𝐄𝐩𝐢𝐬𝐨𝐝𝐞 𝟓: 𝑎𝑛𝑔𝑒𝑙 𝑜𝑟 𝑑𝑒𝑣𝑖𝑙
┆ ┆ ┆જ ✾
Il y a six ans.
– Beomgyu !
Yeonjun marchait vers lui avec un sourire immense. Derrière lui, Soobin semblait un peu traîner des pieds, visiblement peu ravi de débuter cette nouvelle journée de cours. Il pressa le pas en leur direction, le sourire aux lèvres et Yeonjun l'attira contre lui dans une étreinte amicale.
– Alors, ton week-end ?
– Absolument génial !
– Tu as fait quoi de beau ?
– Je suis allé voir un ami à la campagne, je te montrerais des photos !
Yeonjun eut l'air ravi et Beomgyu s'empourpra légèrement. Les photographies qu'il avait prises tout le week-end lui sauvaient un peu la mise. En réalité, l'ami était plus qu'un ami, et aucun de ses amis ici présents n'était encore au courant. Il avait hésité longuement à leur en parler, de ce garçon rencontré pendant ses vacances à l'ouest du pays. Il habitait Séoul lui aussi, le quartier juste à côté du sien, et très vite, leur relation avait évolué en quelque chose de bien plus qu'amical. Beomgyu n'était pas son premier petit ami, lui était le sien. Et Beomgyu était éperdument amoureux, comme beaucoup d'adolescents de dix-huit ans qui découvraient les relations à deux pour la première fois.
– Tu sembles en forme en tout cas ! lança Yeonjun.
Beomgyu opina du chef, et suivit son meilleur ami jusqu'à leur classe, le sourire aux lèvres.
Oui, il l'était.
Plus encore, Beomgyu se sentait sur un petit nuage.
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Beomgyu rêvassait beaucoup. De lui, de leurs échanges, de leurs baisers, des soirées qu'ils passaient chez l'un ou chez l'autre sans que leurs parents ne se doutent de quoi que ce soit... Et la chose commença à intriguer ses amis rapidement.
– Tu es toujours avec nous ?
– Il rêve la bouche ouverte Kai, tu vois bien qu'il n'écoute plus..., râla Taehyun.
Yeonjun claqua des doigts sous son nez et Beomgyu sursauta.
– Hein ?
– Aller, balance Beomgyu, qu'est-ce qui te fait rêver comme ça ?
Il secoua la tête, un peu gêné et laissa échapper un rire.
– Personne...
– Ok, donc c'est une personne, lança Soobin, les yeux brillants.
– Je... Je ne veux pas en parler...
Pas ici, pas sur les marches de leur lycée. Pas du tout même. Il se sentait trop exposé, craignait un potentiel jugement de leur part... Ses yeux croisèrent ceux de Taehyun, plus inquisiteurs que les autres. Mais pour toi... Toi ils ne t'ont pas jugé, ils ne se sont pas moqués non plus... Et Taehyun n'avait jamais vraiment caché qu'il aimait les garçons. Ils l'avaient tous su dès le début de leur amitié. Étrangement, et Beomgyu le savait, Taehyun avait craint son avis plus que les autres.
– Pas ici, souffla-t-il.
– Ok ! On va chez moi alors ! lança Yeonjun en lui donnant une grande tape dans le dos.
Beomgyu écarquilla les yeux, affolé.
– Maintenant... ?
– Bah ouais. Allez, on bouge d'ici, nos cours sont finis et personne n'a l'intention de bosser plus aujourd'hui.
Soobin en bon élève s'apprêta à répliquer quelque chose mais Kai l'en dissuada d'un regard. Les jambes en coton – ce qui ne lui ressemblait pas – il suivit son meilleur ami sans un mot.
Gêné, il regarda Yeonjun composer le code de sa porte d'entrée puis se déchaussa en silence.
– On a qu'à se commander à manger ! lança Kai.
– Ouais, super ! On fait ça ! Yeonjun, ça te botte ?
– Si vous voulez, je m'en charge, répondit-il.
Et sans plus tarder il attrapa son téléphone pour commander dans leur restaurant favori. Pendant ce temps, Soobin avait attrapé sa main pour le tirer sur le canapé et le faire asseoir. Taehyun en face de lui, Kai en diagonale, Beomgyu avait l'impression de se retrouver devant un jury d'examen.
– Alors ? Dis-nous tout ? Qui est cette personne ?
– Je...
– Ça arrive dans vingt minutes !
Yeonjun se laissa tomber à ses côtés et passa un bras autour de ses épaules. Rouge écrevisse Beomgyu baissa les yeux.
– Oh, ça ressemble pas à notre Beomgyu ça ! Il est où le grand et fort Beomgyu qui garde la tête haute ?
Il était loin, très loin. Beomgyu ne s'était jamais senti aussi timide avec eux. Pourtant il était bien le plus extraverti de ce groupe, le plus pipelette aussi : son silence étonnait désormais. Comprenant sans doute son malaise, Yeonjun commença par parler de leur journée, et Soobin le suivit immédiatement. Il se passa de longues minutes pendant lesquelles il tourna mille et une manières de leur annoncer la chose dans sa tête, sans jamais trouver la bonne. Il glissa une main dans sa poche et y trouva son téléphone. La tentation de le prendre et de s'y réfugier – geste qui ne lui ressemblait pourtant pas – était grande et puis...
– Je peux vous montrer une photo, murmura-t-il.
Tous tournèrent de nouveau la tête vers lui.
– Montre montre montre !
Kai était surexcité et lui arracha presque le téléphone des mains quand il leur tendit.
Et puis, plus rien.
Le silence complet dans le salon des parents de Yeonjun. Le portable passa de main en main et Taehyun le réceptionna en dernier. Tous relevèrent les yeux vers lui, surpris, muets, sauf lui. Taehyun regarda un peu plus longtemps le cliché, sembla zoomer dessus à plusieurs reprises et leva finalement un sourcil avant de relever la tête. Tous semblaient chercher comment réagir. Il se demanda quoi dire, quoi faire et la sonnerie de la porte d'entrée le sauva. Yeonjun sursauta et se leva sans un mot. Il réceptionna leur commande et la disposa sur la petite table basse du salon.
– Voilà, euh... Les gimbap sont là, tes udons ici Kai, le riz...
– Tu es en couple, lâcha finalement Taehyun. Je me disais bien que c'était le comportement de quelqu'un à qui ça arrive pour la première fois...
Beomgyu ouvrit de grands yeux, incapable de briser le contact visuel avec lui.
– Bah c'est génial ! lança Yeonjun.
Taehyun ne le lâchait pas du regard et la situation commença à le mettre mal à l'aise.
– Parle-nous de lui ! Comment il s'appelle ? Il a quel âge ?
– Vous vous êtes rencontrés comment ? demanda Soobin.
– La photo est très jolie en tout cas, c'est toi qui l'as prise ou lui qui te l'a envoyée ? renchérit Kai.
Taehyun ne posa aucune question et son regard ne quitta pas le sien. Il lui tendit son téléphone qu'il réceptionna du bout des doigts.
– Tu es en train de le faire flipper Taehyunie, souffla Soobin.
Taehyun se reprit, inspirant profondément et esquissa un large sourire.
– Désolé, je réfléchissais.
– Je l'ai rencontré durant mes vacances, il a notre âge, répondit Beomgyu avant de prendre un bout de gimbap et de l'engloutir tout entier.
– Tu sais que tu pouvais nous en parler hein ? lança Yeonjun.
– Oui, bien sûr mais je...
– Tu avais peur de nos réactions ? demanda Soobin.
– Taehyun est juste sous ton nez, Beomgyu sérieux, rigola Kai.
– O-oui, bien sûr...
Il se sentit un peu idiot mais Yeonjun lui tapota le dos avec amusement et lui lança un clin d'œil comme pour le rassurer. Taehyun esquissa un sourire plus amusé.
– Tu sais, maintenant que tu nous as parlé de lui... On va vouloir le voir en vrai.
– Oh... Je lui proposerais !
Son sourire retrouvé Beomgyu se sentit plus léger. Finalement, sans aucune surprise le reste de la soirée se déroula bien. Comprenant que Beomgyu ne souhaitait parler davantage, ils changèrent rapidement de sujet.
Plus tard, alors que Yeonjun négociait avec ses parents pour tous les faire dormir dans sa chambre, Taehyun lui fit signe d'approcher.
– Eh, on peut parler un peu ?
– Euh, oui...
– Viens, on va marcher deux minutes.
Curieux, il jeta un coup d'œil aux autres garçons très occupés et le suivit, curieux. Ils enfilèrent leurs baskets et Taehyun lui ouvrit la porte. Ils marchèrent deux petites minutes avant que Taehyun ne brise finalement la glace.
– Désolé pour tout à l'heure, rigola-t-il. J'étais surpris. Mais tu sais quoi ? Je suis vraiment heureux pour toi Beomie.
Beomgyu aimait beaucoup ce surnom qu'il lui donnait quand ils n'étaient que tous les deux.
– Pourquoi tu avais peur de nous le dire, hein ?
Il n'y avait pas de jugement ou de colère dans sa voix et il s'en sentit rassuré.
– Je... Je crois que c'est à cause de mes autres amis. J'ai eu peur de leur réaction, je suppose que j'ai transposé ça sur vous aussi. Ils ne savent toujours pas d'ailleurs.
– Mmh, compréhensible. Mais hey, je suis là, ok ?
– Je sais Taehyun.
Il inspira profondément, se sentant soudain plus léger. Sentant le regard de Taehyun sur sa personne, il inclina légèrement la tête, un sourire aux lèvres.
– Quoi ?
– Tu te sens mieux, hein ?
– Ouais. Je m'en veux presque de ne pas tout vous avoir dit dès le début, rigola-t-il.
– Faut pas Beomie, moi aussi j'aurais un peu planqué le truc.
– Vraiment ?
– Ouais. Mais je suis heureux que tu aies franchi le cap. Un peu surpris, j'avoue, car tu étais le dernier que je m'attendais à voir avec un mec mais-
– Vraiment ? Pas Yeonjun ?
– Yeonjun est hors course, il n'est juste pas attiré par les gens.
Beomgyu laissa échapper un rire, Taehyun marquait un point.
– Tu vois Soobin avec un gars toi ? Ou Kai ?
Taehyun haussa les épaules.
– On ne sait jamais, il est surprenant. Je ne vais plus tirer de conclusion hâtive, tu en es le meilleur exemple.
– Et pourquoi tu ne me voyais pas avec un mec ?
Taehyun se figea sur le trottoir, un air interdit sur le visage. Beomgyu l'imita, les yeux rieurs, les bras croisés sur son torse.
– Je... Je suis désolé Beomgyu. C'est idiot, vraiment...
– Oh, non, eh... Ce n'étais pas... euh... je ne voulais pas te reprendre ou quoi, j'étais juste curieux !
– Mais tu as raison, c'est complètement con. J'avais cette image de toi avec une de ces nanas absolument canons de notre lycée, suspendu à ton bras. Parce que tu colles à cette image du mec parfait sans doute, à qui tous les gars veulent ressembler, t'es grand, t'es bien foutu, t'es beau, t'es bon en classe, personne n'irait remettre en cause ta sexualité parce que tu les découragerais d'un regard et t'es le stéréotype parfait de l'hétéro bourreau des cœurs avec toutes les filles à tes pieds.
Beomgyu le regarda avec des yeux ronds avant d'éclater de rire sans aucune retenue.
– Bordel Taehyun je... je... Tu penses vraiment ça de moi ? J'sais pas si je dois me m'vexer ou–
Incapable de s'arrêter de rire il sécha une larme de joie et passa une main dans ses cheveux.
– Non moi je pense que tu es un de mes meilleurs amis, et que j'ai une chance inouïe.
– Tu ne me trouves pas beau donc ? Ni bien foutu ? pouffa-t-il.
– Joue pas sur les mots imbécile, bien sûr que tu l'es. Je serais mauvaise langue de dire le contraire.
Taehyun lui donna un coude de coude dans les côtes et souffla, faussement agacé.
– Te fous pas de moi comme ça ! À la base je voulais juste te rassurer et te proposer mon aide si tu en avais besoin !
– Merci Taehyun, je n'hésiterais pas.
Le sourire qu'il lui rendit fit battre son cœur un peu plus fort.
– Il me tarde de le rencontrer. Je veux connaître ce type qui rend notre Beomie si heureux.
Il lui tardait aussi, si fort.
Mais ce jour n'arriva jamais.
Ni cette semaine, ni celle d'après, ni le mois qui suivit, ni celui d'encore après.
Rien pendant les trois premiers mois de leur relation.
Les excuses étaient là : trop de travail, rendez-vous médicaux, rendez-vous familiaux et puis, Beomgyu n'osait jamais insister. Alors il mentait pour lui, lui inventait des excuses et les garçons ne se décourageaient pas, ne se vexaient pas.
– Je te jure qu'ils sont vraiment gentils...
Son petit ami passa une main dans ses cheveux, tout sourire.
– Je n'en doute pas Beomgyu... On va essayer de se caler ça la semaine prochaine, ok ?
– D'accord !
Il se pencha pour l'embrasser et l'autre se laissa faire, trop heureux.
– Parce qu'ils ont vraiment hâte de te rencontrer tu sais ! Surtout Taehyun !
– Mmh, ouais...
Il effleura ses lèvres une nouvelle fois mais subitement, il lui sembla ailleurs, presque vexé.
– Quelque chose ne va pas ?
– Je sais qu'il aime les mecs.
Ce n'était un secret pour personne dans leur lycée, et Taehyun en avait fait les frais plus d'une fois. Que le bruit ait couru jusqu'à lui, au lycée voisin, ne l'étonnait même pas.
– Et ?
– Il s'est déjà passé un truc entre vous ?
– Taehyun et moi ?
Il se redressa, à califourchon sur ses hanches et le regarda d'un air amusé.
– Jamais, quelle drôle d'idée !
– Tu le jures ?
– Oui ? C'est Taehyun, c'est l'un de mes meilleurs amis. Et je ne suis clairement pas son genre.
– C'est le tien ?
– Le mien c'est toi, arrête d'avoir aussi peur bon sang, rigola-t-il.
Visiblement satisfait de sa réponse, il esquissa un sourire et l'attira à nouveau contre lui. L'avoir ainsi contre lui lui faisait grimper le rouge aux joues. Taehyun et moi... Mais d'où il sort ça encore...
– Dis Beomgyu...
– Mmm ?
– Mes parents ne sont pas là du week-end.
Il leva un sourcil, amusé et esquissa un large sourire.
– Est-ce que monsieur me convie à rester cette nuit ?
Son rire résonna jusque dans son corps et il effleura le bout de son nez, le regard rieur.
– Ça se pourrait ouais...
– Voyons voir, chuchota-t-il.
– Beomgyu, s'il te plait...
– Quel genre de programme tu proposes ?
– Le genre de programme un peu nouveau que je meurs d'envie d'essayer avec toi depuis qu'on s'est rencontré.
Il termina de rougir jusqu'à la racine des cheveux et l'autre comprit qu'il avait gagné.
Beomgyu regarda son reflet dans le miroir de la salle de bain, légèrement paniqué. De l'autre côté de la porte, il l'entendit scander son prénom une deuxième, puis une troisième fois.
– J'arrive ! Donne-moi trente secondes !
Tu peux le faire. Tu peux le faire. Tu peux... Oh mon dieu non je vais jamais pouvoir faire ça. Il eut envie de se donner des claques, catastrophé par la pression qui alourdissait de plus en plus ses épaules. J'aurais dû demander des conseils à Taehyun. Il aurait peut-être... Pu m'expliquer des trucs ? Putain. Fait chier. Il inspira profondément et passa une nouvelle fois de l'eau sur son visage. Quand il ouvrit de nouveau la porte de la salle de bain, une paire de lèvres se plaqua sur les siennes.
– Bon sang j'ai cru que t'allais rester là-dedans toute la soirée ! T'es pas malade, ça va ?
– T'inquiète pas va...
– T'es nerveux ?
– Du tout.
Bien sûr que si. Mais Beomgyu s'interdisait de le laisser paraître. Il était Choi Beomgyu, et rien ne lui faisait peur. Pas même se dénuder pour la première fois devant son petit ami. Au fond, Beomgyu mourrait de peur de d'appréhension et ne comprenait pas pourquoi. Il détestait la boule qu'il avait au fond de la gorge et dans son estomac. Il détestait perdre lentement tous ses moyens : ce n'était pas lui. Beomgyu était un fonceur qui n'avait peur de rien. Alors de ça ? C'était ridicule.
Alors il se donna une dose de courage et le rassura une nouvelle fois. Pour une raison qui lui échappait, son petit ami semblait en avoir besoin aussi. Et tout lui sembla limpide quand il se retrouva allongé à ses côtés pour la première fois : il comptait sur lui. La panique le gagna alors de plus belle, ainsi que l'envie de fuir très loin de cette chambre.
Mais Beomgyu ne fuyait pas.
Parce que sa fierté l'en empêchait.
Parce qu'il avait une réputation à tenir, même si personne ne saurait rien de cette nuit.
Parce qu'il l'aimait, au fond.
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– Ça faisait un bail qu'on ne s'était pas fait ça !
Beomgyu esquissa un sourire tendre et Yeonjun touilla sa boisson au matcha une nouvelle fois, visiblement heureux d'être là, rien qu'avec lui.
– Comment tu vas mon Beomgyu ? On ne t'a pas entendu du week-end !
– Oh... J'étais chez mon petit ami.
– Oh ! C'était bien ?
Yeonjun ne lui tenait jamais rigueur de cette rencontre qui ne se faisait pas.
– Oui.
Il le vit hausser un sourcil et reposer son verre, intrigué.
– Mais encore ?
– C'est... Un peu gênant d'en parler ici Yeonjun...
– Oh. Oh. Oooooh !
– J'en étais sûr, dit-il en levant les yeux au plafond.
– Alors alors ?
– Sérieux, tu ne veux pas savoir.
– C'était naze ? J'ai jamais rien fait d'ma vie, tu sais que je n'ai pas de quoi comparer et que je ne vais pas me moquer Beomgyu !
– Non, c'était...
Pas ce que j'avais imaginé. En face de lui, le visage de son meilleur ami se fit plus sérieux.
– Beomgyu, rien de grave hein ?
– Ce n'était pas l'idée que je m'en étais fait.
– Des rapports entre hommes ? Ça ne t'a pas plu ?
– J'en avais envie mais... Je ne sais pas.
Si, il savait. Il n'avait pas aimé la manière d'être touché. Il avait aimé l'avant ; les baisers, les mots doux, cette manière qu'ils avaient eue de se découvrir maladroitement. Et après... Les choses étaient allées un peu vite. Il secoua la tête, les joues rouges et se força à rire doucement.
– Je suppose que les premières fois ne sont pas toutes merveilleuses. Quel cliché de merde.
– Mmh, si tu le dis.
– Désolé, je m'emballe alors que toi tu n'as jamais rien fait.
– Beomgyu, tu sais que ça ne me branche pas mais si je t'en parle en premier, c'est que le sujet ne me gêne pas.
Beomgyu opina du chef, toujours un peu gêné et baissa les yeux. Encore un geste qui ne lui ressemblait pas, et il détesta l'image qu'il renvoyait à son meilleur ami en cet instant.
– Je sais que j'ai cette image tenace du mec qui n'en a rien à faire, mais je n'exclus pas un jour de tenter des choses moi aussi.
– Vraiment ?
– Ouais, enfin... Pas avec une personne lambda tu vois ? Plus quelqu'un avec qui j'aurais un vrai lien, une vraie implication émotionnelle.
– Pas comme Kai qui tombe amoureux tous les deux jours, rigola Beomgyu.
– Voilà, tu as tout compris, s'amusa Yeonjun.
Curieusement, la nouvelle ne l'étonna pas. Yeonjun avait toujours été comme ça, loin des préoccupations de la plupart des jeunes de leur âge. Kai était l'opposé : tout tester, tout vite, avec n'importe qui possédant un physique charmant à ses yeux.
– Beomgyu ?
– Ouais ?
– Tu pourrais garder ce que je viens de dire pour toi ? Je préfère que les gens conservent cette image qu'ils ont de moi, j'ai moins de pression sur les épaules... C'est... Assez intime pour moi ce que je viens de te confier.
Il se demanda pourquoi mais n'osa pas poser davantage de questions ; Yeonjun avait ses raisons.
– Sans problème Yeonjun, promis !
Beomgyu était le meilleur pour garder les choses secrètes.
Même quand elles tournaient en sa défaveur.
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Beomgyu avait commencé à redouter les moments où ils se voyaient un mois après leur première fois. Ses sentiments n'avaient pas évolué, les siens non plus, mais quelque chose dans leur relation avait changé et il le sentait. Il anticipait chaque nuit passée avec lui avec de plus en plus de malaise, jusqu'à s'en rendre malade la veille. À chaque fois, tout se déroulait exactement de la même manière. Lui était aux anges, et Beomgyu était mortifié d'avoir détesté, une nouvelle fois.
– Beomgyu, tu m'écoutes ?
– Mmh ? Ouais, désolé, j'avais la tête ailleurs.
Son petit ami l'embrassa et il se força à sourire.
– J'ai l'impression que t'étais pas vraiment là...
– A-ah ? Si, je...
– On devrait peut-être changer, non ?
– Changer ?
– Tu sais que j'ai horreur des routines...
Lui aimait bien les routines, elles le confortaient autant qu'elles le rassuraient. Et cela ne faisait qu'un mois depuis qu'ils avaient passé un nouveau cap dans leur relation.
– Oui, je sais... Si tu veux.
– Vraiment ?
– Bien sûr !
Il détesta.
Encore plus si une chose pareille était toutefois possible.
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Beomgyu, tout va bien en ce moment ? La question de Kai restait gravée dans sa mémoire. Il avait répondu que oui, comme toujours. Il avait souri, comme toujours. Il avait continué de voir ses camarades de classe, ses amis et eux, les quatre personnes les plus précieuses à ses yeux comme si de rien n'était. Mais au fond, Beomgyu avait cessé de rayonner. Brillant à l'extérieur, mort à l'intérieur... Ce jour-là, Kai, Soobin, Yeonjun et Taehyun l'avaient compris. Ils n'avaient pas insisté, mais pour la première fois le vrai Beomgyu leur était apparu, limpide.
Cela faisait quatre mois. Et dans quelque temps, le lycée se terminerait et peut-être, avec lui, cette longue descente aux enfers. Beomgyu détestait ce qu'il devenait. Il haïssait le reflet de ce type renfermé, qui ne souriait plus. Ce n'était pas lui. Beomgyu était fort, Beomgyu gardait la tête haute. Il était celui qui faisait rire ses professeurs, sa tête de classe, le garçon que tout le monde rêvait de devenir. Où était Beomgyu ? Qui était ce type aux cernes immenses juste devant lui ? Pourquoi était-il comme ça ?
Peut-être parce que les moments qu'il avait idéalisés, fantasmés, imaginés comme parfaits et réconfortants avaient viré au cauchemar.
– Beomgyu, tu me passes les frites ?
Sans relever le nez vers Yeonjun il poussa sa barquette vers lui.
– Eh, tu n'en as pas mangé une seule.
– Et toi donc.
– Pardon ?
– Je sais que tu as recommencé Jun, souffla-t-il en buvant une gorgée de son soda.
– Recommencé ?
– Je l'ai remarqué ce soir-là, mais je n'ai rien dit, parce que tu semblais aller mieux les semaines qui ont suivi... Il n'y avait que quatre plats ce soir-là.
– Beomgyu, je ne vois pas de quoi tu parles.
– Quand je vous ai annoncé que je voyais quelqu'un.
– Beomgyu, c'était il y a des mois !
– Eh bien putain, je m'en veux, ok ? Il y a des mois tu as recommencé et j'étais trop bêtement amoureux pour te le dire. Je sais très bien que le cinquième plat n'a pas été oublié Yeonjun, tu n'as juste rien commandé pour toi. Comme tu n'as rien commandé pour toi les fois d'après, et comme aujourd'hui putain !
Yeonjun le regarda avec des yeux ronds. Il avait hurlé sans même lever les yeux vers lui et, le souffle court, il attrapa sa boisson pour en boire une nouvelle gorgée. Il était tellement plus simple de régler les soucis des autres plutôt que les siens.
– Je... Ok. Oui, c'est vrai.
– Tu vois toujours ta psy ?
– Beomgyu...
– Est-ce que tu vois toujours ta psy Yeonjun ?
– Non.
Beomgyu secoua la tête, navré. Tu régleras tes soucis plus tard, Yeonjun d'abord. Et puis, en fin de compte, il y a plus grave. Mais, irrité, Beomgyu s'enfonçait sans même le réaliser.
– Mais ça va, ok ?
– Ok, alors tu as mangé quoi aujourd'hui ? Hier ? Avant-hier ?
Il releva les yeux vers lui et constata que Yeonjun le regardait d'un air interdit, les larmes aux yeux.
– Et avant avant-hier ?
– Arrête Beomgyu...
– Non. Tu allais me faire chier à cause d'une pauvre frite, alors je te fais chier en retour pour les repas que tu ne te donnes même plus la peine de prendre.
– Tu.... Tu n'es pas de bonne humeur, quelque chose ne va actuellement pour toi pas et tu es en train d'être blessant Beomgyu, murmura-t-il.
Il soupira et attrapa une frite, puis deux, qu'il prit à peine le temps de mâcher avant de les avaler.
– Délicieux, tu devrais vraiment goûter, grinça-t-il.
– Ça suffit.
En face de lui, Yeonjun se leva, les joues rouges, les joues humides. Je l'ai fait pleurer. Il lui déposa quelques billets sous le nez et attrapa sa veste d'un geste rageur.
– Je vois très bien que ça ne va pas, que ça fait des semaines que tu n'es plus toi. Je gère mes soucis, est-ce que toi tu gères les tiens, monsieur parfait ? Je ne trouve pas. Démerde-toi, tu m'as cassé les couilles.
Il le regarda partir sans un mot, blême, réalisant lentement la scène qui venait de se dérouler. Il m'a insulté. Yeonjun ne m'a jamais insulté... Il fusilla du regarda sa boisson, la barquette de frites et baissa les yeux sur ses mains jointes, posées sur le sommet de ses cuisses. Eh bah bravo. C'était brillant ça Beomgyu. Sur la table, son portable vibra, et il releva à peine les yeux pour voir le prénom de son petit ami s'afficher et son message. « Chez moi ce soir ? » Il lâcha un rire jaune sans prendre la peine de répondre et baissa de nouveau les yeux. Non, il n'y avait pas de chez lui ce soir, il n'en pouvait plus.
Beomgyu n'eut aucune idée de combien de temps il resta là, sans bouger, sans rien dire ou manger. Il arrêta de compter les couples qui se succédaient autour de lui, les groupes d'amis... Il ferma les yeux, avec la désagréable sensation de s'endormir sans le vouloir. Dehors le jour déclina petit à petit et Beomgyu renifla bruyamment, sans se soucier des gens autour de lui qu'il écœurait au passage.
– Beomgyu ?
Les yeux mi-clos par la fatigue il peina à reconnaître la voix de son ami. Que faisait Yeonjun ici, encore ?
– Oh bon sang tu n'as pas bougé...
Il le sentit s'agenouiller à ses côtés, et attraper ses mains posées sur ses genoux.
– Eh...
– Je suis désolé, murmura-t-il.
Yeonjun secoua la tête.
– Je ne voulais pas être aussi con, je suis juste...
... si fatigué, complètement à bout... Pardon Yeonjun.
– Tu es pardonné va. Vient Beomgyu, sortons d'ici...
Il se leva sans un mot, laissant Yeonjun payer avec l'agent qu'il avait précédemment laissé sur la table.
– Dis-moi ce qui ne va pas Beomgyu...
– Rien.
– Rien ? Beomgyu, tu es resté trois heures ici. Trois heures sans bouger.
Trois heures ? Le temps lui avait semblé infiniment plus long. Il marcha sans rien dire, les lèvres pincées. À ses côtés, Yeonjun s'était mis à pianoter sur son téléphone et le Beomgyu d'ordinaire curieux qu'il était ne chercha même pas à savoir à qui il parlait autant.
– On va chez moi, ponctua Yeonjun.
Beomgyu le suivit sans rechigner. Il passait beaucoup de temps chez Yeonjun, et cela n'avait jamais vraiment gêné ses parents.
– Tes parents sont encore absents ? osa-t-il demander.
– Mon père est parti donner un coup de main pour les récoltes avec ma mère. Je ne sais même pas quand ils reviennent, je pense que mes grands-parents vont tout faire pour les garder le plus longtemps possible, et puisqu'il est au chômage...
Le cœur de Beomgyu se serra. La situation de Yeonjun empirait de plus en plus en ces dernières années. Seule sa mère peinait à garder un emploi stable et son père cumulait les petits boulots, de plus en plus ingrats.
– On va s'en sortir Beomgyu, je vais relever tout ça, ne t'en fais pas.
Et en bon enfant unique qu'il était, Yeonjun en prenait l'entière responsabilité.
– Je ne laisserais pas mon père ramasser les ordures dans la rue.
Ça, Beomgyu le savait.
Il poussa la porte du petit appartement et Beomgyu se déchaussa en silence.
– J'ai invité les autres.
– Quoi ?!
– Soirée film ce soir. Tu en as besoin. Câlin général, tout ça tout ça...
– Yeonjun...
– Je ne dirais rien, si tu veux parler de ce qui ne va pas, tu le fais. Sinon, ce n'est pas grave. Dis-moi juste un truc... C'est à cause de ton petit ami ?
– Non.
– Tant mieux. J'ai eu peur l'espace d'un instant... Je l'aurais dégommé, tu le sais ça ?
– Oui, souffla-t-il.
Yeonjun lui adressa un sourire immense et l'invita à se poser. Oui, je sais que tu serais allé frapper chez lui en plein milieu de la nuit pour lui refaire le portrait. Je sais aussi que Soobin t'aurait suivi avec plaisir, parce qu'il a le sang chaud. Et il en est hors de question. Il attrapa son portable, profitant d'une courte absence de Yeonjun, pour répondre en catastrophe aux messages qui s'empilaient les uns après les autres. « Je ne suis pas dispo ce soir, je suis avec les gars » lui sembla être la meilleure réponse. La réponse ne tarda pas trop, et Beomgyu se sentit soulagé. « Oh, ok ! Profite de ta soirée <3 » Au même moment, la porte d'entrée s'ouvrit de nouveau pour laisser entrer les trois autres garçons.
– Bah alors ! Beomgyu est tristounet !
Kai lui sauta sur les genoux sans qu'il ne parvienne à l'éviter. Il se retrouva rapidement encerclé et esquissa un sourire amusé.
Dans la cuisine, Yeonjun appela Soobin à la rescousse pour l'aider à porter les snacks. Sentant une légère pression sur son épaule, il tourna la tête vers Taehyun. Il semblait moins enjoué que les autres, peut-être plus inquiet et Beomgyu détesta voir cette expression sur son visage. Ça va ? mima-t-il avec ses lèvres. Beomgyu s'empressa de hocher de la tête. Il le vit un peu plus rassuré, et quand Kai quitta enfin ses genoux après les avoir broyés avec brio, Taehyun se rapprocha un peu, presque timidement.
Il eut l'honneur de choisir de films, et aucun ne lui en tint rigueur. Toute la soirée, il lutta contre sa fatigue, forçant ses yeux à rester ouverts, et à participer aux discussions animées pendant le film. Il cessa de participer vers les trois quarts, laissant Kai et Soobin argumenter dans leur coin, et Yeonjun apprécier ce film qu'il aimait bien plus qu'il ne voulait l'admettre.
– Beomie ?
La voix de Taehyun – que les autres garçons ne semblèrent pas entendre – lui parvint à peine aux oreilles et il se tourna légèrement vers lui, un sourcil levé. Taehyun ne le surnommait jamais en présence des autres garçons aussi, le geste le surprit.
– Je peux ?
Il le regarda imiter sa tête posée sur son épaule et esquissa un sourire. L'instant d'après, Taehyun était recroquevillé contre lui, la tête contre son épaule, les bras enroulés autour du sien. Le geste aurait dû rester anodin et Beomgyu le savait. Pourtant, pour la première fois depuis des mois, son cœur se serra sans aucune source de malaise.
┆ ┆ ┆
Tu crains Beomgyu, sérieusement.
Sans s'arrêter de courir, Beomgyu traversa la route. Il connaissait le chemin vers la petite maison de Taehyun par cœur, presque assez pour s'y rendre les yeux humides, la vision trouble. Quand il s'écroula presque à moitié sur la porte d'entrée, Beomgyu réalisa qu'il n'avait pas envoyé de message à son ami. Ni un appel, rien. Il toqua, sonna, toqua une nouvelle fois, à bout de souffle. Ce fut le père de Taehyun – son portrait craché – qui lui ouvrit la porte et qui sursauta en le voyant dans un état pareil. Beomgyu réalisa seulement maintenant que la pluie tombait sur Séoul depuis des heures et qu'il était trempé, des pieds à la tête.
– Bon dieu Beomgyu, entre, entre !
Il trébucha à l'intérieur, peina à retirer ses baskets trempées et éternua. La mère de Taehyun fit irruption, son fils sur les talons et ce dernier se jeta sur lui, paniqué.
– Beomie ? Beomie que se passe-t-il ?
– Je...
Ça fait des mois que tu me fais le coup !
– Je peux... je peux rester... ce soir ?
Taehyun releva les yeux vers ses parents qui opinèrent en chœur, sans même hésiter. Beomgyu avait toujours été le bienvenu ici, tout comme le reste des amis de Taehyun et il le savait. Pourquoi se rendre ici et non dans son propre foyer ? Beomgyu n'en avait aucune idée.
– Faut que je me douche, articula-t-il avec peine.
– Oui, oui je... Tu connais le chemin, je vais te chercher des fringues !
Il tourna les talons comme un zombi, assez lentement pour entendre le couple Kang s'inquiéter et Taehyun essayer de les rassurer sans rien connaître de la situation. Il retira ses habits avec lenteur et se glissa dans la douche. Les Kang avaient une véritable salle de bain à l'italienne et Beomgyu en était dingue. Il laissa couler l'eau tiède sur ses épaules, puis un peu plus chaude sur ses cheveux et enfin, il laissa dégouliner les larmes qu'il retenait depuis trop longtemps. Il les laissa partir avec l'eau savonneuse sans se soucier de ce à quoi il ressemblerait en sortant de là. Il pria pour que les traces qu'avaient laissées ses baisers et ses ongles partent elles aussi. Il eut l'impression de rester des heures, là, sous l'eau et soupira en l'éteignant. Il reposa le pommeau, dépité, conscient que Taehyun attendait certainement derrière la porte pour lui donner des habits secs et propres. Mais Beomgyu fut incapable d'esquisser un pas en plus.
En fait, t'as juste jamais pris ton pied, hein ?
Il se laissa glisser contre le mur de la douche, les bras enroulés autour de ses genoux, le corps tremblant. Un premier coup timide fut donné sur la porte. Derrière, Taehyun lui demanda si tout allait bien. Il secoua la tête, comme si ce dernier pouvait le voir ou l'entendre.
Laisse-moi faire, visiblement t'es pas foutu d'utiliser ta bite correctement.
– Beomgyu ? Tout va bien ?
La porte s'ouvrit timidement et Taehyun entra, les yeux fermés, tapotant les murs et les meubles pour se repérer.
– Tu peux ouvrir les yeux hein, marmonna-t-il, les yeux rougis.
– Tu as une serviette sur toi ?
– Non.
– Alors non.
Il le vit s'avancer encore à tâtons, puis déposer ses habits sur l'évier avant de reculer d'un pas. Beomgyu ne bougea pas, l'observant gesticuler presque avec amusement, les lèvres pincées.
– T'as jamais vu un mec à poil ?
– Si, et c'est pas le problème ! Je ne veux pas te voir à poil, non mais !
Son dos trouva la porte de la salle de bain et Taehyun laissa échapper un petit couinement de douleur. Beomgyu attrapa les habits du bout des doigts et les enfila sans rien dire, avant même qu'il ne quitte la pièce.
– Merci pour les fringues. Ils sont sur moi.
Taehyun ouvrit timidement un œil, puis deux et soupira.
– Ouf, tu rentres dedans...
– Je ne fais pas deux mètres non plus...
– Non, mais disons que je disparais derrière toi, alors j'avais des doutes au niveau des épaules, rigola-t-il.
Sa remarque eut le mérite de le faire sourire pour la première fois de la soirée et Taehyun se rapprocha de lui, avant de le prendre dans ses bras. Ce n'était que Taehyun, que ses élans d'affection qu'il ne contrôlait pas, pourtant, Beomgyu eut envie de pleurer à nouveau devant un geste si doux.
– Tu m'as fait peur... Il s'est passé quoi ?
Taehyun passa une main dans ses cheveux noirs et Beomgyu esquissa un sourire fade, sans trouver la force de le repousser.
– J'me suis disputé avec mon copain.
– Oh.
– C'est rien, c'était juste... la première fois, et ça secoue.
Mensonge. Mais ça, Taehyun et tous les autres ne devaient pas le savoir.
Ça fait des mois qu'on sort ensemble et qu'on baise. Sérieux Beomgyu. Je ne suis pas allé voir ailleurs. On ira se tester plus tard si tu veux, mais en attendant ça devient vraiment chiant de toujours garder les capotes.
– Beomie ?
Il essuya ses yeux et Beomgyu réalisa qu'à nouveau, il pleurait.
– Oh, eh... Beomie, ça arrive une dispute de couple...
– Je sais...
– On va dormir, ok ? Tu vas te reposer et ça ira mieux après, tu lui téléphoneras avec l'esprit clair.
– Désolé de vous avoir dérangé...
– Oh, à vrai dire, on regardait un film et nous nous étions tous mis d'accord pour l'arrêter car il n'était pas terrible.
Il opina du chef et suivit Taehyun jusque dans sa chambre, saluant ses parents au passage.
– Ma chambre est en bordel... Ne fais pas gaffe.
Pour une fois, Beomgyu et sa maniaquerie s'absentèrent de tous commentaires. Quand il s'allongea sur le lit un soupir de douleur lui échappa.
– Beomie ?
– J'ai... Euh...
– Tu t'es fait mal ?
– J'ai... aidé mon père à déplacer des meubles, j'ai juste mal au dos.
Pourquoi je ne lui dis pas... C'est Taehyun... Il... Peut-être qu'il pourrait m'aider...
– Tu veux un massage ?
Gêné, Beomgyu secoua la tête.
– Je suis très doué pour.
– Taehyun c'est... Un massage c'est un peu... enfin...
L'autre garçon le regarda d'abord sans comprendre, puis son visage se rembrunit légèrement avant qu'il ne laisse échapper un rire nerveux.
– Ah, ouais, je vois. Si tu veux quand même, j'ai une crème pour les douleurs musculaires. Elle sent bon.
– Je veux bien, souffla-t-il.
Il regarda Taehyun se lever, conscient de l'avoir vexé. Il attrapa le petit tube bien entamé qu'il lui tendait et déposa une noisette de crème sur le bout de ses doigts. L'odeur était agréable, et il se surprit à esquisser un sourire en le réalisant.
– Tu... Tu comptes me regarder galérer ?
– C'est toi qui ne veux pas de mon aide, dit-il en haussant les épaules.
Et sur ces mots, Taehyun s'installa contre son coussin, commençant à pianoter sur son téléphone. Maladroitement donc, Beomgyu massa le bas de son dos douloureux.
Beomgyu ?! Putain Beomgyu, réveille-toi je t'en supplie ! Pourquoi tu ne m'as pas dit que tu allais faire un malaise ? Beomgyu, merde... merde ! Beomgyu !!
– Beomie ?
– J'ai... j'ai fini, je te la pose là.
Il glissa le tube sur la table de chevet et au même moment, Taehyun lui tendit un mouchoir.
– Pour ton visage, murmura-t-il.
– Hein ?
– Tu pleures encore Beomgyu.
– Oh, je... Merci.
Il tapota ses joues et ses yeux avant de se glisser à son tour sous ses draps, les lèvres pincées.
– Merci Taehyun.
– Il n'y a pas de quoi, j'espère que ça va vite s'arranger, d'accord ?
À cela, il ne répondit rien.
Il se réveilla en premier le lendemain matin. Son premier réflexe fut de trouver son téléphone et de voir s'il lui avait envoyé des nouvelles, s'il s'était inquiété. Il lut les quelques messages de son petit ami et soudain, en lisant le tout dernier, son cœur s'emballa. « Tu es rentré chez toi ? » Il secoua la tête, les dents serrées et tapa à toute vitesse sa réponse. Son honnêteté l'emporta : Beomgyu détestait lui mentir. « Au moins t'as le mérite d'être honnête. J'ai téléphoné et ta mère m'a dit que tu n'étais pas rentré, que tu devais être chez un de tes potes. » Il soupira presque de soulagement. « Tu es chez Yeonjun ? » Beomgyu ne répondit rien. Yeonjun n'avait pas son numéro et il n'avait pas le numéro de Yeonjun. S'il lui mentait maintenant, il trahissait sa confiance. S'il lui disait qu'à ses côtés, Taehyun dormait encore à poings fermés, il n'osait pas imaginer l'état de son petit ami, à l'autre bout du fil. Mais mentir ne lui ressemblait pas. Même pour sauver sa peau. Alors il lui confia tout.
– Bien dormi ?
La voix ensommeillée de Taehyun lui arracha un cri de surprise et il manqua de lâcher son téléphone. Le brunet le dévisagea sans comprendre tandis que les messages commençaient à s'agglutiner les uns après les autres. « C'est une blague ? » Beomgyu empêcha Taehyun de les lire, paniqué et manqua de tomber du lit. « T'es allé pleurer chez ce type ? » « Beomgyu t'es pas sérieux. » « Il habite où ? » « Il va falloir qu'on parle... Qu'est-ce que j'ai fait de mal ? » « Vous avez fait quoi ? » « Téléphone-moi Beomgyu. »
– Beomie ?
– Ne m'appelle pas comme ça, souffla-t-il.
– Pardon ?
– Ne... Plus de surnoms...
Il se leva, paniqué. Lui ne lui donnait jamais de surnoms affectueux. Aucun de ses amis ne le faisait par ailleurs. Alors pourquoi Taehyun ? « Beomgyu téléphone moi. » « Ce mec en pince pour toi j'en suis sûr et toi tu lui donnes ce qu'il veut. »
– Beomgyu qu'est-ce qui ne va pas ?
Il sauta hors du lit, et attrapa ses affaires de la veille, paniqué. Quelque chose en lui lui hurla de fuir cette pièce. S'il partait maintenant, sa colère serait moins grande. Et son couple... Son couple qu'il détestait serait sauvé.
– Eh !
– Je dois... Je dois le retrouver...
– Attends, tu n'as rien mangé Beomgyu, tu-
– On s'en fout ! Je ne dois pas déjeuner avec toi bordel !
– Pardon ?
Il trébucha à moitié sur la porte de chambre et tapota une réponse à la va-vite. Sa tête tournait, trop vite, et la douleur dans son crâne s'amplifia rapidement. Il ressemblait à un jeune homme complètement ivre, sans aucun pouvoir sur ses propres mouvements. Une seconde plus tard, Taehyun était debout devant lui, les mains tenues, comme pour l'apaiser. Comme face à un animal craintif.
En fait, t'es juste peureux. Peureux de tester des trucs avec moi.
– Ne me touche pas...
– Je ne te touche pas... Ok ? Reste avec moi, ok ? Calme-toi... Je vais appeler mes parents, et on va manger tous ensemble, calmement...
– Non. Je suis désolé Taehyun je... je dois y aller...
En face de lui le visage de l'autre garçon se décomposa et Beomgyu tourna les talons, le visage en feu. Qu'est-ce que je viens de faire qu'est-ce que je viens de faire qu'est-ce que je viens de faire oh mon dieu Taehyun... Il quitta prestement sa maison, sous le regard inquiet de ses parents, installé à la table de leur cuisine. Ils n'eurent pas le temps de le saluer, déjà, Beomgyu courrait en direction du bus qu'il prenait pour se rendre chez lui.
Quelque chose n'allait pas, et Beomgyu le ressentait parfaitement. Son corps lui semblait étrangement lourd et sa tête... Sa tête ne cessait de le lancer. Il ne lui fallut pas longtemps pour arriver parvenir jusqu'à chez lui, et bourriner à sa porte comme si sa vie en dépendait et Beomgyu réalisa à peine qu'il ignorait totalement la raison de sa propre venue ici. Il n'en avait ni le besoin ni l'envie pourtant, il était là. Ses messages l'avaient alarmé. Et les souvenirs de la veille, qui était les mêmes que ceux de toutes leurs soirées précédentes, se succédaient, les uns après les autres. Ils le rendaient malade, brouillaient son esprit et Beomgyu cessa de frapper à la porte, complètement ahuri. Il ne portait pas son sweat. Le sweat était à Taehyun. Mortifié il effleura le tissu et au même moment, la porte devant lui s'ouvrit.
Beomgyu avait toujours été parfait, de A à Z.
Beomgyu refusait d'échouer avec sa première relation, aussi mauvaise était-elle.
Alors il l'agrippa par le col, ne lui laissant pas le temps d'articuler un seul mot et plaqua ses lèvres sur les siennes. La porte se referma derrière lui. Il le sentit sourire, victorieux. Ses mains glissèrent sous le sweat-shirt de Taehyun et Beomgyu le laissa faire.
Au même instant son corps tout entier le lâcha et il s'effondra.
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« – Taehyun ?
– Oui Beomgyu ? »
Il serrait si fort son téléphone dans sa main qu'il eut l'impression qu'il allait lui exploser entre les doigts.
« – J'ai besoin de ton aide...
– Tout ce que tu veux.
– Je veux rompre avec lui. »
┆
– Nous sommes libres !!
Kai balança son sac de cours d'un coup de pied dans l'escalier de leur lycée et Soobin éclata de rire.
– Libre, adieu cours de merde ! À nous la liberté ! Youhouu !
Yeonjun lui lança un regard amusé et le pressa de récupérer son sac avant qu'un surveillant de l'établissement ne le remarque.
– On va à la plage ? Sokcho ? Ce week-end ?
– Ce n'est même pas un temps pour se baigner, grommela Taehyun.
– On s'en fout ! C'est pour marquer le coup ! Et maintenant que Beomgyu est enfin libre les week-ends, on peut en profiter !
Il acquiesça, un peu mal à l'aise, et Taehyun lui coula un regard doux.
– Je suis plutôt pour, murmura-t-il.
– Super ! Beomgyu t'es le meilleur !
Kai lui donna une grande tape dans le dos et Beomgyu esquissa un sourire.
Sourire était toujours aussi compliqué, et tous l'avaient compris. Sourire, rire, parler des histoires de cœur... Beomgyu les fuyait désormais. Il avait coupé tout contact avec lui. Depuis le jour de leur rupture, il n'avait plus ouvert ses messages, et refusé de voir sa tête sur n'importe quel réseau. Taehyun lui avait assuré que cette phase finirait par passer et Beomgyu voulait le croire de toutes ses tripes. La nouvelle était tombée dans le groupe le lendemain et tous avaient simplement accompagné Beomgyu à leur manière. Personne n'avait jamais vraiment connu ce garçon après tout, et aujourd'hui, Beomgyu s'en félicitait.
Aujourd'hui, malgré le poids en moins sur ses épaules, Beomgyu se sentait tout aussi vide.
Vide, comme le Beomgyu qu'il était devenu il y a quelques mois avant que son enfer commence.
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L'idée venait de lui et pourtant, désormais, les questions se bousculaient dans sa tête. Avaient-ils réellement fait le bon choix ? Yeonjun avait adoré l'appartement de leur nouvelle collocation dès le départ. Kai aussi, mais c'était montré plus frileux quant au quartier où ils résidaient. Soobin avait eu l'air de s'en moquer, tant que sa chambre était de taille raisonnable. Taehyun avait tout de suite apprécié l'endroit. Mais désormais ? C'était une nouvelle phase de sa vie. Il savait Yeonjun soulagé d'être un poids en moins pour ses parents. Depuis que son père avait de nouveau trouvé un emploi stable, il avait eu pour vocation de quitter son foyer et de voler ses propres ailes, de ne plus être une dépense supplémentaire pour eux. Beomgyu, lui... Avait voulu simplement changer d'air. Les études supérieures lui avaient fait un bien fou. Il s'était retrouvé, un peu. Il avait renoué avec cette part de lui qui aimait travailler, et qui donnait tout.
Et désormais, cet endroit le rendait bien. Il aimait vivre ici, avec eux. Mois après mois, année après année... il s'était senti redevenir un peu lui-même. Pas totalement, pas complètement, mais suffisamment pour se refaire confiance. Taehyun le lui avait dit, et Beomgyu avait fini par le faire ; chercher son ex sur les réseaux, voir ce qu'il était devenu, affronter de nouveau son visage. Il ne lui faisait ni chaud, ni froid. Il s'en était félicité. Il n'avait retenté aucune expérience amoureuse depuis, dégoûté par sa précédente et Beomgyu se sentait beaucoup mieux ainsi.
Et parfois, malgré lui, le sujet revenait sur le tapis.
– Comment t'as su que t'aimais les gars ?
Il regarda Kai avec des yeux ronds, sans comprendre. Taehyun était dans la chambre voisine, pourquoi n'allait-il pas lui poser la question à lui ? Revenir sur cette époque où il avait découvert cette facette de lui était moins douloureux qu'autrefois, mais toujours aussi peu agréable. Il se revoyait tomber bêtement amoureux, ne plus rien contrôler... Jusqu'à perdre tout ce qu'il aimait de lui.
– Euh... Je n'en sais rien... Comme ça ?
– C'est tout ?
– Ouais ? Pourquoi tu me poses la question...
À ce moment-là, Taehyun émergea, les yeux encore lourds de fatigue. Beomgyu l'observa du coin de l'œil se servir en céréales, puis se poser à leur côté. Taehyun commença à manger tout en les écoutant, visiblement intéressé par la discussion.
– J'ai eu un crush sur un gars hier.
– Super ça Kai, marmonna Taehyun la bouche pleine.
– On a fait des trucs dans les toilettes du bar.
Taehyun recracha ses céréales par le nez.
– Pardon ?!
– Oui, dans les toil-
– Il a compris je pense, s'étouffa Beomgyu. Et tu me demandes comment j'ai su, sérieusement ? Oh bon sang Kai...
– Bah quoi ?
– Si les mecs te chauffent pas, tu te fais pas sucer dans des chiottes par l'un d'entre eux !
Taehyun termina de s'étouffer et se rua sur l'évier pour cracher, avaler de l'eau et tenter de faire passer ses céréales goût oréo.
– C'était l'inv-
– On n'a pas besoin de savoir ! hurla Taehyun. Chut ! Que quelqu'un fasse taire ce démon !
Yeonjun apparut au même instant avec Soobin, visiblement intrigué par le raffut de bon matin.
– Il se passe quoi..., marmonna-t-il.
– Je demandais des trucs à Beomgyu et Taehyun s'agace.
– Tu es culotté ! Le type nous raconte au calme sa soirée d'hier ! Sa soirée plus dix-huit si tu vois ce que je veux dire, lança Taehyun, les joues cramoisies.
– Je vois, marmonna Yeonjun. Très intéressant en effet. Tant qu'il plus dix-huit pas ici on s'en fout non ?
– Mes oreilles ne veulent pas entendre !
– T'es pas un saint Taehyun, arrêtes, soupira Soobin en se dirigeant vers le frigo. J'ai récupéré ton colis l'autre jour et un saint ne se fait pas livrer ce genre de chose.
– Que...
– Pas à nous, allez. Si tu veux en parler Kai, chui dans ma piaule et je suis moins coincé que lui.
– Eh !
Taehyun se retourna vers lui, complètement cramoisi, et Beomgyu capta son regard plein de détresse, sans trouver quoi dire en retour. Il secoua la tête et Kai lui donna une grande tape sur la cuisse.
– Tu as raison Beomgyu !
– Raison ?
Avait-il réellement aidé Kai à comprendre quoi que ce soit ?
– Binnie, on joue ?
Sans vraiment chercher à résister, Soobin se laissa tomber sur le canapé et attrapa l'une des manettes de jeux restés sur la table basse depuis la veille.
– Eh ! Il va faire comme si de rien n'était ! s'égosilla Taehyun.
Yeonjun leva un sourcil.
– Je croyais que tu ne voulais pas entendre le reste de sa soirée ?
– Oui mais je... Oui.
Taehyun tourna les talons vers la salle de bain, visiblement vexé et Beomgyu fit signe à Yeonjun de laisser tomber.
– Je m'en charge, souffla-t-il.
Taehyun brossait ses dents avec acharnement et le geste le fit sourire.
– Quoi...
– Tu attendais ma réponse pour Kai, c'est ça ?
Il se retourna vers lui, les yeux ronds et Beomgyu comprit qu'il avait vu juste. Il esquissa un sourire et s'accouda contre le mur, tout près du lavabo.
– Je le sais depuis que je suis gosse.
– Oh.
– Et oui, je sais, je n'en avais jamais parlé. Peut-être parce que je me doutais que les gens réagiraient comme toi plus je grandissais.
– Oh, Beomgyu, je...
– Je sais l'image que je renvoie ne t'en fait pas, dit-il en esquissant un sourire. J'ai joué de dessus tellement de fois, parce que, soyons honnête, être perçu comme hétéro est plus sympa dans notre société. Je déteste le dire et le penser, mais ici, c'est vrai.
Taehyun acquiesça, un demi-sourire aux lèvres.
– Tu sais, quand tu nous l'avais annoncé... J'ai été tellement soulagé de ne plus être seul.
– Et de même quand j'ai su pour toi et ton ex.
Beomgyu laissa échapper un rire nerveux.
– Dis, ce soir je mate le deuxième film de la trilogie qu'on a débuté ensemble la semaine dernière, ça te dit de regarder avec moi ?
– Bien sûr Taehyun.
Des films et des séries, ils en regardaient beaucoup ensemble. À chaque fois, Taehyun insistait pour que ce soit dans sa chambre où il résidait seul.
┆ ┆ ┆
Beomgyu avait eu envie de se maudire le jour où il comprit que Taehyun était plus que Taehyun à ses yeux. Il se demanda s'il l'avait réalisé alors qu'ils cuisinaient ensemble, lors d'une sortie en groupe ou encore lors d'une de leur soirée film, rien que tous les deux. Mais le fait était là : Taehyun ne le laissait pas indifférent. Pire que tout, Beomgyu était persuadé que ses sentiments étaient réciproques. Avait débuté une drôle de période où Taehyun ne le regardait plus vraiment dans les yeux, mais le voulait à tout prix contre lui pour regarder ses séries le soir. Beomgyu retournait toujours dans sa chambre partagée par la suite, mais ces derniers temps, le rituel s'était interrompu. Il s'était endormi une fois, puis deux, puis trois à ses côtés avant que la chose ne lui semble finalement pas si terrible. Si Taehyun rougissait à chacune de ses remarques, baissait les yeux un peu trop vite quand leurs regards se croisaient, Beomgyu n'en menait pas large non plus.
Ils se tournaient autour, et tous le voyaient.
Ils se tournaient autour, mais sans jamais oser se l'avouer.
Et cela avait la forte tendance d'agacer Yeonjun.
– Eh, Beomgyu...
– Mmm ?
– Est-ce que je dois demander Taehyun en mariage à ta place ?
Il le regarda avec des yeux ronds, sentant ses joues s'empourprer lentement, mais surement.
– Excuse-moi ?
– Taehyun, tu sais, ton voisin de chambre chez qui tu dors la moitié du temps. Soobin s'est plaint de ne plus t'avoir le soir pour papoter tu sais, rigola-t-il.
– Mais je-
– Du coup ? Vous comptez sauter le pas quand ?
– Tu peux parler toi...
– Ne change pas de sujet veux-tu, fit-il en rigolant.
– Toi et Kai ?
– Il n'y a pas de moi et Kai, nous ne sommes pas ensemble.
– Ce n'est pas ce que mes chastes oreilles me disent.
Yeonjun éclata de rire et lui donna une tape sur l'épaule, amusé.
– Oh, ça va... On... On ne savait pas que tu étais là.
– Bah j'espère bien !
– Du coup ? Taehyun ?
– Du coup, Kai ?
– Oh non Beomgyu, pas à moi !
– Tu l'aimes ?
– Mais enfin !
– C'est toi qui me l'avais dit. Une attache émotionnelle très forte.
– Je... Oui.
– Et ?
– Et ça n'a pas changé. Je ne coucherais pas avec lui si je ne ressentais pas ça.
– Donc tu l'ai-
– Non.
– Je n'ai jamais vu autant de déni dans une seule et même personne.
– Ce n'est pas ça être amoureux.
– Très bien, très bien ! Mais Yeonjun... Je ne vais pas te juger hein... Tu fais ce que tu veux, avec qui tu veux !
– Il n'y a personne d'autre. Juste Kai. Je suis toujours le même. Toujours aussi pas intéressé par le reste des êtres humains de cette planète.
– Je ne comprends rien à comment tu fonctionnes Yeonjun...
– Parce qu'il n'y a rien à comprendre, je suis juste comme ça.
– Mais je te souhaite d'être heureux comme ça, ok ?
– Mouais. Alors, Taehy-
– Oh bon sang !
Et Yeonjun éclata de rire.
Beomgyu s'était dit que peut-être, draguer Taehyun de temps en temps était une bonne idée. Mais Taehyun passait à côté de tous ses messages pourtant clairs, alors l'idée l'agaça très rapidement. Il l'accompagna au jardin botanique pour lui servir de modèle photo et dessin sans broncher. Puis faire les boutiques sans sourciller et Beomgyu estima que les jolies preuves d'amour étaient là. Mais Taehyun ne semblait rien voir. Ou rien comprendre. Et le jour où Beomgyu réalisa qu'il arrivait à un point mort et que sa stratégie n'était sans doute pas la bonne, Taehyun décida de lui donner le coup de grâce.
– J'ai une question un peu bizarre...
Il releva la tête du petit écran d'ordinateur sur lequel ils regardaient un film et lui fit signe de poursuivre.
– C'est euh, juste comme ça hein, je me demandais juste mais... Euh...
– Taehyun, accouche, rigola-t-il.
– C'est quoi que tu n'aimais pas chez ton ex, et que tu ne voudrais plus dans aucune de tes futures relations ?
Beomgyu le regarda d'un air interdit, sans comprendre. Il ouvrit la bouche, avant de la refermer aussitôt, à court de mots. En une seule minuscule petite phrase, une flopée de souvenirs lui revint. À ses côtés Taehyun semblait ne presque plus respirer et Beomgyu baissa les yeux, glissant ses mains sous les draps pour dissimuler ses doigts tremblants.
– Euh, eh bien...
– C'est trop personnel, pardonne-moi...
– Ce qu'il devenait dans l'intimité, murmura-t-il.
Il ne lui en avait jamais parlé. Ni à lui, ni à Yeonjun, ni aux deux autres. Il l'avait gardé, enfoui, en espérant que les mauvais souvenirs finissent par partir. Ils ne l'avaient jamais fait.
– Il n'était plus le même. Et petit à petit, ça a empiété sur tout le reste.
Il releva la tête vers Taehyun, les lèvres pincées.
– Je détestais coucher avec lui.
Il sentit ses yeux s'humidifier malgré lui. Les mots coulaient désormais avec une facilité déconcertante. Pour la première fois depuis des années, il l'admettait enfin à voix haute.
– Je détestais ce qu'il faisait, ce que je devais faire, ce que je-
– Ce que tu devais faire ? murmura Taehyun.
– Pour lui faire plaisir.
– Il ne devrait pas y avoir d'obligation dans ta phrase Beomgyu, continua Taehyun d'une voix grave. Est-ce que Yeonjun sait ?
– Savoir quoi ? Non, bien sûr que non ! Je n'ai jamais parlé de ça à personne enfin !
– Pourquoi ?
À ce moment-là seulement Beomgyu réalisa que sa voix tremblait, que Taehyun peinait à articuler ses phrases et que ses yeux brillaient de plus en plus.
– Pourquoi tu ne nous as pas dit ça Beomgyu...
– Ne pleure pas...
– Pourquoi tu n'as rien dit ?
– Il n'y avait pas mort d'homme Taehyun ! Ce n'était que ces moments-là, le reste allait très bien !
– Il t'a forcé ?
– Quoi ? Non !
Jamais. Il n'y avait jamais eu de refus catégorique de sa part, pas une seule fois. Pas un refus malgré tout son malaise. Pas un refus malgré ses envies pressantes de quitter le lit et de pleurer chez lui. Pas une seule fois parce qu'il avait été persuadé de l'aimer, et de lui faire plaisir ainsi. C'était ainsi qu'il le voyait. Qu'il voulait le voir pour minimiser la chose.
– Tu me le jure ?
– Juré.
– Parfait alors.
Taehyun se retourna de nouveau face à l'écran et relança le film qu'ils avaient mis en pause. Il se succéda une longue scène d'action que Beomgyu regarda sans vraiment regarder. Puis une longue scène de déclaration amoureuse qui lui noua l'estomac. Taehyun avait coupé si vite la conversation qu'il en avait perdu le fil de leur discussion.
– Pourri ce film, pesta Taehyun.
Et sans prévenir, il l'éteignit et referma l'ordinateur avant de le poser sur sa table de chevet. Beomgyu le regarda faire en silence, sans comprendre ce qui venait de lui passer par la tête et soudain la chambre se retrouva dans le noir.
– Je...
Il se demanda s'il pouvait rester, s'il le devait, ou si Taehyun attendait qu'il parte. Au moment où il se décida de quitter le lit, une main l'agrippa par la taille et il se retrouva le dos plaqué contre son torse.
– Je suis désolé, murmura Taehyun.
– De quoi ?
Il le laissa se nicher contre son dos sans chercher à le repousser.
– J'aurais dû être là...
– Tu n'y es pour rien...
– J'aurais dû quand même.
Beomgyu aurait aimé ne pas comprendre à ce moment-là. En cet instant il ne put s'empêcher d'imaginer si tout avait été différent, avec Taehyun à la place de lui. Et malgré les années, ses tentatives pour l'oublier, il culpabilisa de le penser si fort.
┆ ┆ ┆
C'était aujourd'hui, ou jamais. Beomgyu s'était levé tôt ce matin-là, persuadé qu'aujourd'hui était le jour où il franchirait le cap. Soobin dormait encore profondément quand il se réveilla aussi, il fit tout son possible pour ne pas faire de bruit en quittant leur chambre. Il soupira en tombant nez à nez avec Yeonjun et Kai, encore une fois glués l'un à l'autre.
– Bonjour à vous, je vois qu'on ne perd pas de temps, lança-t-il.
– Salut Beomgyu !
– Hey ! Bien dormi ?
Kai quitta les bras de Yeonjun pour le serrer dans les siens et Beomgyu opina du chef, les yeux encore lourds de sommeil.
– Vous êtes rentrés quand hier soir ? Je n'ai rien entendu...
– Nous sommes rentrés ce matin, marmonna Yeonjun qui avait regagné sa place fétiche dans son fauteuil.
Beomgyu leva un sourcil, curieux, en attendant la suite.
– On a dormi dehors, ponctua-t-il.
– Dormir est un grand mot Jun, rigola Kai.
– Et on peut s'arrêter là, merci à vous ! s'exclama Beomgyu. Allez, Kai, tu me passes le lait ?
– Tu deviens comme Taehyun, bougonna Kai.
– Je dois te rappeler que j'ai tout entendu tout vu de vous ? Que mon cerveau m'empêche de tout oublier comme je le supplie de le faire ? Je ne deviens pas comme Taehyun, je suis trau-ma-ti-sé.
– Il y a pire que nous honnêtement. Je me trouve plutôt bien foutu, et Yeonjun a-
– KAI !
– D'accord, d'accord !
Yeonjun ne l'aidait pas, rigolant sur son canapé et Beomgyu le fusilla du regard.
– Marre-toi va.
– Oh, ça va... Promis, en compensation, quand tu auras enfin daigné demander à Taehyun de sortir avec toi, je ne te ferais pas chier.
– Tu as intérêt, je te jure que tu as intérêt.
– Je serais un peu comme le parrain de votre relation. La petite fée qui veille à ce que tout aille bien !
– Moi aussi ! lança Kai. Je serais votre supporter numéro deux après Jun, et je serais aux petits soins ! Tu vas lui dire quand ? Comment ? Tu veux des idées ? J'ai plein d'idées moi. Taehyun est super romantique, fait ça bien ! Il aime bien les balades dans les parcs et tout, et dans la montagne ! Moi je le ferais dans la montagne si j'étais toi. Je l'emmènerai au sommet pour lui déclarer ma flamme, avec un pique-nique et-
– Oh mon dieu je vais vomir des licornes, soupira Beomgyu.
– Quel rabat-joie.
– Tu veux vraiment faire des trucs comme ça Kai ? demanda Yeonjun.
– Bah ouais ? Comme dans les films ?
– Mmh, je vois...
– Mais visiblement monsieur Beomgyu n'est pas de mon avis, pfft.
– Je ne vais rien faire en grande pompe, je resterais moi-même et ça ira très bien ! Non mais !
– Booooring, chantonna Kai.
– Retiens-moi Yeonjun ou je vais fracasser ton plan plus dix-huit.
Kai ricana avant de s'échapper vers le frigo, attraper un reste de kimchi de la veille et retourner dans sa chambre en trottinant.
– C'est ça, fuis, lâche...
– Ne l'appelle plus comme ça, marmonna Yeonjun.
– Quoi ?
– Ne le nomme plus comme ça c'est tout, même si je sais que c'est ce que vous faites avec Taehyun et Soobin. Lui s'en fout, mais pas moi.
La tristesse sur son visage le frappa de plein fouet et il se recroquevilla légèrement sur lui-même.
– Excuse-moi Jun... C'est plus juste ça hein ?
– Hier soir c'était sans doute la dernière fois, alors ouais. C'est plus juste ça.
– Comment ça ?
– Je ne veux pas en parler. Je vais redevenir le Yeonjun chiant d'avant, et tout ira bien.
– Tu n'as jamais été chiant Jun. Jamais.
Yeonjun lui lança un regard qui lui fendit le cœur.
┆
– Beomgyu, regarde !
Kai avait raison, Taehyun et les parcs étaient une grande histoire d'amour.
– J'en ai trouvé un à quatre feuilles !
Accroupi dans le gazon, Taehyun releva la tête vers lui, en lui tendant sa trouvaille. Et Beomgyu le trouva adorable. Le trèfle ne capta son attention qu'une fraction de seconde, le regard de Taehyun se chargea du reste. Pourquoi hésitait-il encore ? Il le rendait fou. Il l'aimait, il en était persuadé. Il l'aimait quand il dessinait, il l'aimait quand il râlait sur le journal télévisé ou après Soobin, il l'aimait quand il s'extasiait de la moindre chose qu'il trouvait belle dans la nature... Il en était fou amoureux et le réalisait pleinement maintenant, alors qu'il lui tendait son trèfle à quatre feuilles.
– Beomgyu ?
– Je t'aime.
Taehyun ouvrit des yeux ronds, sans comprendre.
– P-pardon ?
– Je t'aime, répéta-t-il persuadé de ne pas avoir parlé assez fort.
– Tu...
– Tu me plais Taehyun. J'ai envie d'essayer quelque chose de nouveau avec toi.
Taehyun se releva, son trèfle toujours dans la main et regarda autour de lui, comme s'il cherchait des caméras invisibles ou le reste des garçons des yeux. Mais le parc était désert à cette heure de la journée.
– Tu viens vraiment de me... dire ça... comme ça...
– Si j'attendais que tu te jettes à l'eau, on aurait attendu encore longtemps, marmonna-t-il.
– Non, tu viens vraiment de te déclarer comme ça... de manière totalement hasardeuse...
– Oui ? Tu voulais que je t'emmène pique-niquer en haut d'une montagne pour le faire ?
– Quelle drôle d'idée ! Certainement pas !
Et Beomgyu fut plus qu'heureux de constater que Kai avait eu tort quand Taehyun l'attira contre lui pour une étreinte nouvelle.
– C'est tellement toi, tellement mieux comme ça, souffla-t-il.
– Je dois prendre ça pour un oui ?
– Évidemment.
Un poids immense se retira de ses épaules. Sur la pointe des pieds, Taehyun déposa ses lèvres sur l'une de ses joues et Beomgyu ferma les yeux, aux anges.
– J'ai cru que ce jour n'allait jamais arriver bon sang, souffla le plus petit.
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Beomgyu n'avait rien dit aux garçons et Taehyun non plus, mais tous avaient compris.
– Eh Beomgyu...
– Ouais ?
– Vas-y.
– Quoi ?
– Va le rejoindre.
Beomgyu se redressa dans son lit dans lequel il peinait à s'endormir depuis une petite heure. Il se tournait, encore et encore sans parvenir à trouver le sommeil. Soobin lui lança un regard amusé, un sourire aux lèvres.
– Soobin...
– Tu en meurs d'envie. Sérieusement tu as passé la semaine à dormir dans sa chambre et là tu me fais le coup ?
– Je ne voulais pas te vexer, murmura-t-il.
– Me vexer ? Beomgyu, je ne vais pas me vexer pour ça... Honnêtement je ne t'ai jamais vu aussi rayonnant que cette semaine depuis des mois. Je t'en prie, va dormir avec lui.
Il se leva avec lenteur, les joues cramoisies, sous le regard attendri de son colocataire de chambre.
– Taehyun ?
Il referma avec soin la porte derrière et le distingua remuer vaguement dans ses draps.
– Beomgyu ?
– Je peux venir ? chuchota-t-il.
Taehyun souleva un pan de ses draps et comprenant le message, Beomgyu se faufila dessous. Immédiatement, sa chaleur le rassura. Il trouva très rapidement une bonne position pour dormir et Taehyun laissa échapper un rire léger.
– Tu n'arrivais pas à dormir dans ta piaule ?
– J'avais envie d'être avec toi, souffla-t-il.
Beomgyu aurait presque pu le sentir rougir jusqu'à la racine de ses cheveux.
– Yeonjun n'a pas arrêté de me dire qu'il avait toujours su pour nous, murmura Taehyun.
Beomgyu rigola doucement et passa une main dans ses cheveux noirs.
– J'aurais vraiment dû ouvrir les yeux plus tôt ouais...
– Eh, on y est ok ?
– J'aurais aimé tomber amoureux de toi plus tôt Thyun.
Il le sentit se raidir légèrement contre lui. Sans doute qu'avec lui, tout aurait été différent à l'époque. Mais le passé ne se récrivait pas, à son plus grand regret. Une longue minute de silence plus tard, Taehyun reprit la parole.
– Thyun ? C'est nouveau ça tient...
– Tu n'aimes pas ?
– Si !
Beomgyu déposa ses lèvres au coin des siennes et le sentit sourire.
– Ça te dis qu'on se fasse une sortie rien que tous les deux demain soir ?
– Du genre ?
– Je meurs d'envie de t'amener dans un de mes cafés favoris.
– Monsieur Choi me propose un rencard ?
– Une sortie entre amoureux, oui. Monsieur Kang est-il partant ?
Il devina son sourire dans la demi-obscurité de sa chambre et en guise de réponse, Taehyun l'embrassa de plus belle.
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Beomgyu n'avait pas trop osé poser de question à Yeonjun à propos de lui et Kai. Tout comme Soobin et Taehyun. Leur relation semblait s'être arrêtée, comme ça, du jour au lendemain, mais les deux garçons restaient proches d'une manière que Beomgyu peinait à identifier. Leur relation tout entière était un mystère et Beomgyu avait décidé d'arrêter de chercher à comprendre comment elle fonctionnait. Désormais bien installé dans son nouveau travail, il avait un tout nouvel objectif : déménager. La colocation ne lui déplaisait pas, mais l'envie de changer d'air, de s'émanciper et de tourner une nouvelle page de sa vie de jeune adulte se faisait ressentir. Il en avait un peu parlé avec Soobin, qui s'était montré enthousiaste. Puis, aux autres garçons lors d'un repas. Et sa première dispute avec Taehyun, la première depuis qu'ils se connaissaient, avait alors éclaté.
– Tu aurais pu m'en parler avant de tout leur balancer à table, pesta-t-il, alors en train d'enfiler son pyjama dans sa chambre.
– Quelle importance ? Vous étiez tous là, j'ai fait un tir groupé.
– Tu en as parlé à Soobin avant pourtant.
– Peut-être parce qu'on partage la même chambre ?
– Je suis ton copain !
– Et alors ? Tu... Oh. Tu es jaloux. Bordel Thyun, sérieusement... Je ne comptais pas te l'annoncer la veille de mon départ.
Taehyun ouvrit de grands yeux.
– Tu pars bientôt ?
– Dans l'idéal, dans les trois mois qui arrivent.
– Super.
– Thyun... Ne sois pas comme ça, s'il te plait.
Il se rapprocha de lui et essaya d'attraper ses mains, que Taehyun retira prestement. Son visage se referma aussitôt, mal à l'aise.
– Ça ne va pas rien changer à notre relation, voulut-il le rassurer.
– Si tu le dis.
Taehyun tourna les talons pour se diriger vers son armoire et y ranger du linge qui traînait un peu partout dans sa chambre.
– Thyun ?
– C'est bon, j'ai compris, tu vas déménager parce que tu as besoin de changer d'air. Je ne le prends pas mal.
– On n'aurait pas dit, siffla-t-il. Je reviendrais tous les jours dîner ici si c'est ça que tu souhaites.
– Autant rester alors.
– Taehyun, tu ne comprends vraiment rien, hein ? J'ai besoin d'avoir mon espace. J'en ai envie. Je veux ça. Je veux avoir mon minuscule logement à moi, décoré comme je le souhaite, voler un peu de mes propres ailes. La start-up où je travaille fonctionne extrêmement bien, je peux me le permettre, je veux en profiter.
– Super.
– Tu viendras quand tu voudras, je ne compte pas acheter un lit simple, rigola-t-il nerveusement. Tu y auras ta place.
Taehyun se retourna enfin vers lui, les yeux plissés.
– Quand tu auras décidé de tourner une nouvelle page de notre relation à nous aussi ?
Beomgyu ouvrit la bouche pour répliquer, avant de la refermer, pantelant. Un minuscule instant, l'image de l'autre se superposa à celle de Taehyun et sa vision se troubla.
– Je n'arrive pas à croire que tu viennes d'oser me dire ça, souffla-t-il.
Il se dirigea vers la porte avant même de le réaliser et l'ouvrit sans rien ajouter de plus. Soobin, Kai et Yeonjun le regardèrent passer sans comprendre, enfiler une veste légère et claquer la porte de leur appartement, sans chercher à le retenir.
Beomgyu enfonça ses écouteurs dans les oreilles et emprunta la route qu'il prenait tous les matins pour aller travailler. Par réflexe, ses pas le guidèrent à des endroits familiers, qu'il appréciait, où il se sentait bien. Il fit grimper le volume dans ses oreilles, encore et encore, pour ne plus penser à rien. Et surtout pas à son petit ami. Je n'arrive même pas à être assez bien pour lui. Bon sang. Il hésita à lui taper un message pour s'excuser, mais Beomgyu se demanda de quoi. Alors il continua de marcher, la tête basse, les yeux brillants. Les musiques s'enchaînèrent pendant une heure, puis deux, jusqu'à que sa fatigue ne l'emporte et ne le force à se poser sur un bout de trottoir. Épuisé, il ferma les yeux un court instant, la tête reposant contre le mur derrière lui. Aucun message de Taehyun. Seulement un de Soobin, inquiet, lui demandant où il était, une avalanche de ceux de Yeonjun, et deux appels en absence de Kai. Il leur répondit à la va-vite et verrouilla de nouveau son appareil, sentant la boule dans son estomac grossir encore et encore.
Une nouvelle heure s'entama quand il gagna de nouveau son quartier, puis la rue où il habitait. Séoul dormait, comme ses habitants et désormais, il se sentait plus seul que jamais. Il envoya un message aux garçons pour les prévenir de son retour et fouilla dans ses poches à la recherche de ses clefs. Au même instant, la porte de leur immeuble claqua et une silhouette se dessina à son entrée. Taehyun.
– Beomgyu je...
Il se figea au milieu de la route, déserte, coupant sa musique. Taehyun s'avança de nouveau et il n'eut pas la force de le repousser quand il se jeta dans ses bras, effondré et le visage trempé.
– Je suis désolé !
Il lui tapota le dos, maladroitement, sans savoir quoi dire, quoi faire et Taehyun s'excusa encore et encore, en boucle et Beomgyu termina par le serrer fort contre lui en retour.
– C'était misérable Beomgyu, j'ai réalisé trop tard ce que je t'ai craché à la gueule, je...
– Ce n'est pas grave.
– Ne dis pas ça, hoqueta-t-il. Ne dis pas ça ! J'ai remis en doute toute notre relation pour un déménagement stupide, et j'ai insinué que je manquais de quelque chose alors que c'est faux. Tu m'entends ? C'est faux.
– Désolé...
– Ne... ne t'excuse plus bon sang !
Ils s'écartèrent légèrement l'un de l'autre, les lèvres pincées. Taehyun passa une main sur son visage, les yeux brillants, puis dans ses cheveux. Oh merde, tu t'es vraiment flagellé tout seul dans ta chambre hein...
– J'aime notre relation, si tu savais Beomgyu... J'ai paniqué, j'ai attendu tellement longtemps pour nous et le déménagement m'a effrayé je-
– J'avais réservé une nuit d'hôtel pour nous deux la semaine prochaine, le coupa Beomgyu.
Taehyun ouvrit de grands yeux. Il avait hésité longuement à comment le lui annoncer, les mots venaient véritablement de sortir tout seuls, le prenant au dépourvu.
– Pardon ?
– Ouais je... Je voulais... Je ne sais pas ce que je pensais en réalité, j'avais envie d'une soirée rien que tous les deux, dans un cadre différent, et je... Thyun ?
Devant lui les yeux de Taehyun se remirent à briller davantage.
– Et moi j'ai osé... osé te dire que...
Beomgyu réprima un rire nerveux et embrassa l'une de ses joues avec douceur.
– Eh, tu ne pouvais pas savoir, c'était une surprise. Je sais que tu l'attends, alors je te le dis : c'est pardonné Thyun, ok ? Tu n'es pas lui, je le sais.
Et Taehyun ne le serait jamais, et il le savait.
┆ ┆ ┆
– Je suis un peu nerveux, bafouilla Taehyun.
– Pourquoi ?
– Tu crois que le réceptionniste a capté qu'on est ensemble ?
– Et si c'est le cas Taehyun, on s'en moque.
– Tu es sûr ?
– Honnêtement ? Ce soir j'ai vraiment envie de m'en foutre.
L'homme en costume sombre revint vers eux, une paire de clefs dans la main et un document à signer pour la nuit. Beomgyu s'y pencha rapidement, lisant en diagonale les instructions de la chambre d'hôtel. L'endroit était beau et agréable, il l'avait sélectionné en pensant d'abord à Taehyun et à son amour pour les endroits verts : situé en bord de parc national, l'hôtel offrait une vue splendide sur la nature coréenne et les sommets l'entourant.
– Je vous remercie !
– Bonne soirée messieurs, n'hésitez pas à joindre la réception si besoin est, ponctua l'homme derrière le comptoir.
Beomgyu et Taehyun le saluèrent et grimpèrent dans l'ascenseur, les joues légèrement rougies.
– Beomgyu ?
– Mmh ?
– Merci, l'endroit est superbe.
– J'en avais envie depuis longtemps... Et je sais que tu aimes ce coin.
Ils étaient venus légers, après tout, le séjour ne s'éterniserait pas, mais Beomgyu avait pourtant l'impression de peser le triple de son poids à chaque pas le rapprochant un peu plus de leur chambre. Pour son plus grand plaisir, Taehyun compléta les blancs dans leur conversation jusqu'à la porte de leur chambre et ouvrit lui-même la porte, très enthousiaste. À peine les chaussures retirées, il le regarda se ruer dans les moindres recoins de leur chambre en poussant des « ouah » émerveillé à chaque objet découvert. Beomgyu l'observa d'un air amusé, déposant calmement ses affaires dans un coin de la pièce.
– Oh mon dieu la vue ! Beomgyu ! Beomgyu vient voir !
Il se rapprocha, sourire aux lèvres et se planta à ses côtés pour constater que oui, la vue qui s'offrait à eux en cette fin de journée était merveilleuse. Taehyun attrapa l'une de ses mains et le tira légèrement vers lui avant de l'embrasser chastement.
– Ça te dérange si je vais me doucher maintenant ? J'ai vu la salle de bain et... J'avoue, j'ai très envie de l'essayer.
Beomgyu laissa échapper un rire et secoua la tête. À côté, la salle de bain de leur collocation faisait peine à voir.
– Va donc, je me mets à l'aise en attendant et je vais répondre aux garçons. Soobin est persuadé qu'on s'est perdu en route...
Taehyun l'embrassa furtivement avant de foncer vers la salle de bain, visiblement heureux de l'inaugurer en premier. Se laissant tomber sur le lit, Beomgyu répondit rapidement à ses messages, un sourire aux lèvres. Le message privé de Yeonjun, « restez sages, enfin, pas trop, mais aussi un peu quand même, on n'oublie pas de se protéger < 3 » le fit sourire et déchanter aussi immédiatement. Il rigola, puis déposa son téléphone sur la table de chevet et attrapa son sac. Les mains soudain tremblantes, il l'ouvrit et en sortit ses affaires pour la nuit avant d'effleurer du bout des doigts les achats matinaux qu'il avait faits à la pharmacie en bas de chez eux. Ça va aller. Ça va le faire. C'est Taehyun. Tu en meurs d'envie. Lui aussi, tu le sais. Au fond de lui, Beomgyu se voulait confiant. Taehyun et lui n'avaient jamais eu aucun problème. Ils s'étaient touchés une première fois, timidement, en gardant sur eux leurs habits respectifs et Beomgyu avait adoré. Il avait adoré le voir ainsi, découvrir une nouvelle facette de son petit ami qu'il ne soupçonnait pas. Il avait adoré lui faire plaisir, que Taehyun le lui rende au centuple. L'expérience s'était renouvelée une fois puis deux, avec un peu moins de tissu à chaque fois, Beomgyu avait redécouvert le plaisir de se faire toucher et de toucher en retour. Ça ira ce soir. Beomgyu se le répétait en boucle.
La porte de la salle de bain s'ouvrit de nouveau et Taehyun apparut, en short tee-shirt.
– Merci d'avoir choisi cet endroit, lui glissa-t-il en s'asseyant proche de lui.
– Tu m'as déjà remercié tout à l'heure.
– Non, vraiment... Merci d'avoir choisi cet hôtel. Tu aurais pu prendre un de ces love hôtel juste pour cette nuit, tu ne l'as as fait.
Gêné par ses mots, Beomgyu passa une main dans sa nuque.
– Je... Dis-moi que je ne me trompe pas dans les intentions de cette soirée...
– Non, du tout... À la coloc ça devenait étouffant.
– À qui le dis-tu... Et pour être tout à fait franc avec toi, je ne suis pas fan que d'autres m'entendent depuis le salon.
Beomgyu laissa échapper un rire nerveux. L'une de ses plus grandes craintes était de se faire entendre par les autres. Si Soobin passerait l'évènement sous silence, il savait que ce n'était pas le cas de Yeonjun et Kai. Ces deux-là avaient toujours eu le don pour rendre les choses simples gênantes et si cela l'amusait la plupart du temps, Beomgyu devenait frileux dès lors qu'il s'agissait de lui.
– J'ai vu un restaurant sympa en arrivant... ça te dirait qu'on le tente tous les deux ?
Le soulagement fut immense en entendant sa proposition. Il opina du chef et Taehyun embrassa l'une de ses joues, ravi.
– Notre premier rendez-vous hors de Séoul... Je suis trop heureux.
Il n'en avait jamais vraiment fallu beaucoup à Taehyun pour l'être, et ce sentiment était le plus agréable.
Taehyun était le meilleur pour boucher les trous de conversation. Dans l'intimité, Beomgyu parlait beaucoup. En public, avec tous ses amis, il en était de même. Mais lorsqu'ils se retrouvaient seulement tous les deux, face à face en public, il perdait encore tous ses moyens. Il se battait jour après jour pour redevenir le Beomgyu qu'il avait été, avant, mais le combat était plus dur à mener qu'il ne l'avait envisagé. Ce soir-là, au restaurant, il trouva Taehyun plus à l'aise que d'habitude. Il semblait loin du garçon un peu parano sur leur relation et adorait ça. Les regards qu'il lui lançait étaient plus francs, et quand sa jambe effleura une nouvelle fois la sienne sous la table nappée, il se sentit rougir jusqu'à la racine des cheveux.
– Je ne t'ai jamais vu aussi rouge, blagua Taehyun.
– Peut-être parce que tu me fais du pied dans un restaurant bondé ?
Taehyun haussa les épaules un sourire satisfait sur le visage. Il continua sans sourciller et Beomgyu se décala lentement.
– Continu comme ça et je te jure que-
– Que quoi ?
– Oh, je vois.
– Tu ne vois rien du tout, s'amusa-t-il.
– Si, je vois, tu me chauffes.
Nouveau haussement d'épaules et Beomgyu se pencha vers lui, un sourire malicieux sur le visage. Il se demanda quelle mouche l'avait piqué, parce que Taehyun ne se montrait jamais entreprenant dehors.
– J'te connais Thyun, si je m'y mets, tu es fini dans deux minutes. Arrête ça de suite.
Soudain cramoisi à son tour, Taehyun cessa tous mouvements. C'était un jeu entendu entre eux et bien souvent, il avait le dernier mot. Il avait gagné sans vraiment y mettre du sien, mais il le savait, en face de lui, l'autre garçon savait pertinemment qu'il irait au bout de ses paroles. Ils se défièrent du regard, souriant l'un l'autre et Beomgyu se pencha vers son sac pour y attraper sa carte bancaire.
– Ça suffit.
– Déjà ?
– J'vais payer, on va rentrer et...
– Et ?
– Bon sang.
Il se leva de sa chaise, comme une pile électrique et se dirigea vers le comptoir à grande enjambée. Il paya en trente minuscules secondes et attrapa la main de Taehyun qui patientait, tout sourire, les yeux brillants.
– Merci pour le repas Beomgyu, chantonna-t-il.
Il eut envie de l'embrasser juste là, devant la devanture même de l'endroit dans lequel ils avaient mangé, mais se retint.
Plus tôt, ils avaient envisagé une promenade nocturne. Mais désormais, Beomgyu trépignait dans l'ascenseur de l'hôtel. Il sentait le regard brillant de son petit ami posé sur lui, il devinait son sourire immense et sentait son cœur battre la chamade. Il ne tenait plus, ici, maintenant, et son esprit tout entier était en vrac. Parce que c'était Taehyun, c'était leur soirée, quelque chose qu'ils attendaient tous les deux et qu'il y avait lui. Lui tapi dans un coin dans son esprit, lui qui avait laissé son empreinte indélébile dans ses souvenirs et lui qui revenait ce soir, au meilleur des moments. Lui, gomma toute sa hâte d'un seul coup. Quand Taehyun referma la porte de chambre, Beomgyu était absent. Son cerveau vaquait de lui à Taehyun sans cesse, sans réussir à se poser, se fixer. Son corps... Son corps suivait les mouvements. Taehyun l'embrassait sans plus aucune retenue, il le lui rendait. Taehyun voulait retirer sa veste, il le laissa faire dans un geste presque clinique. Il le déshabilla jusqu'à ne lui laisser que ses sous-vêtements sans réellement le voir, en profiter. Ils étaient à présent sur le lit immense de l'hôtel et Beomgyu n'avait aucune idée de comment il était arrivé là depuis l'instant où ils avaient quitté la cage d'ascenseur.
– Tu es si beau...
Il cligna des yeux et son cerveau sembla de nouveau fonctionner pleinement, durant une poignée de seconde. Taehyun aussi était beau, magnifique même à ses yeux. Ne l'avait-il pas toujours été ? Il s'efforça de sourire, passant une main sur son visage pour l'attirer à nouveau contre lui. Taehyun était impatient, il le sentait. Lui se battait contre ses démons qui revenaient à la charge, de plus belle.
– Attends... Je peux t'embrasser avant ?
– Je ne comptais pas précipiter les choses Beomgyu.
– Tant mieux.
Parce que les choses, il ne voulait pas qu'elles arrivent. Pas tout de suite. Voire jamais. Peut-être que si. Ou non. Il n'en savait plus rien. À présent il le surplombait totalement Taehyun qui le dévorait des yeux. Il voulait gagner du temps – ou le suspendre – se faire plaisir avant ce moment fatidique qu'il redoutait. Mais peut-être que tu vas aimer. Avec lui. Tu en as envie. Pour son plus grand plaisir, Taehyun ne rajouta rien et se laissa emporter.
Tout au fond de lui, Beomgyu était heureux. Heureux de voir que Taehyun semblait comblé, qu'il parvenait malgré tout à s'appliquer, à lui faire plaisir comme il en avait rêvé à de nombreuses reprises. Taehyun avait le dialogue et les encouragements faciles, ce qui lui retira un poids immense et pesant du dos. Il termina de lui retirer son dernier vêtement et le vit rougir jusqu'à la racine des cheveux, si violemment qu'il se demanda s'il ne venait pas de faire le geste de trop. Une poignée de seconde plus tard il réalisa qu'il se trouvait de nouveau devant le Taehyun timide qu'il avait l'habitude de côtoyer dans ces moments-là. Il lui murmura quelque chose qu'il entendit à peine car à nouveau, il n'était plus là. Son esprit tout entier se dissocia du corps qui termina d'être déshabillé en cet instant. Taehyun lui parlait, il lui répondait, sans même savoir quoi, sans même réaliser. Beomgyu était loin, très loin, il était dans cette chambre d'ado qu'il avait eu en horreur, à revivre le pire de ses moments intimes avec lui.
– J'peux pas.
– Pardon ?
Il avait parlé sans même le contrôler, comme si l'espace d'une fraction de seconde, son esprit avait de nouveau vu clair. Il cligna des yeux, réalisant qu'une sueur froide venait de lui traverser le dos tout entier et que Taehyun attendait. Il se sentit profondément idiot dans ce lit, à le regarder comme le dernier des ahuris et les yeux brillants de son petit ami terminèrent de le ramener sur terre.
– Pas comme ça, je... Je déteste faire ça, je-
Les lèvres de Taehyun s'étaient mises à trembler de gêne quand il se redressa, refermant ses jambes, le visage cramoisi.
– Beomgyu...
– Ça me révulse, je n'aime pas, je-
– Beomgyu arrête s'il te plait...
La voix de Taehyun était minuscule et il réalisa dix secondes plus tard qu'en plus de se flageller, il le blessait.
– Pardon, souffla-t-il.
Taehyun semblait chercher ses mots, essayant de dissiper sa gêne.
– Pourquoi tu ne me l'as pas dit plus tôt... ça ne me gêne pas d'échanger...
Il se demanda comment lui dire, lui avouer cette chose qui lui pesait et dont il avait honte. Parce que Taehyun attendait une réponse, un geste, n'importe quoi, Beomgyu se contenta de hocher de la tête. Laisse-toi faire. Passer à nouveau en mode pilote automatique, il savait le faire. Il l'avait fait des mois durant sans broncher. Et puis, quand son corps et son âme en avaient eu marre, étaient venus les malaises. Puis la rupture. Pas avec lui. Tout ira bien.
– Oui...
– Certain ?
– Oui.
Taehyun le sonda du regard, comme pour s'assurer qu'il avait bien entendu. Il se sentit idiot de vouloir le remercier pour si peu, mais l'autre... L'autre ne lui demandait jamais deux fois. Sans doute parce qu'une suffisait, même quand plus rien n'allait pas la suite. Taehyun embrassa ses joues avant de prendre son visage en coupe, un petit sourire sur le visage.
– On va faire ça bien, ok ?
Il se demanda pourquoi on et non pas je. Allait-il seulement être utile ou servir à quelque chose ? Avec l'autre c'était je et pas on alors la chose lui sembla un peu déplacée. Mais Beomgyu ne rebondit pas sur sa phrase. Taehyun semblait savoir quoi faire, alors il ne l'arrêta pas.
Les yeux grands ouverts, Beomgyu ne dormait pas.
Dans la salle de bain, Taehyun finissait de se doucher, en sifflotant. Lui, avait insisté pour y aller seul. Les douches après le sexe étaient les seuls moments où il relâchait enfin la pression. Les seuls où il s'autorisait à pleurer en silence pour ce qu'il ressentait. Les seuls qu'il ne voulait pas partager. Il avait mis longtemps à admettre qu'il en avait besoin. Avec l'autre, les douches s'étaient faites de plus en plus longues à mesure que les semaines défilaient. Parfois il les avait interrompus pour en réclamer plus et dans ces moments-là, Beomgyu n'avait jamais su lui dire non. Ce soir, Taehyun ne s'était pas vexé.
– Est-ce que ça va mieux ?
Sa voix le sortit brusquement de ses rêveries et l'instant d'après, Taehyun était à nouveau sous les draps avec lui. Il chercha ses mots pendant de longues secondes, sans doute trop longues pour son petit ami qui s'en inquiéta aussitôt.
– J'ai vraiment été pas terrible hein ?
Un sourire amusé se dessina sur son visage et Taehyun se blottit contre lui, la tête dans le creux de son épaule, une main sur sa taille.
– Je t'ai quand même demandé si j'étais au bon endroit. Au bon endroit. Bon sang.
– J'avoue que... On ne me l'avait jamais faite. Ce n'est pas grave d'avoir été maladroit, sérieusement. On aurait d'autres occasions de recommencer, c'était la première fois.
– Ça a eu le mérite de te faire rire au moins, tu semblais tendu.
Beomgyu laissa échapper un rire nerveux. Tendu était un faible adjectif.
– Tu veux en parler ?
– De ?
– De tout à l'heure.
– J'aurais dû te le dire.
La main sur sa taille se délogea quelques secondes pour effleurer ses cheveux.
– Si tu veux en parler, vas-y, ok ? Pour nous éviter d'autres frayeurs.
Il se redressa dans le lit, le délogeant avec douceur et passa une main dans ses cheveux, le visage en feu. J'essaierais de ne plus pleurer. De ne plus avoir mal. Promis Taehyun. Mais ce n'était pas le genre de bêtises que Taehyun avait envie d'entendre et il le savait.
– Je ne sais pas quoi te dire.
– D'accord, je vais commencer alors : tu sais que tu peux participer ?
– Participer ? Je participe, non ?
– Beomgyu... Je... J'ai eu l'impression que tu te laissais plus faire qu'autre chose, même si tu me disais que tout allait bien.
Il baissa les yeux sur la couette, cherchant ses mots. Taehyun effleura ses mains jointes du bout des doigts et se pencha vers lui, avant de déposer un baiser doux sur sa joue.
– Eh...
– J'étais pas comme ça, avant.
Taehyun le regarda d'un air interdit, mais ne répondit rien, le laissant poursuivre.
– Enfin, je veux dire... Je n'ai pas non plus beaucoup d'expérience, soyons honnêtes. Mais les premières fois avec lui, c'était... différent du reste ? Je ne sais pas par quoi commencer Thyun...
– Tu n'es pas obligé de tout me dire maintenant, ok ?
– J'ai honte, murmura-t-il.
Taehyun le regarda d'un air interdit.
– Regarde-moi, je n'arrive même pas à te le dire alors que... Tu as été tellement plus prévenant que lui, continua-t-il.
– D'accord, Beomgyu...
– Beomie.
Taehyun leva un sourcil et Beomgyu sentit son cœur s'emballer.
– Pourquoi tu ne m'appelles plus comme ça...
– Tu...
– C'est à cause de cette soirée hein ? Plus de surnoms je t'ai dit, c'est ça ?
Taehyun secoua la tête, gêné. Les mois étaient passés, puis plus d'une année. Leur relation avait évolué. Mais Taehyun n'était jamais revenu là-dessus. Fidèle à lui-même, il était resté sur ces mots et sa propre volonté de ne plus entendre ce surnom dans sa bouche.
– Ça me manque, si tu savais.
– Je peux ?
– Bien sûr Taehyun, bien sûr que tu peux ! Je rêve d'entendre ce « Beomie » dans ta bouche depuis des mois !
Il le vit esquisser un sourire, soudain un peu plus sûr de lui.
– Très bien, alors, Beomie. Toutes ces choses que tu n'aimes pas, ne me le dit pas si tu ne te le sens pas, écris-le-moi. Je lirais, et je brûlerais la lettre juste après. Écris-moi tout. Ce que tu détestes, ce qui te faire peur, ce que tu auras envie de faire avec moi, tout.
Il acquiesça en silence.
– Deal ?
– Deal.
Taehyun l'attira contre lui et il se laissa faire, les yeux clos. Ils restèrent longtemps ainsi, sans parler, sans bouger, et l'inquiétude et l'angoisse qu'il avait précédemment ressenties semblèrent s'apaiser. Il n'y avait rien de plus agréable de se retrouver contre lui, de sentir son cœur battre contre le sien. Quand ils se retrouvèrent de nouveau allongés, Taehyun tendit un bras pour éteindre la petite lumière de chevet avant de passer un doigt dans ses cheveux.
– Je suis content tu sais, malgré tout.
– Vraiment ?
– Tu n'imagines pas.
– Tu ne dis pas juste ça pour me consoler ?
Taehyun se redressa sur un coude, et malgré la presque pénombre de la chambre, Beomgyu le sentit le dévisager. L'instant d'après, ses lèvres étaient sur l'une de ses joues, puis sur leurs jumelles.
– Mon Beomie...
Un rire léger lui échappa, ses joues chauffèrent à nouveau et Taehyun recommença, encore et encore. Sans parvenir à l'arrêter – l'avait-il vraiment voulu ? – Beomgyu se laissa faire, plongeant plus profondément dans ses bras pour ne rien oublier de lui. Il perdit le compte dans ses baisers, ses Beomie qu'il répéta de mille manières différentes. Peu à peu le sommeil engourdit ses membres, sa tête et il se laissa aller contre son torse, épuisé. Taehyun avait pour habitude de se blottir dans ses bras, de profiter de ses étreintes des heures durant. Cette nuit-là, il lui laissa volontiers sa place sans cesser de lui rappeler à quel point il l'aimait.
Trois jours plus tard, Taehyun lut la lettre.
Beomgyu le savait, le tabou ne le resta pas longtemps entre eux, les mots avaient été douloureux.
Il la brûla une petite heure après lui promettant que désormais, plus rien ne serait comme avant.
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