𝐄𝐩𝐢𝐬𝐨𝐝𝐞 𝟏𝟏: 𝑏𝑙𝑢𝑒 ℎ𝑜𝑢𝑟
┆ ┆ ┆જ ✾
Sa fatigue ne désemplissait pas. Soobin n'avait pas quitté son lit depuis deux jours, malade comme un chien, puis fatigué comme il l'avait rarement été. Kai avait soumis l'idée de se rendre chez le médecin et il avait refusé, marmonnant qu'il n'avait pas que ça à faire. Désormais ? Il le regrettait légèrement. La toux avait cessé, ainsi que la fièvre, mais Soobin était toujours cloué au lit.
– Toc toc !
La voix de Yeonjun lui fit entrouvrir un œil et son visage s'étira en un sourire amusé.
– Tu ne bosses pas ?
– Congé, répondit-il simplement. Je venais voir comment le grand souffrant se portait.
– Oh, pitié, Jun...
Il le regarda s'avancer et s'asseoir sur le bord du lit.
– Tu veux que je t'apporte un truc à boire ou à manger ?
– Rien du tout, je me sens simplement KO comme jamais je ne l'ai été.
– Pauvre chou, lui glissa-t-il, sourire aux lèvres.
Percevant l'ironie dans sa voix, il s'apprêta à répliquer avant que Yeonjun ne passe une main dans ses cheveux. Il capitula aussitôt, l'encourageant à poursuivre d'un geste léger de la tête. Ce dernier continua, non content de l'effet qu'il avait sur son petit ami. Lentement, Soobin glissa un peu plus vers lui, passant une main autour de sa taille, posant sa tête sur le sommet d'une de ses cuisses. Ainsi calé, il tira la couette davantage sur lui et esquissa un sourire satisfait, faisant fi du ricanement amusé de Yeonjun.
– Tu es bien là ?
– Mmm.
Il leva légèrement le regard, juste assez pour le voir sourire et caler son dos contre la tête de lit, s'installant plus confortablement à son tour. Sa relation avec Yeonjun n'avait rien à voir avec celle qu'il entretenait avec Kai. Elle était plus calme, moins mouvementée, presque platonique et Soobin l'adorait. Leur relation avait été la plus longue à s'instaurer au fil des premières semaines, il le savait. Il avait cherché longuement sur quel pied danser avec lui, avant de finalement lâcher prise. Il avait presque été surpris de découvrir à quel point Yeonjun était une autre personne dans l'intimité ; soigneux avec ses mots et ses gestes, presque délicat. Quatre mois plus tard, Soobin réalisait que l'envie de l'avoir ainsi contre lui avait toujours été. Un baiser sur son front le fit cligner des yeux et il releva le regard vers lui, un sourire timide sur les lèvres.
– Bah alors, ne t'endors pas, rigola Yeonjun.
– C'est pas l'envie qui manque, bâilla-t-il.
– Si tu me laisses vingt secondes, je te rejoins.
Soobin releva la tête, intéressé.
– Te plains pas si tu chopes ma crève deux jours plus tard.
– Soobin, on vit ensemble, je finirai par la choper et ça sera à votre tour de venir me dorloter.
Yeonjun se dégagea en douceur et quitta la chambre quelques instants pour revenir en bas de jogging, que Soobin savait consacré à ses siestes sur le canapé. À présent sous la couette avec lui, Yeonjun le poussa sans ménagement.
– Eh !
– Fais de la place gros tas...
– Non mais je rêve ! C'est moi le malade ! C'est moi qu'il faut chouchouter !
Yeonjun lui ricana au nez et Soobin soupira, faussement vexé. Il lui fallut quelques minutes pour trouver la position idéale et quand il s'y trouva enfin, Soobin se détendit.
– Merci de gâcher ton après-midi de congé avec moi.
– Je ne gâche rien du tout, je voulais le passer avec toi.
– Mmmh... Attends, en parlant de ça, ils ne sont pas les jeudis tes jours de congé ?
– Ça se pourrait.
– Espèce d'andouille.
– Moi aussi je t'aime.
– Crétin.
– Soobin...
– Tu-
– Soobin.
Il leva le nez vers lui, une moue sur le visage. Yeonjun avait de nouveau ses yeux rieurs et il passa un doigt dans ses cheveux ébène, toujours aussi amoureux de la sensation à chaque fois qu'il le faisait. Se redressant légèrement il déposa son front contre le sien, se sentant sourire. La fatigue le guettait à nouveau, il le ressentait, pourtant il laissa son petit ami l'embrasser paresseusement. Il manqua de fondre contre ses lèvres, à ce contact si doux dont il raffolait depuis des semaines. Pourquoi Yeonjun lui donnait autant envie de l'embrasser, encore et encore ? Petit à petit Soobin avait compris Kai. Si leurs contacts physiques se limitaient aux baisers et à quelques caresses, car il n'y avait pas l'envie de plus, Soobin ne s'en passait pourtant déjà plus. Il y avait quelque chose d'apaisant à rester contre lui, quelque chose de rassurant à rester dans ses bras quand ils regardaient un film ou une série tous ensemble ou rien que tous les deux.
– Soo... Tu es en train de t'endormir en m'embrassant ?
– 'rrête...
Pourtant son visage glissa du sien pour se noyer dans l'oreiller.
– Oh mon dieu c'est adorable.
Il en aurait voulu davantage, mais ses yeux se fermèrent malgré lui.
Quand Soobin se réveilla – après ce qu'il considéra comme l'une des meilleures siestes de sa vie – Yeonjun dormait lui aussi à poings fermés. Il le retrouva glué à lui, sans possibilité de s'échapper du lit sans le réveiller. Malgré les nombreuses nuits qu'ils avaient passées ensemble, Soobin ne s'y faisait toujours pas. Le bruit léger de la porte d'entrée se fit entendre, puis la voix timide de Kai. Quelques bruits de pas, celui d'un sac que l'on pose sur le sol et de claquettes que l'on enfile et Kai se trouvait dans la cuisine, à laver ses mains. Il l'entendit aller dans sa chambre, puis celle de Yeonjun et arriva à la sienne au bout du couloir, avant de pousser timidement la porte.
– Tu vas mieux Binnie ?
– Complètement.
– Oh. Je dérange ?
– Du tout, il dort comme un roc.
Kai s'approcha à pas légers, presque sur le bout des pieds. À sa hauteur il se pencha doucement pour l'embrasser et esquissa un sourire attendri devant Yeonjun.
– Il est là depuis quand ?
– Depuis quatorze heures je dirais, souffla Soobin.
– Il m'avait envoyé un message pour que je ramène du curry ce soir, ça te tente ?
– Oh si tu savais.
Il en avait l'eau à la bouche.
– Réveille-le, il ne dormira pas ce soir sinon, rigola Kai en les quittant avec discrétion.
Il s'exécuta, remuant doucement Yeonjun par les épaules.
– Kai est rentré, chuchota-t-il.
– Curry ?
– Je vois qu'on ne perd pas le nord, pouffa-t-il.
Il se leva, étirant ses bras en avant, sentant les courbatures de la veille contracter avec moins d'intensité le bas de son dos, engourdis par ses journées entières au lit. Il quitta la chambre, laissant Yeonjun émerger doucement et déboula dans le salon où Kai préparait les plats sur leur petite table basse. Il releva le visage vers lui, radieux.
– Binnie, tu es sûre que ça va aller ?
– Marre de rester dans ma piaule.
Il le savait au fond : Kai mourrait d'envie de passer la soirée tous ensemble, au complet. Kai se redressa, avant de le prendre dans ses bras, le serrant fort contre lui.
– J'ai enfin posé ma démission, souffla-t-il.
– Bien, ça va aller tout seul pour la suite.
Contre lui, Kai haussa les épaules.
– Mon visa est en route.
Ça, c'était ce que Soobin détestait le plus aborder avec lui. Avec eux. Yeonjun devenait plus sensible dès lors que le sujet de « Hawaii » était posé sur la table. Kai demeurait à fleur de peau lui aussi dans ces moments, et Soobin avait la désagréable sensation d'être le seul encore optimiste. Kai partait dans un peu moins de deux mois. Pour une durée que ni lui ni eux ne connaissaient. Soobin ne voulait simplement pas y songer, pas se projeter. Que serait les mois, ou l'année entière avec seulement Yeonjun dans l'appartement ? Il n'en savait strictement rien.
Cela le ramenait inlassablement aux prémices de leur relation tous les trois. Il avait hésité les premiers temps, trop timide pour oser le moindre premier pas envers lui. Avec Kai, tout était allé très vite. Il avait enfoui trop de mois, presque année, le moindre de ses désirs le concernant alors les hésitations avaient été moindres. Pourtant il s'était retenu la moindre effusion physique avec lui en présence de Yeonjun le premier mois. Pas de baisers, pas de mains qui se frôlent. Yeonjun l'avait pris à part un soir où Kai travaillait. Soobin... Je sais que tu te retiens quand je suis là. Je te l'ai déjà dit, cela ne me dérange pas. Je n'aurais pas accepté d'être avec vous deux si cela avait été le cas.
« Vous deux ». Le mot avait résonné fort dans sa tête ce soir-là. Et... Nous concernant, ne te force pas, d'accord ? Soobin n'avait pas à se forcer. Les choses avec Yeonjun étaient différentes de celles avec Kai. C'était lui qui avait eu le plus de mal à l'accepter, se persuadant que les choses devaient être identiques : Yeonjun l'avait immédiatement réconforté à ce propos.
– Mais il a l'air grave bon ce curry !
Yeonjun venait de faire irruption. Sans le lâcher, Kai se tourna vers lui.
– Ça ne te dérange pas qu'on mange aussi tôt ? Je suis flingué à cause du boulot, et Soobin m'a dit que tu avais passé la journée au lit...
– Du tout ! Je bosserais de nuit !!
– Jun, gronda Kai.
– Pas trop tard, ça va...
Yeonjun lui lança un regard, un appel à l'aide et Soobin haussa les épaules : il partageait le même avis que Kai sur les tendances que Yeonjun avait à travailler jusqu'à tard le soir, ou tôt le matin.
Quelques minutes plus tard, Yeonjun dévorait son plat. Il se sentait souvent soulagé de le voir ainsi, avec autant d'appétit et de plaisir à manger. À côté de lui Kai avait terminé, désormais à moitié affalé sur son épaule, ses doigts jouant avec les siens. La série qui se jouait sous les yeux n'était plus intéressante depuis plusieurs saisons déjà, pourtant, les cinq garçons continuaient à tous la regarder pour en parler dès qu'ils se retrouvaient ensemble pour une soirée. Soobin avait déconnecté, les yeux rivés sur sa main et celle de Kai, un sourire timide aux lèvres. Il y a quelques mois, Soobin n'y aurait jamais cru.
Yeonjun les quitta plus tôt pour travailler (en réalité pour s'occuper d'Orion puis peut-être travailler) et Soobin insista pour terminer leur épisode, malgré sa nullité grandissante. Kai resta avec lui, ses yeux se fermant progressivement à chaque scène qui se succédait. Finalement, Soobin capitula à l'énième coupure de pub.
– Kai... ?
– Mmm ?
– On va se pieuter ?
– J'peux dormir avec toi ce soir ?
– Toi et Yeonjun, vous voulez vraiment choper ma crève.
– T'es plus contagieux t'façon.
– Dixit qui ?
– Star4life sur un forum de médecine.
– Ah, bah si Star machin chose le dit alors !
Kai lui lança une moue faussement vexée avant de se relever, étirant ses bras en avant.
– J'me douche et j'arrive ! Je prends le côté gauche !
– Mais... C'est mon côté !
Au fond, Soobin se fichait complètement de quel côté du lit il dormait. Kai y accordait une importance visiblement cruciale ; il était prêt à lui laisser le côté gauche si cela l'enchantait. Il patienta pour se doucher à son tour, heureux de se prélasser sous l'eau chaude et quand il regagna sa chambre, ce fut pour le retrouver les yeux rivés sur sa console.
– Tu as enfin passé ce niveau ?
Kai l'éteignit immédiatement en le voyant se glisser sous ses draps.
– Non, je demanderais à Beomgyu, rigola-t-il.
– Trop de fierté pour laisser ton copain gagner à ta place, c'est ça ?
– Exactement, dans tes rêves, tu ne passeras pas ce niveau pour moi !
La fierté de Kai était parfois étonnante.
– Mais tu sais ce que mon copain pourrait faire et me rendrait très heureux ?
– Aucune idée.
– Même pas une petite ?
– Nan.
– J'ai tiré le pire du lot quoi.
– Eh !
Soobin attrapa son oreiller pour lui envoyer dans sa figure et Kai eut à peine le temps de se protéger le visage. Il s'amusa de le voir piailler aussi fort pour quelques coups d'oreiller et se pencha vers lui pour l'embrasser.
– Bien sûr que si, j'en ai une d'idée. Je suis juste complètement KO des deux derniers jours alors soyons honnête, je ne vais pas être au top de ma forme, incapable de-
Il se coupa net devant le sourire séducteur que Kai lui lança.
– Ne dis pas à voix haute ce que tu as derrière la tête ou je te jure que tu vas finir par passer ta nuit tout seul, intervint Soobin.
À son regard, Soobin devina qu'il venait d'éviter une remarque salace de sa part. Kai n'avait aucun tabou sur le sexe en général. Aucun. Soobin un peu plus. L'instant d'après son petit ami étouffait un rire dans le creux de son épaule, une jambe par-dessus les siennes. Un rire en amenant un autre, Soobin ne résista pas bien longtemps, incapable d'arrêter ses propres gloussements.
Ça va me manquer, pensa-t-il. Et même en essayant avec toute sa meilleure volonté de ne pas penser au départ de Kai, Soobin n'y parvenait plus. Alors en cet instant, il essaya de rester avec lui, le serrant fort dans ses bras. Il adorait ces instants où Kai s'affalait sur lui, embrassant paresseusement cet endroit qui le rendait dingue, juste sous son oreille gauche. Ce n'était sans doute qu'une question de temps avant que son petit ami ne s'enflamme et glisse une main sous son tee-shirt, mais pour l'heure, Soobin ferma les yeux et se laissa emporter. Il essaya de ne pas penser à l'après, à l'aéroport, à cette journée où Kai partirait pour revenir il ne savait trop quand. À ce moment où il l'appartement ne serait habité que par Yeonjun et lui. Sentant les larmes s'agglutiner sous ses paupières closes, il essaya de se reprendre.
– Binnie...
– Mmm ?
– Je suis toujours là.
– Je sais.
– Tout va bien se passer, d'accord ?
Évidemment, Kai avait compris. Kai comprenait vite les choses quand il s'agissait de son départ.
– Tu seras avec Jun et on s'appellera souvent, d'accord ?
– Je ne veux pas que notre relation change, souffla-t-il.
– C'est ça qui te fait peur ?
Soobin acquiesça en silence.
– Je ne vais pas arrêter de vous aimer parce que je pars, d'accord ? Et toi non plus, Yeonjun non plus. Eh, ça sera comme une euh... relation à distance. Juste avec l'un d'entre nous.
Kai passa une main dans sa frange, dégageant son front pour l'embrasser avec douceur. Il recommença, une fois, puis, et Soobin se sentit sourire, abandonnant lentement l'idée de ressasser encore et encore ce qui arriverait dans quelques semaines. Il attrapa l'une de ses mains pour la glisser lui-même sous le haut qu'il portait et apprécia le sourire de Kai contre ses lèvres.
– J'peux ?
– Mmm.
– T'endors pas pendant hein ?
Soobin laissa échapper un rire gêné. L'instant d'après Kai avait glissé le long de son torse pour l'embrasser. Kai avait quelque chose avec cette partie de son anatomie – quand bien même il aimait clamer haut et fort le contraire – et Soobin devait bien se l'admettre : cela lui faisait perdre pied à chaque fois. Kai avait le compliment facile, surtout quand il s'agissait des muscles que Soobin ne mettait jamais en avant – pour son plus grand malheur disait-il – et pour l'encourager encore et encore.
Finalement Kai avait toutes les raisons du monde de le charrier un peu ; ses paupières se firent lourdes rapidement et il ferma les yeux entre deux soupirs de bien-être, complètement à sa merci. Il aurait pu s'endormir juste comme ça, Kai entre ses cuisses et embrassant son torse, puis le bas de son ventre avec douceur. Il avait fantasmé de ces instants tant de temps qu'il se demandait encore comment, aujourd'hui, une chose pareille pouvait lui arriver. Il n'y avait que son petit ami pour lui faire perdre pied avec des gestes et des caresses aussi chastes, que lui pour le faire fondre du bout des doigts à chaque fois qu'ils se retrouvaient tous le deux dans cette situation. Il se sentit frissonner en le sentant abaisser légèrement le short qu'il portait et lui intima de continuer avant même de l'entendre le lui demander.
Finalement, les journées clouées au lit n'étaient pas si mauvaises.
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Beomgyu semblait... Très en forme. Yeonjun remarqua qu'à nouveau, ses cheveux avaient pris une teinte plus vive : le rouge ne le quittait plus. Il peinait à se souvenir à quoi il ressemblait autrefois, avec sa couleur naturelle. Il le regarda commander un nouveau plat, la bouche encore pleine et esquissa un sourire amusé.
– Taehyun te nourrit plus ?
Beomgyu rigola légèrement.
– On est tellement occupé qu'on arrive plus à se faire à bouffer, c'est une horreur, articula-t-il. T'en reveux ?
– Avec plaisir.
Il ne passa pas à côté du regard brillant de Beomgyu et passa une main dans sa nuque, gêné. Parfois, il se remémorait que Beomgyu avait été le seul pendant une longue période à connaître ses déboires avec la nourriture. La veille femme tenant le restaurant eut l'air absolument ravi de leur apporter deux gimbaps et une nouvelle petite assiette de son kimchi fait maison.
– Aussi, je voulais te voir pour te remercier !
– Me remercier ?
– Ouais, pour la psy.
– Oh.
– Elle est fabuleuse.
– Je suis super heureux de l'apprendre Beom !
Son ami lui lança un sourire immense et reposa ses baguettes, essuyant le coin de sa bouche avec sa petite serviette en papier.
– Sans déconner, je me sens tellement plus... Léger ? Bon, je ne dis pas que tout est réglé, mais ça va bientôt faire quatre mois et... J'ai l'impression de revivre.
L'envie de le prendre dans ses bras pour le serrer fort contre lui le prit subitement, mais Yeonjun se retint. Il avait beau ne pas connaître une partie de l'histoire, le voir ainsi le remplissait de joie. Je me disais bien qu'un truc avait changé chez toi... Beomgyu le lui dirait, un jour, si l'envie lui prenait, s'il venait à le désirer.
– Et aussi, l'autre jour, j'ai reçu un message de mon ex.
– Ah, celui dont on ne doit pas prononcer le nom...
– Ouais, rigola-t-il.
– Tu l'as ouvert ?
Yeonjun arqua un sourcil : Beomgyu avait coupé les ponts avec son ex. Il n'était pas idiot au point d'ignorer que l'ex en question était en partie responsable de ce qu'avait traversé Beomgyu et Yeonjun n'avait jamais voulu imaginer le pire. Cependant, s'il venait à le croiser quelque part, ses chances de survie étaient faibles : personne ne touchait à un cheveu de son meilleur ami sans en craindre les conséquences. Mieux valait pour ce type que Yeonjun ne croise jamais sa route : si Soobin et Kai avaient souvent plaisanté de ces potentielles réactions excessives, lui était resté sérieux.
– Ouais.
– Beomgyu, je pensais que-
– J'en avais besoin. Je me suis dit « voyons jusqu'où fonctionne cette thérapie » ! dit-il en riant.
– Et... ?
– Je dois lui manquer visiblement.
– Il ne sait pas que tu es en couple ?
– Il doit s'en douter, il est bloqué de tous mes réseaux depuis des années donc n'a surement pas vu les quelques photos de moi et Taehyun mais... Il est loin d'être con. Pour mon plus grand déplaisir.
– Tu as répondu quoi ?
– Rien.
– Tu l'as laissé en vue ?
– Depuis une semaine.
– Choi Beomgyu, rigola-t-il.
– Mais je compte répondre. Il veut me voir, alors j'irais-
– Beom...
– Avec Taehyun. Je vais finir ça proprement, puisque je n'ai pas été foutu de le faire à la fin du lycée.
– Tu es sûr de toi ?
– Ouais.
Yeonjun pouvait sentir la détermination dans sa voix.
– Si jamais... Je peux venir.
Beomgyu lâcha un rire léger et lui tapota l'avant-bras.
– T'es mignon... Mais t'en fais pas. Je dois bien faire une tête de plus que lui maintenant, si quelque chose tourne mal, je peux t'assurer que je ne serais pas celui qu'on défendra.
Cela, Yeonjun le croyait volontiers. Cependant, son inquiétude pour son meilleur ami ne fit que croître en le voyant aussi déterminé : du fond du cœur, il espérait que Choi Beomgyu fasse les bons choix.
Après leur repas, Beomgyu insista pour marcher un peu. Yeonjun n'en doutait pas : avoir parlé de son ex l'avait remué. Beomgyu le masquait à la perfection, mais Yeonjun le connaissait par cœur. Il insista pour prendre deux boissons chaudes à emporter et marcher le long d'une de leur promenade favorite.
– Et toi Jun, comment ça va en ce moment ?
– Oh, rien de bien neuf, tout le monde va bien à l'appart'.
Beomgyu esquissa un sourire amusé.
– Kai a reçu des nouvelles de son visa. On essaie de profiter au maximum des journées que nous avons ensemble, tous les trois.
– Tu sais Jun, si tu veux en parler... J'veux dire, j'ai l'habitude, je me déplace souvent, que ça soit dans le pays où à l'étranger.
– Je n'ai jamais eu de relation à distance, se confia-t-il quand bien même Beomgyu le savait pertinemment.
Beomgyu passa une main dans ses cheveux pour le conforter, sans s'arrêter de marcher à ses côtés.
– Eh, ça va aller, ok ? Compte sur Kai pour vous téléphoner souvent, tu sais comment il est. Et puis, Soobin sera là.
– Justement...
– Justement ?
– Imagine... Imagine qu'il réalise que depuis le départ il est dans cette relation pour lui, et non pour lui et moi ?
– Pourquoi Soobin penserait ça ?
– J'en sais rien ! J'me pisse juste dessus Beom...
– Écoute, écoute, je n'ai jamais été dans votre cas de figure, d'accord ? Mais je pense que depuis quatre mois, tu l'aurais senti, non ? Je ne sais pas comment vous... fonctionnez ou quoi, mais euh... Désolé, je parle de quelque chose que je ne connais pas, je ne veux pas être maladroit.
– Tu ne l'es pas, tu essayes de comprendre, je t'en remercie. Je ne sais même pas pourquoi je me fais tous ces nœuds au cerveau. J'adore ma relation avec lui, vraiment c'est... Littéralement ce que je rêvais secrètement de vivre.
– Ah ?
– C'est tellement... Chaste et doux ? Ça n'a rien à voir avec ce que je vivais et ce que j'ai avec Kai. Tant mieux en un sens, je ne supporterais pas de ressentir ça avec deux personnes à la fois.
Il étira ses bras en avant, son verre en carton désormais vide. Depuis combien de temps n'avait-il pas parlé à cœur ouvert à son meilleur ami ? Ce dernier le couvait de ce même regard doux qu'il avait quand toute son attention était focalisée sur lui. C'était l'une des qualités que Yeonjun préférait chez Beomgyu ; sa faculté à écouter les gens sans les juger directement.
– J'aime simplement partager mes centres d'intérêt avec lui. Je le fais aussi avec Kai, mais c'est... Différent ? Avec Soobin on peut passer des heures à regarder des documentaires sur les animaux les plus farfelus de cette planète, en discuter pendant, rester dans la même piaule pour travailler ensemble, simplement l'un à côté de l'autre. Souvent, il me prend dans ses bras et on reste de longues minutes comme ça, c'est si apaisant, si tu savais...
Le sourire sur le visage de Beomgyu s'était agrandi.
– C'est très platonique comme relation, observa-t-il.
– Ouais, totalement ma came, rigola-t-il.
– Je sais ça, continua Beomgyu.
– Tu sais ?
– Je te connais depuis tant d'années Yeonjun, ouais, je le sais. Ne me demande pas comment, je le ressens juste comme ça. Tu comprends pourquoi j'étais si perplexe pour toi et Kai maintenant, rigola-t-il.
– Kai c'est-
– Une exception, je sais, entonna-t-il.
– Choi Beomgyu, tu me fatigues, gloussa-t-il.
En guise de répondre, Beomgyu lui donna une tape dans le dos, sans cesser de sourire.
Quand Yeonjun rentra en tout début de soirée, il retrouva l'appartement dans un calme plat. Soobin lisait dans un coin du canapé, sa petite paire de lunettes rondes sur le bout du nez (il avait toujours été amoureux de ses lunettes, Soobin n'avait aucune idée de l'effet qu'il lui faisait avec elles sur le nez), et Kai pianotait sur son ordinateur, assis à l'autre bout, ses pieds jouant avec les siens. Yeonjun se déchaussa en silence et s'approcha, un sourire aux lèvres.
– Hey vous, les salua-t-il.
Kai releva le nez de son écran, les yeux brillants et Yeonjun se pencha pour l'embrasser chastement. Soobin esquissa un sourire, comme à chaque fois qu'ils les voyaient agir de manière aussi domestique.
– C'est bien calme par ici, continua-t-il.
– S'tu veux il reste du kimchi, des œufs et un fond de bibimbap, lança Soobin en le voyant s'éloigner vers la cuisine.
Et Yeonjun avait faim, pour une fois d'autres choses que son bol de ramens habituel, et se servit une assiette conséquente. Il essaya d'ignorer les notes que Soobin laissait partout sur le frigo. C'était une habitude qu'il avait depuis qu'ils habitaient ensemble, de laisser la liste des courses sur leur frigo, les rendez-vous des uns et des autres (il y avait toujours cette note pour un rendez-vous chez le dentiste, que Beomgyu avait fini par fuir) ou encore les choses essentielles à faire dans leur semaine. Depuis quelques semaines s'était ajouté un compte à rebours désagréable : celui du départ de Kai.
Tout en mâchonnant son kimchi il riva son regard sur la liste que Soobin rayait progressivement plus les jours passaient. « Acheter valise », fait. « Faire demande visa KAI », fait. « Forfait téléphonique à gérer !! », fait. Il détourna les yeux du post-it orange et jura dans sa barbe. Il se félicita d'être seul dans la cuisine en cet instant. Il avait besoin de ce genre d'instant de solitude, ici ou dans sa chambre quand il s'occupait d'Orion et Soobin et Kai l'avaient très bien compris.
– Bien mangé ? lui lança Soobin quand il quitta enfin la cuisine.
– Mmh, ouais. J'vais m'occuper du monstre.
Soobin esquissa un sourire. Quand il referma la porte de sa chambre, la pression sembla redescendre légèrement. Sa discussion avec Beomgyu l'avait chamboulé plus qu'il ne voulait l'admettre. Le retour de son ex, lui se confiant – peut-être un peu trop – sur Soobin et Kai...
Il ouvrit le couvercle du vivarium du petit bernard-l'hermite et le fit grimper dans sa main.
– Coucou toi, souffla-t-il.
Orion s'agita un peu et grimpa sur son avant-bras, visiblement heureux d'être de sortie. Il le posa délicatement sur l'espace au sol qu'il lui était dédié et commença à changer son eau et les petits copeaux de son espace de vie. Cette routine plaisait à Choi Yeonjun. Il en avait besoin, il le sentait. Quotidiennement, ce moment l'apaisait et l'enfermait dans sa petite bulle.
– Eh, Orion, reviens par là....
Il l'attrapa avec douceur avant que le petit crustacé ne se décide à fuir sa zone. Il lui déposa un petit tas d'algues coupées finement et le regarda se ruer dessus. Il caressa sa petite coquille du bout des doigts, attendri. Il resta ainsi une petite heure, juste dans le silence de sa chambre, à regarder la petite bestiole grimper où elle le pouvait, avant qu'elle ne retourne d'elle-même dans sa maison faite sur mesure.
– Bonne nuit 'rion, murmura-t-il. À demain matin.
Il se redressa et éteignit la lumière de sa chambre, la laissant plongée dans le noir jusqu'au lendemain.
Au moment où il ouvrit sa porte de chambre, il y trouva Kai sur son seuil, tout sourire.
– J'allais te proposer de dormir ensemble ce soir, si ça te dit !
– Oh.
Il tordit légèrement le cou pour essayer de voir Soobin derrière lui.
– Il est sous la douche, répondit simplement Kai. Ça fait longtemps qu'on n'a pas dormi ensemble...
– Deux jours, rigola Yeonjun. Mais c'est toujours un plaisir, j'allais venir quémander de toute façon.
– À trois j'entends.
– Oh euh...
– Je sais, la dernière fois ç'a été un fiasco, mais c'est parce que le lit de Soobin est minuscule.
– J'ai manqué de me péter le poignet en me cassant la gueule par terre ouais, ronchonna-t-il.
– Mon lit est plus grand et-
– Évidemment que ça ne me gêne pas Kai, rentre-toi ça dans le crâne ! Mais je refuse d'être au milieu. J'veux pas mourir étouffé pendant la nuit.
Il n'eut pas le temps d'en ajouter davantage que Kai lui avait déjà sauté au cou pour le serrer fort contre lui. Tu vas me manquer, si tu savais à quel point..., pensa-t-il. Sans avoir la possibilité de ressasser encore une fois, Kai le tira vers sa chambre. Yeonjun nota toute l'application avec laquelle il l'avait rangé, très certainement aujourd'hui un sourire amusé étira son visage.
– C'est ici la pyjama party ?
La voix de Soobin derrière eux le fit sursauter et il éclata d'un rire nerveux.
– T'as ton invitation ?
– Je suis un VIP, pas besoin, chantonna-t-il.
Il le regarda refermer la porte d'un coup léger de talons, sans s'empêcher de penser que le geste aurait fait sortir Beomgyu de ses gonds.
Kai avait raison, son lit était assez grand pour eux trois. Très rapidement somnolant, il lui fallut peu de temps avant de se caler confortablement contre Kai, une joue écrasée contre son épaule, une main par-dessus son ventre. Soobin avait lancé une de leur playlist de musiques favorites, juste assez pour combler le silence de la chambre et pour installer une ambiance confortable. La première fois, il l'avait fait pour ne pas se sentir mal à l'aise avec eux dans le même lit que lui. Quand Yeonjun l'avait réalisé le lendemain, il s'était glissé dans sa chambre pour lui en parler. La discussion avait pris deux heures. Deux heures d'un Soobin qui n'osait pas faire les premiers pas, d'un Soobin qui ne se sentait pas légitime. À présent, le plus grand jouait avec le bout de ses doigts, posés sur le ventre de leur petit ami. Avec les jours, les semaines, les barrières étaient enfin tombées. Il pouvait presque sentir le sourire de Kai puis celui de Soobin avant que ce dernier ne se penche pour l'embrasser tendrement sans un mot. Il lui était aisé d'imaginer le visage de Soobin en cet instant, parce que Soobin avait toujours ce même regard transi d'amour quand il s'agissait de Kai et qu'il s'apprêtait à l'embrasser. Le bruit des baisers s'atténua un peu et Yeonjun se redressa légèrement pour les découvrir front contre front.
– Si je pouvais imprimer cette vision de vous maintenant, je le ferais.
Kai gloussa.
– J'suis sérieux, murmura-t-il.
Il n'avait aucun mal à se l'avouer : les baisers entre ses deux petits amis le rendait dingue. Car ils étaient beaux tous les deux ; beaux quand ils s'aimaient sans crainte ni tabou dans leur intimité. Il lui était impossible de passer à côté des gestes, des regards, absolument toutes ses petites choses que Soobin avait envers Kai et il se sentait fondre à chaque fois. Il se laissa retomber dans le matelas, se nichant contre le dos de son petit ami, une jambe par-dessus les siennes.
C'était ainsi qu'il dormait le mieux avec Kai auprès de lui. Il aimait le sentir dans ses bras, enfouir son nez dans le creux de son épaule. Pour le plus grand plaisir de Kai, Soobin avait accepté rapidement de dormir dos contre lui, de le laisser l'envelopper de ses grands bras pour la nuit. Yeonjun aimait bien s'en moquer, car la grande taille de Soobin ne rendait pas toujours les choses simples.
Ils laissèrent la musique tourner encore une petite heure. Kai s'était endormi le premier, comme bien souvent, très vite imité de Soobin qui s'était retourné pour le prendre dans ses bras, une jambe par-dessus les siennes. Comme à chaque fois, Yeonjun peinait à les suivre aussi rapidement. Il restait encore un peu de temps, les yeux rivés sur l'écran de son téléphone. Il échangea un peu avec Beomgyu, qui ne dormait pas non plus à cette heure avancée de la nuit. Puis avec sa mère, qui demanda un peu de ses nouvelles. Il lui promit de venir lui rendre visite rapidement. Un jour, peut-être, Kai et Soobin seraient de la partie. Pas immédiatement. Ils ne comprendraient pas.
Il soupira et reposa son téléphone sur sa table de chevet, esquissant un sourire en entendant les petits bruits que Soobin faisait en dormant. Beomgyu ne s'en était jamais plaint autrefois aussi, Kai et lui avaient eu l'occasion de découvrir par eux-mêmes que Soobin parlait beaucoup en dormant. Soudain il le vit se redresser, les yeux toujours clos et bouffis de fatigue, avant que sa main ne vienne – par-dessus le corps endormi de Kai – empoigner son mollet, lui arrachant un cri de surprise.
– Soo-
– Humm, c'est quoi ça...
– Pardon ?
– Gazon.
Un hochement de tête plus tard, Soobin se recoucha, après avoir malaxé son mollet sans aucune raison apparente. Gazon ? Soobin délirait encore. Ou plutôt, Soobin lui faisait encore une scène dans son sommeil, qu'il nierait en bloc le lendemain matin. Il se retint de rire en le voyant se caler à nouveau sous ses draps. Amusé, il tapa rapidement cette nouvelle anecdote nocturne sur son téléphone : Yeonjun les notait toutes, de l'aventure avec ses soi-disant araignées au plafond, à l'intrusion dans leur chambre, en passant par cette fois où Soobin avait chanté dans son sommeil pour leur plus grand déplaisir.
Il attendit que son sommeil se fasse de nouveau lourd et qu'il cesse de remuer dans les bras de Kai pour se focaliser à nouveau sur la petite lumière qui filtrait à travers les rideaux tirés de la fenêtre.
Il n'aimait pas particulièrement les nuits où il ne parvenait pas à s'endormir rapidement. Souvent, elles étaient ponctuées de pensées un peu trop noires, trop tristes et défaitistes. Pourtant, ce soir-là, son esprit l'épargna. Pour la première fois depuis des mois, son esprit ne passa plus par le négatif pour trouver le positif. Il en oublia ses réflexions sur son avenir, sur le monde, sur la place qu'il occupait. Il se laissa bercer par la respiration de Soobin, un peu plus forte que celle de Kai et par les bruits des oiseaux nocturnes que l'on entendait clairement depuis cette chambre. Il se roula un en boule, se serrant contre l'un de ses petits amis, un sourire aux lèvres. Ce soir-là, son impression de ne pas trouver sa place exacte s'envola. Il aurait voulu les remercier maintenant, de vive voix, les serrant tous les deux fort contre lui car au fond, Yeonjun en était persuadé, ils l'y avaient aidé.
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