Mon village se situe sur un territoire que l'on appelle maintenant Côte d'Ivoire.

J'y vivais avec toute ma famille : ma sœur Ozouha, l'aînée de la famille, mon frère Boua, le deuxième, ma sœur Amenon, ma mère Onozélé et moi Awelio. Mon père s'appelait Quam ; il était mort quelques années plus tôt au combat.

On était très heureux, c'était la fête tous les jours.
On se maquillait et on dansait toute la journée. (Voir Média)

Mais ce jour-là, le chef du village nous avait dit l'une de ses prédictions : des hommes à la peau aussi blanche que la lune viendront avec de mauvaises intentions.

Tout le village était en alerte, on s'était préparé.
On avait décidé qu'à la tombée de la nuit, personne ne devrait être en dehors de sa maison (Maison voir média).

Un jour, moi et ma famille, nous étions partis dans la forêt pour trouver des fruits.
Quand soudain, un bruit m'interpella. Je commençais à reculer et à courir vers ma sœur que je voyais au loin. Je sentis soudainement des mains m'entourer. Je me débattai, mais je n'étais pas assez forte.
Je voyais ma mère et mon frère se faire attraper, puis mes sœurs, elles aussi, n'y ont pas échappé.
Je ne pouvais pas m'arrêter de pleurer.
Le chef avait raison, sa prédiction était juste ; ils sont blancs, comment cela est-il possible ?

*
Nous avons embarqué sur un navire pour un très long voyage, direction l'Europe.

Nous sommes au moins une centaine, tous entassés dans la soute du bateau, tous enchainés, comme des animaux, comme des sauvages.
On a faim, on a soif, et le sommeil était tout en train de nous gagner, mais nos chaines et le manque de place nous en empêchaient.
Je regardais mon frère, mes sœurs, ma mère et je pleurais, priant pour que cela ne soit qu'un cauchemar. Mais ça ne l'était pas.

*

Je repensais à notre village, à ma famille qui souffraient toutes comme moi.
Et c'est à ce moment précis que je sus une chose : jamais nous ne serons heureux jusqu'à la fin des temps.