Vingtième Grain

Les yeux de Taehyung se perdaient dans le vide. Perché sur son petit balcon, il repensait encore et encore aux mêmes souvenirs, aux mêmes sourires.

Il avait l’air fragile, pâle, abimé.
En vérité il repensait surtout au petit colis qu’il avait envoyé, il y a deux semaines de cela, sur un coup de tête (et probablement influencé par tout l’alcool qu’il avait consommé, ce qu’il n’était pas sensé faire mais qu’il faisait quand même).
Il disait l’avoir oublié, il disait passer à autre chose. Alors bon sang, pourquoi avait-il envoyé ce foutu colis à son ex… ?

Ses yeux rougis et ses lèvres déchirées, il fixait le vide avec une haine infinie. Il était tellement en colère, tellement énervé contre lui-même et contre le monde entier. Il avait envie de pleurer de rage, et peut-être même voulait-il juste pleurer tout court, mais il ne l’avouerait jamais.

Ses ongles s’enfonçaient répétitivement sur le dos de sa main, un geste nerveux assez discret qu’il avait développé ces derniers mois et qui laissait toujours ses mains couvertes de plaies douloureuses.
Ça faisait plusieurs semaines qu’il avait beaucoup moins de shootings prévus, et même si son agente refusait encore de lui avouer il sentait que le monde avait déjà détourné les yeux de lui, lassé par son apparence qui se dégradait peu à peu.
Sur les réseaux sociaux, il était embarqué dans toutes les rumeurs, et un des vagues de haine le pointaient du doigt.

Il savait bien que le label qui l’avait engagé était déçu : il avait été choisi pour son visage, la première pub qu’il avait fait avait affiché son visage partout dans le monde.
Et pourtant, ils en avaient eu marre de lui tout d’un coup, et ça lui faisait mal de se savoir si éphémère. Il commençait sérieusement à douter, et il se sentait tellement fatigué qu’il n’avait même plus l’énergie de se mettre lui-même derrière la caméra.

Ça lui manquait.

Heureusement qu’il avait Yeontan à ses côtés, dans l’appartement, parce qu’il était persuadé qu’il aurait déjà fait un burn-out depuis longtemps s’il avait été seul.

Bordel, il n’était pas en train de tomber malade, quand même ?
Il mit sa main écorchée contre son front transpirant. Et il revit encore Jungkook l’engueuler parce qu’il oubliait souvent de se couvrir quand il restait sur le balcon pendant des heures.

Bien évidemment, le balcon ne faisait pas la moitié de celui dont il profitait actuellement, mais il était tellement plus rassurant. Plus perché, plus haut, plus familier.

Parce que depuis qu’il vivait ici, il avait la désagréable impression d’être à l’hôtel en permanence, de ne jamais être chez lui. Et même si une part de son esprit lui hurlait à plein poumons que c’était parce que Jungkook était sa maison, il continuait de le nier et de se dire qu’il fallait juste qu’il s’y habitue.
Alors le voilà, gelé, le ventre vide, les cheveux emmêlés par le vent, les yeux volant au-dessus d’une ville qu’il n’arrivait pas à aimer, sur un balcon trop grand. Seul, même dans cette ville immense.

- Tae ?

Il entendit clairement l’autre l’appeler mais ne fit pas un mouvement.
Les pas se rapprochèrent, et une petite boule de poil lui sauta sur les mollets. Il se baissa, le visage éclairé, avant de prendre son chien dans ses bras et de le couvrir de baisers. Etouffé d’amour, l’adorable chien se mit à japper, ce qui fit rire son propriétaire.

- Tae tu fous quoi ?

Ses lèvres formèrent à nouveau une sévère ligne droite alors qu’il releva la tête vers celui qui se tenait à l’entrée du balcon.

Mais il ne dit rien, passant devant l’autre avec son chien dans les bras : il n’avait pas envie de lui parler, ni d’entendre sa voix rauque, ni de se blottir contre son corps froid dans l’espoir d’y trouver un peu de chaleur.
Mais son colocataire l’empêcha de partir plus loin en lui attrapant le bras de sa poigne trop ferme. Il glapit, et le chien sauta de ses bras. Il se retourna vers l’autre, et lâcha, le ton brûlant de colère :

- Mais bordel, lâche-moi, connard !

Le visage de son vis-à-vis se tordit d’un rictus effrayant alors qu’il resserrait sa prise sur le bras faible de Taehyung.

- Tu vas me faire le plaisir de baisser d’un ton, pour commencer. Je sais pas si t’as juste pris la grosse tête, mais rappelle toi que t’es personne. Ils vont te jeter à la poubelle dès qu’ils auront trouvé une autre poupée gonflable tout comme toi, mais en mieux. Et j’te rappelle que je suis ici autant chez moi que toi, donc tu la fermes et tu réponds correctement quand j’te parle. Je paye le véto pour ton putain de clébard, donc tu devrais plutôt être en train de m’écarter les jambes pour me remercier si t’avais un minimum d’intelligence.

- T’es complètement malade ! Mais t’entends ce que tu dis, au moins ? Tu me donnes envie de vomir, t’es atroce ! Je sais même oas ce que je fous avec toi, on sait tous les deux qu’on s’utilise et c’est toi qui insiste pour l’emmener à chaque fois, je te dois rien !

- Je pense que tu comprends juste pas. C’est moins qui pose les règles, c’est moi qui te dicte quoi faire. T’as rien a dire, et tu ferais mieux de te tenir à ça parce que sinon ça va très, très mal finir pour toi.

Sa voix s’était faite beaucoup plus menaçant alors qu’il avait rapproché son visage de celui du mannequin. Et ce dernier, même s’il tentait de ne pas le laisser paraître, était absolument terrifié. Ses jambes tremblaient, des frissons se glissaient dans son dos et il mordait si fort l’intérieur de sa joue qu’il saignait, mais il tentait de se composer et de rester neutre.

Et puis, l’autre se rapprocha encore, le regard toujours enflammé de cette étincelle de folie incontrôlable qui le terrifiait tant, et il paniqua. Il avança son genou avec une force qu’il ne se connaissait pas vers l’entrejambe de son agresseur qui ne l’avait pas vu venir, tandis que l’autre se tordait de douleur, il s’enfuit en courant vers la salle de bain où il s’enferma.

Pendant quelques minutes, il calma sa respiration en pensant que cette dispute, une des plus violentes qu’ils n’aient jamais eu, allait s’arrêter là. Et puis, soudain, une masse s’écrasa avec force contre la porte de la salle de bain craqua dans un bruit terrible.

Des sueurs froides secouaient le corps tremblant de Taehyung alors qu’il sortait de sous le placard le sac à dos rempli d’affaires d’urgence qu’il devait toujours avoir de prêt au cas où il était appelé à la dernière minute pour remplacer un autre mannequin.

Quand on lui avait dit de faire ça, il avait ri, la première fois, et pourtant il était bien content de l’avoir maintenant, même si le sac ne contenait que les premières nécessités. 

Et puis, l’autre fit une dernière tentative et la porte s’expulsa de ses gonds, à quelques centimètres à peine du blond qui la fixa avec un air effaré.

L’homme qui se tenait derrière n’avait plus rien de l’homme qu’il avait à peine connu : en fait, il n’avait plus rien d’un homme. C’était un homme, un taureau, un démon, tout, mais pas un homme.

Tout en sachant qu’il n’avait qu’une seule chance, Taehyung s’élança vers la porte, son maigre sac pressé contre sa poitrine, bousculant le plus grand dans l’idée d’atteindre la porte.
Une douleur atroce lui lacéra soudain le crâne alors que son bourreau le rattrapait par les cheveux, et le tirait vers lui. Il tomba au sol, La tête maintenant au pieds de son bourreau qui le tenait toujours par les cheveux.

Il leva les yeux avec panique.

Un couteau.
L’autre tenait dans sa main un putain de couteau.

La lame crantée brillait de milles feux sous les lumières tamisées du soir, et il s’imagina un instant se jeter dessus. Mais un certain sourire lumineux lui revint en mémoire, et sans trop y réfléchir il enfonça à nouveau son poing dans l’entrejambe de son ancien partenaire qui grogna, et qui lâcha son arme.

Le blond se jeta sur le couteau d’acier et l’agrippa du bout des doigts, par la lame, se coupant profondément au passage. Il le leva aussitôt au-dessus de sa tête, coupant tant bien que mal les cheveux que tenaient encore l’autre monstre dans sa main.
Tout se passa si vite qu’il ne réfléchit même plus, le cerveau en état d’urgence le faisant ensuite détaler vers la porte d’entrée le plus vite possible avant de courir vers les escaliers qu’il détala comme un lapin, manquant de tomber un millier de fois.

Son inconnu froid ne chercha même pas à le rattraper, mais il était bien trop occupé à courir dans les rues comme un dératé pour le réaliser.

Et c’est ce soir-là, la main en sang, les poumons en feu et l’esprit noyé de frayeur que Taehyung décida finalement de mettre fin à son contrat et de rentrer chez lui.

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Hello hello !
J'espère que vous allez bien !

Ce chapitre était très dur à écrire (en plus de ça l'inconnu n'a justement pas de nom puisque je me refusait de laisser ce rôle à qui que ce soit donc j'espère que c'était pas trop répétitif). Aussi, vu que j'écris sur Word maintenant je dois tout re-espacer sur Watty donc j'espère que c'était assez fluide...

Je me sens mieux, plus inspirée, mon lycée est génial mais j'ai pas mal de boulot vu que je suis en section internationale. Heureusement j'ai l'ordi maintenant donc j'arrive à écrire plus !

J'ai une crush aussi, et elle est tellement merveilleuse que ça m'inspire vraiment.

Ça fait du bien.

Merci encore de lire, j'aime bien ce chapitre malgré sa noirceur parce qu'il marque un peu le tournant vers la deuxième partie de l'histoire, donc j'espère que ça vous plait aussi !

Prenez soin de vous : vous êtes merveilleux n'en doutez pas.

On va y arriver.

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