Nuit Agitée

 Chiara

Je viens d'arriver au Domaine du clair de lune, l'endroit où nous a donné rendez vous notre wedding planner, une magnifique maison Basques, sur les hauteurs de Biarritz, pour que l'on visite Samuel et moi, la salle de réception de notre futur mariage, qui aura lieu cet été.

Je suis arrivée de Londres hier soir, et je n'ai pas encore pu voir mon fiancé. Je suis allée directement chez mes parents, car Samuel m'avait envoyé un message plutôt dans la journée pour me prévenir qu'il resterait tard au boulot, et que l'on se rejoignait directement là-bas. Sur le moment, j'ai été un peu surprise, surtout que cela fait un mois que l'on ne s'est pas vu. Je n'ai pas pu me libérer des week-ends pour retourner à Biarritz, et lui non plus n'a pas pu me rejoindre une seule fois depuis un mois, et puis je me suis dit que je profiterai de lui durant tout le week-end.

Il n'y a personne devant l'entrée de la maison, alors que deux voitures sont déjà garées, celle de Samuel reconnaissable au logo de son entreprise de communication, et celle de ma meilleure amie Alexis, à qui j'ai demandé de venir pour avoir son avis, en temps que demoiselle d'honneur. Je contourne l'habitation, et j'en profite pour admirer le parc avec ses arbres centenaires, son bassin à l'italienne, et surtout sa vue magnifique sur l'océan. Quand j'arrive sur une terrasse où se trouve une magnifique piscine rectangulaire, entourée de palmiers et d'oliviers, je m'aperçois qu'une porte fenêtre est ouverte, et tout en hésitant, je pénètre à l'intérieur, en appelant mon fiancé et ma meilleure amie. Je continue vers ce qui me semble être la salle de réception, dont les portes à deux battants sont fermées, et un mauvais pressentiment commence à s'insinuer en moi. Je prend mon portable et compose le numéro de mon petit ami, puis celui d'Alexis, qui sonne dans le vide, avant d'ouvrir la porte. Le malaise en moi grandit de plus en plus, même si je me persuade de toute mes forces que Samuel ne me ferait jamais ça, surtout avec ma meilleure amie. J'ouvre enfin un battant, et pénètre dans la salle qui est dans la pénombre, je fais attention à ne pas percuter de meubles, et continue d'avancer, quand je me stoppe net. Et ce que je vois, ou plutôt ce que j'entends me laisse statufier au milieu de cette salle de réception, faite pour les heureux évènements. Je m'approche à pas lents et en faisant le moins de bruit possible, pour atteindre une alcôve où je vois mon fiancé de dos, qui tient à bout de bras, appuyé contre un mur, ma meilleure amie, qu'il est entrain de baiser.

Mon monde vient de s'écrouler.

Une main sur ma bouche pour étouffer mes sanglots ou un cri, je ne sais plus, je me recule, sans faire de bruit, et quand j'ai dépassé les portes, je me mets à courir mes yeux remplis de larmes que je n'arrive plus à retenir...

C'est la sonnerie de mon portable qui me sort de ce cauchemar, et comme un fait exprès, en avisant qui essaye, encore, de me joindre, je balance mon iPhone à l'autre bout de la chambre.

Comme il va être impossible que je me rendorme, je me lève pour aller à la salle de bain, et prendre une bonne douche chaude. Je me savonne énergiquement comme si cela avait le pouvoir d'évacuer ma haine et ma colère, et de les faire disparaître dans la bonde. Au bout d'un quart d'heure passé sous le jet, je décide de sortir et de me préparer. Ce matin c'est jean skinny brut, avec une blouse en soie Chloé, et mes ballerines Répetto vernis orange, - je n'ai pas la force après cette de nuit de faire des efforts vestimentaires - , pour rejoindre mon travail, mais surtout pour prendre mon petit déjeuner avec Lisandro. C'est comme un rituel que nous avons mis en place, et j'avoue que j'ai trouvé une autre motivation pour me lever les matins de la semaine. Aujourd'hui, c'est lui qui doit apporter les croissants et autres viennoiseries, et préparer le café. Je récupère mon portable, gisant au sol, mon sac cabas Goyard et quand je m'aperçois de l'heure, je quitte ma chambre en courant. Heureusement que l'hôtel est situé près de la maison de couture.

Quand je passe la porte, à part Pablo que je salue, tout est encore vide et calme, je choisis de monter par les escaliers, puis je rejoins directement le coin cuisine, où je vois Lisandro, dresser la table pour notre petit déjeuner.

— Bonjour Lisandro ! Waouh !! C'est un véritable buffet continental ?

Lisandro s'approche, et pour la première fois me dit bonjour avec un baiser au coin des lèvres. Quand il se recule, son regard se rive au mien, et sans anticiper ma réaction, je fais de même, et pose mes lèvres sur le coin de sa bouche. Sa voix est rauque, et troublée quand il me dit :

— Bonjour Chiara ! J'espère que tu as faim, parce que j'ai dévalisé la boulangerie !

— Je suis affamée, je n'ai rien avalé depuis hier midi ! Le restaurant de l'hôtel était fermé quand je suis rentrée, et je n'avais plus d'énergie pour ressortir.

— Tu vis toujours à l'hôtel ? Je croyais que tu avais trouvé une location avant de venir ?

— C'est ce qui était prévu, lui dis-je tout en attrapant une brioche, mais l'agence m'a envoyée un mail la veille de mon départ, pour me signaler que le propriétaire gardait l'appartement pour un de ses enfants. Donc j'ai agi dans l'urgence !

— Tu sais que nous avons un appartement que nous louons à Carlotta, tu devrais lui en parler, elle sera peut-être intéressée d'avoir une colocataire, surtout si c'est toi.

— Merci de la proposition, je déjeune justement avec elle ce midi, je lui en parlerai.

Nous continuons notre petit déjeuner, en parlant des deux endroits que nous avons retenus pour le défilé, en les étudiants chacun de notre côté, nous avons sélectionné les deux même, ce qui n'a pas manqué de faire ricaner Lucia, ainsi que sur la collection qui avance, quand il me demande :

— Tu accepterais de dîner avec moi samedi soir ? Après si tu veux, on ira rejoindre Alessio, Natanale, un ami mannequin, et colocataire d'Alessio, et Carlotta dans un bar, pour continuer la soirée.

— A une condition, lui dis-je avec un sourire, que tu m'emmènes manger les meilleures pizzas de Milan.

— S'il n'y a que ça pour te faire plaisir ! C'est d'accord. Tu vas manger les meilleures, de toute l'Italie !

— A carrément ! J'ai hâte d'y goûter, me moqué-je.

Nous nous levons pour commencer à débarrasser la table, je mets les deux tasses dans l'évier pour les laver, quand je sens le souffle de Lisandro sur ma nuque, qui me donne une multitude de frissons, et que de sa voix chaude qui me transporte, il ajoute :

— Passe une bonne journée Chiara.

Je me retourne, et nos lèvres sont à quelques millimètre, je vois le regard de Lisandro se fixer sur celles-ci un instant, et remonter vers mes yeux, et ce que j'y lis me fait oublier de respirer, je prends appuie avec mes mains sur le plan de travail, pour me soutenir. Mauvaise idée car cela pousse ma poitrine vers son buste. J'ai l'impression que le temps s'est arrêté. J'attends le moment ou il décidera de franchir la limite, mais, c'est le bruit de la porte qui vient de s'ouvrir, qui nous sorts de notre bulle. Sans un mot de plus, Lisandro se recule, et quitte la cuisine en saluant la personne qui vient d'y rentrer, sans un regard vers moi.

Troublée par mon échange avec mon patron, je n'entends la personne qui me salut, qu'à sa deuxième tentative, m'en excuse, et quitte la cuisine, complètement chamboulée par ce rapprochement soudain. Je me dirige vers les escaliers pour aller m'enfermer dans mon cube de verre, comme j'aime l'appeler, quand en passant devant le comptoir Carlotta, me fait signe de m'approcher.

— Salut Chiara !

— Salut Carlotta, comment vas-tu ? Tu es toujours libre pour déjeuner ce midi ?

— Justement je voulais t'en parler, et aussi de la colocation...

Nous sommes interrompues par le téléphone, et j'en profite pour regagner mon bureau.

Je suis encore avec mes croquis et la chef d'atelier, pour mettre au point le coupe moulage de cette après midi, quand nous sommes coupés par Carlotta, qui rentre dans mon bureau.

— Merde ! m'exclamè-je. C'est déjà l'heure d'aller déjeuner ?

— Oui, et comme je ne t'aies pas vue en bas, je me doutais que tu étais encore dans ta cage en verre.

— Merci Carla, on continue tout à l'heure. C'est bon, je te suis, et je te préviens j'ai super faim ! Pourtant le petit déjeuner qu'avait préparé Lisandro ce matin était plus que copieux !

— D'ailleurs, à propos de ça, il va falloir que tu m'en dises plus jeune fille !

Cela fait déjà trois semaines que je travaille pour les Lombardi, et Carlotta est devenue une amie fidèle, sur qui je peux compter. Je ne lui ai pas encore parlé de la trahison de Samuel et de mon ex meilleure amie, mais quand je fais la comparaison entre elles deux, il y a maintenant plein d'évidences qui me frappent...

Quand j'y repense, Alexis, n'a jamais accepté que je sorte avec Samuel. Elle passait son temps à le critiquer, elle m'a fait la gueule pendant une semaine, quand je lui ai dit, qu'il m'avait demandé en mariage, et une semaine de plus quand mon dossier à été accepté à l'ESDAC à Londres. Mais comme je n'avais qu'elle, je ne voyais, ou, ne voulais pas voir, tous ces petits signes. Avec le recul, je m'aperçois que c'était de la jalousie, envers mon couple, elle qui n'a jamais pu se fixer, et envers mes études, mais je comprends maintenant ma naïveté, quand elle m'a dit sur le quai de gare le jour de mon départ pour Londres, qu'elle était contente pour moi. Je ne sais pas si c'est à partir de ce moment là qu'ils ont commencé à se voir, je n'ai pas voulu le savoir. Et encore aujourd'hui je ne suis pas assez forte pour entendre la vérité. Plus tard...peu-être...

Même si actuellement, je regrette encore certaines de mes décisions, je sens que la douleur du passé qui la concerne s'atténue petit à petit. Je ne dis pas que je lui ai pardonné, ça, je ne le pourrai jamais, mais, je m'aperçois que c'est de plus en plus facile de vivre sans penser à elle, de faire comme si elle n'avait jamais était importante pour moi. Non, la part qui est la plus difficile à effacer, est celle qui concerne mon ex fiancé, je sais qu'un jour je vais devoir répondre à ses messages ou à ses appels. Mais pour le moment, je ne suis pas armée pour le faire. Parce que je suis consciente, que le jour où je vais le faire, c'est que j'aurai pris la résolution de laisser partir tout ce que nous avons vécu ensemble.

— Tu m'écoutes ? Chiara ?

— Excuse moi, j'étais en train de penser à un truc, mais vas-y !

— Je te demandais où tu voulais que l'on déjeune ? Il y a une Trattoria pas loin...

— C'est bon, allez bouge ! lui dis-je en plaisantant.

Le trajet est rapide, la Trattoria se trouve à quelques rues du la société. Quand nous y pénétrons, un jeune serveur, nous accueille, et nous demande de le suivre pour nous installer à une table au fond du restaurant. En détaillant l'endroit, mes yeux sont attirés par un regard vert qui me fixe et qui esquisse un sourire, je le lui rend, jusqu'à ce que je vois la personne qui est en face de lui.

Valeria.

Ou plus communément surnommée la garce de service ! Ben oui, il en faut toujours une dans l'histoire, et là, c'est elle qui a le rôle. Je détourne le regard, et me concentre sur Carlotta qui vient de revenir des toilettes.

Pourquoi, mon cœur s'est comprimé en le voyant avec elle ? Pourquoi, ce sentiment que je ne voulais plus ressentir, celui qui vous tue de l'intérieur, la jalousie, refait surface ?

— Tu as choisi ? me demande-t-elle.

— Pas encore, je détaillais les lieux en t'attendant ! Et j'aurai pas dû !

— Pourquoi tu dis ça ? Et tout en me disant cela, elle fait un tour d'horizon et se fige quand elle voit qui est là en train de déjeuner. Je vois. Et si tu me racontais, vos petits déjeuners en tête à tête...

Je commence à lui répondre, quand le serveur arrive pour prendre notre commande, nous choisissons toutes les deux le menu du jour.

— Deux riz venere à la crème de saumon et langoustine, et en dessert l'assortiment de Tiramisu, au coco, nutella et classique. Carlotta le remercie, et me demande de continuer.

— Que veux tu savoir ? Nous nous sommes retrouvés par hasard un matin très tôt, et c'est devenu en quelque sorte notre rituel, chacun à notre tour nous apportons de quoi prendre un petit déjeuner ! Rien de plus concierge, lui dis-je gentiment.

— Alors pourquoi, si il n'y a rien de plus, il te dévore des yeux depuis tout à l'heure, et que l'autre garce parle dans le vide ?

Je tourne ma tête, dans sa direction et effectivement Lisandro a ses yeux braqués sur moi, et la sensation qu'il me caresse avec, me fait serrer les cuisses, et quand il s'en aperçoit, je vois un sourire apparaître sur son magnifique visage, et ses points se contracter. Valeria, lui parle, mais comme il ne lui répond pas, elle tourne la tête dans notre direction et me lance un regard qui m'aurait tué sur place si ses yeux étaient des révolvers.

— Laisse tomber, Carlotta, c'est vrai que Lisandro est un Apollon, dont je pourrai facilement tomber amoureuse, mais je sors d'une histoire qui m'a vraiment blessée, et humiliée, et je ne veux pas retomber amoureuse.

— Ça ma chérie, c'est quelque chose que l'on ne contrôle pas ! Jamais je n'aurai pensé tomber folle amoureuse d'Alessio, et encore moins qu'il le soit aussi ! Et pourtant nous sommes ensemble depuis bientôt trois ans. Tu me raconteras un jour ce qu'il t'es arrivé, pour penser comme ça ?

— Laisse moi encore un peu temps, j'ai été trahie par ma meilleure amie, entre autre, et j'ai dû mal à refaire confiance, mais tu es sur la bonne voie ! la taquiné-je.

— Prends tout le temps qu'il te faut, et quand tu te sentiras prête à le faire, je serai là, et si ça n'arrive pas, c'est pas grave, je prendrai ce que ton amitié veut bien me donner.

— Merci Carlotta, tu es une fille vraiment adorable, et je regrette sincèrement que l'on ne se soit pas connu plus tôt !

Nos plats arrivent, et nous continuons la discussion entre fous rires, provoqués par des anecdotes sur certains employés, ou sur des mannequins, que me relate Carlotta.

— Au fait, tu as réfléchis à ma proposition de colocation ?

— Oui, et j'accepte ! Carlotta tape dans ses mains comme une gamine à qui l'on aurait promis d'aller au concert de son idole, donne moi juste le jour qui t'arrange pour que j'emménage.

— Ce week-end si tu veux, samedi, comme ça le soir tu pourras dormir dans ta nouvelle chambre en rentrant de notre sortie. Enfin, si Lisandro accepte de te le laisser rentrer ! Et elle éclate de rire à sa blague pourrie.

— Je ne te répond même pas !

Nous quittons la Trattoria, non s'en avoir jeter un dernier regard vers la table de Lisandro, à croire qu'il l'a senti, parce que au même moment, il a levé ses yeux et m'a fait un signe de la main.

Cette après midi là, impossible de me concentrer correctement sur mes croquis, alors une fois le patron découpé, de la robe dont Carla a fait un coupe moulage, j'ai quitté l'atelier, et les locaux de Lombardi, pour aller me promener dans Milan, et j'en ai aussi profité pour faire un peu de shopping.

Les paroles de Carlotta tournent en boucles dans ma tête, les gestes de Lisandro qu'il a eu ce matin dans la cuisine apparaissent devant mes yeux, et mon corps, ce traître, réagi à ces pensées.

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