête.

– Bien sûr que si ! Répondit-elle avec fermeté. Nous sommes deux, une relation ne se construit pas tout seul ! Ce que toi tu veux compte autant que ce que je veux moi ! Mais pour cela, il faut que tu me le dises ! Il faut que tu sois franc !

Taiju vit une lueur d'espoir dans ces mots.

Si elle parlait ainsi, c'est qu'elle n'avait pas encore décidé que tout était fini.

Quand je pense qu'on ne s'est même pas mis officiellement en couple.

Il se promit d'y remédier s'il parvenait à ne pas la perdre ce soir.

– Je veux... Commença-t-il, avant de se reprendre. Je voudrais qu'on continue, toi et moi. Qu'on se mette ensemble.

Jamais il n'avait senti son cœur battre aussi fort.

J'ai... peur ?

Lui, il avait peur ? Il n'y comprenait plus rien. Comment se faisait-il qu'une fille lui fasse cet effet-là ?

C'est juste une fille... Pourquoi ce qu'elle pense est-il aussi important pour moi ?

Un mot se mit à flotter à la lisère de ses pensées, mais il l'ignora. Pour le moment, il y avait plus important. Il voulait savoir ce qu'elle voulait, elle.

Face à lui, Yukino sourit.

– Oui, dit-elle, moi aussi j'ai envie qu'on continue.

Je veux qu'on se mette ensemble...

Aussitôt qu'il avait dit ces mots avec maladresse, Yukino avait senti sa poitrine se remplir de chaleur. De tout ce qu'il avait pu lui dire jusque-là, c'était ce qui se rapprochait le plus d'une déclaration.

Mais ça n'était pas suffisant. Elle le savait. Il y avait un autre point qu'ils devaient régler elle et lui.

Yukino inspira et elle reprit.

– Il y a autre chose, Taiju, dit-elle. Je vais être claire : si jamais tu me frappes ne serait-ce qu'une fois, même par accident, tu ne me reverras jamais.




Pendant un long moment, tous les deux restèrent silencieux.

– Je suis très sérieuse Taiju, reprit-elle. Ce que tu as fait est grave et je suis parfaitement consciente de ce dont tu es capable. Je ne t'accorderai pas de seconde chance, est-ce que tu comprends ?

Taiju la regarda sans rien dire.

Elle était sincère. Il pouvait le voir dans ses yeux. Son regard brillait de détermination. Il n'avait jamais vu de résolution aussi ferme.

Ou plutôt si, dans le regard de Yu le jour où elle a décidé de protéger Hakkai, se souvint-il.

Cette constatation le troubla.

Il avait l'impression que le destin lui offrait une autre chance tout en le mettant en garde.

Je ne peux pas revenir en arrière et changer le passé, comprit-il, mais je peux décider de quoi sera fait le futur.

Finalement, il hocha la tête. Il n'y avait rien d'autre à dire. Il n'y avait que le temps qui pourrait lui prouver qu'elle avait eu raison de lui faire confiance.

Yukino fit un nouveau pas vers lui, une ombre de sourire aux lèvres.

– Alors... Dit-elle. On est ensemble ?

Cette petite phrase fit courir un frisson chaud le long de la colonne de Taiju.

– Ouais, dit-il. Faut croire...

Il avait bien conscience que ça n'était pas la réponse qu'elle attendait, mais il était encore trop secoué pour réfléchir à une meilleure repartie.

On est ensemble, se répéta-t-il.

Elle posa la main sur son torse et le contact de ses doigts fit battre le cœur de Taiju un peu plus fort.

Il ramena sa main sur la sienne.

– Je suis contente, souffla-t-elle.




Tous les deux marchèrent un moment le long de la rive en silence. C'était un moment agréable. Les bruits de la ville leur semblaient lointains et le soleil qui descendait sur l'horizon donnait une lumière dorée aux bâtiments alentour.

À quelques mètres du pont qui menait à la gare, Taiju prit sa main et Yukino leva les yeux vers lui.

Elle sourit. Elle était bien, là, avec lui. Pour un peu, elle aurait voulu que ces instants durent toujours.

Taiju entremêla leurs doigts, il serra sa main et, aussitôt, Yukino poussa un cri.

La magie du moment s'était envolée.

Taiju lâcha sa main et il se redressa, surpris, tandis que Yukino ramenait sa main à elle et frottait ses doigts douloureux.

– Ça fait mal ! S'écria-t-elle.

Elle attrapa sa main à lui et la leva à hauteur de son visage. Il avait des mains si grandes qu'en voulant croiser leurs doigts, il avait littéralement broyé les siens.

(NDA : Est-ce que ça m'est déjà arrivé avec un garçon qui avait des mains énormes ? Tout à fait et ça fait super mal, vous pouvez me croire !)

– Mais enfin, s'exclama-t-elle en riant, quelle idée d'avoir des mains de cette taille ?

Elle plaqua sa propre paume contre la sienne pour le prendre à témoin.

– Regarde ! Dit-elle. Mes doigts arrivent à peine à la base des tiens, c'est insensé !

La situation semblait beaucoup l'amuser, mais Taiju, lui, ne riait pas.

Pendant une seconde, son cœur avait manqué un battement.

La pensée qu'il lui avait fait mal sans même s'en apercevoir le glaça d'effroi et il récupéra sa main avant de faire quelques pas en avant.

Yukino regarda son dos.

Elle sourit.

Elle avait une petite idée des pensées qui agitaient son esprit et, étrangement, elle trouvait plutôt rassurant.

Elle remonta jusqu'à son niveau et prit sa main à son tour. 

Mais au lieu d'entremêler leurs doigts comme il l'avait fait, elle logea la sienne dans sa paume.

– Voilà, dit-elle, on fait comme ça. Il faut tout t'apprendre !

Taiju baissa le regard vers elle. Elle ne semblait pas effrayée, ni même en colère. En fait, elle paraissait surtout amusée par ce qui venait d'arriver.

Finalement, il lui rendit son sourire et tous les deux reprirent le chemin du sanctuaire en longeant la rivière.

– J'irai parler à Yuzuha dès demain, lui dit-elle au bout d'un moment. Je me suis promis de ne rien lui cacher. C'est une amie chère et c'est aussi ta sœur.

Taiju ne répondit pas.

Elle avait raison, il le savait.

Étrangement, l'idée que Yuzuha soit allée trouver sa petite amie pour la mettre en garde contre lui ne le mettait pas en colère. Au contraire, il se sentait plutôt rassuré. Comme si Yuzuha avait fait ce qu'il fallait, ce qu'il ne pouvait faire lui et la seule chose qui pourrait permettre à leur couple d'avancer.

Mettre en lumière la vérité.

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