Retour Aux Sources
Chiara
Le ciel de Biarritz est aussi sombre que mon moral.
En rallumant mon téléphone, je vois un message de Lisandro. Entre envie et colère, mon cœur prend la décision tout seul. Ses mots tournent encore dans mon cerveau, quand j'aperçois ma sœur Ana, dans le hall des arrivées, qui m'attend. Je ne peux pas empêcher ma bouche de sourire, et mes yeux de s'humidifier, encore !
Je réfléchirai plus tard au sens et aux conséquences de ses mots.
Depuis que j'ai abandonné Lisandro cette nuit, dans les escaliers, mes yeux n'ont pas cessé de pleurer. Quand je suis rentrée en mode zombie chez moi, Carlotta était dans la cuisine avec Alessio. Le plus doucement possible, j'ai voulu atteindre ma chambre, mais c'est sans compter sur la perspicacité de ma meilleure amie, qui m'a interpellée. À ma tête, ils ont compris que quelque chose venait de se passer. Entre deux sanglots j'ai pu leur raconter mon humiliation et ma fuite sans attendre les explications de Lisandro. En même tant, une Valeria à moitié à poil coller à lui, je pense qu'il n'y a pas plus explicite... Pas besoin de mots, les images suffisent !
La nuit à été courte, je n'ai pas pu m'endormir, et aux premières lueurs de jours, je me suis dirigée chez Lucia à quelques rues de chez moi, pour la prévenir que je prenais quelques jours de vacances en avance pour les fêtes de fin d'année. Mais je l'ai rassuré en lui affirmant, que j'emportais avec moi de quoi travailler sur la collection, pour ne leur faire prendre aucun retard. Même si elle a compris, à demi-mot, que Lisandro était sûrement impliqué dans ma fuite, elle ne m'a pas posé de questions, et m'a assuré de son soutien et que je devais prendre le temps qu'il me faudrait.
Pendant que je préparai ma valise, dans un brouillard de tristesse, je crois avoir entendu Al au téléphone avec Nat, lui dire un truc comme quoi, il passait le chercher pour se rendre chez Lisandro. C'est donc Carlotta qui m'a déposée à l'aéroport, ce matin de bonne heure en me faisant promettre de revenir à Milan. Je l'ai rassuré sur ce côté là, mais je lui ai expliqué que j'avais aussi besoin de retrouver ma famille.
— Je suis contente de te revoir Rara, même si la raison de ton retour est pourri.
— Moi aussi Nana, dis-je en la serrant contre moi. Ce sont les vacances de Noël qui me font revenir.
— Mais bien sûr ! À voir ta tête c'est évident ! ajoute-t-elle sarcastique. Allez viens papa et maman sont impatients de te retrouver. Tu déjeunes au restaurant ?
— Et moi donc ! Oui, mais pas en salle...
— Je sais comme d'hab m'a poulette. Au fait, j'ai vu le club de tes ex hier soir ! Apparemment ça chauffait entre la greluche et son mec.
Un ricanement sort involontairement, en imaginant la raison de leur prise de tête.
— Si Samuel a dit à Alexis qu'il était venu à Milan pour me voir, je doute qu'elle est apprécié, spécifié-je à ma sœur.
— Je comprends mieux, s'esclaffe-t-elle. Il est encore plus con que ce que je pensais.
En regardant par la fenêtre, le paysage qui m'a tellement manqué, je reprends vie petit à petit. L'océan houleux à perte de vue, demain je prends ma planche, la végétation agitée sous le vent, la plage des Basques où j'aime me retrouver, et surfer avec mes amis. Et enfin, la bâtisse en plein centre ville, qui abrite le restaurant étoilé de mon père, mais aussi notre logement. Ma sœur préférant son appartement à deux rues d'ici. En même temps, un duplex avec vue sur l'océan, je la comprends.
Sans même attendre qu'elle est éteint le moteur, je saute de la voiture, je file par l'entrée de derrière, impatiente de retrouver mes parents.
— Mia Chiara, m'accueille maman. Tu m'as manqué cara. Mais... Qu'est-ce que c'est que cette tête ?
— Vous m'avez manqué aussi maman, lui réponds-je. Et cette tête, c'est simplement de la fatigue...
— Pas à moi ma fille !
— Sympa de m'attendre, nous coupe ma sœur.
Je lui tire la langue en guise de réponse, et me tourne vers mon père qui vient de passer les portes de la cuisine.
— Viens là ma fille, c'est moi ou tu as maigri ?
— Pourtant la cuisine Milanaise...
— Ou plutôt les milanais, se bidonne ma sœur.
Je lui fais un regard noir, qui ne la touche absolument pas, par contre quand notre père l'a reprend en lui disant qu'il ne veut rien savoir de ma vie sexuelle, elle se renfrogne et part en salle, pour aider à dresser les tables.
Une semaine déjà que je suis chez moi en France.
Les fêtes de Noël sont passées sans aucune nouvelles de mon bel italien. Peut-être que Valeria à réussi à l'avoir finalement ? Carlotta ne m'en parle pas, lors de nos discussions téléphoniques, et je n'aborde pas le sujet non plus, j'ai trop peur de la réponse, qu'elle pourrait me donner.
Quand j'ai tout raconté à ma sœur, le lendemain de mon arrivée, elle n'a pas arrêté de démonter tous les arguments que je m'étais en avant, pour lui prouver que Lisandro et Valeria étaient prêts à coucher ensemble, et que ma visite les a sûrement dérangé. Pour elle, Lisandro avait trop bu, c'est sur, mais jamais il ne m'aurait trompé ou s'apprêtait à le faire. Je ne lui ai pas parlé du passé et des démons de Lisandro, par respect pour lui.
Je suis actuellement sur ma planche de surf, au milieu de l'océan, entourée de mes amis surfeurs, attendant la vague, le cerveau en ébullition, me repassant sans cesse les images de cette fin de soirée, en les faisant percuter avec les mots de ma soeur, quand soudain Matt m'interpelle :
— Elle est pour toi, celle-là, ma belle.
Je regarde au loin, et me positionne sur ma planche en commençant à ramer. La sensation de liberté, que me procure la glisse, me fait un bien fou. Je ne pense plus à rien, mon esprit se vide pour ne faire qu'un avec la vague. Arrivée au bord, je pousse un cri de joie, et m'écroule en étoile de mer sur le sable.
Sauf qu'une voix que je connais que trop bien vient gâcher mon moment de plénitude.
— Tiens tu es sans ton garde du corps ?
Je me redresse comme un diable dans sa boîte et fusille Samuel du regard accompagné d'Alexis.
— Non que cela ne te regarde, mais je vais quand même te répondre, Lisandro est beaucoup plus que mon garde du corps, et franchement de toi à moi Samuel... Tu crois vraiment que j'ai besoin de lui pour t'éjecter définitivement de ma vie ? Tu n'as pas compris à Milan ?
Je vois Alexis ouvrir la bouche de stupeur, et en jubilant, je donne le coup de grâce.
— Je vois qu'il ne t'a rien dit, sur sa petite escapade Milanaise ! Demande toi, ce qu'il te cache d'autre !
Sur ces dernières paroles, je récupère ma planche et part retrouver mes potes, qui m'attendent pour une autre session, mais je leur dit que je préfère rentrer, chose qu'ils comprennent, quand ils voient Samuel et Alexis. Ils ne l'ont jamais apprécié, et la réciproque est vrai. Samuel les trouvait trop "cool", et n'a jamais fait aucun effort pour les connaitre, et Mat n'a jamais compris sa possessivité en m'empêchant le plus souvent d'aller surfer avec eux. Mais malgré ça, je n'ai coupé aucun lien avec mon groupe d'amis, ce qui m'a valu pas mal de dispute avec Samuel.
En quittant la plage, le vent porte les cris d'Alexis jusqu'à moi, et un petit sourire satisfait naît sur mes lèvres. Pas que j'en ai quelque chose à faire, de leur engueulade, juste la satisfaction de me dire que mal acquis ne profite jamais...
Une fois arrivée dans la maison de mon enfance, après avoir rincé mon matériel, je file dans ma chambre, pour prendre une bonne douche chaude. Quand je descends à la cuisine, pour me préparer un encas, je suis surprise de retrouver maman en train de cuisiner.
— Tu ne vas pas au restaurant ce midi ?
— Non, je reste avec toi, pour un repas en tête à tête. Demain c'est le trente et un, serais-tu d'accord pour nous donner un coup de main, une réservation pour cinq personnes de dernière minute a été passé tout à l'heure.
— Heu... Oui, papa est au courant ?
— T'inquiète pas pour ton père, je le gère ! Bon maintenant, parle moi de ton bel italien !
Deux choses que vous devez savoir sur ma mère :
D'une part, elle est très douée pour noyer le poisson, et là je sens qu'elle me cache quelque chose.
D'autre part, quand elle a une idée en tête, elle l'obtient toujours ! Donc inutile que j'essaye d'esquiver la discussion sur Lisandro et moi.
Donc, je lui raconte tout, de mon arrivée chez Lombardi quand j'ai pris Lisandro pour le voiturier, jusqu'à ma fuite, en passant par la visite de Samuel à Milan et ses mots. Je passe sous silence le plus gros de son traumatisme, mais lui avoue notre point commun d'avoir été trahi en amour par son meilleur ami pour lui et moi...et ben elle connait toute l'histoire. À la fin de mon récit, elle reste un moment à me fixer sans aucun mots. Et puis comme ma soeur, elle est certaine que jamais Lisandro aurait pu me faire une chose pareille.
Ouais ! À voir !
Le lendemain nous sommes le trente et un décembre, et c'est d'un pas lourd, que je me rends au restaurant, pour aider ma sœur durant le service. J'ai simplement enfilé une robe noire au décolletée en V avec des manches trois quart, et j'ai abandonné l'idée de mettre mes Louboutin, privilégiant le confort de mes ballerines. Mes cheveux sont attachés en queue de cheval haute et mon maquillage n'a rien d'ostentatoire, seul le rouge à lèvre couleur cerise qu'aime Lisandro colore mes lèvres.
Lisandro.
Je repousse le plus loin possible ce prénom dans ma mémoire.
Une fois arrivée sur place, je salue tout le monde et je me dirige vers la salle pour rejoindre Ana.
— Salut Rara, comment vas-tu ?
— Bien et toi ?
— Débordée... Et papa est d'humeur massacrante depuis ce matin ! Je ne sais pas ce qu'il a, maman n'a rien voulu me dire. Bref ! Viens je te montre la table dont tu vas t'occuper.
Je la suis jusqu'au fond de la salle et mon cœur rate un battement, quand je vois un petit drapeau italien au milieu de la table ronde. J'interroge ma sœur du regard et Ana m'explique que cette année chaque table représente un pays d'Europe.
— Et bien sûr comme un fait exprès je dois gérer l'Italie !
Ana s'esclaffe et ne prend pas la peine de répondre.
Il est dix-neuf heures, quand les premières convives commencent à arriver. Je soulage maman à l'accueil en plaçant les clients à leur table. Après plusieurs aller retour, je suis de dos, en train de vérifier le registre, quand une voix chaude et rauque me paralyse sur place.
— Bonsoir Lisandro, vos amis ne sont pas encore arrivés, mais Chiara va vous conduire jusqu'à votre table.
C'est quoi cette blague ?
Depuis quand ma mère connaît Lisandro ?
C'est donc ça ce qu'elle me cachait ?
Sans oser me retourner, mais avec une grande tergiversation, entre partir en courant ou faire face à mes tourments, le destin choisit pour moi, puisque le souffle chaud de Lisandro balaye ma nuque.
— Bonsoir Chiara...
Il laisse sa phrase en suspens, ne sachant pas quelle réaction je peux avoir. Me la jouant adulte, finalement, je me retourne et mes yeux tombent directement dans les siens.
— Bonsoir Lisandro. Suis moi.
Je l'entend soupirer, quand je fais un pas en avant, mais ne rajoute rien.
— Chiara, s'il te plaît, me supplie-t-il en me retenant par le poignet.
Sans le regarder, j'ai du courage mais quand-même... Je tourne les talons.
Et parce que mon karma est un diable, je vois Carlotta, Alessio et Natanale arriver vers moi. Il ne manque que Valeria, sûrement la cinquième personne, pour que l'humiliation soit complète.
— Je suis contente de te voir, me dit ma meilleure amie en me serrant contre elle.
— Qu'est ce que vous faites là ? ne puis je m'empêcher de demander. Peu importe je suis aussi contente de vous voir, leur affirmé-je.
— C'est Lisandro qui en a eu l'idée...
— Stop ! Je ne veux rien savoir de ses projets.
— Tu as maigri belle Chiara, plaisante Natanale en passant un bras, par dessus mon épaule en nous dirigeant vers la table, où se trouve déjà Lisandro.
Ana se matérialise, ses pupilles fixées dans celle de Natanale, et à voir son sourire, je sais déjà que notre mannequin italien va passer une bonne nuit.
— Bonsoir, je suis Ana, la sœur de cette tête de mule, et c'est moi ce soir qui vais m'occuper de votre table...
Ah bon ! Ma sœur a fumé ou quoi ?
J'allais répliquer quand Natanale me coupe dans mon élan.
— Que de la table ? l'interroge Natanale avec son sourire à tomber.
Qu'est ce que je disais...
— Ça marche encore ce plan drague ?!
En éclatant de rire, Natanale lui répond :
— Je vois que les sœurs Arlegui ont les même répliques !
Un coup d'œil rapide vers Lisandro, m'apprend qu'il me dévisage sans aucun sourire, et je remarque une rougeur sur sa joue droite, attendant certainement ma réaction à la bombe de ma sœur :
— Puisque vous êtes tous là, je vous porte les menus et la bouteille de champagne...
Je sais encore compter jusqu'à cinq, et là, ils ne sont que quatre... Quand mon cerveau percute !
— Je ne crois pas non ! formulé-je les dents serrées pour ne pas déranger les autre convives.
— Toi, tu t'assois avec eux et tu la fermes, m'invective ma sœur cette traîtresse.
Ne voulant pas faire un esclandre, je m'exécute non s'en la tuer du regard. Je suis donc assise entre Lisandro et Carlotta.
Génial !
Ce repas va être une torture, pour mon esprit et mon corps. J'attends comme un condamné à mort ma sentence, quand Lisandro va m'annoncer, qu'il est avec Valeria et que je suis virée.
Le dîner se passe dans une ambiance hors du temps. Entre les rires d'Alessio et Natanale, le mutisme de Lisandro, et une Carlotta qui fait tout pour me sortir de ma morosité, j'ai presque envie de partir en courant, une fois le dessert avalé. La seule chose, que j'ai accepté de manger, sous la menace de mon père, après l'humiliation, la honte ! On a fait le tour là ? Non ? venu faire un tour de salle, pour saluer les clients et s'assurer que tout ce passe bien.
Je pensais rentrer avant les douze coups de minuit, mais c'était sans compter sur mes amis, qui m'ont entraînée de force sur la plage, pour soit disant admirer le feu d'artifice.
Tu parles... Tous des traîtres...
Mais quand Lisandro a prononcé cette phrase, en fixant ses prunelles de jade dans les miennes, plus tard dans la soirée, mon cœur, et mon âme, n'ont pas résisté...
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