Alors qu'ils travaillaient ensemble sur des runes complexes de la magie noire dans la salle d'étude obscure du château, Atsumu sentit que l'atmosphère était étrange. Kuroo semblait distrait. Kenma et les chevaliers repoussaient une vague de zombies au Sud du royaume. Avant que Kenma ne soit parti sur le front, il avait clairement fait comprendre à Kuroo qu'il voulait être seul.

— Kuroo... Hésita Atsumu. Il y a quelque chose entre Kenma et toi, pas vrai ?
— Non, c'est juste mon conseiller et un mage précieux pour le royaume.

Atsumu n'aimait pas l'ambiance actuelle à Nekoma. Kenma et Kuroo ne voulaient pas en dire plus sur l'invasion de mort-vivant qui sévissait au royaume. Kuroo et Bokuto se faisaient la tête. Et Kuroo et Kenma... On aurait dit un couple en froid. Rien n'allait et tout le monde faisait comme si de rien n'était.

— L'ambiance est vraiment pourrie et Bokuto est si déprimé qu'on dirait que ses cheveux ont fânés. Soupira Atsumu en pointant du doigt, Bokuto dans un coin de la salle.

Après un long soupir d'exaspération, Kuroo laissa tomber tout ce qu'ils étaient en train de faire et demanda l'attention de Bokuto et Atsumu.

— Avant que je ne commence, vous devez me jurer de ne raconter à personne ce que je vais vous révéler. Attention, je fais de la magie noire, donc si vous trahissez votre serment, vous serez maudits.
— Même pas à Akaashi ? Demanda innocemment Bokuto.
— Seulement à Akaashi. Souffla Kuroo. De toute façon, je suis sûr qu'il sait déjà.

Kuroo utilisa un sort de serment de sang pour avoir la parole d'Atsumu et Bokuto. Le souverain de Nekoma posa ensuite ses mains sur la table et fixa le vide devant lui, comme s'il remontait dans ses souvenirs.

— J'avais onze ans quand j'ai rencontré Kenma pour la première fois. C'était dans les bois de Nohebi. Comme tous les autres gamins, j'étais toujours en quête d'aventures à cette époque. C'est là que j'ai vu Kenma pour la première fois. Il vivait seul dans une vieille tour abandonnée, presque camouflée par la nature.

Même s'il disait ne plus ressentir le moindre émotion, Atsumu aperçu une petite lueur de nostalgie dans le regard de Kuroo.

— Kenma parlait peu, mais il était... fascinant. Je ne sais pas pourquoi, mais j'ai ressenti le besoin de me rapprocher de lui. Je lui rendais visite presque tous les jours, et je le harcelais pour qu'il me montre ses pouvoirs. C'est comme ça que j'ai découvert la magie, ses merveilles et ses dangers.

Bokuto et Atsumu écoutèrent en silence, ne souhaitant pas interrompre Kuroo dans sa narration.

— Quand j'ai eu treize ans, je lui ai demandé s'il n'en avait pas marre de vivre aussi longtemps, d'être seul. Il m'a répondu franchement : oui. Il en avait assez, mais il n'avait pas le courage de mettre fin à ses jours. Le gamin que j'étais lui avait alors fait une promesse.

Kuro se redressa.

— Je lui ai juré que lorsque je deviendrai roi, il pourrait vivre au château, en paix. Je lui ai promis que, même après ma mort, mes descendants veilleraient sur lui, pour qu'il ne soit jamais seul.
— Et qu'est-ce qu'il a répondu ? Ne put retenir Atsumu.
— Il m'a juste regardé avec un sourire compatissant, me considérant comme un jeune garçon innocent, qui vivait encore dans un monde de rêves. Et il avait raison. À quatorze ans, mon père a entendu parler de lui. Il a envoyé ses soldats le capturer. Comme vous le savez, un mage est considéré comme une bénédiction pour un royaume.

Kuroo détourna le regard, une ombre voilant ses traits.

— Je suis allé à sa rencontre, comme d'habitude, mais il n'était plus là. Quand j'ai appris ce qu'il s'était passé, j'ai su que je devais agir...

***

Au Sud du royaume de Nekoma, Kenma et les Ombres rouge venaient de repousser une vague d'invasion de mort-vivant. Ils se reposaient désormais dans un campement qu'ils avaient mis en place près des frontières des terres du Sud.

Kenma avait été accompagné par Akaashi et Suna. Akaashi voulait laisser Bokuto arranger les choses avec Kuroo. Suna n'arrivait pas à garder son calme lorsqu'il regardait Atsumu faire de la magie noire. Suna désapprouvait la décision d'Atsumu, mais était incapable de l'arrêter.

Suna et Akaashi profitèrent du moment de répit pour confronter Kenma, sur sa relation avec Kuroo et la raison pour laquelle Kuroo s'était retrouvé maudit.

— Le jour où le précédent roi de Nekoma m'a capturé... Commença Kenma en fixant un point invisible. Je ne me suis pas défendu. À quoi bon ? À l'époque, j'étais fatigué... Fatigué de courir, fatigué de vivre. Kuroo m'avait fait une promesse, mais elle me semblait irréaliste. En plus, ce n'était encore qu'un gamin à l'époque. Je me suis laissé capturé.

Kenma se trouvait désormais pitoyable d'avoir agit comme un lâche ce jour-là.

— Les soldats m'ont enchaîné avec ce qu'ils appellent un collier d'oubli. C'est un artefact qui supprime la connexion d'un mage à ses pouvoirs.
— J'avais entendu parler de ces artefacts rares. Songea Akaashi.
— Quand ils m'ont enchaîné et emmené au château, je n'avais rien ressenti. Pas même de la peur. C'est dans une cellule que Kuroo m'a retrouvé. Il était furieux. Pas contre son père, ni contre les soldats. Il était furieux contre moi.

Kenma leva les yeux vers Suna, son regard perçant.

— Il m'a crié dessus. M'a demandé pourquoi je m'étais laissé capturer, pourquoi je n'avais pas cru en lui. J'étais juste fatigué. Alors, je lui ai dis qu'il n'avait pas à se soucier de ce que je voulais faire de ma vie. Qu'il n'avait pas à partager mon fardeau et que j'étais prêt à disparaître.

Kenma inspira profondément avant de continuer.

— C'est après que tout a basculé. C'est Kuroo qui me l'a raconté plus tard. Dans les couloirs du palais, Kuroo avait entendu les murmures des conseillers de son père. Ils parlaient de me vendre à un royaume voisin. Un mage, ça vaut cher, et comme je refusais de coopérer.

Akaashi fronça les sourcils.

— Kenma, ne me dit pas qu'ils t'ont torturés ?
— Oui. Répondit Kenma. C'est ce qui a poussé à Kuroo à faire... l'impensable. Kuroo a cherché des réponses dans la magie noire. Je ne sais ni où ni comment il a appris ces techniques interdites, mais il a confronté son père dans ses appartements. Et il l'a tué.

Suna, toujours calme, lâcha un souffle incrédule.

— Il a tué son propre père, pour toi ?

Kenma hocha la tête, l'ombre d'un regret traversant son visage.

— Il l'a fait passer pour un accident, grâce à cette foutue magie noire. Quand il est venu me libérer, il portait déjà les stigmates de son choix. Ses yeux rouges, ses cornes, ses ailes... J'ai tout de suite compris qu'il avait vendu son humanité pour me protéger.

Kenma soupira.

— Il m'a libéré et m'a offert un refuge au château. Il m'a rappelé sa promesse : que je ne serai plus jamais seul, qu'il veillerait toujours sur moi, peu importe le prix. Il m'a dit qu'il m'aiderait à trouver une raison de vivre...

Il y a trois ans, Kenma avait décidé de rester parce qu'il avait pitié de Kuroo et qu'il se sentait coupable. Chaque jour auprès de Kuroo était empreint de gratitude et de culpabilité. Parfois, Kenma se disait que Kuroo n'aurait pas eu à sacrifier son humanité s'il s'était défendu ce jour-là.

Mais malgré ce fardeau, Kenma ne pouvait nier que Kuro avait tenu sa promesse. En mille ans d'existence, personne n'avait été aussi sincère, aussi désintéressée, ou avait pris soin de lui comme Kuroo l'avait fait. Alors qu'il avait perdu son humanité, Kuroo se souciait toujours autant de Kenma.

— Même si c'était par culpabilité au début, j'ai fini par vraiment vouloir rester à Nekoma. Kuroo m'a redonné goût à la vie. Il m'a offert un endroit où rester, des amis bienveillants... Je lui dois tellement...

Kenma ferma les yeux.

— Je veux vraiment rester auprès de Kuroo. Je veux le soutenir et l'aider. J'aimerai qu'il puisse s'appuyer sur moi. Je veux qu'il sache qu'il pourra toujours compter sur moi, mais...

Il rouvrit les yeux.

— J'ai l'impression que Kuroo pense que je reste avec lui seulement par obligation. Peu importe ce que je fais pour lui faire comprendre ce que je ressens, il croît toujours que je reste à ses côtés par culpabilité. Il ne me fait pas du tout confiance.

Kenma réfléchit.

— Je voudrai le remercier pour tout ce qu'il a fait et continue de faire pour moi, mais il refuse que je fasse quoi que ce soit pour lui venir en aide. Il me dit que je n'ai pas à me forcer et qu'il préfèrerait que ça vienne naturellement de moi.

Kenma soupira.

— Mais qu'il me dise clairement ce qu'il attend de moi ! Comment je peux le savoir s'il ne me dit rien ? D'ailleurs, il n'a jamais voulu m'expliquer pourquoi il avait fait tout ça pour moi. Comment je suis censé savoir ? Comment lui faire comprendre que je ne reste pas par culpabilité ?

Suna et Akaashi échangèrent un regard.

— Donc, c'est pour ça que votre relation est si tendue ? Voulu confirmer Akaashi.
— D'habitude on essaie d'éviter le sujet, donc ça va... mais le voir agir comme un démon m'énerve. Il se présente comme un démon dépourvu d'émotions et pourtant il prend soin de moi comme jamais aucun être humain ne l'avait fait jusqu'à maintenant. Et il veut que je profite tout simplement d'être nourri, logé et choyé ? Il me fait passer pour un simple profiteur !

Kenma s'énerva.

— Qu'il me dise ce qu'il veut que je fasse pour lui aussi... Moi aussi j'aimerai prendre soin de lui à ma manière. Mais s'il ne me dit rien, je ne sais pas quoi faire.

***

Du côté du palais de Nekoma, Kuroo laissait échapper des vérités qu'il gardait enfouies depuis des années.

— Kenma est resté à mes côtés, mais je ne sais pas s'il reste par choix ou par culpabilité.

Kuroo fit apparaître ses cornes et ses yeux écarlates.

— Avant que je ne devienne... ceci. Je me souviens de ce que je ressentais pour Kenma. Je l'aimais. Je l'aimais sincèrement, avec toute l'innocence et la ferveur d'un jeune homme. Mais... Je ne lui ai jamais dit.

Atsumu écoutait attentivement, une rare gravité dans son regard, tandis que Bokuto se mordait l'intérieur de la joue, visiblement ému.

— J'étais jeune, mais je savais déjà à l'époque que si je lui avouais mes sentiments, je le condamnerais à une douleur éternelle. La vie de Kenma tend vers l'infini. S'il s'attachait trop à moi, il aurait dû regarder quelqu'un qu'il aimait disparaître. Je ne voulais pas lui infliger ça. C'est pourquoi, je lui ai proposé cette promesse, à la place de ma déclaration.

Kuroo baissa les yeux.

— Maintenant, je ne sais pas si j'ai fait le bon choix ou non. Je n'ai jamais su ce qu'il éprouvait pour moi. Et maintenant, je ne sais pas s'il me voit comme le Kuroo qu'il connaissait ou comme le démon que je suis devenu. Je ne peux pas m'empêcher de penser qu'il reste avec moi, seulement parce qu'il me considère comme une menace.

Atsumu, d'une humeur sarcastique, passa une main sur le visage avant de prendre la parole.

— Tu ferais mieux de lui dire ce que tu ressens. Tu peux nier autant que tu veux, mais c'est écrit sur ton front que t'es dingue de Kenma.
— J'ai remarqué aussi. Ajouta Bokuto.

Kuroo les regardait avec de grands yeux.

— Vous êtes sérieux ?

Après avoir retrouvé sa joie de vivre, Bokuto éclata de rire en tapotant le dos de Kuroo.

— Je m'inquiétais un peu quand tu m'as dit que tu étais devenu un démon, après avoir tué ton père, mais maintenant je sais que tu es resté le même. Même quand on était gosses, je te trouvais déjà insupportable ! Il faut croire que tu étais un démon depuis toujours.
— Bokuto, sérieux... c'est pas sympa. soupira Atsumu. Dans mon monde, Kuroo pourrait vendre du sable à un gars perdu dans le désert. Mais là, arrête de faire ta drama queen démoniaque et va dire ces trois mots à Kenma. Parce que si tu continues à te taire, il va rester collé à toi juste par culpabilité, et franchement, c'est pas glorieux.

Kuroo ouvrit la bouche, mais finit par sourire.

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À dimanche prochain !

✨Hoshi_Steph✨