𝐄𝐩𝐢𝐬𝐨𝐝𝐞 𝟗: 𝑙𝑜𝑠𝑒𝑟 = 𝑙𝑜𝑣𝑒𝑟
┆ ┆ ┆જ ✾
– Tu as quoi ?
– J'ai laissé un petit mot sous la porte de nos nouveaux voisins.
– Mais enfin, pour quoi faire...
– Non mais regardez-le celui-là... Tu es sensé être un type sociable Beomgyu, c'est quoi cette réaction ?
– J'ai la flemme de faire de nouvelles rencontres dans l'immédiat.
Taehyun le sonda du regard, le regardant astiquer leur meuble de télévision encore plus fort. Beomgyu s'était lancé dans une nouvelle frénésie ménagère et rien ni personne ne pouvait l'arrêter.
– Je leur ai dit de venir toquer pour se présenter s'ils voulaient et qu'on pouvait se faire un restaurant ensemble un de ces jours.
– Mais quelle idée ! s'étouffa Beomgyu. Quelle idée !
Taehyun leva les yeux au ciel.
– Il faut bien commencer à nouer des liens avec les gens ici ! Ils sont nouveaux, ils ont l'air du même âge que nous...
– D'accord, d'accord, rouspéta son petit ami.
Taehyun se leva à pas de chat et s'accroupit à ses côtés, les deux mains sur ses épaules. Beomgyu semblait crispé, agacé, fatigué... Et Taehyun n'aimait pas ça.
– Eh, t'es sous tension au boulot ?
– Un peu... Désolé, du coup je nettoie tout et ça va faire la cinquième fois de la semaine.
– Je préfère ça qu'un mec qui tape dans les murs.
Beomgyu leva un sourcil avant de laisser échapper un rire.
– Je ressemble à un mec qui tape dans les murs ?
– Pas pour moi, rigola-t-il.
– Dieu merci. J'aurais été très triste de ressembler à ces vieux mecs à la virilité fragile.
Taehyun se pencha pour l'embrasser en rigolant et ébouriffa ses cheveux.
– Allez va, fait briller ce pauvre meuble, visiblement il le mérite.
Taehyun se redressa, dans la ferme idée d'attraper sa tablette graphique et de travailler sur son projet en cours, quand soudain trois petits coups furent donnés à la porte. Beomgyu se redressa, les yeux ronds, et lui jeta un regard interdit.
– Voisins ?
– J'en sais rien...
– Ils ont été rapides, souffla Beomgyu.
– J'y vais.
– Je suis en caleçon Thyun !
– Va te changer alors !
Beomgyu se rua dans leur chambre et Taehyun se dirigea tout sourire vers la porte de son appartement. Sociabiliser avait fait partie de ses bonnes résolutions de l'année. Il s'était juré de ne pas s'enfermer toute la journée chez lui, de s'ouvrir aux gens... Ses nouveaux voisins étaient le départ d'une nouvelle version de lui, il voulait s'en convaincre.
Il ouvrit la porte d'un air assuré, pour découvrir derrière elle un couple absolument adorable.
– Bonjour ! s'exclamèrent-ils.
Le sourire de Taehyun se fit encore plus grand.
– Nous sommes venus vous remercier de votre gentil petit mot ! C'est avec plaisir que nous acceptons de dîner avec vous et votre compagne !
Le sourire de Taehyun se figea légèrement. Il avait naïvement signé « vos voisins » et réalisa un peu trop tard son erreur. Sa résolution toute nouvelle venait d'en prendre un coup. Il espéra de tout son cœur que le couple de jeunes gens en face de lui n'y verrait aucun inconvénient. Souvent, il oubliait que ses propres parents étaient une minorité dans ce pays dans lequel il vivait et qu'il aimait pourtant de tout son cœur : lui et Beomgyu n'étaient pas bien vus partout, mais jamais ses parents n'avaient semblé choqués, outrés ou surpris. Au fond, Taehyun s'en doutait bien ; son attirance pour la gent masculine n'avait jamais dû être un secret pour eux.
– Oh, eh bien...
– Enchanté !
Beomgyu venait d'apparaître derrière lui et tendit une main vers les deux nouveaux venus, un immense sourire – qu'il savait légèrement forcé – sur le visage. Beomgyu avait beau être sociable, ne pas cracher sur les nouvelles rencontres; il savait que celle-ci était différente à ses yeux. Cependant, Beomgyu avait cet avantage d'irradier la confiance en soi et de convaincre d'un seul regard les gens qu'il était leur nouvel ami.
– Oh, enchanté...
La perplexité se peignit légèrement sur leurs traits.
– Mon compagnon, murmura Taehyun.
– Oh.
C'était le « oh » qui voulait généralement dire « mais pourquoi ? » ou « ah, original ça » ou bien encore « super, sur qui on est encore tombé » et Taehyun le savait. Dans un pays où sa sexualité était encore un tabou chez beaucoup, une horreur chez d'autres, il n'avait jamais attendu guère plus de réactions positives.
– Vous ne semblez pas...
Évidemment, les yeux de l'homme qui venait de parler étaient fixés sur Beomgyu qui haussa les sourcils, attendant qu'il termine sa phrase. Sa compagne se gratta nerveusement la nuque, gênée. Taehyun piqua un fard, avec l'envie furieuse de leur claquer la porte au nez et Beomgyu s'avança d'un pas. Évidemment, il n'y avait jamais de doutes le concernant, mais toujours envers Beomgyu. Les gens n'étaient jamais choqué pour lui, presque rassurés d'avoir vu juste et d'avoir su le placer dans une case ridicule si vite, mais Beomgyu, non. Jamais. Pas ce garçon qui ne correspondait pas à leurs critères réducteurs, Beomgyu devait se méprendre lui-même. Même après toutes ces années, Taehyun continuait de se sentir blessé.
– Ouais j'ai oublié de peinturer mes ongles et de porter mon string à paillette. Mais je vous assure que je suis homo jusqu'au bout des doigts, ricana-t-il.
Taehyun termina de devenir rouge écrevisse. Il savait parfaitement à quoi jouait Beomgyu : pour mettre les gens mal à l'aise avec leurs propres réflexions stupides, il était le meilleur. Avec le temps, il n'avait plus eu aucun scrupule à le faire.
Quand la porte se referma quelques minutes plus tard – après une discussion trop longue à son goût – Beomgyu jura dans sa barbe et Taehyun baissa ses yeux brillants.
– Ils m'ont saoulé, marmonna le plus grand.
Il regarda son petit ami tourner les talons sans rien arranger de plus et commencer à ranger son matériel de ménage. Taehyun resta planté devant la porte, les bras ballants, à rejouer encore et encore la suite de la discussion, de plus en plus gênante. Ils avaient convenu d'un repas, mais avait senti le froid jeté par leurs présentations.
– Thyun ?
– Merci d'avoir accepté le repas, murmura-t-il.
– Oh, eh... Tu sais, si tu n'en as plus envie, j'irais décommander, ok ?
Il secoua la tête et Beomgyu releva son visage, ses deux mains sur ses joues.
– Je ne suis pas vexé, d'accord ? Moi je me fiche de leurs remarques, d'accord ? Mais est-ce que toi ça va ?
Il haussa les épaules et Beomgyu l'attira contre lui, une main dans ses cheveux.
– J'en connais un qui n'a plus le moral, murmura Beomgyu.
– C'est pas ça...
– Allez, attrape une veste.
– Hein ?
– On va manger dehors, c'est moi qui offre.
– Beomie...
– Pas de Beomie qui tienne, on part dans deux minutes et on va là où tu veux !
Il esquissa un petit sourire, qui se mua en un plus grand après le baiser déposé sur ses lèvres.
– Au diable nos voisins coincés, on est aussi très bien tous les deux !
Coincés, ils l'avaient cru tous les deux. Jusqu'à cette soirée, quelques jours plus tard, où ils réalisèrent avec effrois que le mur de leur chambre était conjoint avec le leur. Jusqu'à cette soirée où leurs nouveaux voisins décidèrent de leur faire partager un peu trop leur nuit.
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– Thyun ?
Taehyun releva la tête de sa tablette graphique. Beomgyu sortait de leur chambre, un paquet sous le bras, un immense sourire aux lèvres. Il se laissa tomber dans le canapé sur lequel il était installé et déposa un baiser sur l'une de ses joues froides, le regard brillant. Il esquissa un sourire, sauvegarda son dessin et lui prêta toute son attention.
– J'ai un cadeau pour toi. Je voulais attendre un moment calme pour te l'offrir, pas dans le rush du boulot... Ou une occasion plus spéciale mais bon ! Je suis tombé dessus en ville l'autre jour, j'ai flashé dessus.
– Oh, Beomgyu...
– Ouvre, ouvre !
Sous son regard amusé il attrapa le paquet et l'ouvrit avec précaution. Quand il découvrit la veste vert foncé dans le paquet, il releva des yeux brillants vers lui.
– Je... Je l'avais vu en ligne il y a quelques jours...
– Elle te plait ?
– Beaucoup, beaucoup, beaucoup !
Il la sortit du paquet pour l'enfiler et esquissa un sourire immense. Elle lui allait à merveille : une nouvelle fois, Beomgyu avait su viser juste.
– Tu es magnifique.
– En quel honneur ? souffla-t-il.
– J'avais envie. Ça faisait longtemps que je ne t'avais rien offert, ça me manquait.
N'y tenant plus, Taehyun se jeta dans ses bras et le serra fort contre lui, la tête nichée dans son cou.
– Tu es parfait, tu le sais ça ? Absolument parfait, murmura-t-il. Je vais la porter ce soir quand les gars viendront.
– Tu vas mourir de chaud idiot, rigola Beomgyu.
– J'm'en fous.
– Je suis heureux qu'elle te plaise.
En guise de réponse, Taehyun se pressa un peu plus contre lui, désormais une jambe par-dessus les siennes. La main de Beomgyu dans ses cheveux, il resta dans cette position de longues minutes, les yeux clos, la tête reposant sur l'une de ses larges épaules.
– On n'a encore rien préparé pour ce soir d'ailleurs, souffla Beomgyu.
– On a le temps, je veux encore profiter du calme avec toi, murmura-t-il.
Il sentit Beomgyu sourire sans même le voir. Ce genre de moment se faisait de plus en plus rare, et tous les deux le savaient. Beomgyu travaillait de plus en plus, Taehyun avait décroché un contrat intéressant – mais provisoire – et leurs moments à deux en souffraient, un peu. Puis il y avait ce travail qui lui faisait de l'œil, pour lequel il espérait être embauché... Il ne voulait revenir pour rien au monde à cette période stressante où le boulot ne lui tendait pas les bras, à cette période où il avait été prêt à lâcher l'art pour de bon et à se lancer dans un travail alimentaire... Mais il y avait eu de beaux moments qu'il ne voulait pas oublier, cette routine qu'il aimait et qu'il voyait évoluer à présent. Sentant l'une des mains de son compagnon se glisser sous sa veste et le haut qu'il portait, son sourire s'agrandit. Il aima sentir son cœur s'emballer légèrement pour une simple caresse et ses joues chauffer un peu. Ces choses-là n'avaient jamais changé, elles.
– Beomie ?
– Mmm ?
– Je t'aime.
– Oh, tiens, ça faisait longtemps ça !
– Casse pas l'ambiance rooh...
– J'te taquine va, rigola-t-il en déposant un baiser derrière son oreille. Je t'aime aussi.
Satisfait, Taehyun se cala correctement sur ses cuisses et ferma les yeux.
– Tu vas dormir ?
– Mes yeux sont éclatés à cause du boulot...
– Je mets un réveil va.
Sans arrêter ses mouvements dans le bas de son dos, Beomgyu reposa son téléphone à la place désormais vide à côté de lui. Il sentit sa tête se renverser légèrement en arrière, et Taehyun inspira profondément, apaisé. Ces dernières semaines avaient été éprouvantes. Ils n'avaient pas reparlé de leur dernier incident et depuis ce jour, Taehyun n'avait plus voulu insister. Il avait mal dormi la nuit dernière, alors que Beomgyu, profondément endormi, était passé à côté de la soirée sexy et mouvementée de leurs voisins. Depuis qu'ils avaient emménagé, et qu'il avait compris que le mur de leur chambre était aussi fin, Taehyun n'avait plus rien osé proposer à son petit ami. L'idée d'être entendu le terrifiait au plus haut point et celle de déplacer leur chambre dans la salle leur servant de bureau avait commencé à naître dans son esprit.
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Les garçons arrivèrent en tout début de soirée. L'ambiance... Fut étrange. Parce que Taehyun avait eu vent de l'échange entre son petit ami et Yeonjun. Parce que désormais, il y avait moins de secrets, moins de non-dits. Yeonjun se tenait aussi loin que possible de Soobin, Kai semblait un peu différent et Soobin... Soobin semblait ailleurs. Beomgyu ne s'était pas laissé abattre pour autant et leur avait proposé un jeu de société. Et étrangement, les choses étaient presque rentrées dans l'ordre. Dans le jeu, Yeonjun oubliait Soobin et Kai, et il en était de même pour eux. Il y avait de temps en temps des regards un peu trop longs, Taehyun se sentait affreusement gêné mais... Rien ne pouvait être plus gênant que les coups légers qu'il entendait de nouveau provenant de leur chambre.
Kai releva la tête du plateau de jeu, un peu surpris et les sonda du regard.
– Vous hébergez un chat dans votre piaule et vous ne voulez pas nous le dire ?
Yeonjun rigola doucement et Kai lui rendit son sourire, heureux. Taehyun se sentit fondre malgré lui pour eux.
– Oh, commença Beomgyu. Nous avons de nouveaux voisins.
– Un couple. Tout beau, tout neuf, tout hétéro et très actif, siffla Taehyun peu agacé.
Soobin le regarda avec des yeux ronds.
– Actif ?
– Binnie, ricana Kai. C'est ce que tu penses.
– Oh merde.
– Ouais, oh merde, reprit Beomgyu. Je ne sais pas s'ils comptent pondre un môme dans l'année mais ils sont bien partis pour, monsieur semble s'y prendre à merveille.
– Beomie, pitié, soupira Taehyun.
Il n'avait pas envie de se remémorer la dernière soirée où ils avaient migré dans leur salon le temps d'un film, abattu. Taehyun avait refusé que Beomgyu aille frapper à leur porte, mort de honte et de gêne. Il ne voulait pas briser la bonne entente entre leurs voisins et eux, encore moins après le repas qui avait eu lieu, où il avait espéré devenir leur ami.
– Vos chambres sont côte à côte ? demanda Kai.
– Mmh, marmonna-t-il en jetant de nouveau les dés.
– Ils font ça souvent ?
– Kai, c'est quoi ces questions ? rigola nerveusement Soobin.
– Tous les deux jours et c'est infernal, répondit Beomgyu. Il doit la menotter au lit c'est pas possible autrement.
Taehyun termina de devenir rouge écarlate.
– Je m'en charge, lança Kai, soudain beaucoup trop sûr de lui.
Taehyun le regarda se lever sans comprendre, puis se diriger vers leur chambre. Il eut envie de bénir Beomgyu et sa maniaquerie, qui rangeait toujours parfaitement leur espace.
– Bouchez-vous les oreilles ! lança Kai.
Yeonjun explosa de rire et Taehyun le regarda, confus.
– Que...
– Moment gênant dans dix secondes, répondit-il tout simplement.
Taehyun réalisa trop tard de quoi Yeonjun voulait parler. Soobin boucha ses oreilles plus vite que prévu et Beomgyu l'imita en levant les yeux au ciel. Dans leur chambre, Kai s'en donna à cœur joie.
– Mais que-
Rouge comme jamais il ne l'avait été, Taehyun plaqua aussitôt ses mains sur ses oreilles. La voix de Kai résonna dans tout l'appartement pendant plusieurs secondes qui lui semblèrent interminables. Ses gémissements forcés grimpèrent dans les aigus et Taehyun eut la subite envie de devenir sourd. Quand il revint, un sourire immense sur le visage, Yeonjun éclata de rire aussitôt imité de Beomgyu. Soobin préféra reprendre son repas comme si de rien n'était, beaucoup trop embarrassé par ce qu'il venait d'entendre.
– Magnifiques gémissements, continua de rire Yeonjun.
– De rien, j'y ai mis tout mon cœur !
– Un peu trop, râla Taehyun.
– Oh, arrête de râler ! Ils ont très vite arrêté, le coup sur le mur était mon coup de grâce, je t'assure que vous n'aurez plus qu'à en donner un léger dans le mur à chaque fois pour les empêcher de recommencer. Je pense qu'il va être incapable de bander avant un moment.
Beomgyu essuyait les petites larmes au coin de ses yeux, prêt à tomber sur canapé sur lequel il était assis, Soobin laissa échapper finalement un rire nerveux et releva la tête, épuisé par son colocataire.
– Ils ne vont plus jamais nous regarder comme avant, oh mon dieu... Et je n'hurle jamais le prénom de Beomgyu comme ça, qu'est-ce qui t'a pris !
– Thyun, c'est pas graaave ! lança son petit ami.
– Que-
– On aurait dit que ta tête va exploser, souffla Soobin.
– Eh !
– Allez, viens là, s'amuse Beomgyu en ouvrant ses bras.
Il s'y laissa tomber à contrecœur, ramenant ses jambes contre son torse. Il ne manqua pas de fusiller Kai du regard, ce dernier ayant recommencé à grignoter comme si de rien n'était, visiblement très fier de sa petite imitation. Il n'y avait que Kai Kamal Huening dans ce monde pour imiter sans aucune pudeur deux de ses meilleurs amis en train de s'envoyer en l'air. Kai Kamal Huening aurait sa fin. Lui ou l'un des deux autres garçons qui n'avaient d'yeux que pour lui et qui ne le réalisaient même pas. Ils m'épuisent...
Trois petites heures plus tard, ledit Kai Kamal Huening était torché et Taehyun tenait sa tête au-dessus des toilettes.
– Ca faisait longtemps qu'il nous avait pas fait ça, rigola Soobin, accoudé à l'encadrement de la porte.
– Tu ne veux pas tenir sa tignasse ? soupira Taehyun.
– Tu fais ça si bien !
Kai dégobilla à nouveau et Taehyun essuya sa bouche à nouveau en râlant. Il soupçonnait aussi ce fameux voyage pour Hawaii d'être la cause de son état. Kai aimait boire, mais Kai n'avait pas fini dans cet état depuis longtemps. La dernière fois remontait à son dernier entretien d'embauche catastrophique.
– Plus sérieusement, je prends ta place si tu veux, je sais que les deux autres sont dégoûtés par le vomi et ton mec a trop bu aussi, je pense que tu devrais aller jeter un œil.
Taehyun se redressa immédiatement, manquant de lâcher Kai.
– Pardon ?
– Ouais, tu connais Yeonjun, il gagne toujours aux jeux et forcément il-
– Pousse-toi !
Soobin se cala à côté de Kai en rigolant et Taehyun s'extirpa de leur toilette, en lui faisant jurer de nettoyer après leur passage. Le rire de Soobin lui répondit. Dans le salon, Yeonjun semblait détendu, ses cartes entre les mains.
– Espèce de p'tit con..., siffla Taehyun.
Beomgyu releva les yeux vers lui, et comme un bien heureux lui adressa un sourire immense dévoilant sa dentition.
– Oh c'est pas vrai, t'es bourré, hein ?
– Un peu, hi hi.
Hi hi. Il l'était définitivement. Yeonjun pouffa et abattit une nouvelle carte.
– J'ai encore gagné.
– Ça suffit !
Éloignant les bouteilles de soju de son petit ami, Taehyun s'installa à côté de lui.
– Tu sais très bien qu'il ne tient pas l'alcool, sérieusement Jun...
– Il va bien, t'inquiète, je connais ses limites. Je ne l'aurais pas laissé en boire un de plus.
Il savait que Yeonjun le pensait. Si Kai n'avait aucune connaissance de ses limites et était totalement inarrêtable, ce n'était pas le cas de son petit ami qui le regardait maintenant avec de grands yeux brillants.
– Mmmh. Juste assez pour qu'il devienne idiot, tu es diabolique !
Beomgyu laissa tomber sa tête contre son épaule en pouffant. Taehyun passa une main dans ses cheveux, esquissant malgré lui un léger sourire.
– Je vais t'aider à ranger Taehyun, lança Yeonjun.
– Oh, on le fera demain.
– Je peux squatter votre confortable canapé ? Vous l'avez changé non ?
– Il y a quelques jours oui, confirma Taehyun.
– Je l'adore, très comfy.
– Eh bien dors-y ce soir !
– Et les deux autres ?
– On a un futon, je vais y mettre Kai dans le salon avec toi et Soobin se serrera avec nous.
– Avec nous ? lança son petit ami.
Beomgyu semblait avoir de nouveau les pieds sur terre.
– Ouais, tu veux le mettre où ? Le futon est petit, le canapé aussi.
– Mais je voulais faire des choses ce soir...
Taehyun s'empourpra et Yeonjun haussa un sourcil, amusé.
– Tu n'as rien entendu, lui lança-t-il.
– Je n'ai rien entendu.
– Thyun..., pleurnicha Beomgyu.
– Demain.
– Mais ce soir...
– Ce soir Soobin dort avec nous.
– Oh non...
Les larmes lui grimpèrent aux yeux et Taehyun lui tapota la tête, mal à l'aise. Au même instant Soobin apparut, Kai à ses côtés.
– J'espère que tes voisins m'ont entendu dégueuler, rigola-t-il, complètement à l'ouest.
– T'es dégueu Kai, soupira Taehyun.
Soobin le laissa glisser par terre et Taehyun le vit s'allonger de tout son long devant la télévision.
– On va te sortir le futon, d'accord Kai ?
– OoOOOooh ! Le Fu-fu-futon-ton-ton !
– Voilà, le futon...
Soudain il le vit attraper Soobin par les chevilles, manquant de déséquilibrer ce dernier qui se rattrapa à la table basse au dernier moment. Kai bourré était décidément un spectacle à lui tout seul.
– Soobin dormira avec moi !
– Le prends pas mal mon gars, mais non, tu pues l'alcool à plein nez.
– Mon cœur saigne abondamment...
– Yeonjun sur le canapé car il l'a réclamé en premier, Kai futon dans le salon avec lui et Soobin avec nous, notre lit est large, au pire on sera un peu serré, déclara Taehyun.
– Et on fera des trucs à trois ! s'exclama Beomgyu, bien trop heureux, bien trop pompette.
Yeonjun éclata de rire, recrachant la moitié de son verre sur Soobin et Taehyun donna un grand coup dans l'épaule de son petit ami.
– Tu me fous la honte Beomie ! Sérieux !
Mais voyant que ces mots ne l'atteignaient pas plus que ça, il se renfrogna juste. Beomgyu planait juste un peu trop, et regretterait demain quand son meilleur ami lui ferait une piqûre de rappel. Soobin ne s'arrêtait plus de rire, les mains de Kai toujours enroulées autour de ses chevilles et le fou rire de Yeonjun devint incontrôlable.
Une petite heure plus tard, Taehyun souhaitait une bonne nuit à Yeonjun et Kai – déjà endormi – dans le salon.
– Sers-toi si tu as besoin de quoi que ce soit, tu es ici chez toi, lui glissa-t-il en le serrant brièvement dans ses bras.
– Merci Taehyun, bonne nuit à vous trois.
Il acquiesça et poussa Beomgyu dans leur chambre en soupirant. Ce dernier était toujours à l'ouest. Ils se changèrent rapidement et il cala Beomgyu au centre du lit, un oreiller dans ses bras.
– Voilà. Je tape en dormant, je le mets ici pour t'épargner, il a l'habitude.
Soobin rigola et se glissa dans ses draps.
– Ça fait longtemps ! s'exclama Beomgyu. On n'a pas dormi tous ensemble depuis le lycée ! Youpi !
– Il vient vraiment de dire « youpi » ? demanda Soobin.
– Eeeh, je t'entends, bouda Beomgyu en s'agrippant au bras de son petit ami. Thyun, il se moque de moi...
– J'entends ça, et je m'en fiche un peu là.
– Tu es une horrible personne ! Déjà que tu ne veux rien faire avec moi !
– C'est une véritable fixette ma parole !
– Euh, vous voulez que je vous laisse un peu d'intimité ? demanda Soobin.
– Non ! Non je veux dormir, Beomgyu est beaucoup trop joyeux pour que je fasse quoi que ce soit avec lui, on est clair là-dessus et je suis claqué ! Demain Beomie.
– Soobin...
Beomgyu lui roula dessus et Taehyun soupira, par avance désolé pour son ami.
– Pourquoi tu es avec nous... On aurait dû te laisser le lit avec Jun et Kai...
– Allez, bonne nuit ! J'éteins les feux ! clama Taehyun.
– Ses deux amoureux, hi hi.
– BEOMGYU.
Soobin le regarda avec des yeux ronds et malgré la lumière fébrile de sa lampe de chevet, Taehyun le devina rouge écrevisse.
– Il... il dit n'importe quoi, ne l'écoute pas, il...
Beomgyu se roula en boule entre eux, un sourire immense sur le visage, marmonnant un « 'ne nuit » avant de l'attraper par la taille. Une fraction de seconde plus tard, Beomgyu avait sombré, les yeux clos.
– Il vient de s'endormir là ? bégaya Soobin.
– Ouais. Mec, je suis désolé, il... il est totalement à côté de la plaque quand il boit... Il boit peu et euh-
– Eh, eh... Taehyun, c'est pas grave. Il n'a pas été méchant et toi tu n'es pas responsable. J'irais engueuler Yeonjun demain de l'avoir fait boire va !
Taehyun passa une main dans sa nuque, mal à l'aise.
– Et je sais que vous l'avez deviné de toute façon, ça ne sert à rien de le cacher.
Taehyun se gratta la nuque, nerveux.
– Tu veux en parler ? demanda-t-il d'une petite voix.
– Je pensais que tu voulais dormir.
– Je disais ça pour le calmer, je n'ai pas sommeil.
Il passa une main dans le reste des mèches décolorées de son petit ami, un sourire attendri sur le visage. Même endormi Beomgyu lui donnait envie de tout lâcher pour rester près de lui.
– En réalité j'y comprends rien.
– Tu es amoureux de Kai.
– Tout le monde l'a cramé, je crois que c'est clair, marmonna-t-il.
– Et de Yeonjun.
– Non.
– Non ?
– Enfin c'est... C'est pas pareil... Je l'ai jalousé pendant des mois et ça m'a rendu malade. J'étais jaloux de sa relation étrange avec Kai, jaloux même après parce qu'ils ont conservé cette proximité qui me faisait envie en permanence. Je voyais Yeonjun, je voyais ce que je voulais et ça me rendait barge. Et puis il y a peu, un peu après le retour de Beomgyu, j'ai commencé à comprendre les choses autrement. J'ai été jaloux. Mais seulement de Yeonjun.
– Oh.
– Ouais, oh. Écoute, je suis raide dingue de Kai, même si c'est parfois un abrutit fini, qu'il est super maladroit... Je suis fou de lui. Yeonjun c'est différent. Quand on parle de l'après colocation, je me sens mal. Pas parce que je vais quitter un pote, mais parce que je vais le quitter lui. J'aime vivre avec lui, vraiment. J'aime sa personne, sa présence et même si elle n'a pas été au beau fixe ces derniers temps, je chéris notre relation. Je l'aime, mais pas comme j'aime Kai. Je... c'est stupide. Je me rends compte à quel point ça ne fait aucun sens putain.
– Ne dis pas ça. Tes émotions ne sont pas stupides, d'accord ? On aime tous à notre manière. Je ne suis pas amoureux de Beomie de la même manière qu'il l'est de moi. Ça serait idiot de le penser pour tous les couples d'ailleurs. Je ne sais pas si tu veux de mon avis sur la question mais...
– Je le veux.
– Dis tout ça aux gars.
– Ce que je viens de te raconter ?
– Ouais. Si tu le garder trop longtemps, ça va te bouffer. La communication c'est la clef, d'accord ?
Il agita doucement la tête.
– Eh... Ni Beomgyu ni moi ne t'avons jugé quand on a capté, ok ?
– Vraiment ?
– Honnêtement ? Oui. Ça nous a semblé étrange, parce qu'on se connait depuis longtemps tous les cinq, que les probabilités pour qu'une chose pareille arrive étaient assez faibles. Ça m'échappe un peu à vrai dire. Mais on s'en fiche. Nous ne serions pas là à vous encourager si ce n'était pas le cas.
– Merci Taehyun... Même si ça t'échappe euh...
– Il y a un tas de choses qui m'échappent, et ce n'est pas pourtant que je n'aime ou ne respecte pas ces choses-là. Moi je veux juste que tu sois heureux, avec les personnes qui te rendent heureux.
– Si je pouvais te serrer dans mes bras là...
– Demain va, si tu écrases mon copain il va se réveiller et recommencer à lancer ses dingueries gênantes.
En guise d'étreinte, Soobin tendit une main pour ébouriffer ses cheveux, tout sourire.
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– Thyun... Est-ce qu'on peut parler deux minutes ?
Taehyun releva les yeux de sa tablette graphique, légèrement inquiet. Bon, je n'aurais peut-être pas dû commencer comme ça, songea Beomgyu. Son petit ami fronça légèrement les sourcils, le regard soudain plus sombre.
– Tu sais que tu me fais peur là ?
– Oh, Thyun, non, euh...
Il se laissa tomber à ses côtés sur leur lit et Taehyun posa son outil de travail sur sa table de chevet.
– Beomie ?
– Ouais en fait c'est... Plus compliqué à cracher que ce que je pensais mais...
– J'ai fait ou dit quelque chose de travers ?
– Du tout.
Il fouilla dans sa poche pour attraper son téléphone et le tendit à Taehyun, soudain moins confiant.
– Tiens, lis.
– Tu me fais vraiment peur là...
– Taehyun, lis s'il te plait.
Il le regarda s'exécuter en silence et attendit qu'il termine sa lecture. Il avait mis toute une soirée à taper ce mail. À l'effacer, puis le commencer à nouveau, encore et encore. À fermer la fenêtre avant de finalement la rouvrir, puis le taper d'une seule traite et l'envoyer, priant presque pour qu'il ne trouve jamais de réponse.
– Tu as envoyé un mail à une psy...
– C'est celle de Yeonjun.
Taehyun releva ses yeux brillants vers lui, les lèvres pincées. Il essaya de lire quelque chose dans son regard, n'importe quoi, mais en fut incapable.
– J'ai essayé d'être clair dans mon message, le plus concis possible aussi mais je... c'était putain de compliqué Thyun. J'ai pas été foutu d'être transparent dans un mail, quand je vais être en face d'elle...
– Tout va bien se passer, tu as fait le plus dur, ok ?
Il haussa les épaules, peu convaincu. Envoyer ce mail lui avait pris des heures et il doutait toujours autant de son utilité. Allait-il réellement avoir le courage de se rendre à la consultation si cette dernière venait à être confirmée.
– Beomie, tu voudras que je t'accompagne ?
– Tu ferais ça ?
– Bien sûr, répondit Taehyun en passant une main sur l'une de ses joues.
Il esquissa un sourire gêné, juste avant que Taehyun ne l'attire contre lui, passant une main dans son dos.
– Je suis fier de toi Beomie.
Il ferma les yeux, sentant les battements de son cœur revenir lentement à la normale puis son stress retomber peu à peu. Sous ses paupières closes, il sentit quelques larmes s'agglutiner, alors dans un élan et une envie de le sentir plus proche de lui, il grimpa sur ses genoux, et s'affala comme il l'aurait fait sur le plus agréable des matelas.
– Oh, c'est nouveau ça, rigola Taehyun.
– Sers-moi fort contre toi, je crois que je vais pleurer.
Taehyun s'exécuta immédiatement.
– J'ai à peine réussi à mettre les mots dessus, souffla-t-il.
Taehyun resserra un peu plus son étreinte et il ferma les yeux à nouveau. J'ai été dans une relation compliquée. Il avait écrit ces mots une dizaine de fois dans son mail avant de les effacer, peu convaincu de la tournure de phrase. Il avait essayé d'autres mots, d'autres synonymes. J'ai été dans une relation abusive pendant quelques mois. Il avait effacé, honteux, malade d'avoir écrit ces mots à une illustre inconnue. Par-dessus tout, il y avait ce sentiment de culpabilité grandissant à chaque fois que Beomgyu tentait de clarifier les choses dans son esprit. J'ai été... Et les mots n'avaient pas été plus loin.
Beomgyu renifla.
Il avait essayé de taper la suite de la phrase sans succès. Il avait laissé tomber. Je souhaite discuter avec vous d'un évènement marquant de mon adolescence, ayant encore aujourd'hui de trop grandes répercussions dans ma vie quotidienne. Il s'était arrêté sur ces mots, qui voulaient tout et rien dire. Il avait refusé d'écrire les autres, de les mettre par écrit.
– Tu veux que je commande à manger Beomie ? Chez le type que tu aimes bien ?
Il remua à peine la tête, sans se déloger de ses genoux. Le sentant attraper avec peine son téléphone pour composer le numéro, une nouvelle vague de tristesse le submergea sans qu'il ne comprenne pourquoi. Taehyun passa commande sans qu'il n'eût besoin de lui préciser quoi avant de raccrocher rapidement, sans déloger la main qu'il avait glissée dans ses cheveux colorés pour le détendre. Il ne trouva pas les mots pour le rassurer à son tour, lui dire que tout irait bien que peut-être – il l'espérait – ses consultations dissiperaient tous les mal-être involontaires qu'il y avait eu entre eux.
– Je ne veux plus penser à lui quand je suis avec toi, souffla-t-il.
Il sentit Taehyun se tendre légèrement.
– Désolé Thyun...
– Ça va, ne t'en fais pas, je sais très bien que c'est malgré toi.
Une larme lui échappa, pour se perdre dans le cou de son petit ami. Incapable de lui répondre le moindre mot sans sentir de nouveaux sanglots s'agglutiner dans le fond de sa gorge, Beomgyu abandonna. Sans ouvrir les yeux à nouveau, il se cramponna un peu plus à lui comme sa seule ancre. Il ne voulait sentir que lui, que Taehyun, sa présence rassurante et son odeur sucrée. Sentir seulement son souffle tout près de son visage, lent et reposé, absolument apaisant. Dans cette posture, presque pelotonné comme un chat, il semblait si petit. Le grand Beomgyu aux épaules larges avait disparu pour laisser entrevoir le lui d'avant, plus jeunes, plus bête se plaisait-il à dire, plus naïf. Ce même Beomgyu qui avait besoin de Taehyun en cet instant, et de personne d'autre. Une nouvelle fois, il se trouva bien dans ses bras, son souffle se calquant sur le sien. Il aurait presque pu s'endormir ici, sur leur nouveau canapé, les bras enroulés autour de sa taille.
– J't'aime Thyun.
– Moi aussi mon Beomie.
Sa réponse le fit fondre pour de bon.
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