Chapitre 33

En début d'après-midi, alors que tout le monde vaquait à ses occupations, des éclats d'armes et de rires fendaient l'air sur le terrain d'entraînement. Kageyama et Hinata s'affrontaient tout en repoussant leur limite face à l'autre. Mais entre deux attaques, une complicité étrange s'était installée.

— Tu te souviens de notre première rencontre ? Lança Kageyama.
— Comment oublier ? Le donjon, les pièges... Tu pensais pouvoir tout faire tout seul jusqu'à ce qu'on tombe sur ce golem de pierre !
— Et toi, tu n'as pas hésité une seconde à te jeter sur lui, même avec tes armures à moitié brisées. Quel idiot !

Ils continuèrent leur entraînement, mais leurs esprits vagabondaient dans le souvenir de cette aventure commune. Deux ans plus tôt, durant cette fameuse conquête de donjon, ils s'étaient battus côte à côte, bravant ensemble les dangers qui auraient terrifié le plus vaillant des guerriers. Ce jour-là, ils avaient découvert l'étendue des talents de l'autre, créant un lien fait de respect et d'admiration.

— Depuis ce jour-là, je me demandais... Comment tu allais, de ton côté. Demanda Hinata, un brin mélancolique. On ne s'est plus revus depuis, et j'ai toujours pensé que tu étais parti pour d'autres conquêtes.
— J'aurai bien aimé, mais comme tu le sais, il y a eu quelques problèmes à Aoba Josai. Moi aussi, je me suis demandé ce que tu étais devenu.

Ils échangèrent un sourire complice, réalisant que malgré les années et la distance, ils demeuraient liés par un respect et une amitié inébranlable.

Hinata avait passé les deux dernières années à aiguiser ses compétences, se préparant pour devenir un chevalier digne de se tenir aux côtés de Kageyama. Il s'imaginait souvent qu'ils parcoureraient ensemble des terres lointaines, affrontant monstres et mystères, liés par une amitié indéfectible.

Mais lorsqu'il avait appris la vérité sur l'ascendance de Kageyama, le poids de ses rêves s'était soudain transformé en une désillusion douloureuse. Le jeune archer n'était pas simplement un guerrier talentueux... Il était l'héritier du trône d'Aoba Josai, destiné à gouverner et non à courir les routes avec un humble chevalier de Karasuno.

Hinata avait gardé ce chagrin secret, dissimulant ses sentiments sous un masque de jovialité. Mais sa concentration s'effritait, ses gestes devenaient hésitants, et ce trouble n'échappa pas au regard acéré de Kageyama. Fronçant ses sourcils, ce dernier arrêta de décocher des flèches, une lueur de frustration dans les yeux.

— Hinata, qu'est-ce que tu fais ? Tu n'es pas concentré !
— C'est juste que... Je m'étais entraîné pour qu'on puisse partir ensemble. Je voulais que... Je voulais pouvoir t'accompagner dans tes explorations, être ton allié. Mais je sais maintenant que tu ne pourras jamais être un simple voyageur, ni même être un ami pour quelqu'un comme moi. Tu es un prince et moi... Je ne suis qu'un petit chevalier.

Kageyama resta figé, les yeux écarquillés, ses poings se serrant inconsciemment. Il s'approcha de Hinata, l'air indéchiffrable, mais avant qu'il ne puisse prononcer un mot, Hinata détourna le regard, les joues rougies par la gêne, et fit volte-face, courant hors du terrain d'entraînement sans un mot de plus.

Kageyama aussi rêvait d'aventures, d'échappées sauvages loin des responsabilités royales. La vie de palais, les intrigues et le poids du trône n'avaient jamais eu d'attrait pour lui. S'il n'avait pas eu cette lourde tâche qui planait au-dessus de lui – sauver Aoba Josai et libérer Oikawa de sa malédiction – il aurait déjà renoncé à son titre pour courir les routes avec Hinata, comme il l'avait toujours souhaité.

Mais s'il échouait dans cette quête, il ne pourrait fuir son destin d'héritier. Le royaume avait besoin d'un roi, si Oikawa venait à se transformer entièrement en démon.

Prenant une profonde inspiration, il se lança à la poursuite d'Hinata. Lorsqu'il le rattrapa, haletant, il posa une main ferme sur l'épaule de son ami, le forçant à se retourner. Hinata le regarda, surpris et visiblement encore troublé.

— Hinata... écoute, je... je ne peux pas te promettre ce que sera l'avenir. Je ne peux même pas te dire que je serai libre de partir avec toi après tout ça. Mais... Ce que je sais, c'est que je veux combattre à tes côtés. Là, maintenant. Je veux que tu sois avec moi pour sauver Aoba Josai.

Kageyama hésita un instant, son regard vacillant sous le poids de ce qu'il taisait encore.

— Ne pensons pas à demain, d'accord ? Ce que je sais, c'est que maintenant, je veux que tu sois là, avec moi. Comme autrefois, dans ce donjon.
— Très bien, Kageyama ! S'exlama Hinata avec un sourire éclatant. Battons-nous ensemble, alors ! Peu importe l'avenir ! Je ne te lâcherai pas.

Kageyama sentit un poids se libérer de ses épaules. Ensemble, ils allaient affronter l'inconnu, sans promesse pour demain, mais avec la certitude qu'aujourd'hui, ils étaient alliés. Ils étaient prêts à braver les ténèbres et à tout risquer pour sauver leur royaume et ceux qu'ils chérissaient.

Malheureusement pour eux, une autre nouvelle vint perturber leur projet.

***

La nuit était tombée depuis peu, et le silence de l'auberge des Hinata n'était brisé que par les murmures des quelques flammes vacillantes. Kageyama grimpa les escaliers de bois usé, la pensée de Hinata partant sans lui, flottant dans son esprit. Pourtant, il avait une mission ici – veiller sur le prince-mage. L'autre Atsumu lui avait fait promettre de veiller sur le prince-mage qui préparait quelque chose que ni Kiyoomi ni Osamu ne pourraient deviner.

Arrivant devant la chambre du prince-mage, Kageyama frappa doucement et entra après avoir entendu un assentiment. Il fut immédiatement surpris par la présence de Kiyoomi, qui, d'un coin de la pièce, fixait Atsumu avec une intensité silencieuse. Le prince-mage, penché sur le grimoire ancien, leva les yeux vers Kageyama et soupira en désignant Kiyoomi d'un geste las.

— Ne fais pas attention à lui. Il est juste là pour... Apprendre à mieux me connaître, comme il dit.

Son ton laissait entendre qu'il trouvait cette situation pour le moins amusant.

Kageyama retint un sourire discret avant de se concentrer à nouveau, son visage redevenant sérieux. Il s'approcha d'Atsumu et prit une profonde inspiration, prêt à transmettre la nouvelle.

— Hinata et les autres ont pris la route pour Shiratorizawa. Karasuno et Dateko enverront leurs propres troupes en renfort ce soir même.
— Et toi, Tobio ? S'étonna Atsumu. Pourquoi es-tu encore ici ? Pourquoi n'es-tu pas parti avec Shoyo ?

La question le frappa, mais il ne laissa rien transparaître de son trouble. Il savait que son devoir, et même son serment silencieux, était de rester ici, aux côtés d'Atsumu, jusqu'à ce que le sort de délivrance soit prêt.

— On a décidé que ce serait plus stratégique que je reste ici, pour le moment. Je serai plus utile pour vous guider jusqu'à Oikawa une fois que le sort sera prêt.

Atsumu le fixa suspicieux, mais finit par hausser les épaules, laissant de côté ses questions.

— Très bien, tant que tu ne me mets pas de pression. J'ai bientôt fini.

Une fois que Kageyama quitta la pièce, Atsumu retourna à ses écrits, le visage pensif, mais un sourire en coin flottant sur ses lèvres. Il ne fut pas surpris d'entendre Kiyoomi rompre le silence tendu, sa voix calme mais piquante.

— Pourquoi as-tu insinué que Kageyama aurait dû partir avec Hinata ? Ta mission n'était-elle pas de le ramener sain et sauf à Aoba Josai ? C'est étrange que tu sembles préférer le voir aux côtés de Karasuno, même si cela implique qu'il se batte contre son propre royaume.
— Vraiment, Kiyoomi, tu es lamentable quand il s'agit de lire la situation.

Atsumu rit, un rire léger mais teinté de malice.

— Je n'ai jamais été doué non-plus pour ce genre de chose. Je m'étonne moi-même de m'en faire pour Tobio et Shoyo.
— Ce n'est pas dans tes habitudes de te soucier des autres.
— Tobio et Shoyo sont attirés l'un par l'autre. Expliqua Atsumu. Ces deux-là sont tellement nuls pour capter leurs propres sentiments qu'on dirait moi essayant de lire une carte enchantée à l'envers. Je me suis dis que ce serait bien qu'ils passent un peu de temps ensemble sur le champ de bataille, peut-être que ça leur ouvrirait enfin les yeux.

Kiyoomi resta silencieux, visiblement peu convaincu. Puis il se souvint avoir déjà ressenti la même chose.

— J'ai remarqué l'attirance qu'éprouve Suna pour ton frère.
— Vraiment ? S'enjouait Atsumu. Mais après, pour eux, c'est tellement évident. Dommage qu'Osamu ne veuille pas qu'il y ait quelque chose entre eux.
— Pourquoi ?

Atsumu haussa les épaules et soupira.

— Parce qu'un futur roi ne peut pas épouser un homme. Ils ne pourraient pas avoir d'enfants et donc pas de descendance... Je te laisse deviner la suite. Puis, il y a aussi le fait qu'un prince ne peut pas être avec un simple garde du corps.

Le prince mage réfléchit.

— Maintenant que j'y pense, ça doit être pour ça que Suna n'est pas là. Osamu fait toujours en sorte que Suna veille sur moi. Il ne veut pas donner de faux espoirs à Suna, mais il n'arrive pas non-plus à s'en détacher. Et c'est moi qu'on traite d'égoïste qui ne pense jamais à ce que ressent les autres ! Tout ça parce qu'Osamu prend trop au sérieux son rôle de futur roi.
— Je peux te demander pourquoi tu ne peux pas être roi ? Tu es l'aîné, pourtant.
— Va savoir ! Fit nonchalamment Atsumu. Au début, les anciens me pressaient pour que je prenne la relève, mais regarde-moi ! Je ne m'intéresse à rien d'autre à part la magie.

Kiyoomi hocha la tête.

— Je ne fais que ce qui me plaît et je me fiche des traditions. Ils ont voulu organiser des mariages arrangés et m'ont présenté des filles de nobles et des princesses d'autres royaumes. Moi ? Me marier avec une femme qu'on a choisi pour moi, avoir des enfants et gouverner ? Très peu pour moi.

Quelque part, Kiyoomi semblait soulagé.

— Comme je n'en fais qu'à ma tête et qu'ils avaient du mal à me réprimander, leurs remontrances se sont abattues sur Osamu. Il a décidé d'étudier sérieusement la politique. Il a même commencé à rencontrer des prétendantes. Comme si on avait échangé nos places.
— Pourquoi fait-il tout ça s'il n'en a même pas envie ?
— Certaines personnes sont juste trop honnêtes pour fuir leur responsabilité.

Atsumu ferma les yeux un instant, pressant l'arête de son nez entre ses doigts pour dissiper la fatigue. C'est alors qu'il sentit des mains glisser sur ses épaules, fermes et délicates à la fois.

Kiyoomi s'était approché du mage pour l'aider à se détendre en massant ses épaules. Ses mains glissaient habilement le long des épaules d'Atsumu, effleurant les muscles tendus de son cou. Atsumu se laissa faire, trop épuisé pour protester, et peut-être, au fond, trop satisfait de cette attention discrète mais précieuse.

— Tu dis ne te préoccuper que de la magie et prendre tes responsabilités à la légère, mais tu es bien plus sérieux et attentionné que ce que tu veuilles le faire croire. Je trouve ça adorable.
— Je te trouve bien bavard aujourd'hui. Se moqua Atsumu.
— C'est moi qui suis le plus surpris. Je trouvais déjà que tu parlais beaucoup à Itachiyama, mais maintenant que je t'ai vu t'enflammer pour tout ce qui concerne la magie... Osamu a raison, on dirait un enfant de cinq ans.

Kiyoomi marqua une pause.

— Tu es vraiment adorable. Je savais que tu te retenais à l'époque, mais j'ai cru que tu n'appréciais peut-être pas ma compagnie. Après tout, je sais que j'ai une mauvaise réputation.
— Non, ça n'a rien à voir. Puis, moi aussi j'avais une mauvaise réputation. J'avais peur que tu me trouves égoïste et irrespectueux, comme tout le monde me voyait chez moi.
— Je te trouvais déjà irrespectueux à l'époque. Se moqua gentiment Kiyoomi. Et, justement parce que tu étais têtu et narcissique, tu n'as pas fait attention aux rumeurs, et tu as décidé de te faire toi-même ton avis sur moi. Tu n'as jamais eu peur de moi et tu as fais attention à moi.

Atsumu ouvrit un œil, surpris par la remarque inhabituelle de Kiyoomi, puis esquissa un sourire amusé.

— Tu as vraiment pris le temps de réfléchir à toutes mes actions d'avant jusqu'à maintenant ?
— J'ai aussi été impressionné par ta technique à l'épée l'autre jour. C'est si rare un mage capable de mêler magie et combat rapproché. C'était très impressionnant.
— Omi... il s'est réellement passé quelque chose entre toi et mon autre moi ? Tu n'étais pas comme ça, la dernière fois qu'on s'est parlé.
— Pas vraiment. Dans son monde, on n'entretient pas la même relation. Contrairement à toi, qui garde une certaine distance avec moi, c'est moi qui garde mes distances avec lui. Ironique, n'est-ce pas ?

Atsumu rit doucement et Kiyoomi continua.

— Tu n'hésites pas à dire ce que tu penses même si tes paroles peuvent blesser les autres. Tu parais insouciant, mais derrière tes railleries et tes provocations, tu es quelqu'un de réfléchi. Tu détestes avoir tort, tu es fort, droit, honnête et jamais hésitant. Atsumu, j'aime chaque facette de ta personnalité.

Les mains de Kiyoomi, jusque là concentrées sur les épaules d'Atsumu, commencèrent à remonter lentement vers son cou, ses doigts effleurant la peau sensible juste derrière l'oreille. Atsumu frissonna légèrement, un frisson presque imperceptible, mais assez pour que Kiyoomi le remarque.

Sans rien dire, Kiyoomi continua ses caresses, ses doigts s'attardant sur les zones qu'il sentait particulièrement sensibles, chaque effleurement devenant une caresse plus intime. Une proximité silencieuse et fragile s'installait entre eux.

Atsumu sentit son cœur battre un peu plus vite, luttant pour ne pas montrer à quel point il adorait ces petites attentions. Après un moment de silence, il finit par murmurer.

— Tu as toujours été aussi curieux et observateur envers ton entourage ?

Kiyoomi sourit, penchant légèrement la tête vers lui.

— Juste... avec toi.

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🍬

Ça commence à s'améliorer entre Kiyoomi et Atsumu ~~

À dimanche prochain !

Hoshi_Steph

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