𝐄𝐩𝐢𝐬𝐨𝐝𝐞 𝟑: 𝑛𝑒𝑤 𝑟𝑢𝑙𝑒𝑠

┆ ┆ ┆જ ✾



Yeonjun cherchait Kai des yeux, agacé. Où ce dernier avait-il encore filé ? Hongdae était un quartier bondé dès lors que le jour déclinait sur Séoul. Il était leur quartier favori et de loin, pour diverses raisons. Si Yeonjun l'aimait pour son aspect international, branché et ses nombreux cafés, Kai en raffolait pour sa vie nocturne. Il fallait dire que son ami ne passait pas inaperçu ici ; Kai attirait les regards et Kai adorait ça. Souvent Yeonjun se faisait la réflexion qu'ils s'étaient plutôt bien trouvés les tous les deux : à l'aise avec l'image qu'ils renvoyaient et les pieds sur terre. Il esquiva un nouveau groupe de touristes bruyants et le trouva, juste là, assis sur un banc en grande discussion avec un inconnu.

– Kai !

Il releva les yeux vers lui, les yeux brillants. Il glissa quelques mots en anglais à l'autre homme qui rigola et se dirigea vers lui, les mains dans les poches.

– Tu sais quoi ? Quand je vais rentrer sur Hawaii, tout ça va me manquer.

Yeonjun serra légèrement la mâchoire, mais sans laisser transparaître sa tristesse.

– Les touristes ne viendront plus de manière aussi naturelle vers moi, rigola-t-il.
– Il voulait quoi ?
– Des recommandations de bars.

Le mal était fait, Hawaii tournait en boucle dans sa tête. Kai y retournerait. Kai le quitterait. Lui, la collocation, et leurs autres amis, pour une durée indéterminée. Et Yeonjun était le seul dans la confidence.

– Tu leur diras bientôt, hein... ?
– De ?
– Pour Hawaii.
– Oh, ouais.
– Kai... Sinon c'est moi qui le fais.
– Tu n'oserais pas.
– Teste-moi pour voir rigola-t-il. De quoi tu as peur au juste ?
– De leurs réactions.

Et Yeonjun ne trouva rien à lui répondre, oui, lui aussi en aurait peur. Surtout Soobin, pensa-t-il.

– On va danser ? demanda-t-il comme pour changer de sujet.
– Tu as encore de l'énergie ?
– Jun... s'il te plait...

Il leva les yeux au ciel et Kai attrapa sa main, comprenant sa victoire. Kai voulait sans doute oublier Hawaii lui aussi.

– Je ne boirais pas par contre hein, la dernière fois j'ai mal vécu mon lendemain de soirée !
– Moi non plus, t'inquiète !




Kai craqua finalement dès la première demi-heure. Et la soirée fut longue.
Il le retrouva près du bar à moitié affalé sur ce dernier et Yeonjun laissa échapper un rire nerveux.

– Eh, Kai... Faut qu'on rentre !
– Déjà ? Non, Jun... Jun, encore un peu !

Déjà ? Les premiers métros de la journée n'allaient plus tarder, et Yeonjun dormait presque debout. Il leva les yeux au ciel en l'attrapant par les épaules et en le tirant hors du bar. Il devait quitter cet endroit trop bruyant, vite, commander un taxi et se rapprocher le plus possible de leur appartement. Kai le suivit docilement, un sourire béat sur le visage. Pourtant dénué de toute énergie, il puisa dans ses dernières réserves pour lui.

– T'es pas drôle...

Yeonjun lui passa une main sur le front et attrapa son petit ventilateur de poche avant de le lui braquer sur le visage.

– Ça va aller, on va rentrer doucement.
– Mmm.
– Heureusement que Soobin n'est pas venu bon sang...
– Il aurait beaucoup aimé !
– Tu sais très bien que non. Il ne boit pas, il n'aime pas danser, et encore moins ce bar. Et il aurait détesté te voir dans cet état.
– Cet... état...
– Ouais Kai, cet état..., soupira-t-il.
– C'est pour ça que tu me colles toujours, hein ?

Il assistait à un des rares éclairs de lucidité de Kai quand il se trouvait dans cet état. Yeonjun le dévisagea un bref instant, muet. Bien sûr que oui...

– Ça t'ennuie que je sorte avec toi ? se contenta-t-il de répondre.

Kai secoua la tête, les joues rougies.

– Tant mieux. Parce que oui, c'est pour ça que je ne te laisse jamais seul espèce de crétin. Tu ne sais pas refuser les verres et... Tu es exaspérant bon sang Kai, les gens ne veulent pas juste parler avec toi ici, tu sais ?

Kai haussa les épaules, à peine convaincu. Yeonjun jeta un œil à son portable, soulagé de voir que leur taxi arrivait vers eux.


En bas de leur immeuble tout gris et qui ne payait franchement pas de mine, Kai collé contre son dos, Yeonjun rumina en cherchant ses clefs. Quand enfin il les trouva, il usa de toute sa patience pour aider son ami à grimper les marches, priant pour que Kai ne se mette pas à subitement chanter ou parler trop fort dans les escaliers, réveillant tous leurs voisins.

– Pas un bruit, ok ? Soobin doit dormir.
– Pas un bruit, répéta Kai.
– Bien, et déchausse-toi en entrant...

Il poussa doucement leur porte d'entrée et, docile, Kai enleva maladroitement ses baskets blanches. Yeonjun referma la porte avec le plus de délicatesse possible et reposa ses clefs sur la petite étagère à l'entrée.

– Bon, maintenant tu-

Kai se retourna brutalement vers lui, et attrapa son visage en coupe, les sourcils froncés.

– Chut tu as dit, pouffa-t-il.

Yeonjun le dévisagea et le repoussa gentiment, le guidant jusqu'à sa petite chambre. Il prit soin de faire le moins de bruit possible et l'aida à retirer sa veste avec lenteur. Kai s'écroula dans son lit, le nez dans le matelas et ravala un rire idiot.

– Ok, maintenant, dodo.

Tant pis pour le reste de ses habits, Yeonjun n'avait ni l'envie ni la motivation pour le changer intégralement.

– Jun... Eh...
– Ouais ?
– Tu ne m'embrasses pas ?

Il leva un sourcil, surpris et réprima un rire nerveux. L'embrasser ? Mon pauvre Kai tu dois vraiment planer à dix mille, il y avait quoi dans tes verres...

– Bonne nuit Kai, se contenta-t-il de répondre.

Il sentit son poignet se faire attraper et Yeonjun se figea. Non, Kai, s'il te plait... Tu sais que je vais craquer si tu continues... Pas maintenant... Pourtant Kai l'attira contre lui et il se laissa faire, incapable de lui résister. C'était tout le souci avec Kai : Yeonjun ne savait plus lui dire non.

– Juste une fois, lui souffla-t-il à la figure.
– Écoute, t'es mignon comme tout, mais je suis claqué.

Kai lui lança son regard le plus doux, celui qui l'avait déjà fait sombrer plus d'une fois et Yeonjun soupira, déposant un baiser sur son front.

– Allez, dodo.

Mais Kai ne le lâcha pas. Il le sonda brièvement du regard, sentant son cœur s'emballer légèrement. T'es pas un connard Yeonjun. Pense à Soobin. Tu sais. Alors il se dégagea d'un geste un peu brusque et Kai lâcha un soupir bruyant avant de s'étaler à nouveau dans ses draps.

– À demain Kai.
– 'demain Jun...


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– Vous savez, je trouve que vous faites d'immenses progrès.

Les yeux rivés sur le plafond au-dessus de sa tête, Yeonjun haussa les épaules. Sans doute en faisait-il, il le réalisait de temps en temps, mais la plupart des jours, il avait cette constante impression de stagner.

– Il y a toujours ces tensions dans votre foyer dont vous me parliez ?
– Ouais...

Il n'osa pas tourna la tête vers la femme assise dans le fauteuil à côté de lui. Yeonjun aimait passer ses séances de psychanalyse allongé sur le canapé de son bureau. Il y était plus à l'aise, mieux qu'assis sur un fauteuil à se triturer les doigts. Il préférait se perdre sur les détails des moulures au plafond plutôt que d'affronter son regard. De manière générale, il parlait plus et mieux dans cette posture que dans une autre.

– Je crois que mon coloc en pince pour l'autre.
– Celui que vous avez fréquenté pendant quelques mois ?
– C'est ça.
– Cela vous chagrine-t-il ?

C'était toujours la même chose quand il venait la voir et ça, depuis des années : Yeonjun se sentait bien pour lui parler de tout. Il s'était senti chanceux en tombant sur cette femme formidable, ouverte et parfaite pour tous les maux dont il souffrait. Il lui répétait souvent qu'il lui devait beaucoup, elle répondait en général avec un sourire, en lui expliquant qu'elle ne faisait faire que son métier, mais Yeonjun la reprenait : depuis l'enfance, personne n'avait su le gérer comme elle le faisait. Ses parents n'avaient pas accroché avec elle, mais désormais, Yeonjun n'en avait plus grand-chose à faire : il vivait sa vie d'adulte, et était bien le seul à décider de quel praticien il décidait de côtoyer. Elle devait le connaître par cœur, presque aussi bien que ses amis, et pourtant, ses conseils et ses remarques n'avaient cessé d'être pertinents.

– Pas vraiment, je suis plus surpris.
– Pas jaloux ?
– Eh bien, étrangement... Non.
– Il y a quelques années vous m'auriez dit que si. Vous voyez, du progrès.

Yeonjun lâcha un rire amusé ; elle n'avait pas tout à fait tort.

– Pourtant la chose vous préoccupe.
– Je ne sais pas si c'est réciproque, Kai est compliqué à cerner parfois.
– Vous m'aviez sous-entendu un jour que de temps en temps vous vous retrouviez à partager des moments plus intimes que d'autres, de manière spontanée...
– On ne couche plus ensemble.
– Je ne sous-entendais pas forcément quelque chose de sexuel Yeonjun, répondit-elle d'une voix douce.
– C'est compliqué... J'aime sa présence. Mais ça fait longtemps que l'on ne s'est pas embrassé ou... euh... c'est vraiment étrange en fait.
– Si la relation vous convient et ne vous étouffe pas...
– Elle ne m'étouffe pas. Mais je ne veux plus continuer, et j'ai... Je l'ai repoussé il y a quelques jours.
– À cause de votre ami ?
– Ouais.
– Et cela vous fait-il du mal ?
– Oui et non. Je sais qu'il l'apprécie, je ne veux plus le mettre mal à l'aise. Et je... Je peux continuer à être proche de Kai sans ça. Je peux le gérer.
– Vous en avez parlé avec votre ami ?
– De son béguin ? Surtout pas... Il risquerait juste de me claquer la porte au nez, il est super susceptible ce gosse.

Elle laissa échapper un rire amusé.

– Ce que je vois c'est un jeune homme tiraillé entre deux personnes qu'il apprécie beaucoup, et différemment. Dans la vie de tous les jours–
– Ça n'a pas d'influence. Je me sens vraiment bien au boulot, et j'adore ce que je fais. Je mange aussi, ça fait des années que je n'ai pas... déconné là-dessus. Non, vraiment, hormis ça, tout semble aller bien !
– Vous ne vous sentez plus perdu ?
– Parfois, mais ce n'est plus mon humeur prédominante.
– Je vois.

Elle se leva et se dirigea vers sa théière.

– Je vous en sers un ?
– Je veux bien.

Il se redressa sur son canapé, les cheveux légèrement en bataille. Quelques minutes plus tard, elle lui posa une tasse brûlante sous le nez.

– C'est fini, déjà ?
– Vous avez une tasse de thé chaud sous le nez, et je n'ai pas d'autres patients, vous êtes le dernier de la journée, dit-elle en esquissant un sourire.

Elle ne lui faisait jamais payer les minutes, parfois l'heure qu'il passait en plus en face d'elle. Parce que dans ces moments-là, le masque professionnel tombait, et ils se parlaient d'ami à ami.

– Je suis très fière de toi, tu le sais ça ?

Il leva les yeux vers elle, un sourire timide sur le visage. Le tu arrivais toujours après les séances, jamais pendant, comme pour marquer une réelle délimitation.

– Tu penses pouvoir espacer tes séances ?
– Revenir à ce que j'avais avant ?
– Je ne te le proposerais pas si je savais la chose impossible pour toi. Mais une fois toutes les trois semaines me parait bien.
– Je... Je ne sais pas si...
– Yeonjun.

Il releva les yeux vers elle et elle posa ses mains sur les siennes.

– Tu sais, je ne serais pas toujours là.
– Et ça me fait peur.
– Je sais ça. Le petit garçon que je suivais il y a quoi... ?
– Douze ans.
– Déjà, rigola-t-elle. Ce petit garçon a bien grandi, d'accord ? Je ne dis pas que l'on doit cesser de se voir, ou que je vais quitter Séoul. Je te propose de tester à nouveau d'éloigner nos séances.
– D'accord, murmura-t-il.
– Et comme toujours, si ça bloque ou que tu ressens le besoin de venir plus tôt, tu as mon numéro. En cas d'urgence.
– Oui.

Un cas d'urgence qu'il n'avait jamais utilisé depuis qu'il la voyait.

– On va en venir à bout de tout ça, d'accord ?
– J'ai toujours l'impression de déterrer un problème dès que j'en règle un.
– Ce n'est qu'une impression, il y avait beaucoup de choses, et beaucoup d'obstacles à franchir.

Il opina du chef, les lèvres pincées. Il se souvenait de ses années de lycée sans aucune thérapie. La crise avait frappé de plein fouet son foyer. Il lui avait menti en lui assurant que tout allait bien, que les séances pouvaient s'arrêter. Il lui avait menti droit dans les yeux pour couvrir les problèmes d'argent de ses parents. Quelques années plus tard, quand il avait repris contact, ses excuses avaient été la première chose à franchir ses lèvres. Parfois il songeait au fait que Beomgyu avait été le seul au courant à l'époque. Les autres avaient su bien plus tard. Beomgyu avait été celui dont il avait été le plus proche le plus rapidement mais aussi une oreille attentive.

– Merci encore pour le thé.

Elle lui adressa un sourire doux et quand Yeonjun referma finalement la porte de son cabinet, il se sentit infiniment plus léger.


┆ ┆ ┆


– Alors, tu leur dis quand ?

Kai jeta un regard désespéré à Yeonjun.

– Jun... S'il te plait...
– Loin de moi l'idée de te forcer à enfin leur dire mais... Je n'en peux plus de tout garder pour moi.

Il s'enfonça un peu plus dans son lit, et reposa sa console avant de lâcher un soupir à fendre l'âme. Devant lui, Yeonjun le regarda d'un air presque dépité.

– J'ai peur...

Il le regarda s'asseoir près de lui, et attrapa l'une de ses mains sans oser croiser son regard.

– Je déteste ne pas savoir si j'y resterais deux mois ou un an.
– Tu as une belle opportunité de stage là-bas, profites-en.
– Tu ne seras pas triste ?
– Bien sûr que si mais... On pourra toujours se parler Kai. Je ne vais pas t'oublier, et les autres non plus.
– Et avec Soobin, tout seul ici...
– Je vais gérer l'énergumène.

Il posa sa tête contre son épaule, une petite moue sur le visage. Yeonjun le laissa jouer quelques instants avec ses doigts, sans rien dire.

– Je leur dirais après notre sortie à la plage. Je ne veux pas ruiner l'ambiance de la sortie que tu attends depuis le retour de Beomgyu.
– Ça va aller, ok ?
– Reste avec moi un peu, s'il te plait...

Yeonjun lui adressa un drôle de sourire, et il le sentit se détendre légèrement contre lui. Pour une raison qui lui échappait, la réaction de Soobin était celle qu'il anticipait le plus. Il était si compliqué de savoir ce qu'il pensait, ce qu'il voulait... Ces derniers temps Soobin était devenu une énigme à lui tout seul. Et quelque part... Kai lui en voulait un peu. Il lui en voulait de s'éloigner autant, de ne plus profiter autant des bons moments qu'ils passaient à trois ou à cinq...

Sans même le réaliser, il s'était assoupi contre l'épaule du plus âgé. La fatigue des derniers jours et les tensions au sein de son foyer l'épuisaient bien plus qu'il acceptait de l'admettre. Il n'était pas revenu sur ce lendemain de soirée où Yeonjun avait semblé le fuir une bonne partie de la journée, mais ce moment lui trottait toujours en tête.

– Jun...
– Mmh ?

Il resserra sans s'en rendre compte ses doigts autour des siens.

– Tu m'en veux toujours pour l'autre jour ?
– L'autre jour ?
– Celui où j'ai oublié de vous prévenir...
Ah. Ce jour-là.

Nouveau silence et Kai releva légèrement les yeux vers lui, la bouche pincée. Yeonjun semblait un peu perdu dans ses pensées. Légèrement inquiet, il remua un peu contre lui, et se redressa, son visage proche du sien.

– Jun ?
– Je réfléchis.

Il déposa un baiser léger sur une de ses joues rondes et soupira.

– Tu es contrarié à cause de la fille ou parce que je ne vous ai pas prévenu ?
– Les deux.

Yeonjun avait toujours eu le mérite d'être honnête avec lui.

– C'était beaucoup moins fun qu'avec toi si je peux te rass-
– Pitié, Kai...

Décelant une pointe d'amusement dans sa voix il esquissa à son tour un sourire amusé.

– On a une règle à la con ici, tu le sais très bien.
– C'était surtout la règle de Beomgyu...
– Peut-être, mais je l'aime bien moi cette règle. La moindre des choses, c'est de prévenir les gens avec qui on vit de si on part, peu importe la durée. Comme ça, s'il t'arrive quelque chose on-
– ...saura où chercher, je sais. Je suis désolé, encore une fois, ok Jun ?
– Tu es pardonné va, soupira le plus grand.
– On se fait une partie ?
– Je ne vais pas tarder à partir bosser...
– Après dans ce cas ? Ou tu as rendez-vous ?
– Nous avons estimé que les rendez-vous pouvaient être espacés. Je la vois dans un mois.
– C'est génial Jun !

Yeonjun haussa les épaules, une petite moue sur le visage et Kai passa une main dans ses cheveux sombres.

– Eh, c'est du progrès. Moi, je suis fier de toi.
– L'idéal serait que je ne la vois plus du tout, soyons honnêtes...
– Mais toi comme moi, on sait que tu en as besoin. C'est au niveau du paiement que ça t'embête ?
– Je peux encore payer mes séances. Ma mère m'envoie des sous de temps en temps.
– Tu finiras par y arriver, ok ?

Kai ne savait pas tout et il le savait. D'ailleurs, il se demandait même si Soobin, Taehyun ou Beomgyu connaissaient les véritables motivations de Yeonjun pour continuer à consulter, après des années de thérapie. Ce n'était pas un sujet que Yeonjun aimait aborder. Mais du peu qu'il savait, Yeonjun allait mieux et c'était tout ce qui comptait. La petite moue de son ami lui pinça le cœur et il se pressa contre lui, le visage enfoui dans le creux de son épaule.

– Tu es une belle personne Yeonjun, et je pense sincèrement ce que je viens de te dire.

Il lui avait dit la même chose ce soir-là, sur le toit : Kai s'en souvenait avec précision. Ils avaient eu une discussion banale au cours de laquelle des sujets plus sérieux étaient arrivés, et il avait cherché à le rassurer. Yeonjun s'était tourné vers lui, un peu surpris par ce qu'il venait d'entendre : lui, une belle personne ? Il en avait ri, et Kai avait froncé les sourcils. À l'époque Yeonjun avait du mal avec les compliments qu'il acceptait désormais bien mieux. Il l'avait embrassé juste après et encore aujourd'hui, Kai se demandait pourquoi. Quel était le sentiment, l'émotion précise qui l'avait poussé ce jour-là à se pencher vers lui ? Il ne l'avait pas regretté, encore moins quand Yeonjun l'avait imité, quelques jours après.

– Je sais que tu le penses, souffla-t-il.

L'instant était sans doute trop parfait pour que Kai ne le laisse passer : ses lèvres trouvèrent les siennes avec douceur et Yeonjun ne le repoussa pas. Il ferma les yeux, glissa une main sur sa taille et se sentit sourire. Embrasser Yeonjun était toujours aussi bon. Embrasser Yeonjun avait toujours été bon.

– Ça m'avait manqué tu sais.

Yeonjun ne répondit rien alors, inquiet, Kai se redressa légèrement.

– Pas toi ?
– Kai...
– Pas toi, conclut-il.

Quelque chose se serra dans son ventre et ses joues s'empourprèrent immédiatement.

– J'aurais dû demander avant, je-
– Ne t'excuse pas, j'aime quand tu m'embrasses. C'est juste que... On ne peut plus continuer à faire ça.
– On ne fait rien !

Sa voix avait grimpé inutilement dans les aigus. Yeonjun leva un sourcil, presque amusé.

– T'en connais beaucoup des potes qui se roulent des pelles comme ça ?

Kai secoua la tête, perdu. Lui comme Yeonjun n'avait jamais remis en question leur relation.

– Ça ne te posait pas de soucis jusqu'à il y a quelques jours, qu'est-ce qui a changé ?

Le regard de Yeonjun changea immédiatement et il le vit mordiller sa lèvre inférieure, gêné.

– Oh, tu as quelqu'un ?
– Non.
– Alors quoi ?
– Je pense simplement qu'on devrait... Juste redevenir ce que nous étions avant cette soirée.
– Tu le penses vraiment ?

S'il te plait, dis-moi que non.

– Oui.

Nouveau coup de poing dans son cœur.

– D'accord, articula-t-il avec peine.

Yeonjun quitta le lit sans un mot de plus et passa une main dans ses cheveux, sans oser le regarder. Il le savait gêné et s'en voulut immédiatement.


Le silence dans sa chambre se fit pesant à l'instant même où il referma la porte. Kai jeta un regard vide à sa console, aux draps légèrement froissés par l'autre garçon et sentit lentement les larmes lui grimper aux yeux. L'instant d'après, il serrait contre son torse son oreiller, recroquevillé sur son lit. C'est à cause d'Hawaii ? Parce que je vais partir ? Il étouffa un pleur discret, sans savoir que derrière sa porte de chambre Yeonjun l'avait entendu.





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