𝐄𝐩𝐢𝐥𝐨𝐠𝐮𝐞: 𝑡𝑟𝑢𝑠𝑡 𝑓𝑢𝑛𝑑 𝑏𝑎𝑏𝑦
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Deux ans plus tard.
Le jour perçait à travers les rideaux de la chambre, se reflétant dans la chevelure blonde de son compagnon. Il lui donnait des reflets dorés, dont il tombait chaque jour un peu plus amoureux. Le sourire aux lèvres, Soobin s'étira, les traits encore fatigués et le corps engourdi par sa nuit. Paresseusement, il se pelotonna de nouveau contre Kai qui se réveillait lui aussi doucement. Il fit parcourir ses doigts sur ses petits grains de beauté qu'il avait au sommet du dos et qui le rendaient dingue, puis le long de sa colonne vertébrale et un sourire heureux dessina ses lèvres. Il déposa ses lèvres sur l'une de ses épaules dénudées et ses lèvres s'étirèrent un peu plus.
– Bien dormi ?
Kai agita mollement la tête, toujours enfoncée dans son oreiller, et Soobin passa une main dans ses cheveux. Il avait envie de rester là encore des heures durant, juste contre lui, dans l'intimité de cette chambre et sa chaleur confortable. Rien ne les en empêchait au fond. Rien, sauf peut-être la troisième personne vivant sous leur toit et revenant de ses courses extra matinales. Personne ne changeait Choi Yeonjun. Pas même son service militaire qu'il exerçait depuis un peu moins d'un an. Pas même le fait d'avoir obtenu une minuscule permission pour quelques jours.
Rien n'empêchait Choi Yeonjun d'aller faire ses courses aux aurores avec toutes les vieilles personnes du coin, et cela, depuis qu'il était en âge de les faire.
La porte de la chambre s'ouvrit en grand et il apparut, ses claquettes aux pieds et son sac de courses désormais vidé dans les mains.
– Pouah, ça pue le sexe et l'amour par ici !
Un sourire étira son visage encore ensommeillé et Yeonjun s'avança vers eux, avec son trop plein d'énergie matinale et la fervente volonté de les réveiller tous les deux. Son sac s'échoua sur le sol non loin du lit et il planta ses deux mains sur ses hanches.
– Bonjour à toi aussi, marmonna-t-il. Quelle arrivée en fanfare !
Et sans prévenir, Yeonjun s'écrasa sur leurs deux corps encore recouverts par les draps. Il n'en fallut pas plus à Kai pour se réveiller d'un seul coup, se redresser et le serrer fort contre lui. D'un geste amusé il lui frotta énergiquement la tête en rigolant et Yeonjun se débattu, en vain. Soobin réprima un rire : il savait qu'à son arrivée sur le parking du bus, Kai s'était retenu de toutes ses forces pour ne pas le lui faire devant ses parents.
– Tu as la tête si douce, chantonna-t-il.
Soobin éclata de rire en voyant l'air outré de Yeonjun qui s'empressa de déblatérer des insultes ridicules ponctuées de « je hais mes cheveux », « répète ça et tu ne me touches plus de toute ma permission ! » : Yeonjun n'avait toujours pas digéré la perte de ses cheveux. Il se souvenait encore les lui avoir rasés lui-même, un jour à peine avant son départ, sous ses protestations et critiques. La scène avait été aussi comique que longue et jamais Soobin n'avait jamais autant pleuré de rire devant le visage décomposé de son petit-ami.
– Rigole pas toi... Quand tu deviendras racaillou à ton tour je vais me ma-rrer !
Dans quelques mois, Soobin le savait, mais en attendant... Il profitait du spectacle.
– Sans déconner, ma mère m'a dit qu'elle adorait... Quelle menteuse.
Soobin esquissa un sourire amusé : Yeonjun avait passé sa première journée et la nuit chez ses parents avant de rentrer au petit matin dans leur appartement. Il se doutait que ses parents avaient été frustrés de le voir partir si vite chez « ses deux amis » qui l'avaient accueilli à sa sortie du bus, mais au fond, il s'en réjouissait : ils n'avaient pas vu Yeonjun depuis des mois et sa présence à l'appartement manquait.
– Plus sérieusement...
Yeonjun déposa un baiser sur le front de Kai pour le faire cesser ses gestes dans sa chevelure rase.
– Merci de vous être occupés aussi bien de mes bestioles.
– Avoue, c'était ta crainte numéro une.
– Un peu ouais, souffla-t-il.
Il se cala entre eux en les poussant et Kai râla pour la forme dans son coin.
– On n'est pas bien là ?
– Si, soufflèrent-ils en chœur.
– Je vais plus vous lâcher. Kai qui revient d'Hawaii ? Ça ne sera rien à côté de moi.
– Tu peux faire pire que lui ?
– Comment ça pire ? tiqua Kai en se redressant.
Yeonjun éclata de rire. À son retour des îles, Kai avait été... le plus gros des pots de colle de l'histoire des pots de colle. Yeonjun avait reçu sa lettre pour s'engager deux petits mois juste après son retour et avait désespéré de pouvoir vivre à nouveau tous les trois pour une longue période : l'annonce avait rendu Kai encore plus guimauve qu'il ne l'était devenu.
– Je te charrie Kai, chantonna-t-il.
Amusé par leurs fausses querelles matinales, Soobin se pelotonna un peu plus contre son dos, une main par-dessus sa taille. Yeonjun avait pris en muscles depuis le début de son service militaire et ce n'était pas pour lui déplaire. Il faufila une main sous le haut qu'il portait, lui arrachant un rire léger. Sans s'en préoccuper, il traça les lignes désormais plus dessinées de ses muscles abdominaux, promenant ses doigts de son nombril aux poils un peu plus épais à la bordure son jogging.
– Kai, j'pensais que tu avais épuisé ton homme.
– Eh, c'est aussi le tien, râla Kai en s'étirant.
Le nez enfoui dans le creux de son cou, Soobin rigola de plus belle, retirant prestement sa main.
– Monsieur m'a tenu éveillé toute la nuit et Ô malheur !
Kai plaqua une main sur front d'un geste théâtral et faussement dramatique et Soobin éclata de rire pour de bon.
– Il lui en faut plus !
– Plains-toi va, rétorqua Yeonjun.
– Regardez-le chercher du réconfort !
Il s'apprêta à répliquer quand la sonnerie de son téléphone le coupa en plein élan. Il se leva du lit, emportant avec lui une partie des draps sous les protestations de Kai. À l'autre bout du fil, la voix de Taehyun était joyeuse.
« – Soobin ! Tu décroches enfin !
– Tu avais essayé de m'appeler ?
– Ouais, hier soir.
– J'étais... occupé.
– Je me doute !
– Attends, j'te mets en haut-parleur je suis avec les gars.
– Je voulais savoir, pour ce soir... ça tient toujours ? »
Il se retourna vers eux avec des yeux ronds et Yeonjun plaqua une main sur sa bouche, surpris. Kai le dévisagea des pieds à la tête et Soobin sentit son visage tout entier s'empourprer légèrement.
« – Vous avez oublié ?
– Du tout ! »
Non, ils n'avaient pas oublié, Soobin avait fait une erreur. La soirée était prévue ce soir, non demain, et Soobin se sentit idiot de l'avoir inscrit à la mauvaise date sur le planning affiché sur leur frigo.
« – Je voulais savoir si nous devions apporter quelque chose !
– Thyun, euh...
– J'ai trop hâte de revoir Junie !
– Oui, euh, eh bien...
– Soo... Tu as oublié.
– Je l'ai noté pour demain, se confessa-t-il et Kai soupira derrière lui.
– Espèce de boulet.
– Je suis désolé Taehyun...
– C'est pas grave, je préviens Beomie dès qu'il rentre du boulot !
– Taehyun, venez ce soir quand même. »
Derrière lui, Yeonjun ouvrit de grands yeux.
« – Vraiment ?
– Ouais. Et n'amenez rien.
– Sûr ?
– Oui, je vais cuisiner. »
Quand il raccrocha quelques instants plus tard, ce fut pour rencontrer le regard perplexe de ses compagnons.
– Oui, bon.
– Tu as noté la mauvaise date, reprit Yeonjun.
– L'erreur est humaine...
– Et tu vas te lancer en cuisine maintenant pour ce soir ? l'interrogea Kai.
– Ça, c'est... un autre souci, rigola-t-il.
– Choi Soobin, t'es pas croyable, soupira Yeonjun. Et tu comptes rester planté tout nu comme ça pendant encore longtemps ?
– Comme si la vue te dérangeait !
Il attrapa un coussin pour lui jeter dessus, profitant de sa confusion pour se diriger vers la salle de bain en sifflotant.
Bon, maintenant, j'ai un dessert à faire avec des placards à moitié vides parce que Kai et moi n'avons pas du tout assuré les courses pour de potentiels gâteaux. Il soupira devant la glace et passa une main dans ses cheveux légèrement anxieux pour la soirée à venir.
– Kai ? lança-t-il.
– Ouais ?
– Tu veux bien être un amour et aller faire des courses pour un dessert, le plus rapidement possible ?
– Raah mais je viens de rentrer des courses c'est pas croyable !
La voix de Yeonjun qui râlait de l'autre côté du mur le fit sourire.
– Je fais ça ! lui répondit Kai.
Quelques minutes plus tard Kai se brossait les dents rapidement à ses côtés et lui colla un baiser sur la joue.
– J'y vais ! Je cours, je vole ! Je prends quoi au juste ?
– Ce qui te fait plaisir, je me débrouillerais pour cuisiner. Et oublie pas les allergies de Taehyun...
– Elles sont toutes notées dans mon tel, rigola-t-il en disparaissant.
Il se sentit soulagé en l'entendant et commença à faire couler l'eau dans sa douche. Depuis quelque temps Taehyun réagissait mal à de nombreux aliments et après les protestations de Beomgyu le forçant à aller consulter, Taehyun s'y était rendu, faisait un bilan désastreux des aliments qu'il ne digérait désormais plus.
– Angoisse pas pour ce soir, tu vas gérer.
La voix de Yeonjun le fit sursauter.
– T'es pas parti avec Kai ?
– Flemme de repartir faire des courses et j'avais envie de passer du temps avec toi.
– En me regardant me doucher.
– Pourquoi pas, c'est une activité comme une autre.
Soobin arqua un sourcil et attrapa sa bouteille de shampoing.
– Jun, tu es sûr que ça va ?
Il le regarda tirer le tabouret sur lequel s'entassait habituellement leur linge et le déplacer à côté de son bac de douche.
– Je suis en permission que depuis hier, j'ai vu mes parents une soirée et une journée et... J'ai l'impression que le temps passe déjà trop vite. Pendant des mois j'ai eu envie de vous dire un tas de choses, de faire plein de trucs avec vous et maintenant que je suis enfin avec vous, c'est la course, j'ai l'impression que je ne vais avoir le temps de rien faire, soupira-t-il.
– Tu as jusqu'à la fin de la semaine, dit-il avec douceur. On aura le temps de se retrouver tous les trois, d'accord ?
– Ouais...
Yeonjun ne semblait pas convaincu aussi, Soobin termina rapidement de rincer ses cheveux.
– Jun, tu comptes aller la revoir... ?
– Ma psy ?
– Oui.
– Ce n'était pas prévu... Je n'y suis pas allé depuis un bail.
– Et tu n'en ressens pas le besoin ?
Il le vit hausser les épaules et termina de se rincer, avant d'attraper une serviette de bain pour l'enrouler autour de sa taille. Il s'accroupit devant lui, les deux mains sur ses cuisses et esquissa un sourire attendri.
– Ni moi, ni Kai, n'allons râler si tu vas y passer une heure. Nous sommes déjà tellement, tellement, fiers que tu n'aies pas eu à y aller aussi souvent qu'avant ces deux dernières années...
Yeonjun attrapa une de ses mains, les lèvres légèrement pincées en un sourire timide. Se penchant légèrement vers lui, Soobin embrassa le bout de son nez, les yeux rieurs. Il ne résista pas à la tentation d'effleurer ses cheveux ras et un rire léger lui échappa.
– Tu sais, je pourrais presque m'y faire, souffla-t-il.
– Dès que je termine mon service, compte sur moi pour les laisser pousser et ne plus jamais les couper, rigola Yeonjun.
– Tu en seras incapable parce que tu ne supportes pas les cheveux dans la nuque, se moqua-t-il.
– Tu me connais trop bien.
– C'est comme si nous étions amoureux, tiens donc !
Il se redressa et l'invita à faire de même, ses mains dans les siennes.
– Allez, j'ai du pain sur la planche !
En guise de réponse, Yeonjun lui pinça les hanches et un cri de surprise lui échappa. Riant aux éclats, il recommença et Soobin le somma d'arrêter tout en essayant d'enfiler des habits propres et de refaire le lit que Kai avait laissé en désordre. Yeonjun termina d'avoir sa peau en le suivant jusque dans leur cuisine, plaquant ses lèvres contre les siennes.
Après des mois à se contenter de simples souvenirs, il y était, et Soobin prolongea ce moment jusqu'à n'en plus respirer.
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– Pourquoi tu es tout nerveux ?
– Moi ? Nerveux ?
Sa voix grimpa inutilement dans les aigus et Beomgyu passa une main dans sa nuque, gêné.
– Je ne suis pas nerveux.
– Beomie..., râla Taehyun.
– Ok, ok ! Je m'avoue vaincu ! Yeonjun m'a terriblement manqué et j'ai des craintes débiles à propos de nos retrouvailles.
– Yeonjun n'a pas changé, c'est toujours le même, j'en suis sûr.
Taehyun glissa un bras sous le sien et ils continuèrent à marcher en silence, profitant de la belle saison, et des fleurs naissant un peu partout sur les arbres qui peuplaient le quartier. Taehyun avait raison, Beomgyu le savait pourtant, il l'excitation qu'il avait d'enfin revoir son meilleur ami se muait depuis la veille en une appréhension qu'il ne parvenait pas à gérer. Quand ils arrivèrent devant l'ancien immeuble de leur colocation, Taehyun soupira et Beomgyu esquissa un sourire nostalgique.
– Sans dec, l'endroit va me manquer quand même un peu.
– Moi aussi...
Et sans traîner davantage, ils grimpèrent les escaliers jusqu'à l'étage où résidaient leurs amis. Finalement, Taehyun avait peut-être raison, il était bien plus nerveux qu'il ne voulait l'admettre.
Ce fut Kai tout sourire qui leur ouvrit la porte et puis... Yeonjun qui fondit dans leur bras avant même qu'ils ne puissent le saluer. Le serrant fort contre lui, Beomgyu ferma les yeux, trop heureux d'enfin le revoir après des mois d'éloignement.
– Tu m'as manqué tête d'œuf.
– Toi aussi, rigola Yeonjun.
Quand ils se décollèrent enfin l'un de l'autre il passa une main sur sa tête en riant.
– Moque-toi et tu verras, quand tu devras raser tu auras des trous sur la tête à cause de ce que tu fais subir à tes pauvres cheveux, grommela Yeonjun.
– Je suis rassuré, tu es toujours le même.
Un sourire amusé se dessina sur le visage de son meilleur ami.
Ils avaient rangé l'appartement comme jamais il ne l'avait été depuis son départ et Beomgyu en fut touché. Le salon avait un peu changé ces derniers temps et il nota l'apparition de quelques photos par-ci par-là des trois garçons mais surtout, d'eux cinq. Si Taehyun et Beomgyu n'en avaient que quelques-unes dans leur chambre, ses amis, eux, en avaient une véritable colonie sur un pan de leur mur.
– On a commencé à en tirer pendant l'absence de Kai, expliqua Soobin qui venait d'apparaître. Et on ne s'est plus arrêté.
– Vous êtes très beaux sur celle-ci, commenta Taehyun, penché sur les petits clichés.
– On les mettra dans un bel album le temps du déménagement, puis de leur trouver une nouvelle place.
Le cœur de Beomgyu se serra légèrement. Le déménagement. Dans quelques mois, l'appartement serait vide. Quand ils leur avaient annoncé au retour de Kai, Beomgyu avait lâché quelques larmes. C'était idiot car il n'y vivait plus depuis des années mais la nouvelle avait ravivé en lui tous les bons souvenirs de son emménagement. Quelque part, il avait choisi cet appartement, mais avait aussi été le premier à en partir. Comme lui à présent, ses amis avaient besoin de tourner la page.
– D'ailleurs à ce propos, comment ça se passe ?
– On a un bien en vue, plus proche de votre quartier en plus ! On ne veut pas se porter la poisse et trop s'étaler en avance mais...
– Ça a été un coup de cœur, compléta Kai.
– Sans vouloir... Faire le rabat-joie comment... Comment vous présentez votre dossier ?
– Trois amis qui doivent vivre ensemble car nous n'avons pas les moyens d'avoir notre propre logement mais nous ne souhaitons plus être simples locataires. On tient aux trois chambres, donc l'illusion est parfaite.
– L'espace salon et cuisine est très moderne, j'espère vraiment qu'on l'aura, soupira Soobin.
Beomgyu ne passa pas à côté du regard doux que lui lancèrent Yeonjun et Kai.
– Mais en attendant ! Profitons des dernières soirées tous les cinq dans cet appart', ok ?
Beomgyu opina du chef et s'écroula sur leur canapé, aussitôt imité de son petit ami.
– Je me demande ce que Soobin nous a préparé de bon !
Et sur ces paroles, Soobin fila dans la cuisine, rouge jusqu'à la racine des cheveux.
La soirée battait son plein, et Beomgyu ne voyait pas le temps passer. Yeonjun avait ressorti leur jeu de société préféré, le Monopoly, lançant de nouveau une partie sans fin où il allait – il le savait déjà – terminer ruiné et sans aucune maison sur le plateau. À ce jeu, Kai était le meilleur et personne ne l'avait encore détrôné. Les plats se succédaient sous ses yeux et pour la première fois depuis qu'ils se connaissaient, Beomgyu remarqua que ses yeux n'étaient plus rivés sur lui. Lui, ce meilleur ami qu'il observait toujours discrètement, comptant presque le nombre de ses bouchées au lycée, le nombre de repas dans sa semaine. Avec satisfaction et un soulagement immense, Beomgyu réalisa après qu'ils eurent fini leur plat qu'il ne l'avait pas fait une seule fois.
– Je propose... Pause dessert ! lança Soobin.
– Tiens tiens, tu proposes maintenant parce que tu viens d'atterrir chez moi et que tu n'as plus d'argent ? Tu ne peux pas me payer ?
– Du tout, Yeonjun, votre honneur, j'ai... J'ai très envie de gâteau.
– Je ne crois pas en ton excuse, rétorqua Yeonjun. Mais puisque je t'aime, je vais faire comme si, et te laisser aller chercher tes gâteaux. Tu me paieras après.
Et Soobin s'éclipsa très vite sous leurs regards amusés.
Beomgyu fut scotché. Soobin pâtissait depuis des mois et ne faisait que s'améliorer. Mais cette fois-ci ? Il essaya de ne pas craquer pour absolument tout goûter.
– C'est super bon ! s'enthousiasma Taehyun. Tu ne veux pas venir habiter quelque temps chez nous ? Pour donner des cours de cuisine à Beomgyu !
À moitié vexé (car il était bel et bien celui qui passait le plus de temps devant les fourneaux malgré son travail), Beomgyu lui donna un coup de coude. Taehyun passa une main dans ses cheveux comme pour l'adoucir et il ne put s'empêcher de sourire en retour, incapable de lui résister. Soobin répondit qu'il en serait très heureux mais déjà, son esprit avait vaqué à tout autre chose. Son regard accrocha celui de son compagnon puis se riva sur les maillons de son collier le plus récent qu'il voyait dépasser par le col de son pull. Il se demanda si annoncer maintenant la nouvelle que lui et Taehyun gardaient pour eux depuis une petite semaine était raisonnable, ou s'ils devaient attendre encore un peu. Il essaya de sonder du regard son petit ami qui haussa un sourcil, intrigué devant son air soudain sérieux.
– Je vais me prendre un verre d'eau, je reviens, lança-t-il.
– Tu ramènerais le plat au passage Beomgyu ? demanda Soobin.
– Bien sûr.
Il s'en saisit avant de s'éloigner, un dernier regard pour Taehyun qui sembla comprendre le message.
– Je vais débarrasser les assiettes vides ! Donnez-moi ça !
Kai voulut l'en empêcher d'un geste de la main :
– Eh euh... Vous êtes invités ici, ne-
– Tu tu tu, ça me fait plaisir ! entendit-il lancer Taehyun.
Deux secondes plus tard, ils se faisaient face dans la cuisine et Beomgyu remplissait un verre d'eau immense dont il n'avait finalement pas très envie.
– Un souci Beomie ? chuchota Taehyun en déposant les assiettes dans l'évier.
– Tu crois qu'on devrait leur dire ?
– Oh.
– Tu te le sentirais ?
– Évidemment, j'ai eu envie de le faire toute la semaine...
Le sourire sur son visage s'agrandit de plus belle. Il avait imaginé des dizaines de fois la scène, tournant ses phrases de mille manières possibles, essayant de trouver le bon moment et les bons mots... De son côté, il le savait, Taehyun avait été dans le même état d'esprit.
– Les gars, tout va bien là-dedans ?
La voix inquiète de Yeonjun le ramena sur terre. Ils rejoignirent le salon et avant de regagner sa place devant le plateau de jeu et Taehyun se gratta la gorge, toujours debout et les bras ballants.
– Nous avons quelque chose à vous annoncer.
Kai releva un regard intrigué vers lui et fronça légèrement les sourcils.
– Vous déménagez aussi ?
– Tu as un nouveau super contrat ? demanda Soobin.
– Tu as enfin eu cette promo Beomgyu ?
Beomgyu rigola un peu et secoua la tête.
– Oh, j'aimerais bien, s'esclaffa-t-il. Je pense que cela ne devrait plus tarder ceci dit...
– Beomie, râla Taehyun.
– Mais ce n'est pas ça, se reprit-il.
Yeonjun pencha légèrement la tête, ses yeux plissés et attentifs. D'un signe discret de la tête, Beomgyu fit signe à Taehyun de poursuivre. Son petit ami crevait d'envie de le dire, il le savait. Il le regarda passer une main dans le col de son sweat-shirt et en extirper l'un de ses nombreux colliers. Au même instant, les yeux de Soobin s'agrandir.
– Que...
Au bout de son pendentif le plus récent se trouvait la petite bague de fiançailles qu'il lui avait offerte lors de sa demande. Yeonjun se leva immédiatement pour se ruer vers lui et l'attraper entre ses doigts, la bouche entrouverte.
– Oh bordel !
– Beomgyu m'a fait sa demande en mariage, annonça-t-il d'une voix tremblante.
Tous se retournèrent lentement vers lui, stupéfaits et il se gratta la gorge, soudain nerveux d'être le centre de l'attention. Sentant ses joues devenir de plus en plus cramoisie, et ses jambes désormais incapables de bouger, il réprima un rire. En face de lui, Taehyun ne le quittait plus des yeux comme s'il se trouvait être la plus belle chose que cette Terre lui avait apportée.
– Félicitation, souffla Kai, les yeux brillants. Mon dieu mes meilleurs potes... un mariage, je...
– Vous êtes fiancés, termina de bégayer Yeonjun.
Et l'instant d'après, Yeonjun fondit dans ses bras pour le serrer fort contre lui. Oui, ils l'étaient depuis quelques jours et la chose lui semblait toujours aussi irréelle. Lui, Choi Beomgyu, avait fait le grand saut et Taehyun avait accepté de l'y accompagner.
– Comment ? Il va falloir nous raconter tout ça là, vous ne pouvez pas nous lâcher ça et juste... juste rester là !
Taehyun se rapprocha de lui pour attraper l'une de ses mains. Il peinait à se contenir, à rester en place, il le voyait et il ne put s'empêcher de sourire en dévoilant à son tour l'anneau qu'il avait lui aussi autour du cou. Lentement il le défit pour enfiler la petite bague à son annulaire gauche. Soobin s'empressa de prendre sa main pour l'inspecter de plus belle, les joues légèrement rosées et un sourire immense sur le visage.
– Je vais enfin pouvoir crâner en la portant, rigola-t-il.
Taehyun trépignait, se balançant d'une jambe sur l'autre et amusé, Beomgyu embrassa l'une de ses joues.
– Oh non, Kai ne pleure pas, s'empressa-t-il en voyant le plus grand des garçons sécher ses yeux avec le bout de sa manche.
– Je suis ému...
– J'ai toujours su que Beomgyu ferait sa demande avant nos trente ans, rigola Soobin.
– J'avais encore une petite marge, rigola-t-il.
– Comment !! Je veux savoir moi !! s'égosilla Yeonjun.
– Oh euh, commença-t-il.
– C'était merveilleux ! s'écria Taehyun.
Beomgyu lâcha un rire amusé. Un rien l'était pour son désormais fiancé. Non, il n'avait pas fait sa demande en grande pompe, dans un restaurant chic ou au milieu d'un paysage idyllique. Mais en l'entendant raconter leur soirée à ses amis, Beomgyu réalisa que peu importe l'endroit, Taehyun avait ce pouvoir de rendre le moindre de leurs moments à deux absolument féerique.
Il avait pourtant réellement angoissé le jour J. Taehyun ne s'était jamais montré réticent à l'idée de se marier un jour, la chose l'avait même fait rêver plus d'une fois et Beomgyu le lui avait déjà promis par le passé : ce jour viendrait. Quand ? Ils ne s'étaient jamais imposé de date limite. Le mariage homosexuel n'était pas encore autorisé ici, dans le pays qui les avait vus grandir aussi, Beomgyu avait mis cette idée de côté pendant quelques années. Ils avaient encore du temps devant eux, une vie à construire et la chose avait été repoussée dans son esprit.
Et puis, il avait soufflé les bougies de son vingt-sixième anniversaire cette année. Pour la première fois depuis des années, seulement en présence de Taehyun. Yeonjun était en service militaire, Soobin cloué au lit et Kai au travail. Ils avaient insisté pour un appel tous les quatre mais au final, le résultat avait été le même : lui seul avec Taehyun qui avait insisté pour le sortir. Quelque chose ce soir-là s'était débloqué en lui : des anniversaires comme ça, même légèrement tristes et loin de ses amis et sa famille, Beomgyu voulait en fêter encore des tonnes à ses côtés. Deux de ses amies de collège avec lesquelles il avait repris contact depuis cette sortie, deux ans auparavant à la plage, venaient de se marier et l'idée avait été semée dans son esprit. Il s'était d'abord trouvé trop jeune, puis avait été rattrapé par le fait qu'ici, rien ne serait officiel. Il espérait encore voir les choses changer dans quelques années, mais Beomgyu restait lucide : tout ne se ferait pas en un claquement de doigts. Et puis il y avait eux, leurs boulots et ce service militaire qui leur pendait au nez.
Finalement Beomgyu s'était presque décidé sur un coup de tête. Il s'était rendu dans une bijouterie après le travail, un soir, un peu fatigué, mais avec en tête une idée très précise de ce qu'il cherchait. Il l'avait trouvée avec une facilité déconcertante et l'avait pris comme un signe du destin. Le soir même, il l'avait trouvé là, dormant la bouche grande ouverte avec sa tablette encore allumée sur les cuisses et le stylet lui échappant des doigts et avait réprimé un rire avant de le porter jusque dans leur lit. Taehyun ne s'était pas réveillé, sans doute trop épuisé par sa journée et Beomgyu s'était endormi peu de temps après à ses côtés.
Il avait encore attendu quelque temps avant de faire sa demande. Il avait cherché des exemples bidons sur internet, des idées de lieux avant de s'arracher les cheveux, de se dire que rien ne serait jamais assez bien avant de finalement capituler. Pour la première fois depuis des mois, Taehyun lui avait proposé de se rendre dans ce jardin qu'ils aimaient tant tous les deux et la chose l'avait frappé, comme une évidence. Taehyun avait ressorti sa palette d'aquarelle, exactement comme lorsqu'ils s'étaient posés sous cet arbre tous les deux pour la première fois et il avait peint. Il y avait un tas de merveilles dans le monde et Taehyun était la sienne. Taehyun avait terminé d'esquisser sa silhouette et reposé ses pinceaux quand il avait attrapé ses deux mains tenant encore sa palette, tout en essayant de garder un peu de sa prestance. Cela ne pouvait être que maintenant, Beomgyu l'avait senti.
Thyun ? Et comme s'il avait su, deviné par avance ce qu'il s'apprêtait à faire, Taehyun avait lâché sa palette. Beomgyu avait esquissé le geste un peu inutile de plier un genou et sa bouche était devenue si sèche que parler lui avait semblé être un effort insurmontable. Taehyun avait dit oui. Avant même qu'il articule le moindre mot, avant même qu'il ne pose la question, il avait dit oui. Il l'avait vu retenir toutes ses larmes de joie avant de l'attirer contre lui, ne réalisant pas encore ce qu'il venait de faire et ce que Taehyun venait de répondre.
– Et puis j'ai vu la bague et j'ai cru que j'allais craquer ! Et puis le temps ! Il faisait si doux, si beau ! Et puis cet arbre ! Vous savez c'est un de nos premiers rencards à Incheon ! Et-
Beomgyu décrocha lentement du récit de son fiancé en sentant le regard heureux de Yeonjun posé sur lui. Ils laissèrent Soobin et Kai avec Taehyun quelques instants et Yeonjun le serra à nouveau fort dans ses bras.
– Et Jun, sois pas triste non plus...
– Non, je suis juste putain de fier.
Beomgyu esquissa un sourire.
– Vous avez une date ?
– Oh euh... On va attendre de faire nos services tous les deux. Et d'une manière générale, puisqu'on veut vous y voir, que nous ayons tous les cinq terminés. Je sais, tu vas te dire pourquoi maintenant alors que j'aurais pu attendre, c'est juste que... C'était le bon moment, je le sentais. Avec un peu de chance, une loi sera passée nous autorisant à le faire, ricana-t-il.
Taehyun se tourna vers eux, tout sourire.
– On a un plan de repli sinon ! s'exclama-t-il.
– Taïwan ? demanda Kai.
– Ouais. Aux dernières nouvelles, c'est le plus proche qui nous l'y autorise, répondit Beomgyu. Mais ça serait une galère d'un point de vue financier pour vous et-
– Eh, eh, non. Ça nous fera des vacances, répondit Soobin.
– Est-ce que... Vos parents savent ?
Beomgyu réprima un rire jaune et Taehyun attrapa l'une de ses mains.
– J'ai voulu l'annoncer à mes parents rapidement...
– Le soir même, se moqua Beomgyu.
– Rooh, oui, mais j'étais heureux et eux n'en parlons pas ! Ils n'ont même pas été surpris, râla-t-il. Et je sais qu'ils se déplaceront à l'autre bout de la terre pour nous.
Beomgyu opina du chef. Un peu plus tard après l'appel de Taehyun à ses parents, madame Kang lui avait personnellement téléphoné pour le féliciter. Elle avait passé de longues minutes à le remercier, émue comme jamais elle ne l'avait été. Beomgyu avait repris espoir pour ses propres parents dans le même temps, avant qu'ils ne fracassent l'illusion quelques jours plus tard.
– J'ai voulu prévenir les miens aussi, si jamais vous vous posiez la question.
– Ah... Toujours dans le déni ? grinça Yeonjun en se laissant tomber dans le canapé.
– Alors, ils se sont enfin faits à l'idée que nous vivions ensemble.
– Wouah, quelle évolution, rigola Soobin.
– Mais quand j'ai annoncé nos fiançailles ils ont... Quelque peu été... refroidi ?
Taehyun afficha une petite moue.
– Qu'on s'entende, ils apprécient beaucoup Taehyun.
– Comme ton ami qui vit avec toi dans la chambre d'à côté qui n'existe pas, compléta Taehyun.
– Voilà.
Yeonjun les regarda avec des yeux ronds, se demandant très certainement s'il devait rire ou non. Parfois les parents étaient plus heureux en vivant dans le déni concernant leurs enfants, Beomgyu savait que cela était le cas des siens.
– Ma mère m'a félicité, mon père m'a demandé si j'étais sûr de moi, et ils ont ajouté qu'ils ne viendraient très certainement pas au mariage, peu importe quand il aurait lieu. Ils ne sont pas fans de l'idée, mais ne s'y opposent pas et honnêtement je ne sais pas quoi faire de plus.
– Rien du tout Beomie, murmura Taehyun.
– Mais c'est pas grave, hein ? Vous serez là, les parents de Taehyun aussi et honnêtement je ne pourrais pas rêver mieux. Je suis aussi tellement heureux d'enfin vous l'avoir annoncé !
Sans doute encore sous le coup de l'émotion, Kai se moucha bruyamment faisant râler Soobin qui lui donna une tape sur l'épaule.
– Au diable qu'ils approuvent ou non, j'ai deux amis qui sont fiancés et j'en reviens pas ! lança Yeonjun.
Quelque part, Beomgyu peinait lui aussi à le réaliser. Il le savait, le Beomgyu de dix-sept ans n'y aurait jamais cru. Sans doute aurait-il été persuadé de ne mériter personne, ou de garder son ex pour le restant de sa vie. Pourtant, aujourd'hui, rien de tout cela n'avait eu lieu. Il avait Taehyun, et Taehyun était la plus belle chose qui lui soit arrivée.
Oui, Beomgyu se fichait de l'accord de ses parents. Il se fichait pas mal de ce que pensaient ces anciens amis de collège et de lycée, qu'il apercevait toujours en train de zyeuter ses réseaux sociaux comme pour alimenter leur petit voyeurisme malsain. Taehyun n'était pas un frein à sa vie sociable, à son travail : depuis le temps, Beomgyu avait démenti tout ce qu'on lui avait prédit avec sa relation. Il y avait eux, ses plus proches amis, son patron – cet homme qu'il considérait comme un second père – qui croyait en lui, en son travail, les parents de Taehyun... Il lui avait fallu quelque temps, mais Beomgyu était parvenu à le réaliser : ils étaient bien assez. Quelque part, il espérait qu'un jour son meilleur ami aurait la même chance. Pouvoir s'extirper des regards un peu trop lourds, se dévoiler comme il était réellement. Sans un mot et sans doute sous le coup de l'émotion un peu trop forte qui le traversa de toute part, il attira Yeonjun contre lui pour le serrer fort dans ses bras, comme un merci.
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Taehyun referma avec douceur la porte de leur appartement, le cœur toujours en fête. Beomgyu accrocha leurs vestes dans l'entrée puis déposa ses chaussures avant de pousser un soupir de fatigue.
– Ça va Beomie ?
– Ouais, juste un peu éclaté de la soirée...
Il jeta un regard à sa montre et rigola légèrement : ils étaient désormais plus proches du réveil de Beomgyu que de son heure de coucher.
– Ça va le faire pour le boulot tout à l'heure ?
– Mmmh ? Ouais ouais...
Il le regarda se traîner comme un zombi jusque dans leur salle de bain et le suivi en silence.
– J'ai la meilleure excuse du monde, continua-t-il en haussant les épaules
– Ah oui ?
Il regarda Beomgyu lever la main à laquelle scintillait désormais sa petite bague de fiançailles.
– Quand je vais lui annoncer, mon boss sera incapable de m'en vouloir.
Taehyun lui adressa un sourire immense. La complicité entre Beomgyu et son supérieur lui avait longuement échappé jusqu'à le rencontrer plusieurs fois au cours de soirées, puis chez lui et son épouse. Il avait découvert un homme sans prise de tête et plutôt drôle et réalisé dans le même temps cette relation presque paternelle qu'il entretenait avec son fiancé.
– Il t'adore, alors prépare-toi à être invité dans les jours qui suivent à un nouveau dîner chez lui, lança Beomgyu en se dirigeant vers leur lit.
Et Taehyun était absolument ravi : ils mangeaient toujours très bien chez le patron de Beomgyu.
Il s'effondra un peu plus tard à son tour sur le matelas, avant de l'embrasser, et de se caler contre lui pour la nuit.
– Du coup... Rassuré pour Yeonjun ?
– Oui.
– Tu vois, ça va le faire. Il lui reste quelques mois, tout va bien se passer. Et on le revoit après-demain.
Beomgyu opina du chef, se pelotonna un peu plus contre lui, le nez chatouillant la base de son cou. Quelques instants plus tard, les pleurs lointains d'un nourrisson se firent entendre.
– Je t'ai déjà dit à quel point ton idée de délocaliser notre chambre ici avait été une de tes plus brillantes idées ? souffla Beomgyu.
Taehyun se contenta de lâcher un rire nerveux. Depuis quatre mois leurs voisins étaient parents et désormais, les pleurs et les larmes rythmaient leurs nuits. Par chance, Beomgyu et lui n'entendaient que le bruit ténu des crises du nourrisson en pleine nuit, sans en être réellement dérangés. Cependant, la chose les avait toujours les deux mis d'accord : si Taehyun n'avait jamais voulu fonder de famille avec enfants, les doutes qui avaient subsisté chez Beomgyu étaient désormais réduits à néant.
– Tu crois qu'ils en sont à combien d'heures de sommeil en moins ? demanda-t-il.
– J'en sais rien et tu sais quoi ? Ce bébé est notre vengeance pour toutes les nuits où ils nous ont empêchés de dormir.
– Oh parce que tu penses que nos soirées avec les gars ne l'étaient pas déjà ?
– Chut, dormons maintenant, grommela Beomgyu.
– Si tu y arrives, je t'en prie, rigola-t-il.
– Mais juste avant ça, une dernière chose...
Pendant un bref instant, les pleurs du nourrisson ne furent plus qu'un lointain souvenir. Beomgyu se pencha vers lui, déposant ses lèvres sur les siennes et Taehyun se sentit sourire. Les mains de son fiancé trouvèrent ses épaules rondes, glissèrent le long de son dos, lui arrachant un rire léger. Il se retrouva à califourchon sur son bassin, les lèvres de Beomgyu dans son cou puis à nouveau sur les siennes, sans doute un peu trop enjoué pour l'heure qu'il était et rompit leur baiser à contrecœur.
– Monsieur Kang, que faites-vous, rigola-t-il.
Beomgyu esquissa un sourire ; son nouveau surnom lui faisait bien plus d'effet qu'il ne voulait se l'avouer.
– Il faut dormir, tu ne vas jamais assumer ton réveil tout à l'heure si on s'y met.
– Hélas... Tu es la voix de la raison.
Beomgyu laissa tomber ses mains baladeuses et le laissa à nouveau s'étendre à ses côtés. D'un baiser sur le front, Taehyun lui souhaita une bonne nuit.
Finalement Beomgyu sombra assez vite. Au fond, son fiancé n'avait jamais eu trop de difficulté à dormir même avec un fond sonore désagréable. Taehyun resta encore éveillé une bonne demi-heure, à fixer le plafond de leur chambre, à jouer avec sa petite alliance et celle de Beomgyu dont la main reposait toujours sur sa taille.
Les pleurs du nourrisson se turent peu à peu et le silence les enveloppa tout entier à nouveau. À présent, avec pour seule source de lumière les rayons de la lune qui filtraient à travers leurs rideaux fins, Taehyun se sentait apaisé.
Ils y étaient, à cette nouvelle page de leur histoire qui se tournait. Le mariage ne se ferait pas avant plusieurs mois, peut-être années, mais tout au fond de lui, il le savait : ils avaient réussi. Il en avait rêvé tant de fois sans jamais en douter. Cela faisait deux ans et Beomgyu avait progressivement réduit le nombre de ses séances. Deux ans et désormais Taehyun exerçait à plein temps un travail qui le rendait heureux. Deux ans et ils étaient enfin leur véritable eux, sortis de l'ombre des lycéens qu'ils avaient été pendant des années. Il y avait quelque chose de merveilleux à réaliser que le temps avait fait son œuvre, qu'il poursuivait sa route les laissant désormais profiter de ce pour quoi ils s'étaient battus. Souvent Taehyun remerciait quelqu'un, quelque chose – le destin peut-être ? – il n'en savait trop rien et n'avait jamais été croyant, que sa route, celle de Beomgyu, Soobin, Yeonjun et Kai ne se soient jamais séparées.
Ce soir-là une nouvelle fois, il trouva le sommeil en se sentant chanceux de tous les avoir à ses côtés.
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– Je peux ouvrir les yeux ?
– Nan, pas encore, lança Soobin depuis la pièce voisine.
Assis à ses côtés, Yeonjun fit la moue et par acquit de conscience, Kai plaqua ses deux mains devant ses paupières closes.
– Et là ?
– Ce que tu peux être impatient, souffla-t-il.
– Je pars demain matin à la première heure, je n'ai pas tout mon temps, râla son petit ami.
– Ce que tu peux être embêtant ! s'écria Soobin enfin dans l'entrée de leur chambre.
Les yeux brillants, Kai le regarda avancer avec son gâteau entre les mains. Exceptionnellement, Soobin ne l'avait pas réalisé : il n'avait pas voulu passer sa journée entière en cuisine alors que Yeonjun était là, et avait fait appel à un pâtissier réputé de leur quartier. Avec précaution, il posa un genou sur leur lit et déposa le petit plateau sur les genoux de Yeonjun.
– Tu peux ouvrir les yeux, souffla Kai.
Il dégagea ses mains au même instant et Yeonjun papillonna des paupières, avant de se figer en voyant le gâteau sur ses genoux. Yeonjun adorait les fraises : le gâteau en était intégralement recouvert. Sa bouche s'entrouvrit légèrement et il les regarda à tour de rôle, sans comprendre. Sans dire un mot, Soobin extirpa un briquet de la poche de son sweat et alluma la petite mèche de la bougie trônant au milieu des fruits et de la crème.
– C'est...
– Le temps passe vite hein ? lança Soobin.
Kai fut incapable de passer à travers l'émotion palpable dans sa voix.
– On sait que tu n'es pas trop porté sur les chiffres et les comptes nous concernant, mais tu connais Soobin, nous n'avons pas pu fêter les un an et... il était hors de question pour lui que tu repartes sans fêter nos deux ans.
Kai passa une main dans ses cheveux, puis dans sa nuque, lui arrachant un frisson. Les yeux de Yeonjun étaient devenus bien trop brillants et il déposa un baiser sur l'une de ses joues.
– On souffle ? Tous les trois ? proposa-t-il d'une voix douce.
Sans qu'ils n'eurent besoin de se concerter, ils se penchèrent vers la petite bougie et soufflèrent en même temps. Par habitude, il souffla un vœu à il ne savait trop quel ange gardien et esquissa un sourire. Je veux qu'ils soient heureux le plus longtemps possible. Il avait fermé les yeux un bref instant, juste une poignée de secondes pour le formuler, avant de les rouvrir et d'apercevoir Soobin se léchant le bout des doigts.
– La crème est délicieuse.
– Soobin ! s'écria-t-il en même temps que Yeonjun.
– Bah quoi ? Je voulais le goûter !
Un rire amusé lui échappa.
– Va plutôt chercher de quoi le couper et des assiettes, va !
Soobin s'exécuta dans la seconde.
– Vous n'étiez pas obligés, murmura Yeonjun.
– Non, mais ça nous faisait envie. Histoire de se quitter le cœur en fête !
Yeonjun déposa sa tête sur l'une de ses épaules. Quand Soobin revint, il le laissa se charger de la découpe des parts, qu'il posa maladroitement sur leurs genoux respectifs, avant de déposer le gâteau sur leur table de chevet. Ses petits-amis le dévorèrent bien avant lui. Ni Yeonjun, ni Soobin, ni lui n'avaient eu idée de bouger du lit, sur lequel ils avaient joué sur leurs consoles deux heures consécutives, pour manger leur gâteau.
Son esprit, lui, vaqua bien vite ailleurs. Deux ans. Le chiffre tournait en boucle dans sa tête. Deux ans et il n'avait pas vu les semaines ni les mois passer. Les mois à Hawaii qu'il avait adorés et lui ayant permis de décrocher un poste à distance entre la Corée et son pays natal qu'il adorait. Les semaines à son retour où ils avaient vécu tous les trois à nouveau, puis le départ de Yeonjun et sa vie seul à seul avec Soobin. Cette fois-ci, leur relation avait été différente. Parce qu'ils avaient peu de lien avec Yeonjun, que les appels en visio ne lui étaient pas permis : tout était devenu plus délicat. Pour la première fois depuis qu'ils étaient tous les trois, Kai avait ressenti un véritable vide.
– À quoi tu penses Kai ? demanda Soobin d'une voix calme.
– À cette époque encore lointaine où on pourra enfin vivre tous les trois plus de quatre mois d'affilés, rigola-t-il.
– Oh bon sang comme j'ai hâte, bâilla Yeonjun en déposant son assiette sur le sol, son corps passant momentanément au-dessus du sien.
– Dans notre nouvel appartement flambant neuf, soupira Soobin.
– J'espère qu'on l'aura, c'est vraiment une pépite et on sera si proche des gars ! s'exclama Yeonjun.
Lui aussi, l'espérait du fond du cœur. Il y avait quelque chose d'étranger à quitter la colocation, ce lieu où tout avait débuté pour eux cinq. Le couple de Beomgyu et Taehyun s'y était formé en toute discrétion, tout comme leur relation, il reflétait l'époque où tous avaient trouvé leurs premiers boulots, la fin de leurs études supérieures... Ils avaient vécu tant de choses ici et bientôt, tout prendrait fin.
– Et je vous le dis par avance, je pose un véto sur la chambre près de la salle de bain, clama Soobin.
– Certainement pas non, on fera la courte paille, point barre, répliqua Yeonjun. En plus, je suis celui qui a besoin de la plus grande chambre pour mes bestioles et tu passes les trois quarts de ton temps chez Kai !
Soobin afficha une moue boudeuse, croisant les bras sur son torse et Kai devina que Yeonjun avait vu juste. Amusé, il se pencha vers lui pour pincer ses deux joues rebondies et Soobin souffla, faussement agacé. Sous l'œil amusé de Yeonjun, il lui déposa un baiser sur le bout des lèvres.
– Boude pas.
– J'boude pas.
Kai passa une main dans ses cheveux, jouant avec les mèches plus longues dans sa nuque. L'espace d'un instant, son regard se perdit dans le sien et Kai sentit son cœur battre un peu plus fort, comme à chaque fois que Soobin le dévorait avec ces yeux là. Rien n'avait changé depuis leurs débuts ensemble.
– Quel piètre menteur, rigola Yeonjun.
Il sembla hésiter un instant avant de reprendre, d'une petite voix.
– Vous voulez que je vous laisse ?
Kai se retourna vers lui, les yeux ronds.
– Je connais ces regards, on ne me l'a fait pas, rigola le plus âgé.
– Jun, tu pars demain, on ne va pas te chasser ! rétorqua Kai en s'empourprant.
Et comme pour illustrer ses propos, il s'empressa de l'attirer contre lui pour le serrer fort dans ses bras, aussitôt imité par Soobin.
– C'est ta dernière soirée ici alors tu choisis le programme !
– Eh bien, puisqu'on a marché toute la journée avant de jouer, je vous avoue que ma flemme de ressortir maintenant est grande. Je voudrais boulotter ce gâteau jusqu'à ne plus en pouvoir, parce qu'il est beaucoup trop bon. Ensuite, peut-être qu'on se mate notre film favori en fin de soirée ? Et euh...
Kai leva un sourcil.
– Et ?
À leurs côtés le visage de Soobin s'étira en un sourire amusé.
– Et ?
– 'rrêtez.
Soobin se pencha pour l'embrasser et un rire coincé lui échappa. Le bout des oreilles de Yeonjun était rouge vif et Kai fut incapable de passer à côté.
– Eeeeet ? répéta-t-il.
– Et j'en sais rien je veux juste être avec vous rooh !
– Va pour le film alors ! J'vais chercher mon pc, lança Soobin tout sourire.
Évidemment que Soobin était partant pour ce film : il le connaissait par cœur et adorait le regarder encore et encore avec eux.
Finalement, le film ne parvint que très peu à capter son attention. Kai avait essayé pourtant, mais son attention réduite avait été accrochée par tout autre chose. Il avait d'abord commencé à jouer avec les doigts de Yeonjun, d'un air distrait, regardant l'écran sans vraiment le voir. Soobin, lui, était captivé par ce qui se tramait sous ses yeux, comme toujours, sa tête calée contre l'épaule de Yeonjun. Lentement, Kai avait quitté le film des yeux. Il s'était perdu sur la contemplation de leurs doigts enlacés, vaquant d'un souvenir à un autre ; ses pensées le ramenant inévitablement le jour où tout avait commencé. Parfois il se prenait à y songer : pas au baiser sur le toit, mais à Yeonjun qui revenait vers lui, quelques jours plus tard. Kai n'avait pas la meilleure mémoire des cinq, mais les mots que Yeonjun lui avait glissés ce jour-là ne l'avaient jamais quitté : Ne te méprends pas, je ne tombe pas amoureux.
Kai ne l'avait pas repris. Ni sur le coup, ni des semaines après alors qu'ils se fréquentaient ouvertement. Lui non plus n'était pas amoureux. Ou du moins, il ne l'avait pas été immédiatement : les sentiments étaient arrivés bien plus tard, un peu trop tard. Et puis finalement, il y avait eu ce soir où Yeonjun et lui avaient parlé des heures durant. Yeonjun n'aime pas les gens. Yeonjun ne tombe pas amoureux. Yeonjun n'est attiré par personne. Il était tombé dedans lui aussi, comme le reste de ses amis. Mais finalement Jun, c'était une couverture qui t'arrangeait bien hein ? Parce qu'au fond, ce n'était pas une question de pouvoir aimer les gens, mais de comment tu les aimais, hein ? Il y avait eu cette fois au lycée où un garçon lui avait lancé un « t'as un cœur de pierre toi » et Yeonjun avait ri. C'était un rire triste, qui avait énervé Beomgyu qui l'avait bousculé avant de lui hurler de dégager. Kai l'avait regardé sans rien dire à l'époque, en se demandant au fond si Yeonjun en avait réellement eu quelque chose à faire.
Finalement, tout était devenu limpide avec Soobin et lui. Il était son exception, Soobin la relation dont il avait toujours secrètement rêvé. Leur relation était l'équilibre parfait de tout ce qu'ils avaient infiniment voulu avoir, tous les trois.
Un reniflement bruyant le sortit de ses pensées et il se pencha légèrement en avant pour jeter un coup d'œil à Soobin.
– Me dis pas que la fin te fait encore pleurer, se moqua-t-il gentiment.
– J'aime pas les fins ouvertes.
– C'est ton film favori ! lança Yeonjun.
– Et alors !
– Oh allez, viens par là...
L'instant d'après le corps immense de Soobin ne le semblait plus tant que ça, roulé en boule dans les bras du plus âgé. Kai l'avait imité en riant, poussant avec douceur l'ordinateur hors du lit. Il soupçonna rapidement Soobin d'avoir râlé pour en arriver là : leur petit ami avait toujours la fâcheuse tendance à passer par mille chemins détournés pour réclamer un peu de leur attention à tous les deux. Pourtant, si Yeonjun et lui voyaient désormais clair dans son jeu, ni l'un ni l'autre n'avait essayé de stopper sa mascarade.
– Jun...
La voix de Soobin le fit sourire. Parce qu'il la connaissait cette voix, il la connaissait même par cœur, et se doutait très fortement de ce qu'il s'apprêtait à quémander. Yeonjun ne lui répondit pas mais l'instant d'après, Soobin avait son baiser. Il sentit son pouls s'emballer, comme à chaque fois que Yeonjun embrassait Soobin ou que Soobin embrassait Yeonjun juste là, sous ses yeux.
Quelque part, Kai espérait presque naïvement que cela ne trouve jamais de fin. Pourtant, il était le plus terre à terre des trois concernant les relations amoureuses. Soobin était romantique: juste assez pour penser que son amour du moment était le bon, qu'il durerait toute une vie. Yeonjun était Yeonjun. L'amour en lui-même lui avait toujours un peu échappé, mais plus encore, ce qu'une relation au sens commun engendrait aussi. Il vivait hors des rails depuis toujours sans trop sans soucier, se laissant porter par là où seul son cœur le guiderait. Kai était le pessimiste pour certains, le réaliste pour d'autres. Yeonjun n'avait pas été sa première relation, peut-être la première aussi longue cependant, et sa relation avec les deux garçons n'étaient peut-être pas la dernière. C'était un fait, un constat, que Kai essayer d'oublier peu à peu. Pour la première fois qu'il flirtait, découchait à gauche à droite : ce qu'il avait lui convenait. Plus encore, il était amoureux et le sentait.
– Repars pas demain, soupira Soobin.
Le rire léger de Yeonjun résonna dans tout son corps et Kai s'empressa de river vers lui un regard plein d'espoir.
– Me regardez pas comme ça, c'est pas comme si j'avais le choix, rigola-t-il.
Il esquissa une moue, le sachant très bien. Yeonjun n'était pas de ceux vivant le plus mal son service, mais n'en tirait aucune expérience positive pour autant. Kai avait essayé de ne pas s'alarmer, ne pas se faire des films, se rassurant en se répétant encore et encore que si la moindre chose avait dérapé là-bas, Yeonjun le lui aurait confié.
Soobin lâcha un soupire bruyant qui le ramena sur terre, sa joue écrasée contre l'épaule du plus âgé. Comme s'il avait senti sa peine légère, Yeonjun le ramena un peu plus contre lui.
– Prochain appart', l'un d'entre nous investit dans un vrai lit pour trois, râla-t-il.
– C'est clair que si Kai continue de grandir...
– Eh !
– Sérieux, vingt-six balais et tu continues, tu comptes t'arrêter un jour ? s'amusa Yeonjun.
– Ne sois pas jaloux comme ça, rigola-t-il.
– Je ne suis pas-
Il essaya de l'embrasser pour le faire taire, mais Soobin le devança. Kai rouspéta pour la forme, Yeonjun laissa échapper un rire amusé et il l'imita aussitôt. Comment on faisait avant, hein ? C'était un peu étrange, mais la période délicate où les froids s'étaient succédé entre tous les trois lui semblait bien lointaine. Un gloussement plus aigu échappa à Yeonjun et Kai réalisa que Soobin venait de le pincer à cet endroit où il était si sensible, juste sous les côtes. Yeonjun l'avait voulu, Yeonjun l'avait ; leur soirée rien que tous les trois. Le plus âgé perdait sa bataille avant même de l'avoir commencé : Kai s'en amusait et Soobin en jouait. C'était souvent le même refrain quand ils se retrouvaient ainsi ; Yeonjun le suppliait presque de le toucher, Soobin de l'embrasser et aucun des deux n'avait jamais eu l'envie de le lui refuser.
Et Kai connaissait déjà la suite, le gâteau attendrait.
┆ ┆ ┆
Six mois plus tard.
L'ancienne colocation était vide. Il n'y avait plus de cartes postales d'Hawaii au mur, plus de photos tous les trois ou tous les cinq, plus de décorations superflues et l'écrasante majorité des meubles avait elle aussi disparu. L'endroit semblait presque plus grand ainsi, mais terriblement triste. Soobin avait terminé de débrancher les derniers appareils, Kai de vérifier une ultime fois que les chambres étaient bel et bien vidées et puis... Yeonjun avait senti un creux immense en lui. Il y était, c'était la fin.
Il était monté rapidement sur le toit – leur toit – pour s'assurer de ne rien avoir laissé traîner. Il avait croisé le propriétaire un peu plus tôt dans la matinée et quand ce dernier lui avait rendu son sourire, au bord des larmes, Yeonjun avait compris que finalement, après tant d'années, l'homme un peu distant et froid qu'il avait été au départ avec toute la bande ne l'était plus tant que ça. Il avait été surpris de trouver leur coin entièrement nettoyé et l'avait aussitôt soupçonné. Finalement, après des années à critiquer leurs barbecues odorants sur le toit de son immeuble, le vieil homme n'y avait plus vu aucun inconvénient.
La vue – bien que pas réellement exceptionnel, Yeonjun le savait – allait tout de même lui manquer. Espionner le toit des voisins, les passants de la rue tout en bas, profiter des rares nuits avec les étoiles parvenant à briller dans le ciel de Séoul... Et puis le toit reflétait ses premières soirées en tant qu'adulte, son premier baiser avec Kai... Il passa une main dans ses cheveux encore courts et soupira. Le toit allait lui manquer, oui.
– Jun ?
La voix de Kai le fit presque sursauter.
– Les garçons seront bientôt là, tu viens ?
– Mmh, j'arrive...
Ils avaient pris une photo ici, juste à son retour de l'armée. Tous les cinq, souriant devant le même objectif. Ils avaient tenu à en faire une ici, symboliquement, et à tous l'avoir chez eux. Yeonjun savait déjà où trônerait cette photo dans leur nouvel appartement. Chez Beomgyu et Taehyun, elle était dans le salon, sur le petit meuble proche de leur télévision où Taehyun avait mis quelques photos d'eux au lycée.
Kai l'attendait patiemment, sourire aux lèvres, avant qu'il ne se décide enfin à quitter le toit. Il le regarda refermer son accès par la petite porte rouillée une dernière fois, les lèvres pincées.
– On a aura une nouvelle jolie vue de chez nous, murmura Kai.
En guise de réponse, Yeonjun glissa sa main dans la sienne. Cela, il n'en doutait pas. Demain, ils seraient enfin dans cet appartement dont ils avaient rêvé des mois durant. Légèrement plus grand, mieux agencé et surtout, un chez eux qui n'était véritablement qu'à eux.
Soobin patientait dans leur salon désormais vide, le rouleau de scotch épais dans les mains, les cheveux en bataille et les joues rouges.
– J'ai fini ce dernier carton !
– Je pense que tout est bon dans ce cas, répondit-il.
Au même instant, un coup léger se fit entendre sur leur porte d'entrée. Il ne douta pas un seul instant que Beomgyu en était l'origine – Taehyun aurait sans nul doute donné de grands coups dedans, sans se soucier des dégâts au contraire de son fiancé – et s'empressa d'aller lui ouvrir.
– Nous sommes là !
L'exclamation de Taehyun le fit sourire et il les laissa entrer, serrant brièvement son meilleur ami dans ses bras.
– Nouvelle coupe ? ricana-t-il.
– Un mot de plus et je demande à Kai de te tondre à nouveau dans ton sommeil, siffla Beomgyu entre ses dents.
– On s'occupe de ceux de Soobin demain, rigola Kai dans son coin.
Yeonjun regarda le principal intéressé faire mine de ne rien entendre. Le destin avait voulu que les deux anciens colocataires de chambre se trouvent être appelés en même temps, pour la même unité. La nouvelle avait fait rire un peu tout le monde (sauf Taehyun, Taehyun qui s'était empressé de s'imaginer un milliard de scénarios catastrophiques) et Yeonjun n'était pas prêt de se faire à la nouvelle tête de son ami.
– C'est bon, tout le monde a bien vu à quel point je suis horrible ? grinça Beomgyu.
– Je dois avouer que... Attends, depuis combien de temps on n'a pas vu la couleur naturelle de tes cheveux ? demanda Soobin.
– Pas assez longtemps, râla Beomgyu.
– Tu es toujours le plus beau à mes yeux, le rassura Taehyun.
Yeonjun leva les yeux au ciel, à moitié agacé, à moitié amusé. Taehyun n'était pas, et n'avait jamais été d'aussi loin qu'il se souvienne, objectif à propos de son fiancé.
– L'appartement est... bizarre, souffla Taehyun.
– C'est parce qu'il est propre, répondit Beomgyu.
Au même instant un bout de carton léger lui vola dessus et Beomgyu l'évita en rigolant très fort.
– Non mais ! s'offusqua Soobin. On savait faire le ménage !
– À d'autres mon ami, à d'autres ! lança-t-il depuis la cuisine qu'il se mit à inspecter.
Incapable d'arrêter de sourire, Yeonjun s'installa en tailleurs sur le sol. Soobin termina de déposer le dernier carton devant la porte de leur appartement et soupira, épuisé de sa matinée.
Quelques instants plus tard, ils étaient assis en cercle au beau milieu de leur ancien salon, quelques bouts de gimbap, du kimchi, chips et autres snacks sous les yeux. L'ambiance était étrange, mais pas déplaisante. Yeonjun avait envie de prolonger l'instant, encore et encore... Peut-être pour ne pas quitter cet endroit qui lui était cher immédiatement. C'était un endroit rassurant, mais il avait aussi la certitude que leur nouveau chez eux le serait tout autant. Il se revoyait en parler à sa psychologue, la surprise se peindre sur son visage et puis... une immense fierté. Sans doute celle de voir le petit garçon qu'elle suivait depuis tant d'années lui annoncer à demi-mot que quelque chose s'était fixé en lui, et qu'il n'avait plus autant besoin d'elle à présent. Sans doute parce que pour la première fois en vingt-sept ans d'existence, Choi Yeonjun avait arrêté de chercher vainement sa place dans un monde trop grand pour lui. Il avait arrêté de vouloir se ranger dans une petite case, puis commencé à vivre pour lui, et pour eux. Pour ses deux meilleurs amis et pour les deux garçons dont il était amoureux. Il avait eu cette discussion avec ses parents, au retour de son service militaire. Il s'était excusé de ne pas être le fils qu'ils avaient toujours voulu avoir et sa mère avait fondu en larmes en le remerciant pour tout ce qu'il avait fait et omis pour eux. Il n'avait pas encore parlé de Soobin et Kai. Simplement semé quelques graines que son père avait semblé saisir. Il n'avait rien dit, rien fait, mais Yeonjun s'en était senti incroyablement soulagé.
Il était enfin lui et se sentait complet.
Le repas se termina lentement, comme si chacun des cinq essayait encore et encore de tirer sur la corde, de prolonger les derniers instants dans leur appartement. Finalement, ce fut la voix de Beomgyu qui les ramena sur terre.
– Qui a les clefs ?
Yeonjun leva l'une de ses mains dans laquelle pendait le trousseau. Les clefs de Soobin, celles de Kai... Mais aussi celles de Taehyun et Beomgyu qu'ils n'avaient jamais rendu. Kai s'empressa de nettoyer le sol, de glisser les emballages dans leurs grosses poches poubelles et s'étira, les bras en avant.
– Bon eh bah...
– Ouais.
– Ouais, répondit-il.
Beomgyu initia le mouvement, mais Yeonjun ne passa pas à côté de son regard brillant. La chose était certainement plus simple pour lui qui avait déjà dit adieu à cet appartement une première fois. Tenant fermement la main de son fiancé, il quitta les lieux et l'attendit dans le couloir. Kai les suivit sans trop attendre et ce fut la main de Soobin, dans le bas de son dos, qui l'encouragea doucement à avancer.
– Allez Jun, on y va.
– Je...
– Pose les clefs sur la tablette, le proprio viendra les récupérer.
Sa main remonta vers le haut de son dos, l'encourageant d'une caresse légère dans la nuque. D'un geste presque tremblant, il les déposa là, sur la tablette où ils avaient eu coutume de jeter tout et n'importe quoi au retour de leurs soirées mouvementées. Ce n'était qu'un lieu, son attachement lui sembla stupide une fraction de seconde avant qu'il ne se reprenne. L'instant d'après, Yeonjun les serrait fort contre lui. Tous les quatre à la fois, comme toutes ces fois où une de leurs discussions l'avait amené au bord des larmes. Tout au fond de lui, il espéra que la nouvelle salve de colocataires y vivrait les mêmes jours heureux qu'eux.
En silence et le cœur battant, ils tournèrent tous les cinq les talons, laissant se refermer derrière eux le chapitre de l'appartement numéro vingt-six.
– Trust fund baby, fin.
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Merci d'avoir suivi cette petite fiction jusqu'à sa fin ! Je suis émue, snif, j'avoue m'être beaucoup attaché à mes personnages mêmes sur une période plus courte d'écriture... J'ai adoré lire vos commentaires à mesure des publications, et avis aux futur·es lecteurices: je serais tout aussi ravie de lire les vôtres ! Taper cette petite fiction m'avait fait beaucoup de bien, j'espère qu'elle vous aura plu jusqu'au bout ! Ce n'est pas un format que je propose beaucoup sur ce compte, je ne garantis pas d'en offrir davantage, mais merci au chouette accueil que vous lui avait réservé ! Merci aussi à AlvaeraKirkland de m'avoir aidé dans la correction de cette fiction :3 Prenez soin de vous, et à bientôt pour de nouvelles histoires ♡
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